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Journal of Film Preservation - FIAF

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“économique” comme une propriété transmise par les ancêtres. D’ailleurs<br />

le Larousse (1970) l’interprète encore de cette manière. Cependant<br />

actuellement, ce sont les valeurs non plus seulement matérielles, mais<br />

tout autant immatérielles qui sont devenues importantes. Il y a un long<br />

chemin, du monument historique en tant qu’occurrence privilégiée du<br />

patrimoine à celle élargie de patrimoine, comme nous l’entendons de nos<br />

jours.<br />

Ce glissement - qui fait du patrimoine une notion largement acceptée par<br />

la culture et constitutive de celle-ci, a des inférences sur la culture ellemême.<br />

D’une notion spécialisée et restrictive, qui n’intéressait que les<br />

spécialistes (de l’histoire de l’art et de la restauration), elle est devenue<br />

une notion largement reconnue et vécue. Cette activité qui était “élitiste”,<br />

elle est devenue une préoccupation de “masse”.<br />

Pour saisir ce nouveau contenu de la notion de patrimoine, - toujours ce<br />

que l’histoire nous a légué comme bien - il faut sans doute d’abord<br />

esquisser notre rapport à, précisément, l’histoire. Pierre Nora note que<br />

d’une conception d’histoire nationale, on est passé à la conception de<br />

mémoire nationale. Par conséquent, le patrimoine en tant que “patrimoine<br />

national” est devenu en quelque sorte “mémoire patrimoniale” (ce qui,<br />

on le verra, est un pléonasme). Un autre usage, une autre attitude envers<br />

le passé, dont le dénominateur commun est désigné désormais par le<br />

terme vague de “mémoire” font leur apparition : “Mémoire, histoire : loin<br />

d’être synonymes, nous prenons conscience que tout les oppose. [...] La<br />

mémoire est un phénomène toujours actuel, un lien vécu au présent<br />

éternel ; l’histoire, une représentation du passé.” 2 De plus, “Ce que<br />

nous appelons mémoire est, en fait, la constitution gigantesque et<br />

vertigineuse du stock matériel de ce dont il est impossible de nous<br />

souvenir, répertoire insondable de ce que nous pourrions avoir besoin de<br />

nous rappeler.” 3<br />

Le patrimoine n’est donc plus ce “qui a été jugé une fois pour toutes<br />

comme tel” ; du moment que le passé y a laissé ses traces, tout objet<br />

peut entrer dans cette catégorie de valeur, devenir objet de valeur. Ce<br />

qui, en fait, est à l’inverse de ce qu’on avait coutume d’appeler le<br />

patrimoine. Une illustration de cette nouvelle tendance est la création de<br />

“musées” consacrés à des domaines qui dans la perspective ancienne du<br />

patrimoine auraient été jugés sans valeur : Musée de la bière, Musée de<br />

la Sardine, etc. Notons au passage que ces nouveaux objets du<br />

patrimoine font appel à des moyens de communication traditionnels tel<br />

que la présentation en “musées”. Forme d’ironie post-moderniste sans<br />

doute inconsciente ; simulacre de patrimoine ancienne manière afin de<br />

légitimer cette forme de mémoire?<br />

Vu sous cet angle, la question qui s’impose est de savoir où commence et<br />

où finit le patrimoine, où commence et où finit ce qu’il convient de<br />

conserver? Car tout semble être apte à entrer dans cette nouvelle<br />

catégorie de patrimoine ; tout est virtuellement “patrimoniable”. (Et<br />

question corollaire : comment diffuser? ce qui fera le sujet de la seconde<br />

partie de ce texte)<br />

En fait, le problème posé ainsi était déjà plus ou moins latent dans les<br />

18 <strong>Journal</strong> <strong>of</strong> <strong>Film</strong> <strong>Preservation</strong> / 58/59 / 1999

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