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V O L . 2 7 N 0 3 J U - Fugues

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AUTREMENTDIT par Yves Lafontaine<br />

Pas de tolérance<br />

pour les intolérants<br />

Sur le web, la parole homophobe se libère. La tendance, révélée par bien des<br />

observateurs depuis quelques années, se confirme en 2010. Et tous les types de<br />

sites sont concernés. Sans surprise, l'homophobie s'exprime souvent sur des<br />

forums d'inspiration religieuse ainsi que sur ceux des partis et groupuscules<br />

d'extrême-droite. Mais, plus surprenant, elle s’exprime régulièrement sur les<br />

sites de presse. Non pas dans le contenu des articles, mais dans les commentaires<br />

que suscitent les articles touchant, de près ou de loin, l'homosexualité —<br />

on n’a qu’à lire les forums des sites de Tout le monde en parle, de Cyberpresse<br />

ou de Voir.ca. Le temps fort de l’expression homophobe des derniers mois? La<br />

prestation du patineur Johnny Weir et les commentaires déplacés et parfois<br />

homophobes de Goldberg et Maillhot qui ont été rapportés par l’ensemble des<br />

médias, après notre couverture de la question sur <strong>Fugues</strong>.com et les communiqués<br />

du CQGL qui ont dénoncé les commentaires. Sur les sites d'information<br />

relayant la nouvelle, plusieurs internautes se sont livrés à «un concours homophobe<br />

de jeux de mots» du plus mauvais goût sans que les modérateurs ne<br />

croient essentiel d’intervenir.<br />

Pour le meilleur et pour le pire, la multiplication des forums, espaces de commentaires<br />

et réseaux sociaux a libéré la parole des internautes. Même Facebook,<br />

connu pour le bon esprit qui y règne habituellement, n'est pas épargné.<br />

Il ne se passe pas une semaine sans que je sois moi-même sollicité par un<br />

«ami Facebook» pour réagir contre l’ouverture d’une page «Contre l’homosexualité»<br />

ou «Le mariage gay est un non sens». Il y a quelques mois, un<br />

jeune étudiant français a été jusqu'à porter plainte à deux reprises contre le<br />

réseau, pour «complicité d'incitation à la haine et à la violence envers la communauté<br />

homosexuelle». Il avait trouvé des groupes qui appelaient à couper<br />

les mains des gais, d'autres où l'on se donnait rendez-vous pour «casser du<br />

gai». Face à l'absence de réaction des modérateurs auxquels il a signalé ces<br />

groupes, il s'est donc tourné vers la justice. Fait inédit, la justice française a jugé<br />

ses plaintes contre Facebook recevables. L'enquête, menée par la structure de<br />

lutte contre la cybercriminalité, est toujours en cours. Reste qu'aujourd'hui encore,<br />

on peut trouver des groupes anti-gais sur Facebook…<br />

L'inflation de propos homophobes sur Internet s'explique pour une large part<br />

par le sentiment de protection de l'internaute, anonyme derrière son écran.<br />

Sur la Toile, les recours sont souvent malheureusement longs et compliqués,<br />

voire impossible dans le cas de sites hébergés à l'étranger. Cela dit, il ne<br />

faudrait surtout pas baisser les bras. Tout internaute qui relève ce type de propos<br />

peut contacter les services de modération ou d'hébergement du site en<br />

question, voire en faisant un signalement sur un site mis en place à cet effet<br />

par le gouvernement. Il faut garder à l'esprit que, sur Internet comme ailleurs,<br />

l'injure et la diffamation publique sont punies par la loi. Tout comme les<br />

groupes organisés de droite qui veulent tenter de passer leur idéologie, la communauté<br />

LGBT doit sortir d’une certaine torpeur, être plus vigilante, surveiller<br />

les propos homophobes, réagir sur les forums, les blogues, Facebook et autres<br />

moyens, et passer, elle aussi, ses messages et ses valeurs. «Ne pas être tolérant<br />

envers les intolérants» serait une devise à adopter.<br />

•••<br />

«On naît homosexuel, on ne choisit pas de l’être.» Voilà une affirmation qui<br />

pourrait faire grand bruit. Jacques Balthazart est zoologiste de formation, pro-<br />

008 juin 2010 fugues.com<br />

fesseur dans une université belge (à<br />

Liège) et responsable du Groupe de<br />

recherche en neuro-endocrinologie du<br />

comportement. Ce spécialiste des comportements<br />

dits «instinctifs» vient de<br />

publier une Biologie de l’homosexualité.<br />

Encore inédit au Québec, ce livre va<br />

à l’encontre de l’idée selon laquelle<br />

l’orientation sexuelle est essentiellement<br />

le résultat d’apprentissages et<br />

d’interactions sociales qui se déroulent<br />

pendant l’enfance. «L’origine de l’homosexualité<br />

est davantage à chercher<br />

dans la biologie des individus que dans<br />

l’attitude de leurs parents ou dans des<br />

décisions conscientes des sujets concernés»,<br />

affirme l’expert qui travaille<br />

depuis 35 ans sur les mécanismes hormonaux<br />

et nerveux qui contrôlent, notamment,<br />

le comportement sexuel chez<br />

l’animal et l’être humain. Depuis<br />

longtemps, il avait en tête d’écrire sur le<br />

sujet en dépassant le conflit stupide<br />

inné/acquis ou nature/environnement.<br />

Dans cet ouvrage, il démolit les croyances<br />

selon lesquelles l’homosexualité<br />

serait une maladie, une perversion, une<br />

déviance, etc. Lors du lancement de<br />

l’ouvrage, il a adressé un exemplaire de<br />

son livre au primat de Belgique et un<br />

autre au pape Benoit XVI. Ils vont apprécier<br />

le geste, c’est certain...<br />

•••<br />

De manière à sensibiliser le monde du<br />

sport à la nécessité de faire échec à l’homophobie,<br />

la Fondation Émergence a<br />

invité les associations sportives, les<br />

fédérations et d’autres organisations à<br />

adhérer à une déclaration signée par la<br />

ministre de l’Éducation, du Loisir et du<br />

Sport, Michelle Courchesne, et par la<br />

ministre de la Justice et ministre responsable<br />

de la lutte contre l’homophobie,<br />

Kathleen Weil, et qui soutenait<br />

qu’«aucune forme de discrimination<br />

n’a sa place dans le monde du sport». À<br />

une ou deux exceptions près, il n’y a<br />

pas eu de réponse à cette invitation. En<br />

principe, une pareille déclaration aurait<br />

dû recevoir l’adhésion de tous ceux et<br />

de toutes celles qui adhèrent aux<br />

valeurs de notre société. Nous avons affaire<br />

à une discrimination systémique,<br />

où le système se montre plus fort que<br />

les individus. De toute évidence, il s’agit<br />

ici du seul motif interdit de discrimination<br />

prévu par les chartes des droits et<br />

pour lequel la société accepte semblable<br />

indifférence. Pareil comportement est<br />

difficilement explicable dans notre société.<br />

yveslafontaine@fugues.com<br />

Photo : Robert Lalibbeerté

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