L'écume des jours - bei Frenetic

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25.10.2013 Views

76 Dossier pédagogique entre eux qui vient d’être célé bré. C’est la manière qui m’a paru la plus juste, la plus sen sible pour mon trer la puis - sance de leur amour. En contre point du motif aqua tique du mariage, j’exploite, pour mon trer ce même état d’ape san teur amou - reuse, le motif aérien dans un pas sage qui pré cède le mariage, celui du pre mier rendez- vous de Colin et Chloé. Ici, je suis resté fi dèle au roman en tra dui sant sim ple ment de manière très phy sique le « nuage rose » qui enve loppe les per son nages à ce moment de leur his toire. Maté riel le - ment, j’ai choisi de le faire comme dans une fête foraine, en accro chant le nuage à une grue. J’avais envie qu’on sente qu’on était avec mes per son nages comme dans Le Voyage en bal lon d’Albert Lamorisse1 , lorsque le petit gar - çon se pro mène avec son grand- père sur une mont gol - fi ère. Albert Lamorisse était pilote d’héli co ptère (il en est mort mal heu reu se ment) et spé cia liste des vues par héli - co ptère. La tech nique crée une sen sa tion très phy sique chez le spec ta teur, sur tout quand on sait que c’est fait « en réel ». Pour moi, cela a consisté à prendre le corps humain, à le mettre au- dessus du sol et à le fi l mer en sur - plomb depuis un héli co ptère. Audrey Tautou, la pauvre, a eu très peur. Elle a accepté de tour ner ainsi la scène parce que je lui ai demandé avec insis tance mais, à 30 mètres du sol, par fois le nuage tan guait et mes acteurs n’étaient pas ras su rés (photo no . 2). 1. Le Voyage en bal lon, réa lisé par Albert Lamorisse et sorti en 1960, per met de mon trer des vues rares de la France sur vo lée par une mont - gol fi ère, du Nord (envol depuis Béthune) jusqu’au Sud (la Camargue), par un grand- père aéronaute- inventeur et son petit- fi ls, qui se hisse clan des ti ne ment à bord, et leur voyage dans la nacelle tan dis que leur méca ni cien suit leur tra jec toire par la route avec mis sion de pré pa rer cha cun de leurs atter ris sages.

L’Écume des jours 77 CB : Après le mariage, l’eau revient de manière néga tive. MG : Oui, elle repré sente un dan ger. Sur le plan tech - nique, j’ai uti lisé l’eau pour mon trer le nénu phar dans le corps de Chloé. On a fabri qué tout un sys tème pour le fi l mer : il fl otte sur une sur face d’eau mon trée ver ti ca - le ment, on ne le voit pas beau coup. L’eau était ini tia le - ment hori zon tale et moi, dans le rôle du doc teur, j’étais accro ché sur un sys tème pour avoir l’air ver ti cal alors que j’étais hori zon tal. Romain Duris, qui avait été fi lmé à la ver ti cale, était pro jeté der rière. C’est très tech nique : je cher chais à obte nir cette espèce de sur face d’eau hori zon - tale qu’on ne voit qua si ment pas mais qui donne un côté irréel à la scène (photo no 3). CB : En dehors de la tech nique, le motif de l’eau en luimême devient mortifère : l’appar te ment du couple devient maré ca geux, Chloé ne peut plus boire, Chick lui- même est mon tré mort en état d’ape san teur dans l’eau alors qu’Alise est sur le point de mou rir par le feu, Colin « tue l’eau » en tirant sur les nénu phars avant, pro ba ble ment, de se noyer… MG : C’est vrai, mais je ne m’explique pas tous ces sym - boles. C’est comme le rêve : en l’expli quant, on passe à côté de la magie. David Lynch refuse d’expli quer ses fi lms. Je ne fais pas le même cinéma que lui, mais je ne m’explique pas tout. Cha cun a une inter pré ta tion per son nelle des sym - boles qui inter viennent dans les rêves. Après la psy cho lo - gie, la psy cha na lyse… Je crois que cela tient aux indi vi dus et il me paraît dif fi cile de dire que tel élé ment repré sente quelque chose de fi xe, d’uni ver sel. Mon expé rience des per - cep tions, que j’explique dans le livre que je viens de faire

L’Écume <strong>des</strong> <strong>jours</strong> 77<br />

CB : Après le mariage, l’eau revient de manière néga tive.<br />

MG : Oui, elle repré sente un dan ger. Sur le plan tech -<br />

nique, j’ai uti lisé l’eau pour mon trer le nénu phar dans<br />

le corps de Chloé. On a fabri qué tout un sys tème pour<br />

le fi l mer : il fl otte sur une sur face d’eau mon trée ver ti ca -<br />

le ment, on ne le voit pas beau coup. L’eau était ini tia le -<br />

ment hori zon tale et moi, dans le rôle du doc teur, j’étais<br />

accro ché sur un sys tème pour avoir l’air ver ti cal alors que<br />

j’étais hori zon tal. Romain Duris, qui avait été fi lmé à la<br />

ver ti cale, était pro jeté der rière. C’est très tech nique : je<br />

cher chais à obte nir cette espèce de sur face d’eau hori zon -<br />

tale qu’on ne voit qua si ment pas mais qui donne un côté<br />

irréel à la scène (photo no 3).<br />

CB : En dehors de la tech nique, le motif de l’eau en luimême<br />

devient mortifère : l’appar te ment du couple devient<br />

maré ca geux, Chloé ne peut plus boire, Chick lui- même est<br />

mon tré mort en état d’ape san teur dans l’eau alors qu’Alise est<br />

sur le point de mou rir par le feu, Colin « tue l’eau » en tirant<br />

sur les nénu phars avant, pro ba ble ment, de se noyer…<br />

MG : C’est vrai, mais je ne m’explique pas tous ces sym -<br />

boles. C’est comme le rêve : en l’expli quant, on passe à côté<br />

de la magie. David Lynch refuse d’expli quer ses fi lms. Je<br />

ne fais pas le même cinéma que lui, mais je ne m’explique<br />

pas tout. Cha cun a une inter pré ta tion per son nelle <strong>des</strong> sym -<br />

boles qui inter viennent dans les rêves. Après la psy cho lo -<br />

gie, la psy cha na lyse… Je crois que cela tient aux indi vi dus<br />

et il me paraît dif fi cile de dire que tel élé ment repré sente<br />

quelque chose de fi xe, d’uni ver sel. Mon expé rience <strong>des</strong> per -<br />

cep tions, que j’explique dans le livre que je viens de faire

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