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V O L . 2 7 N 0 3 J U - Fugues

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SOLIDAIREMENTVÔTRE! par Steve Foster<br />

Sexualité, religion<br />

et gouvernement…<br />

un ménage à trois explosif<br />

En septembre 2010, le ministère de l’Éducation de l’Ontario devait implanter,<br />

dans le réseau scolaire, une nouvelle version du cours d’éducation<br />

sexuelle dont la dernière mouture remontait à 1998. Je dis bien<br />

devait, car à la fin du mois d’avril, le Premier ministre Dalton McGuinty<br />

a fait marche arrière à la suite de pression de groupes religieux, et ce,<br />

malgré le fait qu’il avait signifié préalablement que personne ne pourrait<br />

se soustraire à ce cours.<br />

Pour les opposants, tels que Jan Bentham du Conseil scolaire catholique<br />

anglophone d'Ottawa, Ekron Malcolm, directeur de l'Institut des valeurs<br />

canadiennes, le Dr Charles McVety, président du Canada Christian College<br />

et célèbre militant conservateur, ainsi que Suad Aimad, president<br />

de l’Association des parents somaliens pour l’éducation, il était hors de<br />

question que des enfants apprennent à utiliser la terminologie exacte<br />

des parties génitales dès la première année. Encore moins que l’on<br />

puisse parler d’homosexualité et de l’identité de genre en troisième<br />

année ou encore aborder le sujet de la masturbation et de la lubrification<br />

vaginale en classe de sixième. Tout comme il était inconcevable de<br />

discuter de rapports anal et buccal avec des jeunes de 12 ans. Bref, pour<br />

eux, la sexualité doit être de la responsabilité des parents et non de<br />

l’école, et ce, au nom des valeurs traditionnelles familiales.<br />

Ce qu’il y a de particulier dans cette levée de bouclier, c’est que chrétiens<br />

et musulmans ont uni leur force pour contester cette réforme.<br />

Imaginez, ceux qui habituellement se tapent sur la gueule dans certains<br />

pays, arrivent ici à coucher dans le même lit. Et le pire, c’est que cette<br />

stratégie aura finalement marché. Que Dieu soit loué!<br />

Mais ce qui surprend davantage, c’est le retournement de veste de la<br />

part du Premier ministre McGuinty. Pourtant son programme reprenait<br />

les grandes lignes du dernier Rapport de l’UNESCO, datant de juin 2009,<br />

Directives internationales sur l’éducation sexuelle : une approche pour<br />

une sexualité harmonieuse et une éducation préventive face au VIH et<br />

les ITS, qui préconise que l’éducation sexuelle en milieu scolaire soit<br />

faite dès la maternelle et que le contenu du programme soit adaptée à<br />

chaque groupe d’âge selon le niveau. Chacune des directives émises<br />

pour le programme est basée sur une revue rigoureuse de 87 études sur<br />

la sexualité à travers le monde, a été rédigée par deux experts majeurs<br />

en matière d’éducation sexuelle, soit le Dr Doug Kirby, spécialisé en<br />

éducation sexuelle pour adolescents, et Nanette Ecker, ancienne directrice<br />

pour la formation et l’éducation au Conseil pour l’Éducation et<br />

l’Information sur la Sexualité des États-Unis.<br />

Autre fait important de ce Rapport de l’UNESCO, il est précisé clairement<br />

que l’éducation sexuelle en bas âge ne mène pas à une activité sexuelle<br />

précoce. Au contraire, elle responsabiliserait les jeunes à retarder leurs<br />

premières expériences sexuelles et à opter pour des pratiques sécuritaires.<br />

Bref, l’éducation sexuelle leur permet d’obtenir une informa-<br />

144 juin 2010 fugues.com<br />

tion scientifiquement éclairée, dénuée de<br />

préjugés — souvent véhiculés par leurs pairs<br />

ou les médias — et appropriée à leur âge.<br />

Alors comment se fait-il que, malgré cela,<br />

des groupes religieux aient réussi à faire<br />

échouer une telle reforme ? Cette victoire au<br />

dépend du gouvernement McGuinty démontre,<br />

une fois de plus, l’influence politique<br />

toujours grandissante des intégristes<br />

du «Bon Dieu» au sein de l’appareil gouvernemental,<br />

qu’il soit provincial ou fédéral,<br />

mais aussi au sein de la société.<br />

Imaginez : un parti dit «libéral» vient de se<br />

mettre à genoux devant le lobby religieux<br />

fondamentaliste. Si cela avait été une politique<br />

du parti Conservateur d’Harper, nous<br />

n’aurions pas été surpris, mais que cela<br />

vienne des leaders d’un parti dont la vision<br />

est issue d’une opposition à l'absolutisme<br />

et au droit divin défendus depuis l’époque<br />

des Lumières, a de quoi rendre perplexe.<br />

Il faut aussi rappeler que, dans son application<br />

au sens large, le libéralisme prône<br />

une société fondée sur la liberté d'expression<br />

des individus dans le respect du droit<br />

du pluralisme et au libre échange des idées.<br />

Donc, sur cette base, ces ayatollahs auraient-ils<br />

le droit de refuser que leurs enfants<br />

reçoivent ce cours d’éducation<br />

sexuelle? Non!<br />

Il suffit de regarder le verdict du juge Jean-<br />

Guy Dubois qui a statué que le cours d’Éthique<br />

et de Culture religieuse, contesté par de<br />

nombreux parents, croyants eux aussi, ne<br />

contrevenait pas à la Charte des droits et<br />

libertés de la personne en matière de liberté<br />

de conscience et de religion. Il a écrit<br />

que « le tribunal ne voit pas comment le<br />

cours d'éthique et de culture religieuse<br />

brime la liberté de conscience et de religion<br />

des demandeurs pour les enfants, alors que<br />

l'on fait une présentation globale de diverses<br />

religions sans obliger les enfants à y<br />

adhérer ».<br />

Le cours d’éducation sexuelle relève de ce<br />

même principe. Ici, il n’est nullement<br />

question d’inciter les jeunes à avoir du<br />

sexe, mais bien à les informer adéquatement<br />

sur les diverses composantes de la<br />

sexualité en plus de faire la prévention, qui<br />

doit-on le rappeler, est plus que nécessaire.<br />

Ici, il est question de santé publique. La<br />

santé c’est le rôle de l’État. En reniant sa<br />

responsabilité, Dalton McGuinty manque à<br />

ses devoirs envers les citoyennes et citoyens,<br />

et ce n’est certes pas le fondamentalisme<br />

religieux avec sa vision obscurantiste de la<br />

sexualité qui pourra y remédier.<br />

Steve FOSTER<br />

Président-directeur général du Conseil québécois<br />

des gais et lesbiennes www.cqgl.ca

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