Journal of Film Preservation - FIAF
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Le Corbeau, Henri-Georges Clouzot (1943).<br />
Source: Cinémathèque québécoise, Montréal<br />
prostituant au peuple, l’image ne saurait être une compagne à qui se<br />
fier : son assemblage n’est-il pas un montage, un truc non<br />
contrôlable, un trucage. Les artistes qui figurent sur ces fictions sont<br />
au mieux des “saltimbanques” et ceux qui les fabriquent des artisans.<br />
Dans les films de fiction, on considère que l’auteur est celui qui a<br />
écrit le scénario ; et au théâtre, celui qui a écrit le texte, le metteur en<br />
scène passant au deuxième plan.<br />
Seules les contre-sociétés, les soviets-communistes et les nazis<br />
mettent sur les génériques d’actualité le nom des preneurs d’images,<br />
des opérateurs, considérés à l’égal de la firme, comme des coauteurs -<br />
donc des copropriétaires…<br />
Tout change lorsque le cinéma devient une grande industrie.<br />
Cinéastes et photographes sont désormais considérés comme des<br />
créateurs pour ne pas faire perdre à l’industrie le bénéfice de la<br />
protection légale. En effet, en se développant, le cinéma a <strong>of</strong>fert aux<br />
industries, aux hommes d’affaire un pactole que le théâtre leur avait<br />
toujours refusé : une industrie du<br />
spectacle, possible grâce à la<br />
multiplication des copies. Désormais,<br />
production et marché peuvent se<br />
concentrer, comme dans les autres<br />
champs industriels, ce qui donne une<br />
superpuissance aux grandes firmes.<br />
Aussi est-ce le producteur - et non<br />
l’auteur du film ou du scénario - qui<br />
devient le propriétaire de la création<br />
qu’il produit, et l’auteur est soumis à<br />
contrat. Que le film devienne sonore,<br />
et l’auteur du scénario, des dialogues -<br />
bien qu’ils soient écrits - passe sous la<br />
dépendance du producteur de<br />
l’industrie, du capital.<br />
De sorte qu’une situation peut se créer<br />
où, à la fois, l’auteur des images et la<br />
personne filmée sont dépossédées de ce qu’ils considèrent chacun<br />
comme leur propriété, mais la firme fait alliance avec le cinéaste<br />
contre la personne filmée. Et le cinéaste noue son sort au plus fort - à<br />
celui qui le paye.<br />
Face à la puissance de la firme, on constate dans les films de fiction,<br />
l’impuissance du comédien, à qui pourtant appartiennent en partie<br />
les images se manifeste lorsque, par exemple, sont présentées des<br />
scènes pornographiques en gros plan, dont la vedette ne peut<br />
prouver qu’elle n’est pas l’auteur, car l’identification d’un sujet est<br />
limitée aux empreintes digitales, au visage. Or ces scènes sont<br />
souvent des inserts introduits dans le montage, à l’insu de la<br />
comédienne. Inversement, dans les films publicitaires, la star peut<br />
vendre son image à des tarifs faramineux et protégés par contrat :<br />
64 <strong>Journal</strong> <strong>of</strong> <strong>Film</strong> <strong>Preservation</strong> / 63 / 2001