Journal of Film Preservation - FIAF
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et d’usage (39). A leur tour les opérations esthétiques, dites de mise en<br />
valeur, permettent une meilleure connaissance de l’œuvre soit comme<br />
simple résultat d’un nettoyage soit quelquefois en raison des analyses<br />
nouvelles exigées par l’intervention : la restauration est une occasion de<br />
recherche en histoire de l’art et en archéologie (40), c’est-à-dire en<br />
sciences humaines et c’est à ce titre que l’activité de restauration,<br />
considérée par certains comme ancillaire, acquiert ses lettres de noblesse.<br />
Mais là aussi comment ne pas s’étonner de la très grande faiblesse de la<br />
recherche scientifique relative à la mise en valeur : elle est technicoscientifique<br />
lorsqu’il s’agit de mettre au point des méthodes de collage<br />
des verres (41) ou de nettoyage des peintures (42) répondant aux trois<br />
critères d’efficacité, de réversibilité et d’innocuité ; elle est technicoesthétique<br />
lorsqu’elle vise à mettre au point diverses méthodes<br />
d’équivalence chromatique (43) pour faire oublier les lacunes d’une<br />
œuvre sans les cacher.<br />
Les responsabilités spécifiques du restaurateur devant l’histoire<br />
On ne pourra jamais nier que toute intervention humaine sur un bien<br />
préexistant est une interprétation (44) : la neutralité est un leurre ; la<br />
philosophie ambiante imprègne toutes les actions des hommes d’une<br />
certaine époque dans un certain pays. On peut même dire que le<br />
restaurateur est le responsable des formes de notre musée imaginaire.<br />
Une grande liberté lui est <strong>of</strong>ferte tant dans les procédés possibles que<br />
dans le degré d’intervention au sein de chacun. Aussi a-t-on vite<br />
compris, pour légitimer l’action de conservation-restauration, qu’il fallait<br />
se doter d’un corps de doctrine solide ; c’est ainsi qu’outre les<br />
contraintes techniques imposées par le bien culturel et son contexte, on<br />
a construit progressivement tout l’édifice des contraintes culturelles qui<br />
sont des principes de transparence vis-à-vis du spectateur, de l’amateur,<br />
qui sont des clefs de compréhension qu’on lui donne, et que l’on<br />
schématise par la bipolarité esthétique et historique de Cesare Brandi et<br />
la théorie des valeurs d’Aloïs Riegl.<br />
La bipolarité esthétique et historique de l’œuvre d’art est à l’origine de<br />
l’invention, vers 1940, de la retouche visible par «tratteggio» (45) ; il<br />
s’agit d’un procédé de retouche conçue pour être visible, par souci<br />
d’honnêteté. Il s’agit de montrer au visiteur l’étendue de la restauration et<br />
de lui permettre de distinguer celle-ci de l’original. Satisfaire la double<br />
exigence souvent contradictoire de combler les lacunes par souci<br />
esthétique et de les laisser visibles par souci historique, a rendu les<br />
restaurateurs imaginatifs : on dit de manière un peu rapide qu’un<br />
restaurateur ne doit rien inventer ; en effet il ne doit pas inventer de<br />
formes, il ne doit pas avoir l’imagination du créateur d’art plastique qui<br />
s’impose à un créateur antérieur et donc le trahit, mais il doit avoir<br />
l’imagination de l’ingénieur qui sert un propos technique par une<br />
recherche finalisée (46) dans les limites d’une voie bien tracée.<br />
L’affectation d’un pourcentage varié des valeurs esthétique, historique,<br />
d’ancienneté et d’usage, au sens d’Aloïs Riegl, permet grâce à<br />
l’importance de la fonction - critère peu retenu pour les beaux-arts qui<br />
9 <strong>Journal</strong> <strong>of</strong> <strong>Film</strong> <strong>Preservation</strong> / 58/59 / 1999