L'écume des jours - bei Frenetic

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25.10.2013 Views

12 Dossier pédagogique D’autre part, le mot désigne ce qui reste à la sur face, ce qui émerge encore après que la vague s’est rom pue : le titre ren ver rait, dès lors, à l’idée du sou ve nir de l’his toire des per son nages, sou ve nir maté ria lisé par le roman, seule trace de la fable qui, pour peu qu’elle soit « entiè re ment vraie, puisque [Boris Vian l’a] ima gi née d’un bout à l’autre 1 », ne serait pas par venu au lec teur sans le livre. Dans tous les cas, la per cep tion du temps évo quée par le titre signi fi e la fra gi lité de l’exis tence et témoigne, de manière poé tique, du pes si misme auquel Boris Vian était enclin. La seule allu sion à l’« écume » dans le roman confi rme cette poly sé mie en dési gnant l’obs tacle qui vient faire prendre un tour nou veau et pathé tique à l’his toire d’amour de Colin et Chloé, obs tacle auquel s’asso cie la résur gence des temps heu reux. Il s’agit du pas sage où le héros, qui vient de retrou ver sa jeune épouse dans leur chambre après qu’elle a fait une syn cope, comprend la gra vité de la mala - die de la femme qu’il aime – ce que le nar ra teur tra duit par la méta phore fi lée sui vante, qui convoque autant les affres à venir que l’état psy chique du per son nage : « À l’endroit où les fl euves se jettent dans la mer, il se forme une barre dif fi - cile à fran chir, et de grands remous écu meux 2 où dansent les épaves. Entre la nuit du dehors et la lumière de la lampe, les sou ve nirs refl uaient de l’obs cu rité, se heur taient à la clarté et, tan tôt immer gés, tan tôt appa rents, mon traient leur ventre blanc et leur dos argenté » (p. 174). Michel Gondry a conservé le titre du roman qu’il adapte. S’il s’agit d’une marque évi dente de fi dé lité à l’œuvre ori gi nelle, le réa li sa teur semble infl é chir L’Écume 1. Avant- propos de L’Écume des jours (p. 20). 2. Je sou ligne.

L’Écume des jours 13 des jours vers l’idée du livre comme sou ve nir de l’his toire1 . En effet, il met en scène l’écri ture du roman dans des séquences récur rentes qui viennent s’inter ca ler entre les scènes du texte prin ceps. Nous y revien drons. Le héros en ouver ture Pro po si tion d’acti vité Si les deux incipits consti tuent un por trait du per son nage prin ci pal, Colin, ils ne le pré sentent pas exac te ment de la même manière. Un tra vail fruc tueux pour rait être mené avec les élèves qui consis te rait, après une lec ture ana ly - tique de la scène, à la leur faire ré écrire sous forme de scé - na rio avant qu’ils comparent leur lec ture visuelle de la scène roma nesque à celle de l’adap ta tion ciné ma to gra phique. L’inci pit du roman [Texte-support : du début, « Colin terminait sa toilette » (p. 21) à « venir en aide » (p. 24)] Nous l’avons dit, lorsque paraît L’Écume des jours, en 1947, la France est encore ébran lée par la Seconde Guerre mon diale et, dans le pes si misme ambiant, l’inté rêt des artistes se porte for te ment sur ce désastre. Or, le livre de Boris Vian opère une rup ture avec l’atmo sphère de l’époque en même temps qu’avec le roman tra di tion nel. Il offre au lec teur un uni vers inso lite et des per son nages jeunes et far fe lus à la recherche du bon heur et de la légè reté de vivre, Colin, notam ment, cen tral dans l’ouver ture qui nous le donne à voir comme un « homme à sa toi lette », détour ne ment paro dique d’une scène de genre, la « femme à sa toi lette », topos présent dans nombre de romans ou de tableaux, à commen cer par ceux de Bonnard. Dès l’inci - 1. Comme mémoire du livre en tant qu’objet (voir l’entre tien p. 70-71).

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D’autre part, le mot désigne ce qui reste à la sur face, ce<br />

qui émerge encore après que la vague s’est rom pue : le titre<br />

ren ver rait, dès lors, à l’idée du sou ve nir de l’his toire <strong>des</strong><br />

per son nages, sou ve nir maté ria lisé par le roman, seule trace<br />

de la fable qui, pour peu qu’elle soit « entiè re ment vraie,<br />

puisque [Boris Vian l’a] ima gi née d’un bout à l’autre 1 »,<br />

ne serait pas par venu au lec teur sans le livre. Dans tous les<br />

cas, la per cep tion du temps évo quée par le titre signi fi e la<br />

fra gi lité de l’exis tence et témoigne, de manière poé tique,<br />

du pes si misme auquel Boris Vian était enclin.<br />

La seule allu sion à l’« écume » dans le roman confi rme<br />

cette poly sé mie en dési gnant l’obs tacle qui vient faire<br />

prendre un tour nou veau et pathé tique à l’his toire d’amour<br />

de Colin et Chloé, obs tacle auquel s’asso cie la résur gence<br />

<strong>des</strong> temps heu reux. Il s’agit du pas sage où le héros, qui<br />

vient de retrou ver sa jeune épouse dans leur chambre après<br />

qu’elle a fait une syn cope, comprend la gra vité de la mala -<br />

die de la femme qu’il aime – ce que le nar ra teur tra duit par<br />

la méta phore fi lée sui vante, qui convoque autant les affres à<br />

venir que l’état psy chique du per son nage : « À l’endroit où<br />

les fl euves se jettent dans la mer, il se forme une barre dif fi -<br />

cile à fran chir, et de grands remous écu meux 2 où dansent les<br />

épaves. Entre la nuit du dehors et la lumière de la lampe,<br />

les sou ve nirs refl uaient de l’obs cu rité, se heur taient à la<br />

clarté et, tan tôt immer gés, tan tôt appa rents, mon traient<br />

leur ventre blanc et leur dos argenté » (p. 174).<br />

Michel Gondry a conservé le titre du roman qu’il<br />

adapte. S’il s’agit d’une marque évi dente de fi dé lité à<br />

l’œuvre ori gi nelle, le réa li sa teur semble infl é chir L’Écume<br />

1. Avant- propos de L’Écume <strong>des</strong> <strong>jours</strong> (p. 20). 2. Je sou ligne.

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