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Julianne est plantée devant la porte du Garde-<br />

Robe. Une dernière cigarette s’impose avant<br />

qu’el<strong>le</strong> ne fasse son entrée. Il y a fou<strong>le</strong> ce soir<br />

dans <strong>le</strong>s rues, et <strong>le</strong>s fil<strong>le</strong>s se précipitent avec entrain<br />

dans <strong>le</strong>s marches menant au Garde-robe.<br />

Quelques bouffées de nicotine pour lui donner <strong>le</strong><br />

courage d’aborder la femme de ses rêves, qui<br />

sera là ce soir! À l’intérieur, Frédérique s’affaire<br />

dans un rush incroyab<strong>le</strong>, tout <strong>le</strong> monde s’est donné<br />

<strong>le</strong> mot. Le so<strong>le</strong>il attise <strong>le</strong>s âmes chasseresses,<br />

C’EST LA FAUTE À RILKE!<br />

et <strong>le</strong>s bel<strong>le</strong>s ont revêtu <strong>le</strong>ur teint bronzé et <strong>le</strong>ur<br />

sourire de vacancière. La terrasse déborde!<br />

Julianne se fraye un chemin dans la cohorte pour retrouver ses amies, el<strong>le</strong>s sont accotées au bar. «Hey! Mais<br />

qu’est-ce que vous faites là? Vous n’êtes pas sur la terrasse?», s’interroge-t-el<strong>le</strong>. «C’est p<strong>le</strong>in! Y’a du monde. J’ai<br />

jamais vu <strong>le</strong> bar aussi rempli! On va rester ici en attendant que <strong>le</strong>s women ail<strong>le</strong>nt souper!», lui répond un de ses<br />

amies. Julianne commande un verre à Fred, qui la reconnait : «Salut! T’es la copine de Claudie?» «Oui oui, on<br />

s’est rencontré au party chez el<strong>le</strong>. Ça va?», répond Julianne «Oui, bien, c’est la fou<strong>le</strong>?!.. Alors quoi de neuf? As-tu<br />

revu la fil<strong>le</strong> qui te fait battre <strong>le</strong> cœur?» «T’as une bonne mémoire… bien, el<strong>le</strong> est ici ce soir, mais je ne l’ai pas encore<br />

vue», explique Julianne. «Super, t’as un rancard?», lui demande Fred. Julianne la regarde en faisant non de la<br />

tête : «El<strong>le</strong> ne sait pas encore que j’ai un cœur et qu’il sursaute à chaque fois que je l’aper-çois», s’attriste-t-el<strong>le</strong>.<br />

Fred lui sert sa bière en lui disant : «Fonce, t’as rien à perdre!» Julianne se dit intérieurement : «Ouais, mais ça se<br />

peut que je ne lui plaise pas, que mon discours soit trop intense, que nos phérormones soient incompatib<strong>le</strong>s!» El<strong>le</strong><br />

a 35 ans, ses trois dernières années ont été parsemées d’aventures passagères, bur<strong>le</strong>sques et saugrenues. El<strong>le</strong> travail<strong>le</strong><br />

dans une bibliothèque, est une passionnée de poésie et vit avec Éli, sa meil<strong>le</strong>ure amie. Son coming out à 18<br />

ans. Son père lui a posé LA question, à laquel<strong>le</strong> el<strong>le</strong> a répondu timidement «oui». El<strong>le</strong> n’avait aucune envie d’en<br />

par<strong>le</strong>r. Deux ans plus tard, el<strong>le</strong> lui présentait Geneviève. Sa mère, de son côté, attend encore que <strong>le</strong> prince charmant<br />

vienne conquérir sa fil<strong>le</strong>!<br />

El<strong>le</strong> entend derrière el<strong>le</strong> : «Enfin! T’étais où?» Julianne se retourne, Béatrice est arrivée! Wow, qu’el<strong>le</strong> est bel<strong>le</strong><br />

avec ses yeux pairs et ses cheveux fous. Juste entendre sa voix, Julianne en perd la paro<strong>le</strong>. Le défi est de tail<strong>le</strong>. El<strong>le</strong><br />

s’approche : «Salut… je, tu, euh, te souviens-tu de moi, on est voisines?». Béatrice lui sourit : «Bien oui, je sais, ça<br />

va?» Si ça va… «Oui, bien. Et toi? Tu travail<strong>le</strong>s encore au musée?», lui demande-t-el<strong>le</strong>. «Non, j’ai pris une pause, il<br />

faut que je termine mon mémoire. C’est la galère ces temps-ci.» «Ha! Oui, c’est vrai! Les derniers mois qui sont<br />

<strong>le</strong>s plus ardus», acquiesce Julianne. «Oui, disons que ma vie perso en a pris un coup», affirme Béatrice. Julianne<br />

reprend : «J’ai tel<strong>le</strong>ment eu du mal à terminer ma maîtrise, je sais exactement de quoi tu par<strong>le</strong>s.» Béatrice la fixe<br />

avec ses grands yeux : «Tu travaillais sur quoi?» El<strong>le</strong> s’intéresse, c’est bon signe. Julianne va pour répondre quand<br />

une fil<strong>le</strong> surgit de nul<strong>le</strong> part, interrompant <strong>le</strong>ur conversation. Béatrice lui prend <strong>le</strong> bras en signe d’excuse. «Désolée,<br />

j’ai des amies sur la terrasse, on en repar<strong>le</strong> une autre fois», promet-el<strong>le</strong> avant de fi<strong>le</strong>r sans se retourner. Julianne<br />

se sent un peu nul<strong>le</strong>. «Merde! Je ne l’intéresse vraiment pas, mais qu’est-ce que je pensais?» Fred<br />

s’approche : «C’est el<strong>le</strong>?» «Oui c’est el<strong>le</strong>… mais je pense que… en tout cas, el<strong>le</strong> est partie rejoindre ses amies»,<br />

se rembrunit Julianne. Une heure passe sans que Béatrice ne revienne. Julianne refait <strong>le</strong> tour du bar au cas où, el<strong>le</strong><br />

balaie la terrasse du regard. El<strong>le</strong> est sûrement partie. El<strong>le</strong> salue ses amies au bar, el<strong>le</strong> décide de rentrer et va voir<br />

Fred. «C’était <strong>le</strong> fun, te revoir! Je vais partir.» «Et la femme de tes rêves?», s’informe la serveuse. «Je vais justement<br />

la laisser où el<strong>le</strong> était : dans mes rêves!», abandonne-t-el<strong>le</strong>. «Voyons, je vous ai vu discuter!», insiste Fred.<br />

Julianne répond : «On ne peut pas plaire à tout <strong>le</strong> monde.» Béatrice se pointe devant el<strong>le</strong> avec son charmant<br />

sourire : «Tu partais sans me dire… ton sujet de maîtrise?» Julianne reste surprise : «Mon mon sujet… c’était sur<br />

Rilke, <strong>le</strong> poète.» Béatrice s’exclame : «Rilke!» Julianne voit toute la lumière jaillir dans son visage et ne peut s’empêcher<br />

de penser qu’el<strong>le</strong> a vraiment <strong>le</strong>s plus beaux yeux du monde! «J’adore Rilke. J’ai presque tout lu son œuvre.<br />

Il faut que tu me fasses lire ton mémoire!», s’enflamme la bel<strong>le</strong>. Julianne est touchée. Béatrice la bombarde de<br />

questions; el<strong>le</strong> n’a plus <strong>le</strong> même regard.<br />

Il est trois heures du matin, la fou<strong>le</strong> quitte <strong>le</strong>s lieux, Fred ramasse <strong>le</strong>s derniers verres et aperçoit, assise au coin du<br />

bar, une grande brune aux cheveux fous discuter passionnément avec une rêveuse romantique! El<strong>le</strong>s se lèvent<br />

pour quitter alors que Julianne s’approche de Fred, qui lui dit : «Le rêve est devenu réalité?» Julianne rétorque :<br />

«La réalité dépasse la fiction! J’y vais… el<strong>le</strong> m’attend!» En sortant dans la nuit, Julianne lève <strong>le</strong>s yeux vers <strong>le</strong> ciel.<br />

Béatrice lui demande à quoi el<strong>le</strong> pense. «Je me dis que si on est ici en ce moment, c’est un peu la faute à Rilke!»,<br />

lui répond Julianne. Béatrice lui prend <strong>le</strong> bras et lui murmure : «Tu devrais dire que c’est plutôt grâce à Rilke! Et<br />

honnêtement, je ne voudrais pas être ail<strong>le</strong>urs!» q Julie BEAUCHAMP : frederique.garderobe@gmail.com<br />

10 <strong>Fugues</strong>.com juil<strong>le</strong>t 2011<br />

ù PHOTO Robert LALIBERTÉ

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