26.10.2013 Views

Télécharger le pdf - Fugues

Télécharger le pdf - Fugues

Télécharger le pdf - Fugues

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

arts on aime <strong>le</strong>s livres<br />

Deux destins à la fois dissemblab<strong>le</strong>s, mais qui se rejoignent sur certains<br />

points : deux écrivains morts jeunes. Un a vécu en France, au XIXe sièc<strong>le</strong>,<br />

symbo<strong>le</strong> de la jeunesse, de la révolte et de la beauté, à l’œuvre poétique<br />

flamboyante pour laquel<strong>le</strong> chaque <strong>le</strong>cteur a l’impression qu’el<strong>le</strong> a été écrite<br />

pour lui. L’autre, a éga<strong>le</strong>ment connu son époque créatrice au XIXe sièc<strong>le</strong>. Il<br />

était Italien, philosophe et poète, souffreteux, bossu, laid, mais dont tous <strong>le</strong>s<br />

écoliers de l’Italie connaissent <strong>le</strong>s écrits. Deux écrivains qui ont eu chacun<br />

ami proche, même intime, Paul Verlaine pour l’un et Antonio Ranieri pour<br />

l’autre. Leurs histoires sont racontées par deux écrivains connus : Edmund<br />

White et René de Ceccatty.<br />

Il n’est pas surprenant que Rimbaud, au charisme fatal pour tout collégien,<br />

ait séduit <strong>le</strong> jeune Américain Edmund White, à l’ado<strong>le</strong>scence homosexuel<strong>le</strong> malheureuse, frustrée sexuel<strong>le</strong>ment,<br />

taraudée par la honte. White découvre Rimbaud en 1956, décide alors de devenir écrivain, s’identifiant<br />

à ce désir de liber-té qui emportait <strong>le</strong> poète du Bateau ivre et part pour New York.<br />

Cinquante-quatre ans plus tard, soit à 70 ans, il s’embarque presque malgré lui dans une brève biographie<br />

pour la même col<strong>le</strong>ction où il avait pu-blié en 1999 son Marcel Proust (en français, chez Fides, dans<br />

la col<strong>le</strong>ction «Grandes figures, grandes si-gnatures», 2001), intitulé Rimbaud. La doub<strong>le</strong> vie d’un rebel<strong>le</strong>.<br />

S’attachant surtout à la relation de Rimbaud avec Verlaine, poète marié, alcoolique, fou de l’auteur des<br />

Illuminations, cette courte biographie, au sty<strong>le</strong> laconique, tient plus de l’essai (de l’analyse de textes, en<br />

particulier), mais sans aucune note en bas de page ni appareil critique (comme exactement était <strong>le</strong> Marcel<br />

Proust). Jusqu’à l’âge de 21 ans, Arthur Rimbaud est considéré – avant d’être sacré ido<strong>le</strong> après avoir<br />

renié sa poésie pour s’enfuir de la France – dans <strong>le</strong>s cerc<strong>le</strong>s littéraires parisiens comme un mythe : celui<br />

d’un révolté, d’un mal é<strong>le</strong>vé, d’un nomade (il voyage sans cesse avec Verlaine à Bruxel<strong>le</strong>s, à Londres, etc.).<br />

C’est un ado<strong>le</strong>scent sauvage, protégé par sa mère, aimé de sa sœur, qui boit de l’absinthe jusqu’au delirium<br />

tremens. Mais il est beau, mince, avec des yeux b<strong>le</strong>us perçants, avec une abondante chevelure frisée,<br />

avec des bel<strong>le</strong>s lèvres, et on comprend que Paul Verlaine ait quitté sa femme et sa petite fil<strong>le</strong>, pour al<strong>le</strong>r<br />

vivre avec lui et voyager. Entre 16 ans, âge où il rencontre l’auteur de Sagesse, et 21 ans, quand sa relation<br />

se clôt définitivement après d’incessantes querel<strong>le</strong>s et un coup de révolver qui lui b<strong>le</strong>ssera <strong>le</strong> poignet<br />

(Verlaine sera condamné à deux ans de prison), <strong>le</strong> jeune Arthur écrit sa sublime œuvre. C’est cette période<br />

que semb<strong>le</strong> chérir Edmund White en y voyant une relation homosexuel<strong>le</strong> ouverte à la fois par défi et par<br />

audace. Après ces six années de tourments, Rimbaud renonce à l’écriture, part en Afrique et fait du trafic<br />

de café, d’ivoire et d'armes, épisode sur <strong>le</strong>quel s’attarde peu White. Il retournera par urgence en France<br />

où un cancer de la jambe se transformera en cancer généralisé. Il meurt à 37 ans, mais son œuvre est<br />

déjà connue grâce à la dévotion constante de Verlaine qui l’édite.<br />

Giacomo Leopardi aura lui aussi une vie brève (il meurt à 38 ans). Ses essais<br />

et ses poèmes sont érudits pour cet admirateur de Madame de Staël. Son<br />

œuvre la plus connue, un ensemb<strong>le</strong> d’aphorismes, d’impressions, d’observations,<br />

de notes critiques, sera publiée après sa mort sous <strong>le</strong> titre de Zibaldone.<br />

Destin contrarié pour lui aussi, que tente de cerner l’écrivain et critique<br />

français, René de Ceccatty, dans un livre qui tient lui aussi plus de l’essai que<br />

de la biographie, mais en moins sentencieux que celui d’Edmund White. Ce<br />

qui attire l’auteur est la relation comp<strong>le</strong>xe, ambiguë entre Giacomo Leopardi,<br />

presque aveug<strong>le</strong> et au corps déformé (on disait qu’il ressemblait à un crapaud),<br />

et Antonio Ranieri, beau et fringant révolutionnaire engagé dans <strong>le</strong><br />

mouvement de réunification de l’Italie qui quittera tout pour accompagner<br />

l’homme monstrueux, au tempérament saturnien. De cette grande passion<br />

qui <strong>le</strong>s liera tous <strong>le</strong>s deux, l’amour sexuel ne sera jamais consommé. Passion<br />

chaste, dit René de Ceccatty, passion romantique, passion platonique, qui fait<br />

quand même jaser. Étrange histoire, écrit<br />

l’auteur, qui est devenue une part de la<br />

sienne. El<strong>le</strong> demeure encore inexplicab<strong>le</strong><br />

et mystérieuse, et Ceccatty a su, dans un<br />

sty<strong>le</strong> personnel et lyrique, lui donner <strong>le</strong> ton<br />

d’un rêve, d’une irréalité fascinante. q<br />

122 <strong>Fugues</strong>.com juil<strong>le</strong>t 2011<br />

DOUBLE VIE D’UN REBELLE / NOIR SOUCI<br />

ARTHUR ET PAUL,<br />

GIACOMO ET ANTONIO<br />

André ROY<br />

RIMBAUD. LA DOUBLE VIE D’UN REBELLE / Edmund<br />

White, traduction de Daniè<strong>le</strong> Domont, Payot, Paris<br />

2011, 199 p.<br />

NOIR SOUCI / René de Ceccatty, Flammarion, Paris<br />

2011, 268 p.

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!