Journal of Film Preservation - FIAF

première des logiciels ; une fois ceux-ci gavés, ils pourront disparaître.
Puisque tout est mis en mémoire!
L’abondance et les richesses réelles ou illusoires produites par notre
nouvelle mentalité patrimoniale, nous fait perdre de vue la précarité, la
fragilité, l’unicité... ce que nous entendions traditionnellement par le
contenu d’une archive. Car, ce qui est facilement accessible,
consommable à satiété, a aussi perdu sa valeur de bien rare et précieux.
Ou comme l’écrivait le journaliste Dieter E. Zimmer dans Die Zeit (4
Mars 1999) : “Quand trop d’accessibilité entoure le travail de la
mémoire, le pouvoir immense de l’oubli disparaît.”
•
Cependant, acceptons un moment que “l’entièreté” de nos
cinémathèques soit accessible un jour ou l’autre. En effet, rien
n’empècherait de mener ce projet à sa fin. Il faut alors craindre que cette
sur-abondance n’engendre, à plus ou moins long terme, sa propre
sélection. Se mouvant sur un marché, les lois de celui-ci n’hésiteront pas
à déclarer, pour une raison ou une autre, que “certains titres ne se
trouvent plus au catalogue”! Les jeux de l’offre - autre mot pour dire :
l’accessibilité - engendrent forcément des mécanismes de demande.
Deuxième partie
Si la notion d’archive tend, de plus en plus, à se confondre avec son
accessibilité, il faut se demander quel besoin d’utilisation on pourrait
bien avoir, et à quelles fins? S’il est vrai aussi que des technologies
nouvelles changent la culture - ce que Saint-Simon et Marx ont dit avant
moi - je crois qu’il est sage et utile de tenter d’entrevoir et d’esquisser en
quoi consisterait cette nouvelle culture ; ou du moins, quels en sont les
ressorts principaux. Il n’est pas de bon ton de s’atteler à cette tâche d’une
manière critique ou sceptique ; un aveuglement euphorique est de
rigueur. Ce qui rend la chose d’autant plus malaisée est que je fais,
comme tout un chacun, partie du climat ambiant auquel je ne saurais
me soustraire. Risquons cependant ces remarques, quitte à être pris pour
un fataliste spenglerien.
Les deux cultures
Prenons un exemple dans notre domaine, celui de la culture cinématographique.
En général et pour être bref, on peut dire que celle-ci
passait par la cinéphilie... Ce qui était vrai pour ma génération et celle
qui vient après la mienne, représentant une “nouvelle cinéphilie”. 12
Un jeune critique hollandais - en réponse précisément à la discussion
qui a eu lieu récemment dans Trafic - déclare cette nouvelle cinéphilie
aussi bien que l’ancienne comme étant... “pubertaire”! (le critique en
question doit donc avoir moins de trente cinq ans). Pubertaire car
auteuriste, avec tout ce que cela sous-entend de références à la notion de
critère, devenue anachronique. Si son argumentation est significative ;
elle est aussi inquiétante! Evidemment, il ne jure que par une approche
du cinéma au moyen de la vidéo - car, dit-il, c’est la seule garantie en
25 Journal of Film Preservation / 58/59 / 1999
Cultural phenomena only exist when they
are exemplary or unique, outside of the
common. This is what the media demand.
We lack a terminology to describe this
mentality where the experience is central.
This aesthetic of experience is no longer
reserved to the traditional domains of art,
but has infiltrated everywhere. The frontiers
are wiped out between going to the concert,
shopping, going to the restaurant, visiting an
exhibition, walking in the woods, drinking a
glass, spending a week-end in a foreign city,
etc. This is known as “going out”. Or
“escape”. It is enough to look at our
newspapers and magazines, and of course
the television treat these different domains
and regroup them under denominations such
as “schedule” or “guide”. The old cultural
institutions are not automatically excluded
from these activities. On the contrary. From
the moment that these old institutions
become places of events, where one must
form a queue to enter, where the crowds
gather, they become part of the same
aesthetic domain.
Selection has become selection according to
the possibilities for creating events. This
selection is made above all by the media.
Even the term of mediatization must be
enlarged. It is longer about the media only,
but about the media attitude which is
emerging: the means to make the flood of
activities readable, to be able to go to that
which truly promises an experience: the best
sellers, the prize winners, the lists of best
films.
It may be that each time that a selection is
thus made, it is implicit that the rest is
without value. If we make lists of what it is
most necessary to safeguard, it tends to
eliminate what is not retained. Not to
eliminate physically but to render it
marginal, although it will continue to
function as an additionnal sign of our riches.
The market will tolerate it. If you have seen
the 354 classics of cinema that the BFI has
selected, the indispensable basis for film
culture, forget the rest. Because one must
make choices. One may not safeguard
everything. Such a selection hides an implicit
devalorization for all that is not included. In
an era where everything must be included in
the cultural heritage, it must be more and
more evident that the whole may not be
safeguarded.
This involvement with the media becomes
necessary in an era where everything seems
to belong to the heritage, it is the price we
pay for our voraciousness. This new culture
is a real obstacle for us who occupy