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LA PLANÈTE MODE DE JEAN PAUL GAULTIER , JUSQU’AU 2 OCTOBRE<br />
TOUT L’UNIVERS DU GÉNIAL COUTURIER<br />
«Je croyais que l’on entrait dans <strong>le</strong>s musées qu’après notre mort.<br />
C’est pour cela que je n’ai jamais pensé à faire une rétrospective<br />
de mon travail». C’est par cette phrase que Jean Paul Gaultier<br />
s’est adressé aux journalistes qui s’étaient précipités au Musée<br />
des beaux-arts de Montréal pour l’entendre. L’homme n’est pas<br />
dans <strong>le</strong> passé mais dans l’avenir. À l’image de ses créations qui<br />
mê<strong>le</strong>nt génia<strong>le</strong>ment l’histoire, l’humour, la dérision, la classe, la<br />
beauté, <strong>le</strong> rêve… et <strong>le</strong>s contes de fées. À l’image de sa vie aussi.<br />
Qui aurait cru que ce parisien, après un court passage chez <strong>le</strong>s<br />
plus grands (Cardin, Esterel, Patou), lancerait un jour sa propre<br />
col<strong>le</strong>ction mais sans argent. Du prêt-à-porter, des lieux insolites<br />
et peu chers pour <strong>le</strong>s défilés, des mannequins gratuits, tout ce<br />
qui lui faisait obstac<strong>le</strong>, Jean Paul Gaultier <strong>le</strong> retournera pour s’en<br />
servir. Il déteste <strong>le</strong>s codes et <strong>le</strong>s conventions, non pas par provocation,<br />
mais parce qu’il sait que tout est relatif. De ses débuts<br />
presque confidentiels, <strong>le</strong> créateur ne garde aucune amertume et<br />
ne joue pas la carte de celui qui a dû en baver. Bien au contraire.<br />
Pour lui, il y a avant tout du jeu et du plaisir. «Il faut oser s’habil<strong>le</strong>r<br />
comme on <strong>le</strong> souhaite, et sortir des modes, ou encore des<br />
corps tels qu’ils nous sont présentés. Il faut se donner cette<br />
liberté, exprimer ses différences », ajoute celui qui donnera ses<br />
<strong>le</strong>ttres de nob<strong>le</strong>sse au chandail marin rayé. L’exposition dont la<br />
scénographie a été confiée au québécois Denis Mar<strong>le</strong>au sous <strong>le</strong>s<br />
hospices de la directrice et conservatrice du Musée des beauxarts<br />
de Montréal, Nathalie Bondil, n’a rien d’une rétrospective, ni<br />
même d’une visite chronologique suivant <strong>le</strong>s débuts de Jean Paul<br />
Gaultier jusqu’à sa consécration actuel<strong>le</strong>. C’est une plongée sans fi<strong>le</strong>t dans un univers onirique, féérique, magique, surréaliste,<br />
où l’humour et <strong>le</strong>s clins d’œil sont toujours au détour d’un chapeau, d’un accessoire, d’un coup de ciseau.<br />
Les influences de Jean Paul Gaultier sont nombreuses. On y retrouve aussi bien <strong>le</strong> cinéma des années cinquante, et bien<br />
entendu <strong>le</strong>s actrices dont la comédienne française, Micheline Pres<strong>le</strong> à laquel<strong>le</strong> il fera plusieurs fois allusion lors de la conférence<br />
de presse. La musique aussi la musique, <strong>le</strong>s bandes dessinées, et même <strong>le</strong>s séries de télévision et <strong>le</strong>s dessins animés.<br />
En fait tout l’univers de rêve qui a marqué <strong>le</strong> petit garçon dont <strong>le</strong> seul désir était de devenir styliste. L’homme <strong>le</strong><br />
raconte d’ail<strong>le</strong>urs dans l’exposition. Une projection sur <strong>le</strong> visage d’un mannequin montre la tête du couturier qui par<strong>le</strong> de<br />
son travail et exhorte ceux et cel<strong>le</strong>s qui l’écoutent au plaisir et à la liberté. D’autres mannequins, par la même technique,<br />
évoquent l’influence du styliste, par des chansons, des poèmes, des témoignages. Un hymne à l’audace, à la vie, à la différence<br />
ce que retient Nathalie Bondil qui par<strong>le</strong>ra plusieurs fois de l’humanisme du couturier français.<br />
Au-delà de toutes <strong>le</strong>s créations exposées, il y a aussi <strong>le</strong>s photos. Rarement un couturier n’aura vu ses œuvres photographiées.<br />
Les plus grands ont voulu contribuer à accompagner par <strong>le</strong>ur œil la vision esthétique et dérangeante du créateur.<br />
On pense bien entendu à Pierre et Gil<strong>le</strong>s qui depuis la fin des années soixante-dix ont fait appel à Gaultier pour <strong>le</strong>ur<br />
tab<strong>le</strong>au. Le kitch devient gentiment provocant. Les cou<strong>le</strong>urs sont saturées. L’érotisme et la beauté ne sont jamais loin<br />
même dans des représentations d’inspiration religieuse. Car rien n’est tabou pour l’homme au chandail au marin. On peut<br />
toucher à tout à condition d’y mettre un brin de folie, de dérision mais aussi beaucoup de tendresse. Kylie Minogue devient<br />
la vierge aux serpents pour Jean Paul Gaultier. Mais d’autres stars de la scène feront appel à lui pour <strong>le</strong>urs costumes de<br />
scène comme nul<strong>le</strong> autre que Madonna ou encore plus récemment Lady Gaga. Des univers qui sont en fait très proches<br />
du couturier. Au cinéma, il signe <strong>le</strong>s costumes de Victoria Abril dans Kika de Pedro Almodovar. Il retrouvera <strong>le</strong> réalisateur<br />
espagnol pour <strong>le</strong>s costumes de La mauvaise Éducation et sera au côté d’autres réalisateurs comme Peter Greenaway.<br />
Le glamour, <strong>le</strong> kitsch, <strong>le</strong>s pail<strong>le</strong>ttes, la transgression, <strong>le</strong> corps magnifié, rien n’arrête <strong>le</strong> couturier qui fut un des premiers à<br />
remettre la jupe au goût du jour pour <strong>le</strong>s hommes. L’art de Jean Paul Gaultier est une véritab<strong>le</strong> ode à la liberté et à l’imagination<br />
qu’il revendique pour tous et toutes, indépendamment du statut social, de l’âge, du sexe, du genre, ou des origines.<br />
Pour ce faire, <strong>le</strong> Musée des beaux-arts en collaboration avec <strong>le</strong> vo<strong>le</strong>t des Arts carnava<strong>le</strong>nt du Festival Juste pour rire, organise<br />
<strong>le</strong> 16 juil<strong>le</strong>t, <strong>le</strong> Pink Carnaval, dans <strong>le</strong> cadre du festival Juste pour rire, à travers huit tab<strong>le</strong>aux vivants évoquant différentes<br />
facettes de l’œuvre du couturier.<br />
Pour couronner <strong>le</strong> tout, toujours sous l’égide du Musée des beaux-arts, on vient de publier un superbe catalogue, épais<br />
comme un gros dictionnaire (424 pages), qui est <strong>le</strong> premier ouvrage majeur sur Jean Paul Gaultier. Constitué d’essais, d’entrevues,<br />
<strong>le</strong> livre contient un nombre impressionnant de témoignages de personnalités : Madonna, He<strong>le</strong>n Mirren, Catherine<br />
Deneuve, Almodovar, Nico<strong>le</strong> Kidman, Boy George. Bien entendu, l’iconographie tient une place essentiel<strong>le</strong> dans cet ouvrage<br />
de col<strong>le</strong>ction réalisé sous la direction Thierry-Maxime Loriot, commissaire de l’exposition. La planète Jean Paul<br />
Gaultier est la nôtre, dans son regard d’un monde idéalisé, fantasmé qui n’oublie pas pour autant la réalité, et nos préoccupations<br />
de simp<strong>le</strong>s mortels. Une exposition à voir et à revoir. q Denis-Daniel BOULLÉ<br />
LA PLANÈTE JEAN PAUL GAULTIER au Musée des beaux-arts de Montréal<br />
Du 17 juin au 2 octobre 2011. T. 514-285-2000 www.mbam.qu.ca