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antoine d'agata - Galerie Les Filles du Calvaire

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11 RUE BERANGER<br />

75154 PARIS 3 - 01 42 76 17 89<br />

PHOTO Au Bal, à Paris, la rétrospective<br />

«Anticorps» expose 1000 clichés où<br />

la prostitution, la défonce et la guerre<br />

fusionnent en un éprouvant fracas.<br />

Antoine<br />

d'Agata,<br />

en chair<br />

et en doses<br />

BAL<br />

4717425300504/XVR/OTO/1<br />

08 FEV 13<br />

Quotidien Paris<br />

OJD : 113108<br />

Surface approx. (cm²) : 1934<br />

N° de page : 1<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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11 RUE BERANGER<br />

75154 PARIS 3 - 01 42 76 17 89<br />

BAL<br />

4717425300504/XVR/OTO/1<br />

Vue de l'installation<br />

«Anticorps» au Bal. PHOTO<br />

ANTOINE DAGATA MAGNUM<br />

PHOTOS COURTESY GALERIE<br />

LES FILLES DU CALVAIRE<br />

Par BRIGITTE OLLIER<br />

Inventer sa propre vie est la priorité<br />

d'Antoine d'Agata, né le 19 novembre<br />

1961 à Marseille, de parents<br />

siciliens. Au Bal, à Paris, dix ans<br />

après son exposition à la galerie Vu, il<br />

brouille à nouveau la représentation<br />

rituelle avec «Anticorps», manifeste en<br />

deux unités de lieu, qui implose la pho<br />

tographie dans son histoire même, et<br />

dans son esthétique, proche <strong>du</strong> vertige.<br />

Au-delà <strong>du</strong> nombre des photographies<br />

-1000 dans l'exposition, 2400 dans le<br />

livre halluciné qui l'accompagne-,<br />

«Anticorps» annonce aussi la réincarnation<br />

d'un homme lucide, qui ne cesse<br />

de repousser les limites de la bienséance,<br />

se soumettant à un face à-face<br />

explosif avec le néant, en écho à ces<br />

mots d'Arthur Rimbaud, repro<strong>du</strong>its<br />

telle une joyeuse épitaphe à la page 550 :<br />

«On ne te tuera pas pins que si tu étais<br />

cadavre. »<br />

OFFRANDES. Dès l'entrée, dans la première<br />

salle <strong>du</strong> Bal, tout n'est pourtant<br />

que tranquillité. Piège ? Impasse ? Sas<br />

08 FEV 13<br />

Quotidien Paris<br />

OJD : 113108<br />

Surface approx. (cm²) : 1934<br />

N° de page : 1<br />

de décompression? Des piles d'imprimés,<br />

à terre, un écran noir et des mur<br />

mures de femmes. Rhapsodie: «Lapoudre<br />

blanche est la seule chose respirable.<br />

Je la cherche partout où je vais», «chaque<br />

jour se transforme doucement en nuit»,<br />

«la lumière est comme un virus dans les<br />

yeux». Pendant treize minutes, ces pa<br />

roles enregistrées par Antoine d'Agata<br />

résonnent comme une invitation à la<br />

conversation. Qui sont ces femmes?<br />

Des filles sans nom, croisées ici et la, sur<br />

ces vastes continents que ne cesse<br />

d'arpenter l'auteur d'Aka Ana, et qui<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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11 RUE BERANGER<br />

75154 PARIS 3 - 01 42 76 17 89<br />

«Mon travail a toujours été vu sous<br />

une perspective romantique, la nuit<br />

le jour, et je voulais remettre en<br />

évidence sa dimension politique. »<br />

Antoine d'Agata<br />

BAL<br />

4717425300504/XVR/OTO/1<br />

lui confient chagrins et divagations,<br />

colères et désespoirs. Elles apparaissent<br />

telles des offrandes anonymes au spectateur<br />

déboussolé par ces tirades énigmatiques.<br />

C'est au sous sol que, d'une certaine<br />

façon, tout s'explique, dans cet océan<br />

tumultueux qui remplit tout l'espace,<br />

<strong>du</strong> sol au plafond, une overdose de<br />

photos qui libère corps et couleurs, et<br />

les plaquent au mur pour mieux les cerner,<br />

les confondre et les anéantir. Ainsi,<br />

l'île de d'Agata prend forme et sens<br />

dans une gangue protégée de la censure<br />

coupe-gorge, expulsant plus de vingt<br />

ans de photographies, ou plutôt de figures<br />

mouvantes, comme si, derriére chacune<br />

d'elles, des centaines d'autres<br />

avaient éte enfouies depuis la nuit des<br />

temps. Un chantier de fouilles a ciel<br />

ouvert, seringues, sang, sexe; un bordel<br />

sans porte close ; un karaoké muet. Il y<br />

a de la jubilation et de l'épuisement,<br />

parfois de la stupeur, a arpenter les ri<br />

vages de cette île sans trésor, à suivre<br />

les traces de ces «odyssées déglinguées»<br />

où s'emmêlent les ivresses narcotiques<br />

et les blessures de la jouissance, les migrants<br />

de Sangatte et la guerre froide, la<br />

paranoïa et la misère d'une humanité<br />

sans gloire.<br />

Omniprésente, la chair, celle<br />

des combattants en Bosnie,<br />

en Libye, en Palestine. Des<br />

ouvriers de Saint Etienne.<br />

Ou des prostituées offrant<br />

l'amour qui tue silencieusement,<br />

comme Da, morte <strong>du</strong><br />

sida l'an passé. «Je l'ai connue en 2005,<br />

à Phnom Penh, précise d'Agata. J'avais<br />

laissé laporte de ma chambre ouverte, Da<br />

est entrée. Mon hôtél était près de ce lac<br />

qui n'existe plus, dans le quartier des<br />

drogués. Elle me dépannait, c'était ma<br />

dealeuse, mon amie, une relation hors<br />

norme. Là, les filles t'aiment assez pour<br />

renoncer au fric, ellespeuvent à tout moment<br />

te trahir et gagner 100 dollars pour<br />

chaque étranger dénoncé. <strong>Les</strong> rapports<br />

sont contamines par la corruption, tu es<br />

entre leurs mains tout le temps C'est un<br />

univers très <strong>du</strong>r, où tout le monde se méfie<br />

de tout le monde, où la cruauté fait partie<br />

de la vie. »<br />

Quand il explique le contexte de son<br />

travail, Antoine d'Agata est presque dé<br />

tâché. Lui qui n'a pas fait une seule<br />

image depuis seize mois se sent apaise.<br />

«Le processus de l'exposition m'a aidé à<br />

mettre de la cohérence et a me repositionner.<br />

Mon travail a toujours été vu sous une<br />

perspective romantique • la nuit le jour ; et<br />

je voulais remettre en évidence sa<br />

dimension politique. »<br />

«EXISTENCE». Plus tôt, les commissaires<br />

de l'exposition, Fannie Escoulen<br />

et Bernard Marcadé, avaient parlé de<br />

casser les stéréotypes dans lesquels il<br />

est enfermé. D'Agata : «Je suis arrive à<br />

une tension extreme entre ma propre eris 1<br />

tènec et le langage Je n'ai nul besoin de<br />

reconnaissance Je me suffis à moi-même<br />

avec le milieu de gens dont j'ai choisi de<br />

partager l'existence. » II explore, comme<br />

un héros de Jack London, «cet espace<br />

utopique» où l'art et la vie se rejoignent :<br />

«De tous les langages artistiques, la<br />

photographie est le plus adéquat pour<br />

cette tentative essentielle, mais vouée à<br />

l'échec.» Avec «Anticorps», l'île de<br />

d'Agata est devenue une terre fertile,<br />

moins hostile au partage. Pour la première<br />

fois, il ne ressent «aucune frustration,<br />

le sens est juste. La photographie<br />

m'apermis de ne pas mourir comme un<br />

jurûde, mais je ne peux pas me contenter<br />

deca. Tout ce que je f ais est vital. C'est un<br />

choix d'atteindre l'inconscience et d'atter<br />

au bout, jusqu'au bout». •*•<br />

ANTICORPS<br />

d ANTOINE D'AGATA<br />

Le Bal, 6, impasse de la Défense, 75018<br />

Jusquau 14avril Rens wwwle-balfrou<br />

Ol 44 7O 75 SO Livre édité par Xavier Barral,<br />

560 pp, 2400 photographies, 70 €<br />

08 FEV 13<br />

Quotidien Paris<br />

OJD : 113108<br />

Surface approx. (cm²) : 1934<br />

N° de page : 1<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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11 RUE BERANGER<br />

75154 PARIS 3 - 01 42 76 17 89<br />

Membre de l'agence Magnum, Antoine<br />

d'Agata se joue des règles et des frontières.<br />

Vingt ans de combats<br />

en solitaire<br />

P hotographe<br />

ou artiste? Il ne<br />

sourit guère, mais Antoine<br />

d'Agata s'amuse dè la question,<br />

roulant ses gros yeux noirs a la Brassai.<br />

«Je suis un indivi<strong>du</strong> qui essaie de mener<br />

sa vie à bien, envers et contre tout, les<br />

règles aussi bien que les définitions. » Un<br />

situationniste sans situation. Un<br />

homme à tout faire, donc, un homme<br />

atout cœur, qui a rompu les amarres,<br />

refusant d'être «le jouet d'un système<br />

de communication». Depuis 2004, il<br />

appartient à l'agence Magnum, longtemps<br />

pôle historique <strong>du</strong> photojournalisme,<br />

alors que son travail, en<br />

porte-à-faux, le place à proximité de<br />

Robert Frank, pour ne citer que lui,<br />

tant il est profondément sincère. Ceux<br />

qui, aujourd'hui, le jugent excessif<br />

sont les mêmes qui se moquaient de<br />

Robert Frank écrivant son désespoir<br />

sur ces Polaroids.<br />

D'Agata lui-même ne revendique<br />

aucune filiation, pas plus celle de Nan<br />

Goldin que celle de Larry Clark, qui<br />

furent ses professeurs à New York à<br />

l'International Center of Photography,<br />

en 1990. C'est loin, a-t-il l'air de dire,<br />

BAL<br />

4717425300504/XVR/OTO/1<br />

si l'on a interprété correctement<br />

son silence. <strong>Les</strong> plus snobs jettent<br />

quelques noms de peintres. Mais c'est<br />

d'un ridicule total, d'Agata n'a nul<br />

besoin d'être parraine par les beauxarts,<br />

comme il le résume si bien : «La<br />

photographie est le seul art moderne<br />

possible »<br />

Précision utile : quand il en parle,<br />

d'Agata l'englobe dans un tout, qui signifie<br />

aussi bien tout ce qui court sur<br />

Internet que sur Facebook, tout ce qui<br />

jaillit des moteurs de recherche les<br />

plus intrusifs, l'image numérique,<br />

celle qui se multiplie et se diffuse à<br />

l'infini. <strong>Les</strong> lecteurs attentifs de Libération<br />

ne seront pas surpris de reconnaître<br />

sur les murs <strong>du</strong> Bal de nombreuses<br />

photographies parues dans le<br />

journal, pour lequel il a fait de riches<br />

reportages dès 1998, l'année où parut<br />

son premier livre, De Mala Muerte au<br />

Point <strong>du</strong> jour. Il a même assisté, on a<br />

failli l'oublier, au Festival de Cannes,<br />

en 2001, en croquant à pleines dents,<br />

et pas forcément dans le noir, quelques<br />

célébrités de passage.<br />

B.O.<br />

08 FEV 13<br />

Quotidien Paris<br />

OJD : 113108<br />

Surface approx. (cm²) : 1934<br />

N° de page : 1<br />

DES LIEUX TOUS FORMATS<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

Page 5/5<br />

En attendant son exposition à la galerie les <strong>Filles</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Calvaire</strong>, dans le III e arrondissement parisien,<br />

<strong>du</strong> 15 mars au 27 avril, où il dévoilera d'autres<br />

images en grand format, lactualité d'Antoine<br />

d'Agata se prolonge. D'abord au Cinéma des<br />

cinéastes, chaque mardi à Paris, avec une<br />

programmation titrée «Eclaboussements».<br />

L'occasion de découvrir «/es coups de force<br />

esthétiques» signés Stephen Dwoskin et des filmsparoles,<br />

Guy Debord bien sûr (ln ginon imus<br />

nocte et consumimur ignt), et un expresso de<br />

Lâszlé Moholy-Nagy sur Marseille, en 1929.<br />

Suivront plusieurs rencontres, autour de l'idée<br />

de «Clientèle» (le 2O février), <strong>du</strong> poète espagnol<br />

Leopoldo Maria Panero (le 27 février)... Enfin se<br />

posera cette question sans réponse, «Antoine<br />

d'Agata: s'agit-il encore de photographie ?»<br />

wwv¥/(//es<strong>du</strong>ca/vaire corn<br />

wwwcinema-des-aneastes fr<br />

wwwle-balfr wwwbest-regardsfr


80 BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI<br />

75707 PARIS CEDEX 13 - 01 57 28 20 00<br />

BAL<br />

5378015300503/FLL/OTO/1<br />

Entretien<br />

L es<br />

images en forme de cauchemars,<br />

témoins des errances<br />

sexuelles et narcotiques<br />

d'Antoine d'Agata ne laissent<br />

jamais indifférent. Il explique<br />

comment la photo ne se sépare<br />

pas de sa vie. Et revient sur le côté<br />

politique de son œuvre.<br />

Dans les images de la nuit, où se<br />

mêlent le sexe et la drogue, vous<br />

êtes à la fois le photographe,<br />

le sujet de la scène...<br />

Je pense que la photographie a<br />

été sous-utilisée. On l'a ré<strong>du</strong>ite à<br />

de la peinture ou à de la prise de<br />

notes journalistique. Mais c'est le<br />

seul langage artistique qui impose<br />

une implication dans le monde.<br />

Tout mon apport tourne autour de<br />

ça : comment rendre au photographe<br />

sa responsabilité. Aujourd'hui,<br />

on voit partout cette distance,<br />

cette pseudo-objectivité documentaire...<br />

Pour moi, c'est une<br />

positionirresponsable. Il faut assumer<br />

son rapport aux gens.<br />

Mais peut-on vivre et<br />

photographier en même temps?<br />

J'explore l'espace entre la photographie<br />

et l'expérience. C'est une<br />

utopie, quand la photo est vraiment<br />

là, l'expérience en souffre. Et<br />

dès que tu es vraiment dans la vie,<br />

la photo se défait, c'est ce qui s'est<br />

passé quand j'ai fait Ice [Images en<br />

manœuvres Editions]. J'étais tellement<br />

dans la défonce que je<br />

n'avais plus rien à foutre de la photographie.<br />

Mais pour moi, c'est la<br />

seule voie possible. La photo m'a<br />

permis d'aller là où je n'aurais pas<br />

eu la force d'entrer. Parfois, je ne<br />

sais plus si je montre les choses<br />

que je vis ou si je les provoque<br />

pour les photographier.<br />

On vous a accusé d'exploiter<br />

vos modèles, des prostituées...<br />

Je suis prêt à défendre la vérité<br />

de ma position par rapport à elles,<br />

parce que ces femmes sont<br />

incroyables. Dans l'exposition, il y<br />

une vidéo où elles parlent, c'est<br />

juste et fort, il y a de l'amour, <strong>du</strong><br />

respect, de la violence, des critiques.<br />

L'écran est noir, car aucune<br />

dè mes images n'était à la hauteur<br />

de ce qu'elles disent ! Ça m'insupporte<br />

qu'on puisse porter des jugements<br />

moraux.<br />

Quelle relation avez-vous<br />

avec elles?<br />

J'ai conscience de la différence<br />

de mon statut, de ma liberté - je<br />

peux rentrer et sortir. Je ne suis<br />

pas dans le romantisme en disant<br />

je suis comme elles. <strong>Les</strong> filles le<br />

savent. Elles me testent, elles ne<br />

sont pas là pour donner mais pour<br />

prendre, pour survivre. Je leur<br />

demande beaucoup : <strong>du</strong> temps, de<br />

la confiance, des images, des émotions,<br />

mais elles ne donnent rien<br />

pour rien. Je fais tout à mes risques<br />

et périls. On n'a qu'une existence,<br />

et notre devoir est de vivre le plus<br />

juste possible, de faire des choix,<br />

de prendre des risques. Quand je<br />

vais en Libye, je n'ai aucune expérience,<br />

je ne pars pas pour un journal,<br />

mais pour être à la hauteur de<br />

ce que je veux vivre <strong>du</strong> monde.<br />

C'est exactement la même démarche<br />

quand je rencontre une fille<br />

qui est malade et qui me demande<br />

de baiser sans capote. Ce n'est pas<br />

comme photographe que je fais<br />

tout ça, c'est comme être humain.<br />

Pourquoi mélanger vos photos<br />

de nuit, avec les prostituées,<br />

et de jour, sur les migrants,<br />

les conflits, le travail ?<br />

C'est la première fois que je donne<br />

de la cohérence à l'ensemble <strong>du</strong><br />

travail. C'est important pour sortir<br />

de la caricature où on m'a enfermé...<br />

Mon travail a toujours été très<br />

politique. Je suis venu à la photographie<br />

à 30 ans. Avant, j'ai zone à Marseille,<br />

en traînant avec la mouvance<br />

autonome. J'ai passé des années<br />

au Salvador pendant la guerre civile,<br />

au Nicaragua pendant la révolution<br />

sandiniste... ça n'a jamais été<br />

une déchéance de junkie.<br />

J'ai toujours voulu être là où il y<br />

avait des enjeux politiques, mais<br />

sans renoncer à tous les côtés existentiels<br />

et « destroys » liés au sexe,<br />

à l'alcool, à la drogue. Avec mes<br />

copains de l'époque, on était des<br />

fouteurs de merde avec une<br />

conscience politique, on voulait<br />

être avec les gens, dans la violence<br />

<strong>du</strong> monde. Cette solidarité avec les<br />

êtres déchus était au cœur de ma<br />

vie. Ça l'est resté.<br />

Le lien entre toutes les photos,<br />

c'est la violence ?<br />

Je confronte des violences qui<br />

ne sont pas de même ordre. Il y a<br />

une violence sociale et économique<br />

exercée sur ceux qui ont affaire<br />

à la migration, à la guerre.<br />

Quand j'ai couvert les opérations<br />

de rénovation urbaine à Marseille,<br />

je l'ai fait contre le commanditaire,<br />

Euroméditerranée : sur les images<br />

on dirait Beyrouth. <strong>Les</strong> migrants<br />

qui sont de dos, on est dans la douleur,<br />

l'absence d'identité.<br />

Dans le travail de la nuit, c'est<br />

une autre violence. Elle est générée<br />

par les indivi<strong>du</strong>s eux-mêmes.<br />

C'est une réaction, une révolte<br />

contre la violence qui leur est faite.<br />

Le terme « anticorps », titre de l'exposition<br />

et <strong>du</strong> livre, vient de là.<br />

<strong>Les</strong> prostituées seraient<br />

des résistantes?<br />

Ce qu'elles m'ont appris, c'est<br />

que pour survivre, elles sont forcées<br />

de réinventer un mode d'être,<br />

qui passe par la jouissance narcotique,<br />

sexuelle. C'est la seule façon de<br />

ne pas crever en silence. Cette violence<br />

se retourne contre elles, elle<br />

est sans objet, aveugle, désespérée.<br />

Mais elle va contre les structures,<br />

contre les morales, la fatalité<br />

de la misère. Quand tu n'as rien, il<br />

n'y a pas d'autre choix que la sensation.<br />

C'est pour ça que la drogue a<br />

tant d'importance dans ce monde.<br />

C'est l'outil le moins cher qui te<br />

fait sentir, exister.<br />

Ce n'est pas une évasion ?<br />

Je ne crois pas que ce soit unleurre.<br />

Ce qui m'intéresse, c'est que ce<br />

mélange de sensation, de défonce,<br />

de violence, de contagion à travers<br />

la maladie déborde, éclabousse, pervertit<br />

et contamine les structures<br />

raisonnées et stables de la société.<br />

La drogue, cela va au-delà <strong>du</strong><br />

destin de ces femmes-là, elle<br />

ébranle des pays entiers. Si tu vas<br />

au Mexique, le rôle des méthamphétamines<br />

est énorme dans la<br />

guerre <strong>du</strong> narcotrafic - ça atteint<br />

un degré de sauvagerie, les structures<br />

sociales s'effondrent. Au Brésil,<br />

en Asie <strong>du</strong> Sud-Est, il n'y a pas que<br />

les putes qui se défoncent, il y a les<br />

paysans, ces drogues ont une capacité<br />

de destruction énorme.<br />

Est-ce qu'il est possible de continuer<br />

cette vie-là longtemps ?<br />

Je ne fais pas d'images en ce<br />

moment, je me suis cramé à Vice, ll<br />

y a une fatigue, un épuisement. J'ai<br />

payé le prix de tout ça, je n'ai pas<br />

d'endroit à moi depuis des années,<br />

je ne vends pas mes photos... Mais<br />

la question, pour moi, n'est pas<br />

quand arrêter, mais comment<br />

aller plus loin.»<br />

PROPOS RECUEILLIS PAR<br />

CLAIRE GUILLOT<br />

27/28 JAN 13<br />

Quotidien Paris<br />

OJD : 286348<br />

Surface approx. (cm²) : 520<br />

N° de page : 19<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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80 BOULEVARD AUGUSTE-BLANQUI<br />

75707 PARIS CEDEX 13 - 01 57 28 20 00<br />

Sous le flot d'images, un regard perçant<br />

L'EXPOSITION d'Antoine d'Agata<br />

au BAL n'est pas une exposition,<br />

c'est un flot d'images qui vous<br />

arrive en pleine figure. Au soussol,<br />

sans aucune légende, les images<br />

couvrent l'espace <strong>du</strong> sol au plafond,<br />

collées comme un unique<br />

papier peint, rythmées par quèlques<br />

tirages. Toutes les séries de<br />

d'Agata sont là, dans un ordre<br />

plus ou moins chronologique,<br />

mais elles débordent, se mélangent,<br />

se superposent...<br />

Le tout décevra peut-être les<br />

amateurs d'images léchées et<br />

superbement tirées. Et il est difficile<br />

pour le spectateur de s'y retrou-<br />

BAL<br />

5378015300503/FLL/OTO/1<br />

ver, même avec le plan fourni.<br />

Mais cette présentation, qui est<br />

plutôt une installation d'art<br />

contemporain, fonctionne. <strong>Les</strong><br />

commissaires Fannie Escoulen et<br />

Bernard Marcadé l'ont voulu ainsi<br />

pour rompre avec les codes de la<br />

photographie classique et insister<br />

sur le côté perf ormatif <strong>du</strong> travail<br />

-Antoine d'Agata n'est pas un<br />

observateur, il se place comme<br />

auteur, sujet, voire personnage de<br />

ses images.<br />

Leur choix n'affaiblit pas la<br />

puissance de l'œuvre, portée de<br />

bout en bout par le même regard<br />

insomniaque et violent, par des<br />

cadrages implacables. Leur sélection<br />

met surtout en valeur l'ampleur<br />

de la palette <strong>du</strong> photographe.<br />

De d'Agata, on retient d'habitude<br />

surtout sa descente aux<br />

enfers sexuelle et narcotique, ses<br />

photos floues et subjectives qui<br />

détaillent - jusqu'à l'overdose - sa<br />

recherche morbide de l'extase et<br />

des sensations extrêmes.<br />

Ici, cette quête intime est équilibrée<br />

par des séries moins connues<br />

et pourtant très frappantes :<br />

visions urbaines à la netteté cinglante,<br />

migrants privés de droits<br />

et de visage, chambres de putains<br />

semblables à des cellules, tra-<br />

27/28 JAN 13<br />

Quotidien Paris<br />

OJD : 286348<br />

Surface approx. (cm²) : 520<br />

N° de page : 19<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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vailleurs dissous dans leur tâche.<br />

Et même des images terribles de<br />

prostituées postées sur Internet<br />

par la police... Un regard sincère et<br />

perçant porté sur l'envers <strong>du</strong> monde.<br />

•<br />

Cl. G.<br />

«Anticorps», Antoine d Agata Le BAL,<br />

6, impasse de la Défense, Paris 18 e<br />

Tél 01-44-70-75-51 Jusqu'au 14avril<br />

Séance de cinéma au cinéma des Cinéastes<br />

wwwle-balfr Livre «Anticorps»,<br />

Editions Xavier Barrai, 500 p , 70 euros<br />

« Odyssées », d'Antoine d'Agata,<br />

MuCEM à Marseille, <strong>du</strong> 9 août au 23 septembre<br />

www mucem org


8 RUE FRANCOIS-VILLON<br />

75015 PARIS - 01 53 68 65 65<br />

ANTOINE D'AGATA<br />

la photographie<br />

comme art martial<br />

BAL<br />

5889505300502/CLA/OTO/2<br />

FEVRIER 13<br />

Mensuel<br />

Surface approx. (cm²) : 3658<br />

interview par Léa Bismuth L'œuvre d'Antoine d'Agata sera particulièrement<br />

visible à Paris cette<br />

année: au Bal (jusqu'au 7 avril),<br />

dans une exposition personnelle<br />

très atten<strong>du</strong>e - dont le commissariat<br />

est assuré par Fannie Escoulen<br />

et Bernard Marcadé - et à la galerie<br />

des <strong>Filles</strong> <strong>du</strong> calvaire (14 mars -<br />

27 avril). L'occasion de revenir sur<br />

cette œuvre photographique et<br />

littéraire dense et radicale, de corriger<br />

les a priori et de la replacer dans<br />

un contexte artistique dépassant<br />

le champ de la photographie documentaire.<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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8 RUE FRANCOIS-VILLON<br />

75015 PARIS - 01 53 68 65 65<br />

Antoine d'Agata se fait connaître a la fin des<br />

annees 1990, a la suite de la publication de De<br />

Maia Muerte et De Maia Noche, deux carnets<br />

de voyage offrant une vision sans compromis<br />

de l'Amérique centrale Parallèlement<br />

a sa demarche documentaire au sem de<br />

l'agence Magnum, sa vie intime devient la<br />

matiere premiere de ses images et de ses<br />

textes paraissent alors les livres Vortex, Insomnia,<br />

Stigma, Manifeste, Ice en 2012 et<br />

Anticorps en 2013 La rencontre avec des<br />

prostituées et la prise de drogues sont les<br />

moteurs d'une vie entierement tournee vers<br />

une experience interieure <strong>du</strong> monde vécue<br />

jusque dans ses limites les plus extrêmes,<br />

mettant en proces toutes les formes d asser<br />

vissement et tous les postulats moraux A<br />

premiere vue, cette œuvre semble être<br />

constituée d'une succession d'autoportraits<br />

et serait par la strictement autobiographique ,<br />

maîs, avant tout, c'est l'acte photographique<br />

qui prime sur l'image pro<strong>du</strong>ite Seul le geste<br />

compte sa force performative d implication<br />

physique, Id presence au monde qu il permet<br />

de révéler Dans les expositions, I oeuvre<br />

prend la forme de grands montages accumulatifs<br />

d'images et place le spectateur face a la<br />

verite impossible de corps extatiques débordant<br />

d'une energie qui fait exploser les parois<br />

de cadre Au-delà de toute complaisance romantique<br />

dans le desespoir, ce qui est en jeu<br />

est une « recherche effrénée d'appartenir a la<br />

vie, d être dans la vie, en vie »<br />

VIVRE LEXPERIENCE DIHVIONDE.<br />

f Dans ta démarche, le photographe n'est<br />

pas témoin, mais il est celui qui entre-dans<br />

l'intimité- <strong>du</strong> monde, mettant en jeu son<br />

corps, notamment sexuellement. Comment<br />

penses tu- la> distance- entre l'appareil<br />

et le-monde photographie- ?<br />

Des que j'ai commence la photographie, j'ai<br />

utilise l'alcool afin d'abolir la barriere entre<br />

I appareil et le monde Le sexe a pris le relais<br />

et I acte photographique est devenu l'exploration<br />

démesurée de pulsions élémentaires,<br />

une ouverture vers le mystere brutal de l'autre<br />

Pendant longtemps, j'ai photographie a bras<br />

leve, sans regarder le viseur, puis j'ai com<br />

menée a me dessaisir de l'appareil et donc de<br />

I instant de la prise de vue en faisant participer<br />

les filles avec lesquelles ie passais mes<br />

nuits, provoquant une remise en cause fondamentale<br />

de la repartition des rôles dans la<br />

pro<strong>du</strong>ction des images<br />

Renoncer au geste photographique me permet<br />

de devenir un personnage et I objet d'un<br />

scénario J'ai pu me voir évoluer au sein <strong>du</strong><br />

cadre, me démener avec ma propre' exis<br />

tence, et cela a ete décisif je me suis.debarrasse<br />

<strong>du</strong> lourd bagage <strong>du</strong> photographe témoin<br />

Page precedenle et ci cor [re/Previous page and opposite<br />

© Artome d Agata - Magnum photos<br />

(Court <strong>Galerie</strong> <strong>Les</strong> filles <strong>du</strong> calvaire Pans)<br />

BAL<br />

5889505300502/CLA/OTO/2<br />

et j'ai retrouve une réelle liberte d'action A ce<br />

jour, une cinquantaine de personnes ont actionne<br />

l'appareil a ma place<br />

Tu définis la photographie comme- une<br />

« pratique intrinsèquement liee a une position<br />

dans une situation vécue » et un<br />

« art martial »...<br />

C est pour moi un art de la guerre sociale dont<br />

les fondements philosophiques seraient le<br />

chaos, l'incohérence et la violence maîs dont<br />

la discipline requiert intransigeance et patience,<br />

|usqu a l'abandon de toute dignite et<br />

de toute nécessite de regles Le corps sans vi<br />

sage de ceux que je photographie n est plus<br />

leur corps ils ont le ventre gonfle par la de<br />

fonce, le front courbe et les epaules voûtées<br />

Ré<strong>du</strong>its a l'état de marchandise par la logique<br />

de I argent, ils pillent tuent violent et tentent<br />

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Mensuel<br />

Surface approx. (cm²) : 3658<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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d exister hors de toute logique sociale ou culturelle<br />

La violence de leurs gestes reste hors<br />

de toute repression parce qu'elle s'exerce<br />

d abord sur eux-mêmes C est la I indicible et<br />

irrepresentable horreur contemporaine, l'aliénation<br />

sociale et economique la plus cruelle<br />

imaginable Ma perception de l'art accorde la<br />

plus grande part a cette expérimentation de la<br />

violence Et tout en tentant de l'amener a<br />

ses limites les plus ultimes, je prétends en<br />

faire une matiere lisible par un spectateur<br />

etranger a l'expérience même C'est la le paradoxe<br />

de mon travail qui implique de passer<br />

de l'intensité pure a une enonciation formelle<br />

sans doute intolérable<br />

J'ai le sentiment que l'esthétique de fes<br />

images a évolue : elles me semblent plus<br />

frontales, moins floues et bougées, de


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75015 PARIS - 01 53 68 65 65<br />

même qu elles ont des tonalités plus vio<br />

/mes ef moins rougeoyantes As tu change<br />

de methode de prise de vue 7<br />

J ai toujours utilise des techniques que je ne<br />

maîtrisa s pas pour ne pas etre en situation de<br />

controle Apres avc r travaille avec <strong>du</strong> film ar<br />

gentique pendant une dizaine d annees je tra<br />

vaille depuis deux ans avec un appareil<br />

numerique pour des raisons d abord fman<br />

cieres Maîs cette technolog e me permet<br />

d explorer I espace qui relie la photographie a<br />

I mage videograph que et au flux permanent<br />

en cela je ne photograph e plus un instant<br />

maîs une situation décomposée Longtemps<br />

mon travail a ete re<strong>du</strong> t a un ren<strong>du</strong> exprès<br />

s onniste maîs mon propos n était pas <strong>du</strong> tout<br />

la Le flou était un outil pour tenter de mettre<br />

au jour d autres niveaux de réalité en ne<br />

comptant que sur le hasard et les conditions<br />

chaot ques des prises de vue maîs ie ne veux<br />

pas que ça dev enne un tic de langage<br />

En 2006, W réalises le film Aka Ana et ton<br />

dernier film, Atlas, occupe une place im<br />

portante dans cette exposition au Bal que<br />

trouves tu dans cette forme ?<br />

Je passe désormais par le temps continu de la<br />

video qu laisse moins d espace au mensonge<br />

que I illusion photographique La nécessite<br />

imperative de vivre ce que ie prétends docu<br />

menier provoque un glissement inéluctable<br />

de ce que I on pourrait considérer comme<br />

I idée (photographique) vers I action (cinema<br />

tographique) Je me bats donc pour un art <strong>du</strong><br />

geste et de I instant obscène et amoral Pour<br />

construire ce film j ai recueilli une vingtaine<br />

de monologues de femmes que j ai rencon<br />

trees dans une dizaine de pays Au Bal ce<br />

sont leurs voix qui sont m ses en espace voix<br />

irrémédiablement absentes de toute photo<br />

graphie Lors <strong>du</strong> montage ie travaille les<br />

images et les vo x de maniere indépendante<br />

ce qui cree deux successions parallèles de<br />

fragments qui suivent chacune leur propre lo<br />

gique de sorte que ces deux lectures se su<br />

perposent et se contredisent<br />

DONNER FORME A L'INACHEVE<br />

Tu parles souvent d'une inévitable contra<br />

diction dans ta demarche tu semblés pris<br />

a la fois par un geste qui n'autorise aucun<br />

compromis, maîs en même temps tu de<br />

sires que le travail existe et soit vu Comment<br />

penses tu ce passage vers la visibilité<br />

de I oeuvre ?<br />

J ai besoin de rn assurer que I oeuvre trouve<br />

une forme plus ou moins aboutie a un mo<br />

ment donne qu I n y a pas de malenten<strong>du</strong><br />

avec le spectateur sans avoir forcement<br />

pourtant le désir de rn expliquer Je prends<br />

constamment le rsque de tout laisser na<br />

cheve derrière moi e est pour cela que je me<br />

sens contraint a tort peut etre de revenir pu<br />

blier montrer L exposition est alors I oppor<br />

lunite de donner une forme provisoire a un<br />

BAL<br />

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etat des choses provisoire Dans les faits je<br />

persiste a voir cela comme une su te de ten<br />

tatives avortées maîs je rn applique malgre la<br />

lassitude et le sentiment de compromission<br />

Et il y a d autres facteurs je vis et travaille<br />

dans une economie tres fragile sans la moin<br />

dre marge de securite et j a beso n pour<br />

continuer que le trava I soit vu même si en<br />

core une fois e est contradicto re avec mon<br />

désir instinctif d invisibilité<br />

PROSTITUTION, CAPITALISME ET CRI<br />

ll y a une distinction fondamentale dans<br />

ton travail celle de la nuit et <strong>du</strong> jour, de<br />

l'intime et <strong>du</strong> politique Cela in<strong>du</strong>it deux<br />

regimes d'images qui finissent par n en<br />

faire qu'un Cette fusion est presente dans<br />

I exposition sous la forme d une gigan<br />

tesque installation de tes images<br />

Cette d stmction <strong>du</strong> jour et de la nu t a long<br />

temps ete inconsciente Parce que je suis représente<br />

par une agence de photographes<br />

(Magnum) je me retrouve parfois en position<br />

de pouvoir rendre compte de I etat <strong>du</strong> monde<br />

par exemple en allant photograph er certains<br />

de ses symptômes un processus de reno<br />

vallon urba ne une zone de migration econo<br />

© Antoine d Agata Maqnum photos<br />

(Court <strong>Galerie</strong> <strong>Les</strong> f Iles <strong>du</strong> Cesaire Pans)<br />

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mique un conflit arme J ai toujours accepte<br />

sans etat d ame d etre I otage frustre de ce<br />

contexte de commande parce que les enjeux<br />

stratégiques et politiques de la presse sont<br />

réels Maîs dans ces situalions je photogra<br />

phie de maniere froide et distancée dans une<br />

economie émotionnelle complètement a I op<br />

pose de I nvestissement qui esl le mien dans<br />

es lieux et temps de mes experences ex<br />

Irêmes Ces images <strong>du</strong> jour sont portées par<br />

un regard ser el et systématique qu invente<br />

ne d autres parcours a I exemple de portra ts<br />

anthropométriques réalises par la police aux<br />

Etats Un s que i ai collectes récemment sur<br />

Inlernel Au final si je juxtapose des images<br />

sur un mur e est pour préserver le chaos et<br />

I intégrité de chaque instant vécu sa nature<br />

de fragment autonome la nécessite d accu<br />

mulation esl la même qu en 2003 lorsque<br />

I avais monlre avec Chrislan Caujolle mille<br />

images dans une expositon a Paris Voulanl<br />

creer <strong>du</strong> sens je ne peux me contenter de<br />

montrer un echanlillonnage de < belles<br />

mages » Etant dans I anti-récit je dois sans<br />

cesse récuser tout prétexte narratif ou tout<br />

style pre formate<br />

Pouvons nous en venir plus précisément a<br />

la dimension politique de ton travail, a la<br />

maniere dont tu considères le monde de la<br />

,4,4,4^1 , f<br />

\4 U lt Ii a ,4*4


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prostitution et dont tu fais parallèlement<br />

une féroce critique <strong>du</strong> capitalisme ?<br />

On me renvoie sans cesse a la question morale<br />

de la prostitution, a ma relation aux f illes<br />

Maîs j ai le même problème moral quand je regarde<br />

le monde ou évoluent ceux qui m interrogent<br />

Chacun de leur geste est une<br />

compromission, la lâcheté et la corruption<br />

sont omniprésentes Je n'arrive pas a me défaire<br />

de ce sentiment profond que la societe<br />

dans son ensemble ne vit que sur le principe<br />

de prostitution<br />

Paradoxalement, e est dans ces lieux désignes<br />

comme étant des lieux d exploitation<br />

que je trouve - sans jamais perdre de vue la<br />

violence economique et physique de ces personnes<br />

prostituées - les attitudes et les re<br />

sistances les plus fortes, et les indivi<strong>du</strong>s les<br />

plus libres, jusque dans leur pratique quotidienne<br />

de la violence Ma volonté de rendre<br />

leurs voix aux filles dans le film Atlas va dans<br />

ce sens elles décrivent le mal, elles disent<br />

leur force et leur douleur, explicitent la nature<br />

de leurs rapports avec moi, me reprochent<br />

certains de mes gestes, énoncent leur rapport<br />

a la survie et a la mort Leur parole seule est<br />

légitime et leur critique intrinsèque <strong>du</strong> capitalisme<br />

est fondamentale Avant même que je<br />

ne devienne punk, a dix sept ans je vivais en<br />

reaction au monde economique J'ai erre au<br />

Nicaragua ou au Salvador par exemple, avec<br />

cette conscience politique profonde, maîs<br />

aussi avec la volonté tenace de me perdre<br />

afin de savoir ce que le monde avait dans le<br />

ventre Pour cela, mon travail a ete re<strong>du</strong>it a la<br />

vision romantique d errance<br />

Te considères-tu comme situationniste 7<br />

Je me suis construit dans la rue avec comme<br />

arme le silence Le situationnisme et le punk<br />

sont ma seule experience, plus délinquante<br />

que politique ou artistique Ma comprehen<br />

sion de I histoire de I art s arrête la Le reste<br />

est a mes yeux une longue succession<br />

d idees abstraites qui me renvoient au néant<br />

de la logique de marche La societe contemporaine<br />

met en scene une liberte illusoire qui<br />

donne a voir la vie sans jamais la rendre palpable<br />

qui multiplie a I infini les invitations a<br />

I insatisfaction La creation de nouvelles passions<br />

et de situations vécues était imperative<br />

pour me défaire de I anesthesie generale<br />

issue <strong>du</strong> spectacle en cela, ma pratique s est<br />

nourrie <strong>du</strong> vieux rève inachevé de Guy Debord<br />

D'autres auteurs m'ont accompagne<br />

Céline, Antonin Artaud, Georges Bataille et<br />

Pierre Guyotat plus récemment Maîs, aujourd'hui,<br />

je ne lis plus, je reste a l'écart de<br />

toute influence<br />

Page de gauche/page feft Extrait de/excerpt fram<br />

«ICE Images en Manœuvres » 2012 i© Antoine<br />

d Agata Magnum photos Court <strong>Les</strong> f Iles <strong>du</strong> calvaire)<br />

A droite/r;p/7f © Antoine d'Agata - Magnum photos<br />

(Court galerie <strong>Les</strong> f Iles <strong>du</strong> calvaire Pans)<br />

BAL<br />

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ll y a une figure tres forte dans ton œuvre,<br />

c'est celle <strong>du</strong> cri, extatique et révélateur<br />

d'une immense douleur<br />

J ai beaucoup photographie I acte sexuel,<br />

I image animale de I accouplement, la célébration<br />

barbare de la chair brûlée par la lu<br />

miere narcotique, la perte, le don total et<br />

destructeur a l'autre, le vertige et l'aveuglement<br />

des sens les membres qui se cherchent<br />

dans un chaos de mouvements<br />

desordonnes, les corps cannibales écarteles<br />

le désir jusqu a la nausée Ce qui m interesse<br />

la, e est une forme a mi-chemin<br />

entre la bête et l'homme ll y a un effondrement<br />

et dans le cri se révèle le chaos de la<br />

sensation, la disparition <strong>du</strong> sentiment devant<br />

I horreur Ces dernieres annees, j'ai tenté de<br />

ne photographier que cela en me rapprochant<br />

au plus pres<br />

Ou en es-tu aujourd'hui ? Tu penses repartir<br />

bientôt à l'autre bout <strong>du</strong> monde pour<br />

poursuivre l'expérience 7<br />

Je n'ai pas fait de photos depuis le mois de<br />

septembre 2011 lors d un voyage en Libye<br />

qui a suivi une experience douloureuse au<br />

Cambodge une sorte de cercle vicieux par<br />

lequel j'ai voulu pousser rna vie le plus lom<br />

possible maîs dont je ne suis pas sorti in<br />

demne j'ai eu beaucoup de mal a me remettre<br />

physiquement et psychologiquement<br />

de ces expériences Je me suis laisse des<br />

mois de répit pour préparer l'exposition Et<br />

j en suis la U<br />

Lea Bismuth est critique d art enseignante en histoire de<br />

I an et commissaire d exposition indépendante<br />

Antoine d'Agata<br />

Photography as<br />

a Martial Art<br />

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Mensuel<br />

Surface approx. (cm²) : 3658<br />

Antoine d'Agata will be prominent in Paris<br />

early this spring, with an eagerly awaited<br />

personal show at Le Bal (to April 7, curated<br />

by Fannie Escoulen and Bernard Marcadé)<br />

and another show at the <strong>Galerie</strong> des <strong>Filles</strong><br />

<strong>du</strong> <strong>Calvaire</strong> (March 14 to April 27). Dense,<br />

literary and radical, his photographe is<br />

often misunderstood, and needs to be seen<br />

in a much broader context than that of the<br />

documentary genre with which hc is<br />

usually associated.<br />

Antoine d'Agata came to attention in the<br />

lale 1990s when he published De Maia<br />

Muerte and De Maia Noche, two travel diaries<br />

offermg an uncompromismg vision of<br />

Central America While workmg in a documentary<br />

vem at the Magnum agency, he<br />

also made his personal life the raw mate<br />

nal for his images and texts, notably in the<br />

books Vortex, Insomnia, Stigma, Manifeste,<br />

Ice in 2012 and Anticorps in 2013<br />

For d'Agata, usmg prostitutes and drugs<br />

become stimulants for an mner experience<br />

of the world based on the extreme testmg<br />

of limits, probmg and questioning all forms<br />

of subservience and all moral postulâtes<br />

At first glance, his work seems to be constituted<br />

by a succession of self-portraits and,<br />

as such, strictly autobiographical, but in<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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75015 PARIS - 01 53 68 65 65<br />

fact what matters hère is not so much the<br />

resulting image as the act that went into<br />

making it, lis performative power and im<br />

plicit physical involvement, ils revelation of<br />

the artists presence in the world ln exhibitions,<br />

d'Agata assembles his images in<br />

big, cumulative montages, confrontmg the<br />

viewerwith the impossible truth of ecstatic<br />

bodies overflowmg with an energy that so<br />

metimes pushes beyond the frame Forget<br />

romantic self-in<strong>du</strong>lgence in despair, this<br />

work is about a "frantic effort to belong to<br />

life, to be in life, and alive '<br />

ln your practice the photographer is not a<br />

w/tness but someone who enfers into an inn<br />

mate relation with the world in the process<br />

exposing lus own body especially sexually<br />

Horn do you view the distance between the<br />

camera and the photographed world<br />

When I started takmg photographs, I used al<br />

cohol to brmg down the barrier between the<br />

camera and the world Sex look over from<br />

that and the photographie act become the<br />

wild exploration of extreme drives, an<br />

openmg to the brutal mystery of the other<br />

For many years I used to take photos with<br />

my arm stretched out, not looking in the<br />

viewfmder Then I started dispossessmg my<br />

self of the camera and of the movement of<br />

takmg the shot, by getting the girls I was<br />

spendmg my nights with to take part, fundamentally<br />

challengmg the distribution of<br />

rôles in the pro<strong>du</strong>ction of images Renoun<br />

cing the photographie act means I can became<br />

a character and object in a script I<br />

Gould seemyself existing in the f rame, strug<br />

gle with my own existence This was deci<br />

sive I get nd of the heavy baggage of the<br />

photographer as witness and regamed real<br />

f reedom of action To date, some f ifty people<br />

have operated the camera in my place<br />

You define photography as a practice intr/n<br />

sically linked to a position a lived experience<br />

and also as a martial art<br />

For me it's an art of social warfare and ils<br />

philosophical foundations are chaos ineo<br />

herence and violence, but it's also a disci<br />

plme that requires mtransigence and<br />

patience, all the way to the less of dignity<br />

and of the need for rules The faceless bodies<br />

of these I photograph are no longer<br />

their bodies their bellies are swollen by<br />

drugs and drink, their foreheads are low<br />

and their shoulders sunk Re<strong>du</strong>ced to the<br />

state of commodities by the logic of<br />

money they pillage kill, rape and struggle<br />

to exist outside any kmd of social or cultu<br />

rai logic The violence of their actions goes<br />

unrepressed because they themselves are<br />

its mam targets This is the unspeakable<br />

and unrepresentable contemporary horror<br />

the most cruel social and economie aliéna<br />

lion imaginable This experience of vio-<br />

BAL<br />

5889505300502/CLA/OTO/2<br />

lence is central to my perception of art<br />

And, while trymg to take it to rts ultimate<br />

hmits, I daim to make it into material that is<br />

legible for a spectator to whom it is alien<br />

That is the paradoxof my work, which goes<br />

from pure mtensity to a no doubt<br />

intolérable formai utterance<br />

FORM AND THE UNFINISHED<br />

/ get the impression that the aesthetic of<br />

your images bas changea They saem more<br />

frontal with less blurr/ng and camera move<br />

ments just as the colors are more purple<br />

less reddish Mas your photographie method<br />

changea?<br />

I have always used techniques that I don t<br />

master, so as not to be in control After<br />

workmg with gelatm silver for about ten<br />

years, two years ago I started workmg with<br />

a digital camera, mitially for financial reasons<br />

But this technology also allows me to<br />

explore the space that links photography<br />

to video images and to permanent flux ln<br />

that sensé what I photograph is no longera<br />

moment but a situation that I break down<br />

For many years my work was re<strong>du</strong>ced to a<br />

kmd of expressions effect but that wasn t<br />

what it was about at all The out of focus<br />

quality was a toei an attempt to reveal<br />

other levels of reality, by relymg only on<br />

chance and the chaotic conditions of the<br />

photograph, but I don't want it to become a<br />

styhstic tic<br />

ln 2006 you made the film Aka Ana and your<br />

la tes t film Atlas features prominently in this<br />

show at Le Bal What does this form give you?<br />

I now use the contmuous time of video,<br />

which leaves less room for lies than the<br />

photographie illusion The impenous need<br />

to live what I daim to be documenting leads<br />

to an inévitable slide from what one could<br />

consider the (photographie) idea towards<br />

(cinematographie) action I am fightmg for<br />

an art of gesture, of the moment an art that<br />

is obscène and amoral. To construct this<br />

film I assembled a score of monologues by<br />

women l'd met in some ten différent coun<br />

tries At Le Bal I present these voices in<br />

space They are totally absent from the pho<br />

tographs When I am editmg, I work on the<br />

images and voices separately creating two<br />

parallel successions of fragments which<br />

each follow their own logic, so that the two<br />

interprétations become superimposed and<br />

mutually contradictory<br />

You often refer to this inévitable contradiction<br />

in your work with an action that is itself un<br />

compromising but also a désire for the work to<br />

exist and be seen How do you conceive this<br />

transition towards the visibilityofthe work?<br />

I need to feel sure that at some point the<br />

work will achieve a more or less complète<br />

form, so that there's no misunderstandmg<br />

FEVRIER 13<br />

Mensuel<br />

Surface approx. (cm²) : 3658<br />

with the viewer Atthesametime I don't ne<br />

cessanly want to explam I constantly run<br />

the risk of leavmg everythmg unfinished<br />

That's why I feel forced—wrongly, per<br />

haps—to go back over thmgs to publish<br />

and to show ln that case the exhibition becomes<br />

an opportunity to put a provisional<br />

form on a provisional state of aff a i rs ln rea<br />

Illy, I still see it all asa series of abortive at<br />

tempts, but I keep trymg, in spite of the<br />

lassitude and the feelmg of compromise<br />

And there are other factors I live and work<br />

in a very fragile economy, with no safety<br />

margins, and if Tm going to contin ue then I<br />

need the work to be seen even if, agam,<br />

this is in contradiction with my instinctive<br />

désire for invisibihty<br />

There is a fundamental distinction in your<br />

work between night and day the personal<br />

and the pol/tical That leads to two types of<br />

images which eventually marge into one a<br />

process that is embodied in the show by a<br />

gigantic installation of your /mages<br />

For a long time this distinction between<br />

day and night was an unconscious one Be<br />

cause I am represented by a photography<br />

agency (Magnum) I sometimes fmd myself<br />

in the position of bemg able to report on the<br />

state of the world by gomg to photograph<br />

some of ils symptoms, such as urban reno<br />

vallon, areas of economie migration or<br />

armed conflict I have never had any<br />

qualms about allowmg myself to be the<br />

frustrated hostage of a commission,<br />

because the strategie and pohtical issues<br />

facmg the press are very real But the way I<br />

photograph in these situations is cold and<br />

distanced, the emotional economy totally<br />

opposed to my commitment in the places<br />

and moments of my extreme expériences<br />

The gaze behind these images of eur limes<br />

is sériai and systematic lt makes invente<br />

nes of other processes, like these anthro<br />

pometnc portraits made by the American<br />

police that I gleaned from the Internet ln<br />

the end, if I juxtapose images on a wall it's<br />

because I want to préserve the chaos and<br />

integnty of each lived moment, as an autonomous<br />

fragment The need to accumulate<br />

is the same as in 2003, when with Christian<br />

Caujolle I showed a thousand images in an<br />

exhibition in Paris Because I wanttocreate<br />

meanmg I can't be happy with just showmg<br />

a sampling of "pretty images " Bemg<br />

agamst narrative, I have to keep rejecting<br />

narrative pretexts or pre formatted styles<br />

I d like to lalk about the pohtical dimension of<br />

your work your way of looking at the world of<br />

prostitution which at the same time becomes<br />

a pnsm for a ferocious critique of capitalism<br />

People are always challengmg me with the<br />

moral question of prostitution, with my re<br />

lation tothegirls But I have the same moral<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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8 RUE FRANCOIS-VILLON<br />

75015 PARIS - 01 53 68 65 65<br />

© Antoine d Agata - Magnum photos<br />

(Court galerie <strong>Les</strong> filles <strong>du</strong> calvaire Pans)<br />

problem when I look at the world these<br />

people themselves live in. Everythmg they<br />

do is compromise. Cowardice and corruption<br />

are everywhere. I can'! get rid of this<br />

deep feeling that society as a whole is completely<br />

based on the principle of prostitution.<br />

Paradoxically, it's in these places<br />

defined as places of exploitation that I fmd<br />

the strongest responses, the greatest resistance,<br />

and the freest indivi<strong>du</strong>els, even in<br />

their everyday practice of violence. And l'm<br />

not overlooking the economie and physical<br />

violence of these prostituted indivi<strong>du</strong>als.<br />

That's why I let these women do the ta I king<br />

in the film Atlas: they describe the evil, they<br />

express their strength and their suffering,<br />

express the nature of their relations with<br />

me, criticize me for some of thethings I do,<br />

BAL<br />

5889505300502/CLA/OTO/2<br />

verbalize their feelings about survival and<br />

death. Their voice is legitimate and their in<br />

trinsic critique of capitalism isfundamental.<br />

Even before I became a punk when I was seventeen,<br />

I was reacting against the economie<br />

world. I travelled around, in Nicaragua<br />

and El Salvador for example, with this deep<br />

political consciousness, but also with the<br />

powerful désire to lose myself, to know<br />

what the world was really about, in its guts.<br />

That's why my work has been re<strong>du</strong>ced to<br />

the romantic vision of the wanderer figure.<br />

PROSTITUTION, CAPITALISM, THE CRV<br />

Do you thmk of yourself as a Situationist?<br />

I made myself what I am in the street. Silence<br />

was my weapon. Situationism and<br />

Punk were my only expériences, smce I was<br />

more delinquent than political or artistic.<br />

That's asfar as my understandmg of art history<br />

goes. In my view, the rest isa long suc-<br />

FEVRIER 13<br />

Mensuel<br />

Surface approx. (cm²) : 3658<br />

cession of abstract ideas that refer me to<br />

the emptiness of the logic of the market.<br />

Contemporary society puts on the show of<br />

an illusoryfreedom which makes life visible<br />

but never palpable, which créâtes endless<br />

opportunités for dissatisfaction. For me, it<br />

was essentiel to create new passions and<br />

lived situations in order to get away from<br />

the general anesthesie pro<strong>du</strong>ced by the<br />

spectacle. In that sensé my practice is mformed<br />

by Guy Debord's unfinished dream.<br />

Other authors have been my companions:<br />

Céline, Artaud, Bataille and, most recently,<br />

Guyotat. Nowadays, though, I no longer<br />

read. I keep out of the way of influences.<br />

There is a very powerful figure in your work,<br />

that of the cry, botti ecstatic and indicative of<br />

untold suffering<br />

I havetaken lots of photos of the sex act, the<br />

animal image of mating, the barbarie célébration<br />

of theflesh burned by narcotic light,<br />

less, the complète and destructive g i tt to<br />

the other, the dizziness and blmding of the<br />

sensés, limbs groping for each other in a<br />

chaos of jerky movements, cannibal bodies,<br />

stretched out, désire to the point of nausea.<br />

What interests me hère is a form that is<br />

halfway between animal and man. There is<br />

a collapse. What the cry reveals is the chaos<br />

of sensation, the disappearance of feeling<br />

when faced with horror. In récent years I<br />

tned to photograph only that, getting as<br />

close as I possibly could.<br />

And what about now? Are you planning to<br />

travel to the end of the world again to continue<br />

the experience?<br />

I haven'! taken any photos since September<br />

2011, when I traveled to Libye. That came<br />

after a pamful experience in Cambodia. It<br />

was a kind of vicious circle in which I was<br />

trying to push my life as far as I could. I still<br />

have the scars. It was a real struggle to recover<br />

from these expériences, beth physically<br />

and psychologically. I left myself<br />

months of respite to prépare the exhibition.<br />

And that is where I am new. •<br />

Translation, C. Penwarden<br />

Lea Bismuth is an art cnue, teacher of art history and<br />

independenî curator<br />

Antoine o"Agata<br />

Néen/iorn1961 à I in Marseille<br />

Expositions personnelles récentes I Récent shows<br />

2009 Grand prix <strong>du</strong> film documentaire.<br />

Festival international de Belfort<br />

2011 Musee Nicéphore Niepce, Chalons-sur-Saône<br />

2012 Fotomuseum den Haag, La Haye<br />

2013 Le Bal, <strong>Galerie</strong> <strong>Les</strong> filles <strong>du</strong> calvaire, Paris<br />

Publications récentes<br />

2009 Agonie, Actes Sud<br />

2012 -2013 Ice, Image en Manœuvres Éd , Positionfs),<br />

Avarie Artbooks, Anticorps, Éd Xavier Barrai<br />

Eléments de recherche : LE BAL : centre de création documentaire contemporaine, au 6 impasse de la Défense à Paris (18e), toutes citations<br />

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