Journal of Film Preservation - FIAF

tout autant pour sa valeur de “bel objet d’ameublement”, “gadget
culturel”, comme tel objet rustique authentique que l’on trouve dans
certains jardinets de banlieue, ou comme une cravate-Monet et une
nappe-Van Gogh.
La différence entre la “culture artisanale (pour tous)” que défendait un
William Morris en Angleterre au siècle dernier avec le mouvement Arts
and Craft et la “culture industrielle” qu’ont fustigé Adorno et Horkheimer
après-guerre s’estompe. Ainsi lors de l’exposition commémorative
William Morris au Victoria and Albert Museum, le paradoxe, nullement
relevé par les organisateurs ni les visiteurs, voulait que les deux
dimensions se retrouvaient côte-à-côte de façon quasi caricaturale : dans
l’exposition où l’esthétique de Morris était célébrée avec un sérieux et un
didactisme sans pareils, et dans la boutique attenante, où les produits
dérivés de Morris and co se vendaient à la pelle!
Cela peut m’étonner en tant que critique de la culture, mais le visiteur
que je suis aussi, passe sans problème d’un univers culturel à un autre.
Sans problème, car le passage est médiatisé de bout en bout. Qu’il y ait
un rapport hautement significatif entre l’exposition des objets artisanaux
de Morris et la vente industrialisée de ces ‘mêmes’ objets, est un
phénomène soit laissé pour compte par les organisateurs ou soit pris
pour argent comptant. Ce qui m’irrite et m’inquiète, ce n’est pas le
phénomène de juxtaposition en soi, mais c’est que des responsables de la
culture le prennent pour fait acquis sans le rendre signifiant. Je dirais :
ils n’ont rien compris à Morris et à notre époque contemporaine qu’ils
subissent bêtement ou avec opportunisme.
L’avoir et l’être
La notion de patrimoine est passée de la conception de bien qu’on
possède par héritage à celle de bien qui vous constitue (dans le dernier
cas en “touriste culturel parfait”). Patrimoine, mémoire, identité sont
devenus des mots circulaires, presque synonymes. Le patrimoine, c’est ce
qui est accessible à nous tous par la “mémoire” et qui, par là, prend sa
valeur.
De la culture en tant qu’avoir, on est passé de la culture en tant que
moyen d’être. Il ne s’agit pas simplement d’une accentuation différente ;
c’est un bouleversement profond, qui marque - exemple parmi d’autres -
le désarroi que l’on constate dans l’enseignement. Du possessionnel - la
culture c’est ce qu’on acquiert - on est passé à l’existentiel - la culture c’est ce
que l’on vit. “Avoir de la culture” est devenu “être dans la culture”.
(Remarquons que la cinéphilie ‘ancienne manière’ allait déjà en partie
dans cette direction... Elle était aussi manière de vivre, lifestyle, comme
disent les anglais. C’est sans doute la raison pour laquelle les nouveaux
cinéphiles croient pouvoir aussi facilement s’intégrer au nouveau
contexte.)
•
Quelles sont les conséquences de ce phénomène pour le patrimoine
(cinématographique)? Le directeur du CNC, annonce dans un entretien
avec Le Monde (27-10-98) que la Cinémathèque française s’appellera
27 Journal of Film Preservation / 58/59 / 1999
La memoria de los archivos
Spanish summary by Valeria Ciompi
Los archivos fílmicos se enfrentan a una
nueva crisis. El propio concepto de archivo
está cambiando. Los modos de poner el
patrimonio cinematográfico a disposición del
público ya no son tan evidentes.
El concepto de “patrimonio cinematográfico”
era comprendido tan sólo por una pequeña
minoría de franceses hasta la celebración del
“Año del Patrimonio”, que acabó teniendo
un enorme impacto . Ahora que el concepto
de patrimonio está siendo ampliamente
aceptado como parte de la cultura, está
dejando de ser una actividad “elitista” para
convertirse en una preocupación
“democrática”. Para mejor comprender esta
noción de patrimonio debemos señalar, como
lo ha hecho Pierre Nora, que la historia
nacional ha pasado a ser la memoria
nacional. “Memoria, historia : lejos de ser
sinónimos, tomamos conciencia de que todo
los opone. (...) La memoria es un fenómeno
siempre actual, un vínculo vivido en un
presente eterno ; la historia, una
representación del pasado.” La memoria se
ha constituido en el archivo de todos los
materiales que nos resulta imposible
recordar. El patrimonio cultural ya no está
integrado por todo aquello que ya había sido
definido como tal : ahora cualquier cosa
puede entrar a formar parte de esta
categoría de valores. Y esto es, en realidad,
lo contrario de lo que estábamos
acostumbrados a entender por patrimonio
cultural. Ya no está constituido por objetos,
sino que se trata más bien de una actitud.
La cuestión que ahora se plantea es saber
dónde empieza y dónde acaba la herencia
cultural que es preciso salvaguardar. El
problema ya está latente en la filosofía que
rige el trabajo de algunos archivos fílmicos.
Por ejemplo, Jacques Ledoux, el siempre
recordado anterior director de la
Cinémathèque Royale de Belgique, creía que
había que conservarlo todo, o al menos todo
lo posible, dado que nuestros juicios de valor
cambian a lo largo del tiempo y debemos
someterlos a una revalidación periódica.
Ledoux estaba absolutamente en contra del
criterio de selección. En un terreno más
amplio que el de la cinematografía, la
amplificación de la noción de patrimonio a
lo largo de los últimos decenios ha tenido
como consecuencia directa una proliferación
incontrolable de aquello que debe ser
preservado. Según Nora, se ha constituido
en una auténtica obsesión que tiende a la
conservación integral de la totalidad del
presente y del pasado. El problema que se