L'écume des jours - bei Frenetic

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25.10.2013 Views

66 Dossier pédagogique ainsi, aujourd’hui, dans les écoles, alors même que, de son vivant, son écri ture n’a pas été reconnue à sa juste valeur (il n’a pas eu le prix de la Pléiade en 1946). C’est une force de l’Édu ca tion natio nale de pro po ser, dans les pro - grammes, des œuvres aussi libres que celles de Boris Vian. En son absence, il a peut- être atteint une sorte d’aca dé - misme, mais je crois que les ensei gnants qui conti nuent à le faire lire poussent leurs élèves « dans le bon sens ». Sa poé sie est encore actuelle, active, alors que cer tains écri - vains de la même époque sont datés. CB : Avec L’Écume des jours, vous reve nez à Boris Vian après Eternal Sunshine of the Spotless Mind qu’on a dit ins piré de L’Herbe rouge et de L’Arrache- cœur1 ? MG : Pas du tout. À l’ori gine d’Eternal Sunshine of the Spotless Mind, il y a l’idée d’un de mes amis, Pierre Bis - muth, un artiste contem po rain : il vou lait tenter une expé rience qui consis tait à envoyer des cartes à des gens pour les pré ve nir qu’ils avaient été effa cés de la mémoire d’une per sonne de leur entou rage et qu’ils ne devaient plus cher cher à la joindre. J’ai trouvé que c’était une 1. L’Herbe rouge, roman publié par Boris Vian en 1950, met en scène le ouapiti, un objet inso lite, une machine qui per met de détruire les sou ve nirs après les avoir une nou velle fois vécus. L’Arrache- cœur, der nier roman publié par Boris Vian en 1953, raconte, entre autres, l’his toire d’une mère abu sive, Clé men tine, qui a des trubleaux (tri plés) nom més res pec ti ve ment Joël, Noël et Citroën. Or, Eternal Sunshine of the Spotless Mind raconte l’his toire de Joël qui découvre, déses péré, que sa compagne, Clé men tine, a effacé de sa mémoire leur rela tion tumultueuse grâce à un pro cédé inventé par le Doc teur Howard Mierzwiak ; en vou lant subir le même trai te ment, il revit son his toire à l’envers et, tan dis que ses sou ve nirs s’évanouissent, il se rend compte sou dain qu’il aime tou jours Clé men tine.

L’Écume des jours 67 excel lente idée pour un fi lm. On a ren contré un troi sième co scéna riste, Charlie Kaufman, dont je doute qu’il ait lu Boris Vian… Mais ce rap pro che ment ne me choque pas : je pense que tout ce que j’ai mis dans tout ce que j’ai fait a plus ou moins été infl u encé par Boris Vian parce que je l’ai lu, comme tous les ado les cents, à un âge où l’on se forme esthé ti que ment. CB : Effec ti ve ment, on sent, dans votre adap ta tion de L’Écume des jours, une grande affi nité entre votre vision du monde et celle de Boris Vian. On reconnaît ce qu’on a lu, mais, en même temps, cer taines idées, cer taines images émanent mani - fes te ment de vous. Quelle dis tance avez- vous adop tée par rap - port au texte ? MG : J’ai lu Boris Vian ado les cent comme tout le monde, au moment où mon ima gi na tion se concré ti sait, où je commen çais à fabri quer des objets, à des si ner… Or, ce roman- là, L’Écume des jours, montre qu’il est pos sible de créer quelque chose qui fait appel à l’ima gi na tion sans être complè te ment obs cur. C’est une lec ture qui m’a libéré : mon ima gi na tion, ma créa ti vité s’en sont trou vées ren for - cées. Avec Vian, et d’autres évi dem ment aussi, j’ai déve - loppé mon style. D’une cer taine façon, mon uni vers s’est déployé en paral lèle de cette infl u ence pre mière, même s’il s’est enri chi d’autres infl u ences et a évo lué dif fé rem - ment. Dès lors, choi sir de mettre dans le fi lm des images qui ne sont pas celles du livre, mais qui sont issues d’une ima gi na tion qui a été for gée, sti mu lée par la lec ture de Boris Vian, et en par ti cu lier de ce roman, était, pour moi, un moyen de lui rendre hom mage. Et puis c’est ainsi que j’ai vu le roman.

L’Écume <strong>des</strong> <strong>jours</strong> 67<br />

excel lente idée pour un fi lm. On a ren contré un troi sième<br />

co scéna riste, Charlie Kaufman, dont je doute qu’il ait lu<br />

Boris Vian… Mais ce rap pro che ment ne me choque pas :<br />

je pense que tout ce que j’ai mis dans tout ce que j’ai fait<br />

a plus ou moins été infl u encé par Boris Vian parce que<br />

je l’ai lu, comme tous les ado les cents, à un âge où l’on se<br />

forme esthé ti que ment.<br />

CB : Effec ti ve ment, on sent, dans votre adap ta tion de L’Écume<br />

<strong>des</strong> <strong>jours</strong>, une grande affi nité entre votre vision du monde<br />

et celle de Boris Vian. On reconnaît ce qu’on a lu, mais, en<br />

même temps, cer taines idées, cer taines images émanent mani -<br />

fes te ment de vous. Quelle dis tance avez- vous adop tée par rap -<br />

port au texte ?<br />

MG : J’ai lu Boris Vian ado les cent comme tout le monde,<br />

au moment où mon ima gi na tion se concré ti sait, où je<br />

commen çais à fabri quer <strong>des</strong> objets, à <strong>des</strong> si ner… Or, ce<br />

roman- là, L’Écume <strong>des</strong> <strong>jours</strong>, montre qu’il est pos sible de<br />

créer quelque chose qui fait appel à l’ima gi na tion sans être<br />

complè te ment obs cur. C’est une lec ture qui m’a libéré :<br />

mon ima gi na tion, ma créa ti vité s’en sont trou vées ren for -<br />

cées. Avec Vian, et d’autres évi dem ment aussi, j’ai déve -<br />

loppé mon style. D’une cer taine façon, mon uni vers s’est<br />

déployé en paral lèle de cette infl u ence pre mière, même<br />

s’il s’est enri chi d’autres infl u ences et a évo lué dif fé rem -<br />

ment. Dès lors, choi sir de mettre dans le fi lm <strong>des</strong> images<br />

qui ne sont pas celles du livre, mais qui sont issues d’une<br />

ima gi na tion qui a été for gée, sti mu lée par la lec ture de<br />

Boris Vian, et en par ti cu lier de ce roman, était, pour moi,<br />

un moyen de lui rendre hom mage. Et puis c’est ainsi que<br />

j’ai vu le roman.

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