Une différence marquée Souffrant de surdité depuis la naissance, Philippe a rapidement dû s’adapter aux réalités de sa différence. Il porte des appareils qui lui permettent d’entendre (sans ses appareils, il entend moins de 10% des bruits ambiants), et il pratique la <strong>le</strong>cture labia<strong>le</strong> pour l’appuyer dans <strong>le</strong>s situations plus bruyantes. Questionné sur l’impact de ce handicap dans sa vie, Philippe est plutôt philosophe. « C’est certain que ça n’a pas toujours été faci<strong>le</strong>. C’est une partie de qui je suis, mais ce n’est pas tout. Dans une certaine mesure, cela a forgé ma personna-lité et mon caractère. De toute manière, mon handicap ne m’a pas empêché de développer mon potentiel et de prendre ma place dans la société. » Des études universitaires, dès l’an prochain, devraient <strong>le</strong> mener dans <strong>le</strong> domaine de la santé, que ce soit en chiropraxie, en physiothérapie ou en kinésiologie. Une occasion pour ce jeune homosexuel de vivre d’autres expériences, ail<strong>le</strong>urs qu’au Saguenay. Il a cependant certaines réserves sur l’exil des jeunes vers la métropo<strong>le</strong>. « Selon moi, <strong>le</strong> secret n’est pas nécessairement dans <strong>le</strong>s grands centres. Je ne crois pas avoir besoin de cette réalité pour me sentir accepté. Je m’entoure de gens qui m’acceptent et m’encouragent, que ce soit ma famil<strong>le</strong> ou mes amis », de conclure Philippe, confiant et positif pour <strong>le</strong>s prochains mois. 6 OLIVIER GAGNON Vous pouvez suivre Philippe via sa page Facebook www.facebook.com/fil.ouel<strong>le</strong>t 212055
ELLES_LE LE GARDE GARDE-ROBE ROBE DE FRÉDÉRIQUE DE FRÉDÉRIQUE — FICTION Le moment présent? Le Garde-Robe est rempli à craquer. C’est un vendredi soir au rythme du disco, <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s sont fringuées et <strong>le</strong>s commandes se multiplient à une vitesse vertigineuse. Fred ne sait plus où donner de la tête. Sa nouvel<strong>le</strong> partenaire de travail, Justine, n’est pas encore tout à fait habituée. «J’en reviens pas, y’a bien du monde.» Fred réplique: « Oui, et la soirée ne fait que commencer! » Justine, bel<strong>le</strong> brune aux yeux verts, vient juste d’arriver de Québec, el<strong>le</strong> ne connaît pas grand-monde et s’acclimate <strong>le</strong>ntement à sa nouvel<strong>le</strong> vie. Les deux fil<strong>le</strong>s courent d’un bout à l’autre du bar, tandis que <strong>le</strong>s clientes portent un intérêt particulier à Justine, la nouvel<strong>le</strong>… « Je pense que tu viens de te faire déloger de ton trône! » dit Camil<strong>le</strong> dans <strong>le</strong> creux de l’oreil<strong>le</strong> de Fred tout en l’embrassant. Fred la regarde avec un sourire amusé en lui rendant son baiser. «C’est <strong>le</strong> rush, je n’aurai pas beaucoup de temps pour toi ce soir.» Camil<strong>le</strong> soupire. «Quel dommage! Dire que je suis ta plus grande admiratrice, je vais prendre mon mal en patience.» Une heure plus tard, <strong>le</strong> rush terminé, Fred et Justine commencent à souff<strong>le</strong>r un peu. «Justine, je te présente ma blonde, Ca-mil<strong>le</strong>.» «Salut!» «Alors, <strong>le</strong> changement de vil<strong>le</strong> se passe bien?» Justine hoche de la tête et retourne servir Rencontres socia<strong>le</strong>s pour <strong>le</strong>s gars de la région de Vaudreuil-Soulanges et <strong>le</strong>s environs. Bienvenue aux nouveaux amis ! INFO : jeanlaroch@videotron.ca ///////////// 042 FUGUES.COM AVRIL 2013 F des clientes qui la sollicitent. Fred regarde sa blonde, interrogative : «Dis-moi, je pensais que tu étais claquée et que tu resterais tranquil<strong>le</strong> à la maison ce soir?» «Oui, je <strong>le</strong> suis, mais j’avais envie de te voir, je m’ennuie de toi ces temps-ci, comme si tout allait trop vite, entre mes études et ton court-métrage, on n’a pas «Je plus suis <strong>le</strong> désolée, temps de je se m’ét cruiser.» «Ah! Ma Camil<strong>le</strong>, tu es tel<strong>le</strong>ment romantique.» «Je suis romanesque Fred, c’est différent!» Fred éclate de rire. «Toi et <strong>le</strong>s mots! Ça veut dire la même chose!» Fred retourne momentanément à ses clientes. Camil<strong>le</strong> observe <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s autour d’el<strong>le</strong> : tous ces regards qui balaient <strong>le</strong> Garde-Robe à la recherche d’un sourire ou d’un désir, ça lui rappel<strong>le</strong> bien des souvenirs. El<strong>le</strong> repense à son arrivée à Montréal. Entre sa première blonde et Frédérique, il y a eu un monde, comme si sa vie avait été scindée en deux, et el<strong>le</strong> a tel<strong>le</strong>ment changé. El<strong>le</strong> veut autre chose maintenant: s’instal<strong>le</strong>r, construire, se bâtir une maison et un avenir avec la femme qu’el<strong>le</strong> aime. Justine l’interrompt dans ses pensées. «Alors, toi et Frédérique, ça fait longtemps que vous êtes ensemb<strong>le</strong>?» Camil<strong>le</strong> sourit. «Longtemps, non, un an et quelques mois, mais ça fait des lunes qu’on se connaît, depuis <strong>le</strong> secondaire.» Justine paraît étonnée. «Ah! Oui! Tout ce temps, mais avez-vous été ensemb<strong>le</strong>?» «Non, en fait, c’était comme mon premier amour et on s’est perdues de vue… Nous nous sommes retrouvées ici.» «Wow! C’est si romantique!» Fred intervient. «C’est romanesque, Justine! Après une quête longue de plusieurs années, el<strong>le</strong> m’est enfin apparue! J’avais retrouvé ma princesse!» Camil<strong>le</strong> la regarde, séduite. «Fred, mon amour, tu exagères.» Fred éclate de rire «OK, un peu, mais à peine.» «Et toi, Justine, la vie amou- 201129 reuse? » Pendant que Justine raconte sa dernière relation/ rupture/reprise/ post-rupture à Fred, tout en servant <strong>le</strong>urs clientes, Camil<strong>le</strong> plonge dans son univers préféré, celui des contradictions. El<strong>le</strong> adore être dans une fou<strong>le</strong> et ne rien dire, juste être là, surtout ce soir. El<strong>le</strong> pense à sa dernière conversation avec Fred, la conversation qu’el<strong>le</strong>s ont baptisée « Dans un futur actualisé ». Camil<strong>le</strong> veut un enfant, pas tout de justement suite, mais mélange dans un toutes avenir ces rapproché, catég Fred veut un enfant mais dans un futur plus lointain. El<strong>le</strong>s veu<strong>le</strong>nt un enfant ensemb<strong>le</strong>, <strong>le</strong> problème est plutôt d’ordre temporel. Fred s’approche. « À quoi tu penses, ma rêveuse? » « Devine? Je rêve de notre vie! » Fred aime Camil<strong>le</strong> plus que tout, mais el<strong>le</strong> se demande pourquoi el<strong>le</strong> a ce besoin de vouloir rêver à ce que sera <strong>le</strong>ur vie dans cinq ans alors que tout est parfait maintenant. «Camil<strong>le</strong>, tu penses encore à ça? On a dit qu’on en repar<strong>le</strong>rait dans un an, est-ce qu’on peut profiter du moment au lieu de faire des plans familiaux pour dans dix ans?» Camil<strong>le</strong> lève <strong>le</strong>s yeux au ciel. «Fred, je ne fais pas de plan pour dans dix ans, je pense juste que c’est important de savoir qu’on veut <strong>le</strong>s mêmes choses, maintenant, c’est une question de prévoyance!» Fred la regarde en souriant. «Prévoyance? Comme une assurance? On prévoit <strong>le</strong>s intempéries?» «Non! T’es de mauvaise foi, je veux juste savoir si on veut toute <strong>le</strong>s deux…» «Mon amour, on veut toute <strong>le</strong>s deux un enfant, un jour, et tu <strong>le</strong> sais. On peut se faire des plans pour la semaine prochaine?» Camil<strong>le</strong> ne dit rien, el<strong>le</strong> se lève et embrasse Fred tendrement. «Je vais rentrer, je vais al<strong>le</strong>r planifier <strong>le</strong> reste de ma soirée et de ta nuit! C’est assez court terme pour toi?» Frédérique va reconduire sa blonde au vestiaire. «Je t’aime et, en ce moment, je ne peux imaginer ma vie sans toi, mais on ne peut pas tout prévoir, pour <strong>le</strong> reste, ce n’est qu’une question de temps.» Camil<strong>le</strong> serre Frédérique très fort. «Moi aussi, je t’aime, viens me rejoindre dans un avenir très très rapproché.» Frédérique retourne à son bar. Justine, je vais téléphoner à Jonathan pour qu’il ferme avec toi, ça te va?» «Oui, pourquoi?» Fred ne dit rien. El<strong>le</strong> doit partir; el<strong>le</strong> a très envie de vivre <strong>le</strong> moment présent! 6 JULIE BEAUCHAMP frederique.garderobe@gmail.com PHOTO_ROBERT LALIBERTÉ
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