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arts on aime les livres
ESSAI
CITOYENS INTERDITS : LES MINORITÉS
SEXUELLES DANS LES PAYS MUSULMANS
Afdhera Jama, Le Triadou : H&O, 2010. 218p.
Afdhera Jama est né et a vécu
jusqu’à l’âge de 17 ans en Somalie,
moment où la guerre
civile ravage son pays. Il est
éditeur de la revue Huriyah
(Liberté), un magazine gai
musulman bilingue distribué
un peu partout à travers le
monde en version imprimée et
électronique. Nous n’avons que
peu d’échos des réalités GLBT
des pays musulmans, et il est
trop souvent facile d’oublier les
problématiques de ces derniers.
Certains ouvrages ou articles
furent publiés sur le sujet, mais
toujours rédigés, soit par des hétéros ou par des non
musulmans. Par ailleurs, la plupart du temps, les documents
ainsi publiés révélaient plutôt d’une analyse psychosociale,
avec laquelle le lecteur ne peut que
difficilement établir un contact émotif. Afdhere Jama
s’est donc attaqué à un projet colossal: offrir une vision
intérieure de ces hommes et de ces femmes par l’intermédiaire
de 33 témoignages. Gais, lesbiennes,
bisexuel(le)s, travesti(e)s, transsexuel(le)s, pauvres,
riches, célibataires, en couple: la palette des témoignages
est multiple et nous fait partager les destins
tragiques, heureux, mais toujours empreints de courage,
de ces derniers.Le tout se dévore rapidement et ne
s’avère jamais fastidieux ou lourd. Tout au contraire, la
lecture se révèle à la fois plaisante et intellectuellement
stimulante, puisqu’elle nous permet de plonger à la rencontre
de réalités qui sont à la fois analogues et dissemblables
par rapport aux nôtres. Il est cependant
impossible d’y demeurer indifférent. q Benoît MIGNEAULT
LITTÉRATURE
DANGER@LIAISONS.COM
ROMAN ÉPISTOLAIRE
Don Bapst. Montréal : Éditions Pop
fiction, 2010. 398p. (Col. Homonyme)
Ceux et celles qui ont plongé
avec délice dans le roman de
Choderlos de Laclos, Les Liaisons
dangereuses, publié en
1782, ou dans l’une des multiples
adaptations cinématographiques
(en particulier celle de
Stephen Frears) seront sans
aucun doute intrigués par cette transposition de l’intrigue
à notre époque. N’ayez cependant aucune crainte d’en voir
une version édulcorée puisque l’auteur, Don Bapst, s’intéresse
aux mêmes jeux de manipulation malsaine et la
turpide des intrigues y est décrite dans ses moindres
rouages. On y retrouve les mêmes personnages que dans
le roman original, à l’exception près que ce sont tous
des hommes et que la plupart des noms ont été modifiés
pour répondre au contexte nord-américain. L’action
se déroule dans le milieu des magazines de mode, et
Terry Simms (la marquise de Merteuil) met Victor
Stephens (vicomte de Valmont) au défi de séduire un
homme hétérosexuel, Christophe Tourvel (la présidente
de Tourvel). Pas une simple petite séduction suivie d’une
baise rapide. Non, il faut que ce dernier tombe profondément
amoureux et supplie Victor de lui faire l’amour,
qu’il l’implore de l’enculer. Les mêmes intrigues secondaires
que dans le roman original nous sont présentées:
les deux hommes, par exemple, s’amusent à séduire et à
manipuler les jeunes Jamie Dowling (Cécile de Volanges)
et Peter Marquez (le chevalier Danceny) et n’en font
d’ailleurs qu’une bouchée. Comme dans le roman original,
la conclusion est abrupte et quelque peu judéo-chrétienne
à la «on récolte ce qu’on a semé», mais il serait
malvenu de bouder ainsi le plaisir ainsi procuré.
q Benoît MIGNEAULT
94 Fugues.com NOVEMbrE 2010
UN MAUVAIS FILS
Ilmann Bel. Le Trianou : H&O, 2010.
174p.
Zacharia est un jeune émigré
algérien qui ne rêve que de sortir
de sa petite misère, et ce, par
tous les moyens possibles. Au fil
des désenchantements, il décide
qu’il deviendra une star de
la porno, qu’il fera des films qui
seront vus à travers le monde
ou qu’il deviendra un escorte
de luxe. Le roman nous fait
partager son cheminement, ses
rencontres comme simple pute ou à titre d’escorte, ses
rêves d’histoires d’amour, l’intolérance de certains de ses
proches ainsi que les alliances et amitiés inattendues.
Alors qu’il obtient d’excellentes notes au bac, il se travestit
en rebeu pour attirer les hommes à la recherche
d’une expérience avec un «vrai mâle». La réalité est
cependant bien différente et ses rêves de grandeur se
heurtent à de nombreux obstacles. D’ailleurs, cherche-t-il
vraiment la gloire ou ne serait-ce pas plutôt un désir
d’être simplement heureux dans les bras d’un homme
qui l’aime? L’auteur, Ilmann Bel, a joué dans de nombreux
films gais, dont certains films érotiques, et fut
modèle pour Pierre & Gilles. À la question de savoir s’il
est gai, il répond cependant que ce n’est pas le cas, mais
«qu’il veut juste en avoir l’air». Son roman est cependant
construit à la manière d’un journal personnel,
comme une enfilade d’anecdotes qui se suivent à la
queue leu-leu et on ne peut que se demander ce qui est
du domaine de l’imaginaire et ce qui est de la réalité, ce
qui lui est propre et ce qui est emprunté. L’ensemble
s’avère fort intéressant à lire et nous fait pénétrer au
cœur d’un univers coriace et fragile à la fois.
q Benoît MIGNEAULT
HARD AT WORK
Brad Saunders. New York : Kensington
Books, 2010. 296p
Le narrateur et auteur, Brad
Saunders, nous fait partager
ses rencontres en contexte de
travail avec différents corps
de métier : un déménageur,
un acteur lors d’une évaluation
pour la distribution d’un
film, un acteur porno particulièrement
bien pourvu qui
donne une entrevue en profondeur,
un matelot de pont
turc lors d’une croisière, un écrivain qui travaille en sousvêtement
dans le bâtiment voisin, un décorateur intérieur,
un sommelier, un hôtelier, un pâtissier, etc. Bref,
quinze corps de métiers et quinze corps différents avec
lesquels l’auteur nous fait partager les plaisirs de
toucher à une orientation scolaire différente! L’auteur
est également connu pour un autre recueil de nouvelles
publié en 2009: Men I might have known.
q Benoît MIGNEAULT
BÉDÉS
VIRTUS
Gengoroh Tagame. Le Triadou : H&O,
2010. 128p. (col. Manga)
Une nouvelle bande dessinée
de Gengoroh Tagame à qui l’on
doit l’excellent Goku: L’Île
aux prisonniers. L’action se
déroule dans la Rome antique
des gladiateurs. «Virtus» se
traduit littéralement par virilité,
mais le terme exprime également
des notions de force, de
courage, de valeur, de vertu. C’est ce qui permet parfois
à un esclave de s’élever de sa basse extraction ou, au
contraire, à celui qui en est dépourvu, d’être puni sévèrement.
Gaius est un nouvel esclave capturé pour devenir
gladiateur, mais depuis sa capture, il ne pense qu’à se