Journal of Film Preservation - FIAF
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sont plutôt des arts de contemplation - de comprendre dans une même<br />
vision globale tous les biens culturels : la fonction prise en compte peut<br />
être soit physique (mobilier, livre) soit cultuelle (icône, certaines statues),<br />
et originelle ou transformée et acquise. On peut imaginer qu’une armoire<br />
ou une aiguière exigent pour la démonstration de leur usage physique<br />
une consolidation particulière, légitime dans un environnement de type<br />
ethnographique. De même, des raisons religieuses peuvent entraîner une<br />
réintégration particulière d’icônes, œuvres où la rupture des formes n’est<br />
pas supportée par les fidèles, ou rendre un complément de statues<br />
nécessaire parce que celles-ci sont vénérées par des populations peu<br />
enclines à prier une figure mutilée.<br />
Dans certains cas la copie est légitime parce que la fonction est<br />
essentielle et que la valeur d’usage l’emporte sur la valeur d’ancienneté<br />
au point de réduire cette dernière à zéro : des statues en décor à<br />
l’extérieur dans des jardins sont remplacées par des copies ; des<br />
instruments de musique <strong>of</strong>ferts régulièrement en concert, et pas<br />
seulement au jeu exceptionnel d’un chercheur avide de sonorités rares,<br />
ne peuvent être que des copies (47) ; des dessins <strong>of</strong>ferts à la consultation<br />
du public sont montrés à travers leurs fac-similés (48) ; des archives et<br />
des livres sont dupliqués par micr<strong>of</strong>ilmage ; les photographies font<br />
l’objet de restitutions numériques (49) suffisantes pour l’édition.<br />
Quel que soit le mode choisi, la restauration la plus scrupuleuse,<br />
appuyée sur un raisonnement du type Brandi ou Riegl, la copie fidèle et<br />
la restitution par d’autres techniques que la technique originale, toute<br />
intervention appartient à une certaine époque et en trahit<br />
inconsciemment les modes. Les rénovations du 17ème siècle (50), les<br />
interventions novatrices de la fin du 18ème siècle et du début du 19ème<br />
siècle, qui fondent la discipline de la restauration appuyée sur la<br />
conscience historique et l’esprit critique (51), les restaurations<br />
historicistes de la seconde moitié du 19ème siècle (52), les opérations<br />
puristes de la fin des années 1930 jusqu’aux années 1950 (53) et les<br />
équilibres sophistiqués des années 1960 et 1970 (54) sont des<br />
interventions qui sont marquées du sceau des idées qui leur sont<br />
contemporaines : la mise au goût du jour par les artistes au 17ème<br />
siècle, la naissance de l’histoire de l’art et de l’archéologie à la fin du<br />
18ème siècle, le positivisme d’Auguste Comte au 19ème siècle,<br />
l’esthétique du Bauhaus et le goût du matériau brut du début du 20ème<br />
siècle, le triomphe de la Relativité et des théories scientifiques d’Einstein<br />
sous le régime desquels nous vivons aujourd’hui.<br />
La notion de progrès si souvent invoquée est-elle pertinente ? Peut-être,<br />
cet aspect recouvre-t-il seulement le besoin d’être en phase avec sa<br />
propre époque ? En tout cas, la conscience de la variété des solutions et<br />
de leurs légitimités différentes est un progrès par rapport aux anathèmes.<br />
Les divers arts ont toujours été d’abord restaurés par leurs créateurs (55)<br />
et ensuite par des praticiens spécialisés ; critiques et polémiques affectent<br />
la restauration qui oscille entre la priorité de la technicité et celle du<br />
caractère artistique : l’interdisciplinarité découle du souhait de résorber<br />
ce conflit.<br />
10 <strong>Journal</strong> <strong>of</strong> <strong>Film</strong> <strong>Preservation</strong> / 58/59 / 1999