Amnestiy International 2013

Amnesty International est un mouvement mondial regroupant plus de trois millions de sympathisants, membres et militants qui se mobilisent pour le respect et la protection des droits humains universellement reconnus. La vision d’Amnesty International est celle d’un monde où chacun peut se prévaloir de tous les droits énoncés dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains. Amnesty International est un mouvement mondial regroupant plus de trois millions de sympathisants, membres et militants qui se mobilisent pour le respect et la protection des droits humains universellement reconnus. La vision d’Amnesty International est celle d’un monde où chacun peut se prévaloir de tous les droits énoncés
dans la Déclaration universelle des droits de l’homme et dans d’autres instruments internationaux relatifs aux droits humains.

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T éléments de preuve sur lesquels les condamnations étaient fondées avaient été fabriqués de toutes pièces. Liberté d’expression Pratiquement rien n’a été fait pour remédier aux restrictions pesant sur la liberté d’expression dans les médias, et plus généralement dans la société civile. Des poursuites pénales étaient fréquemment engagées contre ceux qui exprimaient des idées dissidentes non violentes, tout particulièrement à propos de questions politiques sensibles, ou qui critiquaient les institutions publiques ou les représentants de l’État. Les personnes qui n’étaient pas dans la ligne officielle sur les droits des Kurdes et la question kurde en général risquaient tout particulièrement de faire l’objet de poursuites pénales. Le Parlement a approuvé en juillet le troisième « paquet judiciaire », qui comprenait une série de dispositions abrogeant ou modifiant certaines lois utilisées pour restreindre la liberté d’expression. Ces réformes n’ont pas modifié les définitions des infractions utilisées pour limiter la liberté d’expression, en particulier celles contenues dans la législation antiterroriste. n En février, le défenseur des droits humains et objecteur de conscience Halil Savda a été incarcéré pour avoir « provoqué l’hostilité de la population à l’égard du service militaire », aux termes de l’article 318 du Code pénal. Condamné à 100 jours d’emprisonnement, il a été remis en liberté conditionnelle en avril. En septembre il s’est vu infliger une amende et a été empêché temporairement de poursuivre sa « marche pour la paix » dans le département d’Osmaniye (sud de la Turquie). En décembre, Halil Savda a été acquitté dans deux procédures distinctes engagées en vertu de l’article 318. Une condamnation prononcée dans une autre affaire au titre du même article du Code pénal était en instance devant la Cour d’appel suprême à la fin de l’année. n Le procès du pianiste Fazıl Say s’est ouvert en octobre. Le parquet avait engagé des poursuites à son encontre en vertu de l’article 216 du Code pénal pour « insulte publique aux valeurs religieuses », à cause de messages diffusés sur Twitter dans lesquels il se moquait de certains religieux et des conceptions musulmanes du paradis. Les journalistes Ahmed Şık et Nedim Şener, qui étaient détenus depuis 375 jours dans l’attente de leur procès, ont été remis en liberté en mars. Les poursuites engagées contre eux et d’autres journalistes aux termes de l’article 220/6 du Code pénal, pour avoir « commis un crime pour le compte d’une organisation terroriste », étaient en cours à la fin de l’année. Ils étaient accusés d’avoir contribué à la stratégie médiatique d’Ergenekon, un réseau criminel présumé qui aurait des ramifications au sein de l’armée et d’autres institutions de l’État, contre lequel pesaient des charges de complot en vue de renverser le gouvernement. n Les procès de grande ampleur contre des membres présumés de l’Union des communautés du Kurdistan (KCK, proche du PKK) se sont poursuivis tout au long de l’année. Le procès de 44 journalistes accusés d’appartenance à ce mouvement s’est ouvert en septembre. n Le procès distinct de 193 personnes, parmi lesquelles figuraient les universitaires Ragıp Zarakolu et Büsra Ersanli, accusés d’appartenance à la KCK, n’était pas terminé à la fin de l’année. Les preuves retenues contre cet homme et cette femme étaient liées à leur participation à l’université des sciences politiques, organisée par le Parti pour la paix et la démocratie, un parti pro-kurde reconnu. Ils ont été libérés respectivement en avril et en juillet, dans l’attente de l’issue de leur procès. Torture et autres mauvais traitements Cette année encore, des informations ont fait état d’actes de torture et d’autres mauvais traitements infligés dans des centres de détention officiels. En juin, le Parlement a adopté une loi créant un poste de médiateur et une institution spécifique de défense des droits humains. Celle-ci ne présentait pas les garanties d’indépendance requises. On ne savait pas à la fin de l’année comment elle allait respecter les obligations découlant du Protocole facultatif se rapportant à la Convention contre la torture [ONU] quant à une inspection indépendante des lieux de détention – ni même si elle allait s’acquitter de cette obligation. D’autres mécanismes indépendants que le gouvernement s’était engagé à mettre en place, par exemple une procédure de traitement des plaintes contre la police, n’avaient toujours pas été établis. n En mars, des adolescents détenus dans la prison de Pozantı (département d’Adana, sud du pays) ont été 324 Amnesty International - Rapport 2013

transférés à la suite d’allégations de mauvais traitements, notamment de sévices sexuels, qui leur auraient été infligés par des gardiens. Une enquête officielle était en cours à la fin de l’année. Le Comité européen pour la prévention de la torture a visité la prison de Pozantı en juin. Son rapport n’avait pas été rendu public à la fin de l’année. Utilisation excessive de la force De nombreuses informations ont fait état d’une utilisation excessive de la force, notamment de coups, par la police au cours de manifestations tout au long de l’année. Trois cas de mort lors de manifestations, résultant semble-t-il d’une utilisation excessive de la force, ont été signalés. n Une cinquantaine d’étudiants ont été blessés en décembre à la suite de heurts avec la police sur le campus de l’université technique du Moyen-Orient à Ankara. Les affrontements ont éclaté après que les policiers eurent tenté de disperser une manifestation pacifique organisée durant la visite du Premier ministre à l’université. Un étudiant touché à la tête par une grenade de gaz poivre lancée par la police a été hospitalisé pour suspicion d’hémorragie cérébrale. Impunité Les enquêtes et les poursuites sur des cas présumés d’atteintes aux droits humains commises par des représentants de l’État continuaient d’être entachées d’irrégularités et débouchaient rarement sur la comparution en justice des responsables présumés. Les agents de l’État reconnus coupables étaient le plus souvent condamnés à des peines assorties du sursis et continuaient d’exercer leurs fonctions. n En janvier, quatre hommes ont été déclarés coupables d’implication dans l’assassinat, en 2007, du journaliste et défenseur des droits humains Hrant Dink. Ils ont été condamnés à des peines comprises entre 10 semaines d’emprisonnement (pour détention de munitions) et la réclusion à perpétuité (pour incitation au meurtre). La cour a considéré que les condamnés ne faisaient pas partie d’une structure plus large et les a acquittés de l’accusation d’« appartenance à une organisation interdite ». L’implication éventuelle d’agents de l’État dans l’assassinat de Hrant Dink n’avait toujours pas fait l’objet d’une enquête approfondie. n Sedat Selim Ay, un policier condamné en 2004 pour des mauvais traitements commis sur des détenus, a été Amnesty International - Rapport 2013 promu en juillet à un poste important au sein de la section antiterroriste d’Istanbul. n Aucune enquête sérieuse n’a été menée sur le bombardement, en décembre 2011, par les forces armées de l’arrondissement d’Uludere/Qileban, dans le département de Şırnak, le long de la frontière irakienne. Les autorités militaires ont affirmé que des membres armés du PKK étaient visés, mais ce sont 34 villageois qui ont été tués. Le parquet n’a pas mené promptement d’enquête sur le lieu du bombardement ni interrogé les témoins de l’attaque. n En octobre, à l’issue d’un nouveau procès, trois membres de l’administration pénitentiaire poursuivis à la suite de la mort en détention en 2008 d’Engin Çeber ont été déclarés coupables par un tribunal d’Istanbul d’« actes de torture ayant entraîné la mort ». Ils étaient rejugés après que la Cour d’appel suprême eut infirmé pour des raisons de procédure la décision rendue précédemment. L’affaire était en instance devant la Cour d’appel suprême à la fin de l’année. Procès inéquitables Cette année encore un certain nombre de procès n’ont pas répondu aux normes d’équité. C’était notamment le cas de ceux qui se déroulaient en vertu de la législation antiterroriste devant des cours pénales spéciales. Bien que la législation ait été modifiée en juillet dans le but de limiter cette pratique, la détention provisoire prolongée durant des procédures qui s’éternisaient restait un problème. Les tribunaux s’appuyaient parfois sur des témoignages secrets, qui ne pouvaient pas être contestés, et des condamnations continuaient d’être prononcées en l’absence de preuves concrètes et fiables. Des milliers de poursuites ont été engagées en vertu de la législation antiterroriste pour participation présumée à des manifestations. Beaucoup d’accusés étaient des étudiants à l’université. Les réformes des cours pénales spéciales approuvées en juillet par le Parlement n’avaient pas été mises en œuvre à la fin de l’année. n Détenu depuis 25 mois dans l’attente de son procès, Cihan Kırmızıgül a été libéré en mars. En mai, cet étudiant à l’université a été déclaré coupable de dégradation de biens et de « crime pour le compte d’une organisation terroriste », et condamné à 11 ans et trois mois d’emprisonnement. Sa condamnation reposait sur le fait qu’il portait un foulard traditionnel, similaire à celui de personnes accusées d’avoir participé à une 325 T

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éléments de preuve sur lesquels les condamnations<br />

étaient fondées avaient été fabriqués de toutes<br />

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Liberté d’expression<br />

Pratiquement rien n’a été fait pour remédier aux<br />

restrictions pesant sur la liberté d’expression dans les<br />

médias, et plus généralement dans la société civile.<br />

Des poursuites pénales étaient fréquemment<br />

engagées contre ceux qui exprimaient des idées<br />

dissidentes non violentes, tout particulièrement à<br />

propos de questions politiques sensibles, ou qui<br />

critiquaient les institutions publiques ou les<br />

représentants de l’État. Les personnes qui n’étaient<br />

pas dans la ligne officielle sur les droits des Kurdes et<br />

la question kurde en général risquaient tout<br />

particulièrement de faire l’objet de poursuites<br />

pénales.<br />

Le Parlement a approuvé en juillet le troisième<br />

« paquet judiciaire », qui comprenait une série de<br />

dispositions abrogeant ou modifiant certaines lois<br />

utilisées pour restreindre la liberté d’expression. Ces<br />

réformes n’ont pas modifié les définitions des<br />

infractions utilisées pour limiter la liberté d’expression,<br />

en particulier celles contenues dans la législation<br />

antiterroriste.<br />

n En février, le défenseur des droits humains et<br />

objecteur de conscience Halil Savda a été incarcéré<br />

pour avoir « provoqué l’hostilité de la population à<br />

l’égard du service militaire », aux termes de l’article 318<br />

du Code pénal. Condamné à 100 jours<br />

d’emprisonnement, il a été remis en liberté<br />

conditionnelle en avril. En septembre il s’est vu infliger<br />

une amende et a été empêché temporairement de<br />

poursuivre sa « marche pour la paix » dans le<br />

département d’Osmaniye (sud de la Turquie). En<br />

décembre, Halil Savda a été acquitté dans deux<br />

procédures distinctes engagées en vertu de<br />

l’article 318. Une condamnation prononcée dans une<br />

autre affaire au titre du même article du Code pénal<br />

était en instance devant la Cour d’appel suprême à la<br />

fin de l’année.<br />

n Le procès du pianiste Fazıl Say s’est ouvert en<br />

octobre. Le parquet avait engagé des poursuites à son<br />

encontre en vertu de l’article 216 du Code pénal pour<br />

« insulte publique aux valeurs religieuses », à cause de<br />

messages diffusés sur Twitter dans lesquels il se<br />

moquait de certains religieux et des conceptions<br />

musulmanes du paradis.<br />

Les journalistes Ahmed Şık et Nedim Şener, qui<br />

étaient détenus depuis 375 jours dans l’attente de<br />

leur procès, ont été remis en liberté en mars. Les<br />

poursuites engagées contre eux et d’autres<br />

journalistes aux termes de l’article 220/6 du Code<br />

pénal, pour avoir « commis un crime pour le compte<br />

d’une organisation terroriste », étaient en cours à la<br />

fin de l’année. Ils étaient accusés d’avoir contribué à<br />

la stratégie médiatique d’Ergenekon, un réseau<br />

criminel présumé qui aurait des ramifications au sein<br />

de l’armée et d’autres institutions de l’État, contre<br />

lequel pesaient des charges de complot en vue de<br />

renverser le gouvernement.<br />

n Les procès de grande ampleur contre des membres<br />

présumés de l’Union des communautés du Kurdistan<br />

(KCK, proche du PKK) se sont poursuivis tout au long<br />

de l’année. Le procès de 44 journalistes accusés<br />

d’appartenance à ce mouvement s’est ouvert en<br />

septembre.<br />

n Le procès distinct de 193 personnes, parmi<br />

lesquelles figuraient les universitaires Ragıp Zarakolu et<br />

Büsra Ersanli, accusés d’appartenance à la KCK,<br />

n’était pas terminé à la fin de l’année. Les preuves<br />

retenues contre cet homme et cette femme étaient<br />

liées à leur participation à l’université des sciences<br />

politiques, organisée par le Parti pour la paix et la<br />

démocratie, un parti pro-kurde reconnu. Ils ont été<br />

libérés respectivement en avril et en juillet, dans<br />

l’attente de l’issue de leur procès.<br />

Torture et autres mauvais traitements<br />

Cette année encore, des informations ont fait état<br />

d’actes de torture et d’autres mauvais traitements<br />

infligés dans des centres de détention officiels. En<br />

juin, le Parlement a adopté une loi créant un poste de<br />

médiateur et une institution spécifique de défense<br />

des droits humains. Celle-ci ne présentait pas les<br />

garanties d’indépendance requises. On ne savait pas<br />

à la fin de l’année comment elle allait respecter les<br />

obligations découlant du Protocole facultatif se<br />

rapportant à la Convention contre la torture [ONU]<br />

quant à une inspection indépendante des lieux de<br />

détention – ni même si elle allait s’acquitter de cette<br />

obligation. D’autres mécanismes indépendants que le<br />

gouvernement s’était engagé à mettre en place, par<br />

exemple une procédure de traitement des plaintes<br />

contre la police, n’avaient toujours pas été établis.<br />

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Pozantı (département d’Adana, sud du pays) ont été<br />

324 Amnesty <strong>International</strong> - Rapport <strong>2013</strong>

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