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L’Écume <strong>des</strong> <strong>jours</strong> 59<br />
Mais l’espace et le temps se modi fi ent au cours du<br />
roman en épou sant les bou le ver se ments du récit : ils<br />
semblent aussi vivants que les per son nages et sont bien -<br />
tôt conta mi nés par la mala die de Chloé. Comme le sou -<br />
ligne Jacques Bens, le monde de L’Écume <strong>des</strong> <strong>jours</strong> « est<br />
d’une cohé rence extrême (sans quoi il serait inha bi table,<br />
même pour <strong>des</strong> per son nages de roman), mais ses lois, fon -<br />
da men ta lement dif fé rentes <strong>des</strong> nôtres, ne nous sont pas<br />
toutes connues. D’où vient cet éton ne ment, cette inquié -<br />
tude, cette angoisse que nous res sen tons peu à peu. Nous<br />
compre nons, d’une manière de plus en plus pré cise, que<br />
tout peut arri ver dans ce monde, et, sin gu liè re ment, ce<br />
que nous n’avons pas prévu1 . »<br />
Un espace orga nique et mena çant<br />
Espace du dedans<br />
Les inté rieurs, pour l’essen tiel celui de Colin, sont ini tia -<br />
le ment décrits comme amples, luxueux, lumi neux (il y a<br />
deux soleils qui pénètrent chez le héros) et musi caux. Or,<br />
l’appar te ment du per son nage est conta miné par la nor -<br />
ma li sa tion de sa vie après son mariage et/ou par la mala -<br />
die de Chloé qui y vit aussi désor mais – mais les deux sont<br />
peut- être liés. Dès le len de main de la céré mo nie, la petite<br />
sou ris s’inter roge : « Elle vou lait voir pour quoi les soleils<br />
n’entraient pas aussi bien que d’habi tude, et les engueu -<br />
ler à l’occa sion » (p. 128). L’obs cur cis se ment pro gres sif<br />
de l’appar te ment s’accom pagne, d’une part, de la dis pa -<br />
ri tion de la musique (totale avec la vente du pianocktail<br />
à l’anti quitaire et le dys fonc tion ne ment du pick- up) qui<br />
dit la dis pa ri tion de la joie. D’autre part, à l’obs cu rité et<br />
1. Jacques Bens, Boris Vian, op. cit.