Journal of Film Preservation - FIAF
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ainsi Ray Charles a conduit un cabriolet Renault sur le lac salé, aux<br />
USA, pour deux millions de francs.<br />
Mais le problème est plus complexe quand les images représentent<br />
l’espace public, qu’il s’agisse d’un monument ou d’une rue de Paris<br />
comme à Hanoï ou à Rabat. Ce problème du droit d’auteur et de la<br />
propriété des images a été étudié par Bernard Edelman. Et on<br />
s’aperçoit qu’il est tenu compte de la part de l’auteur plus que des<br />
droits des habitants de la rue ou de la société concernée. En effet, le<br />
problème abordé, en droit, est alors de se demander, quand une<br />
photo ou un plan sont saisis, où se trouve la part de créativité du<br />
cinéaste ou du photographe. Une simple reproduction ne donne pas<br />
droit à la protection de la loi car la rue, le monument appartiennent<br />
au domaine public. Il faut qu’il y ait, comme pour l’information,<br />
choix par l’auteur, appropriation, pour que soient évoqués ses<br />
droits éventuels. Allons plus loin : celui qui éclaire de façon<br />
particulière le château de Chambord en est-il l’auteur ? A-t-il des<br />
droits sur les cartes postales représentant le château éclairé ainsi de<br />
façon personnalisée ?<br />
Autre exemple plaidé en justice : la carte postale qui représente la<br />
rue de Rennes à Paris la nuit, ne donne aucun droit à l’architecte de<br />
la Tour Montparnasse, qu’on peut voir au fond de la carte postale, à<br />
moins qu’on ne voie qu’elle. De même, absorbée par le symbole de la<br />
République dans la statue de Marianne, Catherine Deneuve n’a<br />
aucun droit sur sa reproduction, publicitaire ou pas, car c’est le<br />
mythe de la République qu’elle représente ici, pas elle-même.<br />
Ainsi, la partie de l’appropriation se joue à plusieurs : l’auteur<br />
individuel ou collectif, l’ordre juridique, l’État, le Capital, les<br />
personnes, ainsi que la société et objets figurés. C’est un jeu de<br />
rapport de forces où l’État peut incarner à la fois la répression et la<br />
censure, ou aussi bien les sentiments de la collectivité ; où le Droit<br />
est au service de la jurisprudence, mais celle-ci est sans armes devant<br />
les nouvelles technologies et elle doit innover ; à la société de savoir<br />
s’organiser pour qu’elle ne statue pas au gré des autres forces qui font<br />
pression ; le capital dispose d’armes sonnantes et de plus encore de<br />
services juridiques puissants ; pour lui, ce qui est figuré appartient<br />
d’abord au producteur qui colonise à la fois les auteurs et les<br />
personnes et objets représentés : à moins, ici encore, que le sujetobjet<br />
filmé ne se donne les forces d’exister, d’assurer la défense de ses<br />
droits, individuels et collectifs, par exemple en créant des<br />
associations d’intérêt public ou privé, au nom de l’individu ou du<br />
patrimoine.<br />
Il reste l’auteur, écrivain ou artiste que meut la tentation de liberté<br />
mais aussi le désir de succès public, son narcissisme, sa capacité<br />
phénoménale à être à la fois joueur, irresponsable et arbitre.<br />
Le procès des cinéastes et intellectuels “collaborateurs”, en 1945-<br />
1948, a ouvert ce dernier dossier. Pendant l’Occupation, il n’y a pas<br />
eu de cinéastes pro-allemands, pas plus que de cinéastes favorables<br />
65 <strong>Journal</strong> <strong>of</strong> <strong>Film</strong> <strong>Preservation</strong> / 63 / 2001