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ELLES_LE LE GARDE GARDE-ROBE ROBE DE FRÉDÉRIQUE DE FRÉDÉRIQUE — FICTION<br />

Le moment présent?<br />

Le Garde-Robe est rempli à craquer.<br />

C’est un vendredi soir au rythme du<br />

disco, <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s sont fringuées et <strong>le</strong>s<br />

commandes se multiplient à une<br />

vitesse vertigineuse. Fred ne sait plus<br />

où donner de la tête. Sa nouvel<strong>le</strong> partenaire<br />

de travail, Justine, n’est pas encore<br />

tout à fait habituée. «J’en reviens<br />

pas, y’a bien du monde.» Fred réplique:<br />

« Oui, et la soirée ne fait que commencer!<br />

»<br />

Justine, bel<strong>le</strong> brune aux yeux verts, vient<br />

juste d’arriver de Québec, el<strong>le</strong> ne connaît<br />

pas grand-monde et s’acclimate <strong>le</strong>ntement<br />

à sa nouvel<strong>le</strong> vie. Les deux fil<strong>le</strong>s<br />

courent d’un bout à l’autre du bar, tandis<br />

que <strong>le</strong>s clientes portent un intérêt particulier<br />

à Justine, la nouvel<strong>le</strong>… « Je pense<br />

que tu viens de te faire déloger de ton<br />

trône! » dit Camil<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> creux de<br />

l’oreil<strong>le</strong> de Fred tout en l’embrassant.<br />

Fred la regarde avec un sourire amusé en<br />

lui rendant son baiser. «C’est <strong>le</strong> rush, je<br />

n’aurai pas beaucoup de temps pour toi<br />

ce soir.» Camil<strong>le</strong> soupire. «Quel dommage!<br />

Dire que je suis ta plus grande<br />

admiratrice, je vais prendre mon mal en<br />

patience.» Une heure plus tard, <strong>le</strong> rush<br />

terminé, Fred et Justine commencent à<br />

souff<strong>le</strong>r un peu. «Justine, je te présente<br />

ma blonde, Ca-mil<strong>le</strong>.» «Salut!» «Alors, <strong>le</strong><br />

changement de vil<strong>le</strong> se passe bien?» Justine<br />

hoche de la tête et retourne servir<br />

Rencontres socia<strong>le</strong>s pour<br />

<strong>le</strong>s gars de la région de<br />

Vaudreuil-Soulanges et <strong>le</strong>s environs.<br />

Bienvenue aux nouveaux amis !<br />

INFO : jeanlaroch@videotron.ca<br />

///////////// 042 FUGUES.COM AVRIL 2013<br />

F<br />

des clientes qui la sollicitent.<br />

Fred regarde sa blonde, interrogative<br />

: «Dis-moi, je pensais<br />

que tu étais claquée et que tu<br />

resterais tranquil<strong>le</strong> à la maison<br />

ce soir?» «Oui, je <strong>le</strong> suis, mais<br />

j’avais envie de te voir, je m’ennuie<br />

de toi ces temps-ci, comme<br />

si tout allait trop vite, entre mes<br />

études et ton court-métrage, on<br />

n’a pas<br />

«Je<br />

plus<br />

suis<br />

<strong>le</strong><br />

désolée,<br />

temps de<br />

je<br />

se<br />

m’ét<br />

cruiser.» «Ah! Ma Camil<strong>le</strong>, tu<br />

es tel<strong>le</strong>ment romantique.» «Je<br />

suis romanesque Fred, c’est différent!»<br />

Fred éclate de rire. «Toi et <strong>le</strong>s mots! Ça<br />

veut dire la même chose!» Fred retourne<br />

momentanément à ses clientes. Camil<strong>le</strong><br />

observe <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s autour d’el<strong>le</strong> : tous ces<br />

regards qui balaient <strong>le</strong> Garde-Robe à la<br />

recherche d’un sourire ou d’un désir, ça<br />

lui rappel<strong>le</strong> bien des souvenirs. El<strong>le</strong><br />

repense à son arrivée à Montréal. Entre<br />

sa première blonde et Frédérique, il y a<br />

eu un monde, comme si sa vie avait été<br />

scindée en deux, et el<strong>le</strong> a tel<strong>le</strong>ment changé.<br />

El<strong>le</strong> veut autre chose maintenant:<br />

s’instal<strong>le</strong>r, construire, se bâtir une maison<br />

et un avenir avec la femme qu’el<strong>le</strong><br />

aime. Justine l’interrompt dans ses pensées.<br />

«Alors, toi et Frédérique, ça fait<br />

longtemps que vous êtes ensemb<strong>le</strong>?»<br />

Camil<strong>le</strong> sourit. «Longtemps, non, un an<br />

et quelques mois, mais ça fait des lunes<br />

qu’on se connaît, depuis <strong>le</strong> secondaire.»<br />

Justine paraît étonnée. «Ah! Oui! Tout ce<br />

temps, mais avez-vous été ensemb<strong>le</strong>?»<br />

«Non, en fait, c’était comme mon premier<br />

amour et on s’est perdues de vue…<br />

Nous nous sommes retrouvées ici.»<br />

«Wow! C’est si romantique!» Fred intervient.<br />

«C’est romanesque, Justine! Après<br />

une quête longue de plusieurs années,<br />

el<strong>le</strong> m’est enfin apparue! J’avais retrouvé<br />

ma princesse!» Camil<strong>le</strong> la regarde, séduite.<br />

«Fred, mon amour, tu exagères.»<br />

Fred éclate de rire «OK, un peu, mais à<br />

peine.» «Et toi, Justine,<br />

la vie amou-<br />

201129<br />

reuse? » Pendant<br />

que Justine raconte<br />

sa dernière relation/<br />

rupture/reprise/<br />

post-rupture à Fred,<br />

tout en servant <strong>le</strong>urs<br />

clientes, Camil<strong>le</strong><br />

plonge dans son univers préféré, celui<br />

des contradictions. El<strong>le</strong> adore être dans<br />

une fou<strong>le</strong> et ne rien dire, juste être là,<br />

surtout ce soir. El<strong>le</strong> pense à sa dernière<br />

conversation avec Fred, la conversation<br />

qu’el<strong>le</strong>s ont baptisée « Dans un futur actualisé<br />

». Camil<strong>le</strong> veut un enfant, pas tout<br />

de<br />

justement<br />

suite, mais<br />

mélange<br />

dans un<br />

toutes<br />

avenir<br />

ces<br />

rapproché,<br />

catég<br />

Fred veut un enfant mais dans un futur<br />

plus lointain. El<strong>le</strong>s veu<strong>le</strong>nt un enfant ensemb<strong>le</strong>,<br />

<strong>le</strong> problème est plutôt d’ordre<br />

temporel. Fred s’approche. « À quoi tu<br />

penses, ma rêveuse? » « Devine? Je rêve<br />

de notre vie! » Fred aime Camil<strong>le</strong> plus<br />

que tout, mais el<strong>le</strong> se demande pourquoi<br />

el<strong>le</strong> a ce besoin de vouloir rêver à ce que<br />

sera <strong>le</strong>ur vie dans cinq ans alors que tout<br />

est parfait maintenant. «Camil<strong>le</strong>, tu<br />

penses encore à ça? On a dit qu’on en<br />

repar<strong>le</strong>rait dans un an, est-ce qu’on peut<br />

profiter du moment au lieu de faire des<br />

plans familiaux pour dans dix ans?»<br />

Camil<strong>le</strong> lève <strong>le</strong>s yeux au ciel. «Fred, je ne<br />

fais pas de plan pour dans dix ans, je<br />

pense juste que c’est important de savoir<br />

qu’on veut <strong>le</strong>s mêmes choses, maintenant,<br />

c’est une question de prévoyance!»<br />

Fred la regarde en souriant.<br />

«Prévoyance? Comme une assurance? On<br />

prévoit <strong>le</strong>s intempéries?» «Non! T’es de<br />

mauvaise foi, je veux juste savoir si on<br />

veut toute <strong>le</strong>s deux…» «Mon amour, on<br />

veut toute <strong>le</strong>s deux un enfant, un jour, et<br />

tu <strong>le</strong> sais. On peut se faire des plans pour<br />

la semaine prochaine?» Camil<strong>le</strong> ne dit<br />

rien, el<strong>le</strong> se lève et embrasse Fred tendrement.<br />

«Je vais rentrer, je vais al<strong>le</strong>r<br />

planifier <strong>le</strong> reste de ma soirée et de ta<br />

nuit! C’est assez court terme pour toi?»<br />

Frédérique va reconduire sa blonde au<br />

vestiaire. «Je t’aime et, en ce moment, je<br />

ne peux imaginer ma vie sans toi, mais<br />

on ne peut pas tout prévoir, pour <strong>le</strong> reste,<br />

ce n’est qu’une question de temps.»<br />

Camil<strong>le</strong> serre Frédérique très fort. «Moi<br />

aussi, je t’aime, viens me rejoindre dans<br />

un avenir très très rapproché.» Frédérique<br />

retourne à son bar. Justine, je vais<br />

téléphoner à Jonathan pour qu’il ferme<br />

avec toi, ça te va?» «Oui, pourquoi?»<br />

Fred ne dit rien. El<strong>le</strong> doit partir; el<strong>le</strong> a<br />

très envie de vivre <strong>le</strong> moment présent!<br />

6 JULIE BEAUCHAMP<br />

frederique.garderobe@gmail.com<br />

PHOTO_ROBERT LALIBERTÉ

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