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Journal of Film Preservation - FIAF

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en autochenilles”. Partie de 28 octobre 1924 de Colomb-Béchard, elle<br />

arrivait le 26 juin 1925 à Tananarive. Poirier, <strong>of</strong>ficiellement “chargé<br />

de la documentation cinématographique”, avait comme “adjoint”<br />

pour la prise de vue Specht, l’un des opérateurs du film célèbrissime<br />

de Feyder, L’Atlantide (1921). Lui-même d’ailleurs avait été candidat à<br />

la réalisation de cette image de l’œuvre fameuse de Pierre Benoît.<br />

La sortie du film La Croisière noire en 1926 eut un succès retentissant<br />

où, aux fiertés cocardières françaises devant les images d’un immense<br />

Empire colonial, se mêlait le sentiment de découvrir des civilisations<br />

déchues n’attendant que l’aide généreuse de la métropole pour<br />

accéder au monde fraternel du progrès universel ! La première<br />

version, muette, sera sonorisée en 1933, accentuant encore par la<br />

musique et le commentaire de triomphalisme colonial du film et son<br />

anglophonie à peine masquée. Le développement des liens entre les<br />

territoires dispersés de la colonisation, l’établissement d’une unité de<br />

gestion et d’une unité de pensée référées aux trois couleurs du<br />

drapeau national, voilà ce qu’expriment les images de La Croisière<br />

noire. La construction du film enchaîne systématiquement les<br />

séquences de circulation, les danses et les chasses. Les images sont<br />

belles et appliquées, aussi lourdes dans cette esthétique que la<br />

pesanteur efficace des autochenilles sur le sable du désert. Les<br />

cadrages sont déjà ceux de Morocco (J. von Sternberg, avec Marlène<br />

Dietrich et Gary Cooper, 1930), de Pépé le Mocco (Julien Duvivier,<br />

avec Jean Gabin, Mireille Balin, Fréhel, Dalio, 1937) et des<br />

innombrables films de fiction qui feront du désert le décor idéal<br />

traversé par une aventure centrale, décisive, celle de l’homme blanc<br />

tout à ses sentiments, ses découvertes et ses passions.<br />

Il n’y a pas d’autre sujet, direct ou indirect, documentaire ou<br />

fictionnel, que celui qui porte le regard et désigne dans ce<br />

mouvement ce qui peut légitimement atteindre à la dignité du<br />

remarquable. Les opérateurs de ces films vont chercher des détails<br />

incongrus qui viendront au devant de la scène, ordonnant ainsi des<br />

significations spécieuses et incontrôlables dans l’instant d’une<br />

projection. Les distances seront escamotées entre les espèces<br />

animales, végétales et humaines, montrées, montées côte à côte en<br />

raccourcis saisissants. La caméra ne se déplace pas, elle tourne sur<br />

elle-même, épinglant, comme l’entomologiste, son objet sans défense<br />

sous la lumière crue des projecteurs.<br />

La circulation automobile elle-même montre bien l’efficacité de la<br />

technologie, sa rigueur et le caractère inéluctable de son déploiement<br />

qui fabrique de l’unité, fermement administrée par des hommes hors<br />

pairs. En contraste, les danses font voir le flou, l’étrangeté, la<br />

diversité, la discontinuité des populations rencontrées: la danse et le<br />

chant sont d’ailleurs les seules qualités reconnues véritablement à ces<br />

sociétés. L’anarchie, l’archaïsme ou la déchéance des peuples<br />

répondent à la violence générale de la nature. Heureusement la<br />

puissance coloniale apportera les instruments d’une véritable maîtrise<br />

et, comme l’écrivent très clairement les chefs de l’expédition dont les<br />

14 <strong>Journal</strong> <strong>of</strong> <strong>Film</strong> <strong>Preservation</strong> / 63 / 2001

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