11.10.2013 Views

Définitions(s) de la notion de stratégie d'apprentissage

Définitions(s) de la notion de stratégie d'apprentissage

Définitions(s) de la notion de stratégie d'apprentissage

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

DÉFINITION(S) DE LA NOTION DE STRATÉGIE<br />

D'APPRENTISSAGE :<br />

CONSENSUS ET DÉSACCORDS<br />

Caroline VERGON<br />

Université <strong>de</strong> Franche-Comté<br />

La <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>, importée <strong>de</strong> domaines aussi différents que l'art <strong>de</strong> <strong>la</strong> guerre et <strong>la</strong><br />

théorie <strong>de</strong>s jeux, a été intégrée, en France, dans le champ <strong>de</strong> <strong>la</strong> Didactique <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues<br />

étrangères (DLE) dès les années 70.<br />

E. ROULET, dans un article publié en 1976, et qui a fait date, a recours à <strong>la</strong> <strong>notion</strong>. Il y<br />

trace les gran<strong>de</strong>s lignes d'une pédagogie centrée sur les caractéristiques <strong>de</strong>s publics<br />

visés, c'est-à-dire sur leurs attitu<strong>de</strong>s, motivations et <strong>stratégie</strong>s. Cependant, il n'apporte<br />

aucune définition du terme et il conclut que, dans ce domaine, nos "connaissances<br />

scientifiques sont encore bien faibles en comparaison <strong>de</strong> nos ignorances" (1976: 67).<br />

Des auteurs anglo-saxons faisaient à <strong>la</strong> même époque un constat simi<strong>la</strong>ire. L. SELINKER,<br />

par exemple, reconnaît qu'"une définition opérationnelle <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>notion</strong> (<strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>) ne<br />

semble pas possible actuellement" (1972: 219). L'auteur ajoute: "on en sait même moins<br />

sur les <strong>stratégie</strong>s que les apprenants d'une secon<strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue utilisent dans leurs tentatives<br />

pour s'exprimer dans <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue cible et pour <strong>la</strong> maîtriser" (ibid.). Plus près <strong>de</strong> nous, E.<br />

BIALYSTOK exprime à nouveau <strong>la</strong> même opinion, soulignant "le peu <strong>de</strong> consensus sur <strong>la</strong><br />

définition et sur l'i<strong>de</strong>ntification <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong>" (1983).<br />

On peut alors se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si ce constat vaut toujours pour <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> actuelle. C'est <strong>la</strong><br />

question <strong>de</strong> <strong>la</strong> stabilisation terminologique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong> qui<br />

va orienter les réflexions présentées dans cet article. Après un rapi<strong>de</strong> exposé sur les<br />

facteurs à l'origine du développement et du succès actuel <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>notion</strong> en didactique <strong>de</strong>s<br />

<strong>la</strong>ngues étrangères, je vais m'attacher à dégager ses caractéristiques ou propriétés 1 qui<br />

semblent représentatives <strong>de</strong>s réflexions <strong>de</strong> chercheurs reconnus.<br />

1. D'hier à aujourd'hui : quelle p<strong>la</strong>ce pour <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong><br />

<strong>d'apprentissage</strong> dans <strong>la</strong> recherche en DLE ?<br />

La <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> s'est décomposée en DLE en une gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong> termes :<br />

<strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong>, <strong>stratégie</strong> <strong>de</strong> l'apprenant, <strong>stratégie</strong> cognitive, métacognitive,<br />

<strong>stratégie</strong> <strong>de</strong> communication, <strong>de</strong> lecture, discursive, compétence stratégique... Plusieurs<br />

auteurs se sont penchés sur les re<strong>la</strong>tions qu'entretiennent certaines <strong>de</strong> ces <strong>notion</strong>s, en<br />

tentant <strong>de</strong> les distinguer. Au fil <strong>de</strong> cet article, il m'arrivera également d'en confronter<br />

certaines. Ce qu'il faut retenir <strong>de</strong> cette liste, non exhaustive par ailleurs, c'est l'intérêt<br />

porté par <strong>la</strong> recherche en didactique (<strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues première et secon<strong>de</strong>) à <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>stratégie</strong>, dès les années 70. A <strong>la</strong> même pério<strong>de</strong>, on peut observer une tendance<br />

simi<strong>la</strong>ire dans le champ <strong>de</strong> <strong>la</strong> psycholinguistique. P. RILEY (1985: 96) cite un ouvrage<br />

paru en 1977 qui propose un bi<strong>la</strong>n <strong>de</strong>s connaissances et <strong>de</strong>s questionnements en<br />

psycholinguistique, dans lequel il apparaît que l'idée <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> est <strong>de</strong>venue centrale<br />

dans ce domaine.


Caroline Vergon 2 Définition(s)<br />

Ce phénomène s'est accéléré au cours <strong>de</strong>s années 80.<br />

L'importance prise par <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong> s'explique par <strong>la</strong><br />

conjonction <strong>de</strong> différents facteurs. L'influence <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche nord-américaine a<br />

certainement joué un rôle fondamental. Les citations d'auteurs américains sont<br />

d'ailleurs très fréquentes dans les discours et on ne peut que souligner l'importance <strong>de</strong><br />

l'héritage <strong>de</strong> chercheurs tels que P. CORDER, L. SELINKER, C. HOSENFELD, E.<br />

BIALYSTOK. Il faut rappeler aussi le poids <strong>de</strong>s travaux sur le "bon apprenant" <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong>ngue dans <strong>la</strong> constitution du domaine.<br />

Le contexte didactique européen a également favorisé le développement <strong>de</strong>s réflexions<br />

sur <strong>la</strong> <strong>notion</strong>. Les années 70, en officialisant <strong>la</strong> formation continue pour répondre à un<br />

besoin croissant <strong>de</strong>s adultes, ont permis le renouvellement <strong>de</strong> l'appareil théorique <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

DLE et l'émergence <strong>de</strong> nouveaux modèles et <strong>de</strong> nouvelles <strong>notion</strong>s, telle que celle <strong>de</strong><br />

centration sur l'apprenant et sur l'apprentissage. Dans un article où il dresse un état <strong>de</strong>s<br />

lieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> méthodologie <strong>de</strong> l'enseignement <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues, D. COSTE voit dans <strong>la</strong> prise en<br />

compte <strong>de</strong>s facteurs d'individualisation et <strong>de</strong> pluralisme les raisons <strong>de</strong>s transformations<br />

<strong>de</strong> l'enseignement. Il souligne également le rôle accordé aux facteurs cognitifs. L'auteur<br />

définit le pluralisme comme "une démarche <strong>de</strong> recherche et d'action qui, dans différents<br />

domaines, s'intéresse plus à <strong>la</strong> diversité et à <strong>la</strong> multiplicité <strong>de</strong>s sous-ensembles qu'à<br />

l'unité et l'homogénéité trompeuse <strong>de</strong>s ensembles constitués quasi institutionnellement et<br />

officiellement reconnus" (1975: 8). Ce phénomène s'applique alors, sur un p<strong>la</strong>n<br />

sociolinguistique, à <strong>la</strong> variété <strong>de</strong>s usages <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue, et sur un p<strong>la</strong>n pédagogique, aux<br />

caractéristiques <strong>de</strong> l'apprenant : besoins, attitu<strong>de</strong>s, motivation et <strong>stratégie</strong>s. C'est dans ce<br />

cadre qu'est formulée l'hypothèse selon <strong>la</strong>quelle "les <strong>stratégie</strong>s, les processus et<br />

itinéraires <strong>d'apprentissage</strong> peuvent varier selon les individus" (ibid.: 7) 2 .<br />

L'individualisation <strong>de</strong> l'enseignement est alors considérée comme une "nécessité<br />

première" (ibid.: 6)<br />

Dans ce contexte, il s'agissait non seulement <strong>de</strong> trouver les moyens <strong>de</strong> s'adapter aux<br />

caractéristiques <strong>de</strong>s publics visés, mais également <strong>de</strong> redonner <strong>la</strong> parole et un certain<br />

pouvoir au sujet-apprenant, <strong>de</strong> reconnaître son rôle dans l'apprentissage. D'où le<br />

développement <strong>de</strong>s <strong>notion</strong>s <strong>de</strong> compétence <strong>de</strong> communication, d'autonomie, les<br />

recherches sur l'analyse d'erreurs, sur l'inter<strong>la</strong>ngue. Le passage d'une psychologie<br />

béhavioriste aux théories cognitive et constructiviste est significatif <strong>de</strong> cette évolution,<br />

et a eu un impact important dans les recherches sur les <strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong>.<br />

S'intéresser à cette <strong>notion</strong> correspond bien à <strong>la</strong> volonté <strong>de</strong> mettre en évi<strong>de</strong>nce et <strong>de</strong><br />

rehausser le rôle <strong>de</strong> l'apprenant dans son apprentissage. C'est implicitement reconnaître<br />

que l'apprentissage est le produit d'un sujet actif, et non uniquement d'un<br />

enseignement. Le fait qu'elle implique l'idée d'action, et pour certains celle d'intentionnalité,<br />

comme nous le verrons plus loin, a certainement favorisé le succès <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>notion</strong>.<br />

Nous l'avons dit, <strong>la</strong> <strong>notion</strong> a pris beaucoup d'importance au cours <strong>de</strong>s années 80. Elle<br />

est à l'heure actuelle au centre <strong>de</strong>s préoccupations <strong>de</strong> nombreux chercheurs.<br />

Cependant, sa fréquence d'utilisation ne doit pas nous faire oublier que pour que <strong>la</strong><br />

<strong>notion</strong> soit réellement pertinente pour <strong>la</strong> recherche, une définition suffisamment


Caroline Vergon 3 Définition(s)<br />

précise et opérationnelle doit en être donnée. Or, comme le rappelle R. RICHTERICH<br />

(1997: 43), les chercheurs ont par le passé plutôt orienté leurs réflexions sur <strong>la</strong> mise en<br />

p<strong>la</strong>ce d'une catégorisation que sur <strong>la</strong> manière dont il convenait <strong>de</strong> définir <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong>. On peut ajouter également que le terme s'est tellement<br />

généralisé qu'il est même assez fréquent d'en rencontrer <strong>de</strong>s emplois sémantiquement<br />

assez pauvres. On peut d'ailleurs se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si cette utilisation ne correspond pas à<br />

un phénomène <strong>de</strong> mo<strong>de</strong>.<br />

Cependant, <strong>de</strong>s auteurs reconnus dans le domaine ont tenté 3 d'apporter <strong>de</strong>s définitions à<br />

<strong>la</strong> <strong>notion</strong>. Les confronter <strong>de</strong>vrait permettre <strong>de</strong> <strong>la</strong> cerner plus précisément ou tout du<br />

moins <strong>de</strong> déterminer nos connaissances et nos ignorances. Finalement, il faut souligner<br />

que les recherches empiriques manquent pour vérifier l'opérationnalité <strong>de</strong>s définitions<br />

proposées. La recherche en didactique <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues dispose ici d'un champ à approfondir.<br />

2. Analyse comparative <strong>de</strong> définitions<br />

Les questions qui ont sous-tendu mon analyse sont les suivantes :<br />

- peut-on repérer <strong>de</strong>s points d'accord, <strong>de</strong> divergence? <strong>de</strong>s éléments<br />

stabilisés / <strong>de</strong>s zones d'ombre?<br />

- quelles sont les questions qui restent en suspens?<br />

Il s'agit en fait <strong>de</strong> se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r s'il est à l'heure actuelle possible <strong>de</strong> proposer <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

<strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong> une définition cohérente et sur <strong>la</strong>quelle s'accor<strong>de</strong>nt<br />

les principaux chercheurs du domaine.<br />

2.1. Présentation du corpus<br />

Les citations retenues sont produites par <strong>de</strong>s auteurs issus <strong>de</strong> différents horizons<br />

géographiques et disciplinaires: auteurs français ou rattachés à <strong>de</strong>s centres <strong>de</strong><br />

recherche français, ang<strong>la</strong>is et nord-américains. J'ai volontairement intégré dans le<br />

corpus sélectionné <strong>de</strong>s citations produites par <strong>de</strong>s auteurs d'origine américaine parce<br />

que ces <strong>de</strong>rniers sont fréquemment cités par les chercheurs français ou ang<strong>la</strong>is, et qu'ils<br />

représentent une référence incontournable dans le domaine. Quant aux horizons<br />

disciplinaires <strong>de</strong>s auteurs sélectionnés, il s'agit essentiellement <strong>de</strong> <strong>la</strong> didactique <strong>de</strong>s<br />

<strong>la</strong>ngues étrangères et <strong>de</strong> <strong>la</strong> psycholinguistique.<br />

J'ai fait le choix, je l'ai déjà évoqué, <strong>de</strong> me concentrer sur les dix <strong>de</strong>rnières années pour<br />

commencer un état <strong>de</strong>s lieux <strong>de</strong> <strong>la</strong> pério<strong>de</strong> actuelle.<br />

Étant donné l'objectif fixé à cette recherche, les citations <strong>de</strong>vaient présenter un<br />

caractère définitoire et être produites par <strong>de</strong>s auteurs suffisamment représentatifs et<br />

reconnus. Je recherchais également <strong>de</strong>s citations réalisant une bonne synthèse <strong>de</strong>s<br />

significations attribuées à <strong>la</strong> <strong>notion</strong>. Finalement, certains auteurs ont été retenus parce<br />

qu'ils mettent l'accent sur <strong>de</strong>s dimensions qui font l'objet <strong>de</strong> nombreuses interrogations<br />

et même <strong>de</strong> controverses.<br />

Je dois préciser que j'ai sélectionné quelques citations re<strong>la</strong>tives aux <strong>notion</strong>s <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong><br />

<strong>de</strong> l'apprenant (cf. WENDEN et RUBIN) et <strong>de</strong> communication (cf. LITTLE), pour les traits<br />

sémantiques qu'elles partagent avec celle <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong>.


Caroline Vergon 4 Définition(s)<br />

2.2. Première approche sémantique<br />

La variété et le caractère quelquefois disparate <strong>de</strong>s termes utilisés pour désigner <strong>la</strong><br />

c<strong>la</strong>sse à <strong>la</strong>quelle appartient <strong>la</strong> <strong>notion</strong> reflète les difficultés à <strong>la</strong> cerner précisément. On<br />

trouve, entre autres, les termes <strong>de</strong> "moyens", "actions coordonnées", "comportement",<br />

"activités", "ensemble <strong>de</strong> procédures", "techniques", programme", également un terme<br />

aussi vague que "façons" ou encore chez un même auteur (RUBIN, 1987: 19) <strong>de</strong>s<br />

termes aussi différents que "mesures, "p<strong>la</strong>ns", "routines" ce qui donne un contour bien<br />

flou à <strong>la</strong> <strong>notion</strong>.<br />

Cependant, trois traits ressortent: <strong>la</strong> <strong>stratégie</strong> est fondamentalement liée à l'idée<br />

d'action, cette action poursuit un but et elle constitue <strong>de</strong>s moyens, organisés<br />

méthodiquement, adaptés à <strong>la</strong> finalité.<br />

Les <strong>notion</strong>s <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>, d'action et <strong>de</strong> but paraissent donc étroitement liées. P. BANGE<br />

fait d'ailleurs remarquer que ces trois <strong>notion</strong>s "sont <strong>de</strong>s concepts analytiques<br />

nécessaires mais dont les corré<strong>la</strong>ts empiriques sont étroitement liés et même<br />

confondus" (1992: 76). Le sens courant donné à <strong>la</strong> <strong>notion</strong> d'action implique<br />

effectivement <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> finalité. Cette re<strong>la</strong>tion a également été tout à fait intégrée à<br />

<strong>la</strong> DLE : D. LITTLE souligne ainsi que "le point <strong>de</strong> vue selon lequel le comportement<br />

humain est essentiellement tendu vers un but est fondamental dans les propositions <strong>de</strong>s<br />

projets re<strong>la</strong>tifs aux <strong>la</strong>ngues vivantes du Conseil <strong>de</strong> l'Europe" (1997: 16). L'importance<br />

prise par les <strong>notion</strong>s d'objectifs, <strong>de</strong> besoins, d'interaction, d'actes <strong>de</strong> parole, <strong>de</strong><br />

fonctions <strong>la</strong>ngagières reflète bien ce point <strong>de</strong> vue. Comme je l'ai déjà évoqué on peut<br />

peut-être trouver ici une raison, parmi d'autres, du succès que connaît <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong><br />

<strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong> en DLE.<br />

Quoi qu'il en soit, on peut remarquer à ce sta<strong>de</strong> <strong>de</strong> notre réflexion qu'une <strong>stratégie</strong><br />

correspond à <strong>de</strong>s moyens mis en œuvre par un individu - agent - qui ne subit pas, et<br />

dont l'action est orientée vers un but.<br />

Nous allons voir maintenant, à travers une analyse plus approfondie <strong>de</strong>s définitions<br />

que <strong>la</strong> finalisation est considérée couramment comme une <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong>s<br />

<strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong> et que <strong>la</strong> question <strong>de</strong>s moyens est elle aussi fondamentale.<br />

2.3. Les caractéristiques <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>notion</strong><br />

La liste proposée ici n'est certainement pas exhaustive, et reste à compléter. L'ordre <strong>de</strong><br />

présentation est fonction <strong>de</strong> l'importance que semblent donner les auteurs aux<br />

différentes caractéristiques et <strong>de</strong> <strong>la</strong> fréquence avec <strong>la</strong>quelle elles sont évoquées. Du fait<br />

<strong>de</strong>s questions qui ont orienté ma réflexion, j'ai pris en compte toutes les caractéristiques<br />

abordées, qu'elles soient récurrentes d'un auteur à l'autre, ou au contraire<br />

rarement évoquées. Ainsi, <strong>la</strong> question du caractère conflictuel <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong><br />

<strong>d'apprentissage</strong> n'est abordée que par <strong>de</strong>ux auteurs du corpus et est <strong>de</strong> ce fait traitée en<br />

<strong>de</strong>rnier. Ceci permet d'ailleurs <strong>de</strong> mesurer l'évolution <strong>de</strong> <strong>la</strong> définition donnée à <strong>la</strong><br />

<strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>, à travers les domaines et à travers l'histoire.


Caroline Vergon 5 Définition(s)<br />

2.3.1. Caractère finalisé<br />

Je vais orienter ma réflexion à travers <strong>de</strong>ux questions :<br />

- quels sont les différents buts évoqués par les auteurs ?<br />

- le but doit-il nécessairement être formulé, défini, précisément et à l'avance ?<br />

Si l'on veut être rigoureux dans <strong>la</strong> catégorisation <strong>de</strong>s buts, il faut gar<strong>de</strong>r à l'esprit le fait<br />

que ces définitions concernent essentiellement <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong><br />

mais également celle <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> <strong>de</strong> l'apprenant.<br />

Tout d'abord, on peut observer que plusieurs auteurs donnent une définition <strong>de</strong>s buts<br />

marquée par <strong>la</strong> psychologie cognitive. Ceci nous permet à nouveau <strong>de</strong> souligner<br />

l'impact <strong>de</strong> <strong>la</strong> psychologie cognitive dans <strong>la</strong> constitution du domaine. Ainsi, apprendre<br />

nécessiterait <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>s visant au traitement <strong>de</strong>s données<br />

auxquelles on est confronté. En plus <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong> but concernant l'appropriation <strong>de</strong>s<br />

connaissances, on voit apparaître un autre niveau : celui du contrôle et <strong>de</strong> <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion<br />

<strong>de</strong> l'apprentissage. Peut-être peut-on faire le lien avec <strong>la</strong> distinction établie par <strong>de</strong><br />

nombreux auteurs entre <strong>stratégie</strong> cognitive et <strong>stratégie</strong> métacognitive.<br />

D'autre part, A. WENDEN et J. RUBIN (1987: 7) envisagent un autre but: les <strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong><br />

l'apprenant pourraient contribuer indirectement à l'apprentissage. Elles donnent en<br />

exemple le développement <strong>de</strong> moyens permettant <strong>de</strong> communiquer malgré un<br />

répertoire limité (ce que l'on peut apparenter aux <strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong> communication), et <strong>la</strong><br />

recherche ou <strong>la</strong> création par l'apprenant d'opportunités pour apprendre et utiliser <strong>la</strong><br />

<strong>la</strong>ngue. Ce <strong>de</strong>rnier point rappelle <strong>la</strong> distinction établie par DANSEREAU 4 entre<br />

<strong>stratégie</strong>s fondamentales (qui agissent directement sur le traitement <strong>de</strong> l'information) et<br />

<strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong> support (qui visent à mettre l'étudiant dans <strong>de</strong>s conditions favorables à<br />

l'apprentissage). Les <strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong> l'apprenant se distingueraient alors <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s<br />

<strong>d'apprentissage</strong> par le fait qu'elles incluraient, en plus <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières, <strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong><br />

communication et <strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong> support.<br />

Le schéma suivant synthétise ces différentes distinctions 5 :


Caroline Vergon 6 Définition(s)<br />

BUTS<br />

TYPES DE STRATÉGIE<br />

<strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong> l'apprenant<br />

<strong>stratégie</strong>s directes<br />

(ou fondamentales)<br />

=<br />

<strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong><br />

appropriation <strong>de</strong>s connaissances<br />

(<strong>stratégie</strong>s cognitives) ;<br />

contrôle et régu<strong>la</strong>tion <strong>de</strong><br />

l'apprentissage<br />

(<strong>stratégie</strong>s métacognitives)<br />

<strong>stratégie</strong>s indirectes<br />

(ou <strong>de</strong> support)<br />

recherche d'occasions pour<br />

apprendre et pratiquer ;<br />

moyens pour communiquer<br />

malgré un répertoire limité<br />

(<strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong> communication)<br />

On repère finalement que les <strong>stratégie</strong>s visent également à résoudre un problème. C'est<br />

un point important que je développe ultérieurement.<br />

Les qualificatifs associés aux buts par les auteurs du corpus impliquent qu'ils sont<br />

spécifiques et précis. Seul ESPÉRET (1990: 8) évoque un but défini à l'avance. Aucun<br />

auteur ne précise si ce but doit relever d'une intention réelle, ni d'une participation<br />

explicite <strong>de</strong> <strong>la</strong> volonté. On peut cependant se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si l'on peut réellement parler<br />

<strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> lorsque l'apprenant navigue au hasard, qu'il ne sait pas exactement quels<br />

sont les buts <strong>de</strong> ses actions, qu'il ne les a pas définis au préa<strong>la</strong>ble.<br />

2.3.2. Caractère conscient<br />

Ce qui apparaît tout <strong>de</strong> suite <strong>de</strong> manière frappante dans les citations, et qui mérite<br />

d'être souligné, c'est <strong>la</strong> pru<strong>de</strong>nce avec <strong>la</strong>quelle les auteurs traitent <strong>de</strong> cette<br />

caractéristique.<br />

Pour gui<strong>de</strong>r ma réflexion, je vais partir <strong>de</strong>s propos <strong>de</strong> P. BOGAARDS. D'après lui,<br />

l'utilisation du terme <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> est <strong>de</strong> plus en plus fréquente dans les discours sur<br />

l'enseignement <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues et "elle suggère que l'apprenant choisit consciemment les<br />

moyens jugés les plus efficaces pour accomplir sa tâche" (1988: 89). Les choses ne<br />

paraissent malheureusement pas si simples au regard <strong>de</strong>s citations. La seule position,<br />

divergente, mais tranchée et apparemment sans ambiguïté est celle <strong>de</strong> J.-P. NARCY,<br />

pour qui les <strong>stratégie</strong>s sont non conscientes, ce qui les distingue <strong>de</strong>s techniques (1990a:<br />

116). Il précise également que malgré cette propriété, elles sont "souvent explicitables"<br />

(on peut à nouveau remarquer le manque <strong>de</strong> précision <strong>de</strong> l'adverbe), et que <strong>de</strong>s<br />

techniques <strong>d'apprentissage</strong> et un entraînement approprié peuvent ai<strong>de</strong>r les apprenants à<br />

les améliorer ou à en changer. Mais l'auteur ne développe pas ces différents points.


Caroline Vergon 7 Définition(s)<br />

Chez les autres, on rencontre différents cas <strong>de</strong> figure. L. DICKINSON choisit <strong>de</strong> parler,<br />

en se référant à STERN (1983: 409) <strong>de</strong> "formes <strong>de</strong> comportements déployés plus ou<br />

moins consciemment " (1987: 22), formu<strong>la</strong>tion plutôt vague qui permet peut-être <strong>de</strong> ne<br />

pas trancher sur <strong>la</strong> question, mais qui reste malheureusement bien ambiguë. A.<br />

WENDEN et J. RUBIN distinguent <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s déployées consciemment et <strong>de</strong>s<br />

<strong>stratégie</strong>s automatisées, qui n'émergeraient pas à <strong>la</strong> conscience ou <strong>de</strong>meureraient<br />

potentiellement conscientes (1987: 8). Selon D. LITTLE, les <strong>stratégie</strong>s opéreraient<br />

"parfois au-<strong>de</strong>ssous, parfois au-<strong>de</strong>ssus du seuil <strong>de</strong> conscience" (1997: 16), le type <strong>de</strong><br />

tâche jouant un rôle déterminant 6 . P. BOGAARDS quant à lui préfère parler, à <strong>la</strong> suite<br />

<strong>de</strong> SCHIFFRIN et SCHNEIDER, d'opérations contrôlées, par opposition à automatisées.<br />

Ces opérations <strong>de</strong>man<strong>de</strong>raient alors selon lui "l'attention explicite" <strong>de</strong> l'individu et pas<br />

forcément un état conscient. Ce processus se subdiviserait effectivement en <strong>de</strong>ux<br />

c<strong>la</strong>sses : l'une accessible et l'autre voilée à <strong>la</strong> conscience. Il ne dit cependant rien sur ce<br />

point. Il serait intéressant <strong>de</strong> savoir dans quel cas <strong>de</strong> figure et pourquoi on a affaire à<br />

telle c<strong>la</strong>sse plutôt qu'à telle autre.<br />

La gran<strong>de</strong> variété <strong>de</strong>s termes et <strong>de</strong>s qualificatifs utilisés me paraît à nouveau être le<br />

signe d'un flottement conceptuel. Il semblerait utile <strong>de</strong> déterminer les re<strong>la</strong>tions précises<br />

qu'entretiennent les <strong>notion</strong>s ou formu<strong>la</strong>tions utilisées ("potentiellement conscient",<br />

"n'émergeant pas à <strong>la</strong> conscience", "attention explicite", "contrôlé / conscient /<br />

automatisé»...) pour déterminer les termes réellement utiles et utilisables, et<br />

éventuellement en réduire l'éventail. N'oublions pas non plus qu'il est, à l'heure<br />

actuelle, très difficile, sinon impossible, <strong>de</strong> donner une définition opérationnelle du<br />

<strong>de</strong>gré <strong>de</strong> conscience que peut avoir un individu à un moment donné.<br />

Malgré <strong>la</strong> variété <strong>de</strong>s termes utilisés, A. WENDEN, J. RUBIN et P. BOGAARDS semblent<br />

en accord sur ce qui conditionne le passage du processus contrôlé ou conscient, à un<br />

processus automatisé : c'est grâce à l'entraînement ou au développement d'une habileté<br />

face à telle <strong>stratégie</strong> que cette <strong>de</strong>rnière pourrait <strong>de</strong>venir automatique. Là où il semble<br />

qu'ils divergent c'est sur le statut qu'il faudrait donner à ces opérations automatisées.<br />

J'ai l'impression que BOGAARDS, contrairement à WENDEN et RUBIN, ne les considère<br />

alors plus comme <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s.<br />

Les auteurs se rejoignent également sur un point qui paraît créer un consensus plus<br />

général: une <strong>stratégie</strong> serait mise en œuvre à l'apparition d'un problème qu'elle viserait<br />

à résoudre. Cette mise en œuvre serait alors consciente, selon A. WENDEN et J. RUBIN,<br />

elle requerrait au moins une attention explicite d'après P. BOGAARDS. Les situationsproblème<br />

données en exemple par A. WENDEN et J. RUBIN (1987: 7) sont plutôt variées<br />

mais elles se caractérisent par <strong>la</strong> rupture et le changement qu'elles introduisent au<br />

niveau <strong>de</strong>s objectifs et <strong>de</strong>s tâches. On retrouve ce point <strong>de</strong> vue chez D. LITTLE: "<strong>la</strong><br />

p<strong>la</strong>nification consciente ou intentionnelle intervient pour atteindre un objectif non<br />

habituel ou pour accomplir une tâche qui résiste au moins partiellement à <strong>la</strong><br />

constitution d'une habitu<strong>de</strong>" (1997: 17). Si l'on exclut le facteur chance, il paraît<br />

effectivement difficile d'envisager le processus <strong>de</strong> résolution <strong>de</strong> problèmes sans une<br />

prise <strong>de</strong> conscience préa<strong>la</strong>ble du problème rencontré et une analyse <strong>de</strong> ses raisons 7 .


Caroline Vergon 8 Définition(s)<br />

En conclusion, on peut remarquer qu'il s'agit d'une question bien épineuse, d'où les<br />

précautions et <strong>la</strong> pru<strong>de</strong>nce avec lesquelles les auteurs <strong>la</strong> traitent. Il faut souligner que <strong>la</strong><br />

question du caractère conscient <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s a fortement retenu l'attention <strong>de</strong>s<br />

chercheurs au cours <strong>de</strong> ces dix <strong>de</strong>rnières années. On peut certainement relier cette<br />

préoccupation au souci idéologique <strong>de</strong> considérer l'apprenant comme un individu<br />

actif... et conscient <strong>de</strong> ce qu'il fait. Cependant, à l'issue <strong>de</strong> cette analyse, il paraît<br />

difficile d'affirmer que les <strong>stratégie</strong>s sont conscientes, et encore plus qu'elles ne le sont<br />

pas. Elles seraient au minimum accessibles à <strong>la</strong> conscience ou potentiellement<br />

conscientes.<br />

Toutefois, on a pu relever que les auteurs s'accor<strong>de</strong>nt sur <strong>la</strong> possibilité d'automatisation<br />

<strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s, même s'il n'y a pas encore <strong>de</strong> consensus sur le statut à donner à ces procédures<br />

automatisées.<br />

2.3.3. Caractère procédural-séquentiel<br />

Les <strong>stratégie</strong>s ont un caractère procédural, complémentaire du caractère finalisé, c'està-dire<br />

qu'elles comportent <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong>vant permettre d'atteindre le but fixé.<br />

L'analyse <strong>de</strong>s citations révèle que :<br />

- les moyens s'organisent en un ensemble structuré. Il ne s'agit pas d'un événement<br />

isolé mais d'une suite d'actions qui se combinent entre elles, à travers un ordre précis.<br />

- il existe une re<strong>la</strong>tion d'adéquation entre <strong>la</strong> <strong>stratégie</strong>, le but visé et <strong>la</strong> situation ou les<br />

conditions <strong>de</strong> départ.<br />

Je vais développer ce <strong>de</strong>rnier point. Le choix <strong>de</strong>s moyens et <strong>de</strong> leur combinaison<br />

semble subordonné au but et à <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> départ (cf. BANGE, ESPÉRET,<br />

GAONAC'H). Cette caractéristique est à relier aux connaissances procédurales définies<br />

par RICHARD et al (1990) comme <strong>de</strong>s "règles d'action définissant une ou plusieurs<br />

opérations à réaliser compte tenu <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation ou du but poursuivi". On peut faire<br />

aussi l'analogie avec ce que P. BANGE (1992) nomme, en référence à d'autres, une règle<br />

<strong>de</strong> production <strong>de</strong> l'action formalisée <strong>de</strong> <strong>la</strong> manière suivante : "si p, alors fait q", ou p<br />

représente <strong>la</strong> situation <strong>de</strong> départ et <strong>la</strong> situation visée - le but, et q les moyens à mettre<br />

en œuvre. Ainsi, le choix <strong>de</strong> l'apprenant est déterminé par <strong>la</strong> représentation qu'il se fait<br />

du but visé et par son interprétation <strong>de</strong> <strong>la</strong> situation et <strong>de</strong> son caractère problématique,<br />

c'est-à-dire sa représentation et son évaluation du contexte, mais aussi <strong>de</strong> ce qui peut<br />

effectivement être fait pour modifier <strong>la</strong> situation.<br />

Les citations permettent également <strong>de</strong> déterminer <strong>de</strong>ux autres critères <strong>de</strong> sélection <strong>de</strong>s<br />

procédures à mettre en œuvre : celui <strong>de</strong> l'efficacité - le but doit être atteint, et celui du<br />

coût - par exemple, faire en sorte <strong>de</strong> ne pas se trouver en difficulté, éviter un investissement<br />

en temps trop important.<br />

Il est nécessaire d'ouvrir ici une parenthèse. Le modèle qui ressort <strong>de</strong>s citations<br />

implique un individu très rationnel, qui p<strong>la</strong>nifie ses actions et leur combinaison, qui<br />

fait <strong>de</strong>s choix appropriés et agit en connaissance <strong>de</strong> cause. Est-ce forcément le cas? Il<br />

ne faudrait pas confondre l'apprenant réel et l'apprenant idéal - le bon apprenant, ou le<br />

bon stratège, tel qu'il est défini par R. RICHTERICH (1997: 51): "le bon stratège est celui


Caroline Vergon 9 Définition(s)<br />

qui, premièrement sait prévoir toutes les situations auxquelles il risque d'être<br />

confronté; <strong>de</strong>uxièmement parvient à se fixer c<strong>la</strong>irement un objectif; troisièmement,<br />

p<strong>la</strong>nifie <strong>la</strong> combinaison optimale <strong>de</strong>s ressources disponibles pour atteindre cet<br />

objectif" 8 . Tout d'abord, on peut souscrire à l'hypothèse formulée par P. BANGE - qui<br />

rejoint celle <strong>de</strong> D. LITTLE évoquée précé<strong>de</strong>mment: il n'y aurait p<strong>la</strong>nification réelle que<br />

lorsque l'apprenant se trouve face à "une action inédite", ou que "<strong>la</strong> voie qui conduit au<br />

but n'est pas c<strong>la</strong>ire", ou que "l'action projetée est trop complexe". Dans <strong>la</strong> plupart <strong>de</strong>s<br />

cas, <strong>la</strong> p<strong>la</strong>nification serait donc implicite.<br />

De plus, il semble nécessaire <strong>de</strong> ne pas sous-estimer l'importance d'un certain nombre<br />

<strong>de</strong> facteurs personnels qui déterminent en partie les décisions <strong>de</strong> l'apprenant. Citons,<br />

par exemple l'ensemble <strong>de</strong>s représentations sur soi et sur l'apprentissage, les connaissances<br />

acquises, le parcours <strong>d'apprentissage</strong> antérieur, les habitu<strong>de</strong>s <strong>d'apprentissage</strong>, <strong>la</strong><br />

motivation, les compétences et capacités personnelles. Finalement, il ne faudrait pas<br />

oublier qu'apprendre nécessite <strong>de</strong> nombreuses régu<strong>la</strong>tions, <strong>de</strong>s adaptations à <strong>de</strong>s<br />

situations nouvelles et à l'imprévu.<br />

2.3.4. Caractère évolutif-adaptatif 9<br />

Ces caractéristiques indiquent c<strong>la</strong>irement que les <strong>stratégie</strong>s ne sont pas statiques et<br />

définitives, mais qu'elles peuvent évoluer dans le temps, chez un même individu; c'est<br />

donc leur flexibilité, leur souplesse qui est mise en avant.<br />

C'est d'ailleurs le critère <strong>de</strong> <strong>la</strong> souplesse qui permet <strong>de</strong> distinguer, d'après P.<br />

BOGAARDS, processus contrôlé et processus automatisé: "une fois appris, il est difficile<br />

<strong>de</strong> supprimer ou <strong>de</strong> changer un processus automatisé (...) les processus contrôlés ont<br />

l'avantage d'être très souples; ils s'adaptent facilement à <strong>de</strong>s situations nouvelles".<br />

G. HOLTZER rappelle que l'aléatoire, l'imprévu doivent être pris en compte et <strong>de</strong> ce<br />

fait: "le p<strong>la</strong>n initialement prévu ne peut se réaliser mécaniquement dans son intégralité<br />

mais doit intégrer les régu<strong>la</strong>tions nécessaires; <strong>la</strong> <strong>stratégie</strong> apporte alors les incessantes<br />

modifications que les circonstances réc<strong>la</strong>ment" (1997: 105). R. RICHTERICH va dans le<br />

même sens en affirmant qu' "une <strong>de</strong>s fonctions essentielles <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s est <strong>de</strong>,<br />

paradoxalement, prévoir l'imprévisible" (1997: 52).<br />

Les <strong>stratégie</strong>s évoluent donc, elles s'adaptent pour permettre <strong>la</strong> régu<strong>la</strong>tion nécessaire à<br />

tout apprentissage. De plus, savoir comment faire passe souvent par <strong>de</strong>s phases d'essaierreur,<br />

où l'on teste différentes manières <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r. C'est d'ailleurs une dimension<br />

fondamentale du modèle d'analyse <strong>de</strong> l'action <strong>de</strong> MILLER, GALANTER et PRIBAM<br />

(1960) 10 . La phase <strong>de</strong> test consiste en une évaluation <strong>de</strong>s opérations mises en œuvre au<br />

regard <strong>de</strong> l'objectif visé, et elle permet une réorientation <strong>de</strong> l'action.<br />

Les <strong>stratégie</strong>s sont souples, elles peuvent s'adapter et évoluer. Quelles sont alors les<br />

évolutions, les modifications susceptibles <strong>de</strong> toucher les <strong>stratégie</strong>s ? Les réflexions <strong>de</strong>s<br />

auteurs sur ce sujet ne sont malheureusement pas toujours suffisamment approfondies<br />

pour apporter une réponse précise. Un apprenant pourrait rejeter certaines <strong>stratégie</strong>s.<br />

Les facteurs du rejet ne sont pas explicités, mais on peut certainement envisager les<br />

paramètres du coût et <strong>de</strong> l'efficacité. Il pourrait également apprendre <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s qui<br />

ne lui seraient pas familières, et en modifier certaines pour les améliorer.


Caroline Vergon 10 Définition(s)<br />

Les auteurs citent quelques facteurs qui seraient à l'origine <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s:<br />

GAONAC'H cite <strong>de</strong>s travaux qui permettent d'établir une évolution <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s<br />

en fonction <strong>de</strong> l'avancement <strong>de</strong>s acquisitions, ESPÉRET évoque les capacités cognitives<br />

<strong>de</strong> l'apprenant, mais aucun ne précise le type d'évolution. RILEY considère les<br />

paramètres situationnels comme <strong>de</strong>s facteurs possibles <strong>de</strong> variation <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s chez<br />

un même individu : "les <strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong> utilisées par les apprenants varient à<br />

<strong>la</strong> fois dans le temps et en fonction d'un ensemble complexe <strong>de</strong> facteurs incluant, bien<br />

sûr, <strong>la</strong> tâche en question mais aussi <strong>la</strong> motivation, <strong>la</strong> fatigue, etc." (1990: 54).<br />

Il me semble qu'il faut envisager aussi comment ces différents facteurs peuvent freiner<br />

les possibilités <strong>de</strong> modification <strong>de</strong> l'éventail stratégique. Outre le fait qu'il n'est pas<br />

évi<strong>de</strong>nt d'analyser précisément une situation (les contraintes <strong>de</strong> <strong>la</strong> tâche, les objectifs à<br />

atteindre, le problème rencontré) et <strong>de</strong> choisir une <strong>stratégie</strong> appropriée, il ne faudrait<br />

pas sous-estimer le poids <strong>de</strong>s apprentissages antérieurs, qui déterminent les connaissances<br />

et représentations <strong>de</strong> l'apprenant, ses habitu<strong>de</strong>s <strong>d'apprentissage</strong>. S'adapter à <strong>de</strong>s<br />

situations inédites et mettre en œuvre <strong>de</strong>s démarches nouvelles n'est pas simple. Il est<br />

quelquefois plus facile <strong>de</strong> se conforter dans <strong>de</strong>s pratiques routinières, même si elles ne<br />

sont pas efficaces. A. WENDEN et J. RUBIN parlent d'ailleurs <strong>de</strong> "comportements<br />

potentiellement modifiables".<br />

En conclusion, on peut retenir que le caractère souple <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s semble reconnu<br />

par <strong>de</strong> nombreux chercheurs, même s'il paraît difficile <strong>de</strong> le démontrer. La question <strong>de</strong><br />

l'enseignement <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s ayant longtemps été au centre <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche dans le<br />

domaine, il était effectivement nécessaire <strong>de</strong> postuler qu'elles avaient un caractère<br />

souple et évolutif.<br />

2.3.5. Caractère individuel<br />

Il faut tout d'abord s'interroger sur <strong>la</strong> signification attribuée à ce caractère individuel:<br />

désigne-t-il les différences d'utilisation entre apprenants <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>s par ailleurs<br />

"universelles", ou fait-il référence aux types même <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>s qui seraient associées<br />

à un individu et à lui seul ?<br />

L. DICKINSON se situe dans l'orientation qui postule que ce ne sont pas les <strong>stratégie</strong>s<br />

qui diffèrent mais leur utilisation ou plutôt leur efficacité d'un apprenant à l'autre. Il n'y<br />

aurait pas <strong>de</strong> bonne <strong>stratégie</strong> en soi, mais <strong>de</strong>s utilisations pertinentes 11 .<br />

P. BOGAARDS fait état <strong>de</strong> recherches tournant autour <strong>de</strong> cette problématique, dont<br />

certaines concluent à l'existence <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>s sujettes à <strong>de</strong>s variations individuelles, mais<br />

il constate l'absence <strong>de</strong> toute spécification opératoire et le manque d'indications quant à<br />

<strong>la</strong> nature précise <strong>de</strong> ces variations. Il conclut que ces différents travaux n'ont qu'un<br />

caractère spécu<strong>la</strong>tif et qu' "aucun chercheur n'a fourni jusqu'ici <strong>de</strong> critère opératoire<br />

permettant <strong>de</strong> dégager <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s individuelles <strong>d'apprentissage</strong>" (1988: 98).<br />

Ainsi, il paraît à l'heure actuelle impossible <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r scientifiquement l'hypothèse <strong>de</strong><br />

<strong>la</strong> variation <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong> d'un apprenant à l'autre, formulée très tôt<br />

dans <strong>la</strong> constitution du champ parce qu'elle correspondait aux présupposés<br />

idéologiques donnant naissance à une nouvelle méthodologie 12 .


Caroline Vergon 11 Définition(s)<br />

2.3.6. Caractère observable<br />

L. DICKINSON définit l'apprentissage comme "une forme <strong>de</strong> comportement observable".<br />

A. WENDEN et J. RUBIN défen<strong>de</strong>nt l'idée, mais sans l'argumenter, que les<br />

<strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong> pourraient pour certaines être composées d'actions observables,<br />

pour d'autres d'actions non-observables.<br />

P. BOGAARDS ne tranche pas précisément <strong>la</strong> question, mais il souscrit à l'hypothèse <strong>de</strong><br />

FRAUENFELDER et PORQUIER selon <strong>la</strong>quelle "l'activité <strong>d'apprentissage</strong> étant souvent<br />

inconsciente, les <strong>stratégie</strong>s sont peu observables". De plus, il lui paraît problématique<br />

<strong>de</strong> ne décrire les <strong>stratégie</strong>s qu'en termes <strong>de</strong> comportement, comme le font certains. Son<br />

argumentation, qui nécessiterait démonstration, est <strong>la</strong> suivante: "comportement<br />

<strong>d'apprentissage</strong> n'est pas nécessairement apprentissage, et plus les comportements sont<br />

observables, moins ils semblent contribuer directement au résultat final" (1988: 98).<br />

Il paraît alors nécessaire <strong>de</strong> se poser un certain nombre <strong>de</strong> questions: une activité<br />

inconsciente est-elle forcément non-observable? Y a-t-il association directe entre<br />

observable / conscient et non-observable / non conscient ? On peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r<br />

également si <strong>la</strong> distinction observable / non-observable ne nous ramène pas à celle qui<br />

est souvent faite entre <strong>stratégie</strong> et technique.<br />

2.3.7. Caractère conflictuel<br />

Le questionnement autour du caractère conflictuel <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong> nous<br />

ramène aux origines militaires <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> 13 . Il m'a semblé intéressant<br />

d'observer si <strong>la</strong> conception belliciste qui a marqué le terme à sa naissance, était reprise<br />

par <strong>de</strong>s chercheurs contemporains, et si oui, <strong>de</strong> quelle manière. Il semble que les<br />

auteurs ayant fait le choix d'intégrer cette caractéristique dans leur définition soient<br />

plutôt minoritaires. Dans le corpus étudié, <strong>de</strong>ux seulement y font référence 14 .<br />

R. RICHTERICH, en plus du fait qu'il considère <strong>la</strong> situation d'enseignementapprentissage<br />

comme conflictuelle 15 voit dans <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> "gain" "le moteur-même <strong>de</strong><br />

toute <strong>stratégie</strong>" (1997: 47). D'après l'auteur, l'apprenant met en œuvre <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s<br />

pour gagner. "Gagner (dans le sens d'acquérir, obtenir), gagner du terrain (avancer,<br />

progresser), gagner un endroit (atteindre), gagner du temps (avancer vite)" (ibid. p.<br />

55). Il propose un outil (<strong>de</strong>s "cartes") <strong>de</strong>vant ai<strong>de</strong>r les apprenants à acquérir <strong>de</strong>s<br />

<strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong> et <strong>de</strong> communication. La comparaison qu'il utilise alors pour<br />

présenter <strong>la</strong> fonction <strong>de</strong> ces cartes le situe également dans l'orientation conflictuelle :<br />

"<strong>de</strong>s cartes géographiques qui permettent à l'apprenant, tel le général avant, pendant et<br />

après une bataille, <strong>de</strong> préparer et prendre les décisions pour construire les étapes <strong>de</strong><br />

son parcours et gagner les objectifs fixés" (ibid. p. 56). L'auteur poursuit en prenant<br />

également en compte dans son modèle l'idée <strong>de</strong> perte (concrétisée par les incompréhensions,<br />

les erreurs, les hésitations), contrepartie nécessaire aux gains.<br />

Il semble cependant nécessaire <strong>de</strong> nuancer le point <strong>de</strong> vue <strong>de</strong> l'apprentissage associé à<br />

un combat. Comme le souligne G. HOLTZER, cette conception ne peut pas s'appliquer<br />

<strong>de</strong> <strong>la</strong> même manière à n'importe quelle situation <strong>d'apprentissage</strong>. Autant elle peut<br />

paraître adaptée à l'analyse <strong>de</strong>s apprentissages à distance qui se caractérisent par le fait


Caroline Vergon 12 Définition(s)<br />

que l'apprenant est seul face à ses difficultés, autant elle serait abusive dans le cadre <strong>de</strong><br />

"méthodologies douces".<br />

Cette <strong>de</strong>rnière remarque soulève <strong>la</strong> question <strong>de</strong> <strong>la</strong> distinction entre <strong>de</strong>s définitions<br />

dégagées <strong>de</strong> tout contexte et <strong>de</strong>s définitions liées à <strong>de</strong>s situations bien précises. C'est ce<br />

genre <strong>de</strong> définition qu'il faudrait, maintenant tester dans le cadre <strong>de</strong> recherches<br />

empiriques.<br />

Conclusion<br />

A l'issue <strong>de</strong> cette analyse comparative <strong>de</strong> définitions <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong><br />

<strong>d'apprentissage</strong>, il paraît difficile <strong>de</strong> ne pas faire à nouveau le constat <strong>de</strong> <strong>la</strong> nature<br />

insaisissable du terme et du manque <strong>de</strong> consensus autour d'une définition précise. La<br />

re<strong>la</strong>tion entre nos connaissances et nos ignorances dans le domaine est fortement<br />

déséquilibrée.<br />

Un accord semble cependant se dégager autour <strong>de</strong> certaines caractéristiques à retenir:<br />

une <strong>stratégie</strong> serait finalisée, constituée d'un ensemble d'actions coordonnées,<br />

dynamique plutôt que statique. D'autres caractéristiques paraissent plus problématiques:<br />

aucune recherche ne semble pour l'instant avoir permis <strong>de</strong> vali<strong>de</strong>r les caractères<br />

individuel, observable et conscient <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s.<br />

Les préoccupations <strong>de</strong>s chercheurs, les questions qu'ils se posent sont significatives<br />

<strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> l'apprentissage et <strong>de</strong> l'apprenant qui ont cours à l'heure actuelle. On<br />

voit apparaître <strong>de</strong>rrière leurs réflexions <strong>la</strong> conception <strong>de</strong> l'apprenant comme un sujet<br />

(que l'on voudrait ?) actif, conscient, irréductible à aucun autre et le souci <strong>de</strong> mettre<br />

l'accent sur <strong>la</strong> dimension dynamique <strong>de</strong> l'apprentissage.<br />

Certains points <strong>de</strong> vue sont, d'autre part, conditionnés par les besoins <strong>de</strong> <strong>la</strong> recherche :<br />

si l'on souhaite mener une étu<strong>de</strong> empirique sur les <strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong>, il semble<br />

effectivement nécessaire <strong>de</strong> postuler qu'elles sont observables et/ou explicitables.<br />

De nombreuses interrogations persistent, auxquelles il sera peut-être difficile, sinon<br />

impossible à l'heure actuelle, d'apporter <strong>de</strong>s réponses; ce qui nous ramène à <strong>la</strong><br />

complexité <strong>de</strong>s facteurs à prendre en compte pour comprendre l'apprentissage. Les<br />

recherches empiriques <strong>de</strong>vraient nous permettre <strong>de</strong> confronter certaines <strong>de</strong> ces<br />

interrogations - celles qui seraient pertinentes dans le cadre d'une problématique et<br />

d'un contexte d'étu<strong>de</strong> bien précis - à <strong>de</strong>s données concrètes.<br />

NOTES<br />

1<br />

Ces propriétés ont été dégagées <strong>de</strong> l'analyse comparative d'une vingtaine <strong>de</strong> citations à<br />

caractère définitoire, produites <strong>de</strong> <strong>la</strong> fin <strong>de</strong>s années 80 à aujourd'hui. Pour une consultation<br />

<strong>de</strong>s définitions, voir C. VERGON (1998). Les définitions présentées en annexe (HOLTZER,<br />

1997, LITTLE, 1997, RICHTERICH, 1997) ont été intégrées récemment au corpus.<br />

2<br />

Nous verrons d'ailleurs que cette dimension est considérée par certains comme une<br />

caractéristique <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s <strong>d'apprentissage</strong>.<br />

3<br />

Dès les années 70 aux États-Unis, à partir <strong>de</strong>s années 80 en France.<br />

4 Cité par M. Romainville (1993 : 11).


Caroline Vergon 13 Définition(s)<br />

5<br />

Les auteurs du domaine semblent à l'heure actuelle s'accor<strong>de</strong>r sur une catégorisation <strong>de</strong>s<br />

<strong>stratégie</strong>s qui distingue <strong>stratégie</strong>s cognitive / métacognitive/ socio-affective. Pour être<br />

complet, il faudrait donc introduire ces <strong>de</strong>rnières dans le tableau. Ce<strong>la</strong> n'a pas été fait car<br />

elles n'apparaissaient pas dans les citations analysées. Il faut préciser également que <strong>la</strong><br />

distinction <strong>stratégie</strong>s directe / indirecte n'est pas retenue par tous les auteurs et qu'il n'y a<br />

pas forcément accord sur les <strong>stratégie</strong>s qui les composent.<br />

6<br />

D. Little distingue <strong>de</strong>s "tâches immédiates" et <strong>de</strong>s "tâches non immédiates". Les premières<br />

exigent une réponse immédiate, elles sont réciproques et orales. D'après l'auteur, pour<br />

réaliser ces tâches, l'apprenant s'en remet normalement à <strong>de</strong>s p<strong>la</strong>ns <strong>de</strong>venus habituels,<br />

automatiques ; on se situerait alors au-<strong>de</strong>ssous du seuil <strong>de</strong> conscience. Les tâches non<br />

immédiates permettent une réponse différée, et <strong>la</strong>issent du temps pour une p<strong>la</strong>nification<br />

intentionnelle. Elles exigent même cette p<strong>la</strong>nification, si elles sont non réciproques et<br />

inhabituelles, et <strong>de</strong> ce fait elles nécessitent <strong>la</strong> mise en œuvre <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong>s<br />

intentionnellement déployées. On se situerait alors au-<strong>de</strong>ssus du seuil <strong>de</strong> conscience.<br />

7<br />

Voir G. HOLTZER, C. VERGON (1997) pour une présentation <strong>de</strong>s différentes phases du<br />

"processus <strong>de</strong> conscientisation".<br />

8<br />

Voir en annexe pour <strong>la</strong> définition du bon apprenant (R. RICHTERICH, 1997).<br />

9<br />

Certains auteurs désignent cette caractéristique par les qualificatifs "évolutif", ou<br />

"adaptatif", ou "variable". Je n'ai pas retenu ce <strong>de</strong>rnier parce qu'il ne me paraît pas<br />

expliciter <strong>la</strong> distinction entre <strong>la</strong> variabilité chez un même individu et celle d'un individu à<br />

l'autre.<br />

10<br />

Voir Bange (1992).<br />

11<br />

Il me semble que l'hypothèse selon <strong>la</strong>quelle il n'y aurait pas <strong>de</strong> bonne <strong>stratégie</strong> dans<br />

l'absolu, mais <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s choisies <strong>de</strong> manière pertinente à un moment donné, parce<br />

qu'adaptées à <strong>de</strong> nombreux facteurs (nature <strong>de</strong> <strong>la</strong> tâche, caractéristiques <strong>de</strong> l'apprenant...)<br />

est à l'heure actuelle assez partagée, même si <strong>la</strong> recherche s'est beaucoup orientée pendant<br />

les années 70 aux États-Unis sur l'i<strong>de</strong>ntification chez les "bons apprenants" <strong>de</strong> "bonnes"<br />

<strong>stratégie</strong>s, en espérant ensuite les transférer aux apprenants faibles.<br />

12<br />

Voir plus haut l'analyse <strong>de</strong> D. COSTE sur le rôle <strong>de</strong>s facteurs d'individualisation et <strong>de</strong><br />

pluralisme dans <strong>la</strong> mise en p<strong>la</strong>ce <strong>de</strong> <strong>la</strong> nouvelle méthodologie.<br />

13<br />

Le terme <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> est apparu dès le XVIème siècle dans le domaine militaire, mais son<br />

utilisation s'est généralisée au XIXème siècle suite aux travaux <strong>de</strong> CLAUSEWITZ, militaire<br />

prussien, qui s'est attaché à définir précisément <strong>la</strong> <strong>notion</strong>.<br />

14<br />

P. RILEY (1985) s'est également penché sur <strong>la</strong> question, mais à propos <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s <strong>de</strong><br />

communication. L'auteur se <strong>de</strong>man<strong>de</strong> si le modèle conflictuel, qui d'après lui pèse lourd<br />

dans <strong>la</strong> définition du terme, est réellement pertinent dans le cadre d'une <strong>de</strong>scription du<br />

processus interactif. Il propose <strong>de</strong> lui substituer un autre modèle permettant <strong>de</strong> prendre en<br />

compte <strong>la</strong> <strong>notion</strong> <strong>de</strong> col<strong>la</strong>boration.<br />

15<br />

Enseignants et apprenants seraient <strong>de</strong>s adversaires, face à <strong>de</strong>s contenus "réfractaires" et <strong>la</strong><br />

prise, le partage, <strong>la</strong> perte <strong>de</strong>s pouvoirs seraient en jeu (1997 : 47).


Caroline Vergon 14 Définition(s)<br />

BIBLIOGRAPHIE<br />

BANGE, P. (1992): Analyse conversationnelle et théorie <strong>de</strong> l'action, Paris: Crédif / Hatier,<br />

coll. LAL.<br />

BOGAARDS, P. (1988): Aptitu<strong>de</strong> et affectivité dans l'apprentissage <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues étrangères,<br />

Paris: Crédif / Hatier, coll. LAL..<br />

COSTE, D. (1975): «La méthodologie <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues maternelle et secon<strong>de</strong> : état <strong>de</strong> <strong>la</strong><br />

question», Étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Linguistique Appliquée, 18, avril-juin, p. 5-21, Paris.<br />

DICKINSON, L. (1987): Self-instruction in <strong>la</strong>nguage learning: Cambridge University Press.<br />

DICKINSON, L. (1990):«Self-evaluation of learning strategies», in: Learning styles, p.199-<br />

206.<br />

DUDA, R. , RILEY, P. (1990): Learning styles: Presses universitaires <strong>de</strong> Nancy.<br />

ESPÉRET, (1990): «Apprendre à produire du <strong>la</strong>ngage : construction <strong>de</strong>s représentations et<br />

processus cognitifs», in: Acquisition et utilisation d'une <strong>la</strong>ngue étrangère: l'approche<br />

cognitive.<br />

GAONAC'H, D. (1991): Théories <strong>d'apprentissage</strong> et acquisition d'une <strong>la</strong>ngue étrangère,<br />

Paris: Crédif / Hatier, coll. LAL.<br />

HOLTZER, G. (1997): «Conduites et <strong>stratégie</strong>s dans l'apprentissage d'une <strong>la</strong>ngue étrangère<br />

à distance», in: Multimédia, réseaux et formation, Le Français dans le Mon<strong>de</strong>, numéro<br />

spécial, Série Recherches et Applications, juillet, p. 105-115.<br />

HOLTZER, G. , VERGON, C. (1997): «Compétence <strong>d'apprentissage</strong>, analyse <strong>de</strong> rapports<br />

d'apprenants <strong>de</strong> <strong>la</strong>ngue», in: les actes <strong>de</strong>s Échanges européens <strong>de</strong> Besançon : (Se) former<br />

à distance à l'apprentissage et à l'enseignement <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues, p. 179-196, Besançon:<br />

Université <strong>de</strong> Franche-Comté.<br />

LE FRANÇAIS DANS LE MONDE, Série Recherches et Applications, numéro spécial,<br />

coordonné par D. GAONAC'H: Acquisition et utilisation d'une <strong>la</strong>ngue étrangère:<br />

l'approche cognitive, juillet 1990.<br />

LITTLE, D. (1997): «La compétence stratégique examinée par rapport à <strong>la</strong> maîtrise<br />

stratégique du processus <strong>d'apprentissage</strong> <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues», in: Stratégies dans l'apprentissage<br />

et l'usage <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues, Strasbourg: Conseil <strong>de</strong> l'Europe, p. 9-40.<br />

NARCY, J.-P. (1990a): «Dans quelle mesure peut-on tenir compte <strong>de</strong>s styles<br />

<strong>d'apprentissage</strong>?» in: Learning styles, p. 89-106.<br />

NARCY, J.-P. (1990b): Apprendre une <strong>la</strong>ngue étrangère, didactique <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues: le cas <strong>de</strong><br />

l'ang<strong>la</strong>is, Les Éditions d'Organisation.<br />

RICHARD, J. F., BONNET, C., GHIGLIONE, R. (1990): Traité <strong>de</strong> psychologie cognitive,<br />

Tome 2 Le traitement <strong>de</strong> l'information symbolique, Paris: Bordas.<br />

RICHTERICH, R. (1997): «La compétence stratégique: acquérir <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s<br />

<strong>d'apprentissage</strong> et <strong>de</strong> communication», in: Stratégies dans l'apprentissage et l'usage <strong>de</strong>s<br />

<strong>la</strong>ngues, Strasbourg: Conseil <strong>de</strong> l'Europe, p. 41-76.<br />

RILEY, P. (1985): «Strategy : conflict or col<strong>la</strong>boration ?», Mé<strong>la</strong>nges Pédagogiques du<br />

CRAPEL, Crapel, Nancy, p. 91-116.<br />

RILEY, P. (1990): «Requirements for the study of intercultural variation», in: Learning<br />

styles, p. 43-54.


Caroline Vergon 15 Définition(s)<br />

ROMAINVILLE, M. (1993): Savoir parler <strong>de</strong> ses métho<strong>de</strong>s: métacognition et performance,<br />

Bruxelles: De Boeck Université.<br />

ROULET, E. (1976): «L'apport <strong>de</strong>s Sciences du <strong>la</strong>ngage à <strong>la</strong> diversification <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s<br />

d'enseignement <strong>de</strong>s <strong>la</strong>ngues secon<strong>de</strong>s en fonction <strong>de</strong>s caractéristiques <strong>de</strong>s publics visés»<br />

Étu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> Linguistique Appliquée, 66, janvier-mars, p. 43-77.<br />

RUBIN, J. (1987): «Learner Strategies: Theoretical Assumptions, Research History and<br />

Typology», in: Learner Strategies in Language Learning, p. 15-30.<br />

VERGON, C. (1998): «Notion <strong>de</strong> <strong>stratégie</strong> <strong>d'apprentissage</strong>: analyse comparative <strong>de</strong><br />

définitions», BULAG, 24, Université <strong>de</strong> Franche-Comté, p.69-114.<br />

WENDEN, A., RUBIN, J. (1987): Learner strategies in <strong>la</strong>nguage learning, Cambridge:<br />

University Press.


Caroline Vergon 16 Définition(s)<br />

HOLTZER (1997)<br />

ANNEXE<br />

<strong>Définitions</strong><br />

"L'apprentissage serait ainsi un parcours semé d'embûches, une sorte <strong>de</strong> combat avec <strong>de</strong>s<br />

résistances à vaincre, <strong>de</strong>s problèmes à affronter pour atteindre les objectifs fixés. Résoudre les<br />

difficultés rencontrées <strong>de</strong>man<strong>de</strong> l'é<strong>la</strong>boration d'un p<strong>la</strong>n d'action basé sur <strong>de</strong>s hypothèses, sans<br />

certitu<strong>de</strong> <strong>de</strong> résultats, situation qui exige du sujet apprenant lucidité et volonté, en un mot<br />

certaines <strong>de</strong>s qualités intellectuelles et morales évoquées par CLAUSEWITZ. Cette<br />

conception, qui aurait sans doute une validité très restreinte dans le cadre <strong>d'apprentissage</strong><br />

menés dans le cadre <strong>de</strong> méthodologies douces (...), paraît assez appropriée pour rendre compte<br />

<strong>de</strong>s apprentissages à distance. Alors qu'en présentiel, le sujet peut (en principe) compter sur<br />

l'enseignant "facilitateur <strong>d'apprentissage</strong>" et sur ses partenaires pour obtenir assistance et<br />

stimu<strong>la</strong>tion, à distance il est seul face à ses problèmes, sans "monitorage externe" pour réguler<br />

son activité" (p. 106).<br />

LITTLE (1997)<br />

"Notre problème ne sera pas alors <strong>de</strong> distinguer entre l'utilisation stratégique et non<br />

stratégique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>la</strong>ngue (cf. BIALYSTOK, 1990) ou entre le comportement intentionnel et<br />

non intentionnel (FAERCH et KASPER, 1983b), mais <strong>de</strong> rendre compte du fait que <strong>la</strong><br />

compétence stratégique opère parfois au-<strong>de</strong>ssous et parfois au-<strong>de</strong>ssus du seuil <strong>de</strong> conscience"<br />

(p. 16).<br />

"<strong>la</strong> p<strong>la</strong>nification consciente ou intentionnelle intervient pour atteindre un objectif non habituel<br />

ou pour accomplir une tâche qui résiste au moins partiellement à <strong>la</strong> constitution d'une<br />

habitu<strong>de</strong>" (p.17).<br />

RICHTERICH (1997)<br />

"La prévision est certainement l'action majeure dans une <strong>stratégie</strong>. Le bon stratège est celui<br />

qui, premièrement sait prévoir toutes les situations auxquelles il risque d'être confronté ;<br />

<strong>de</strong>uxièmement parvient à se fixer c<strong>la</strong>irement un objectif ; troisièmement, p<strong>la</strong>nifie <strong>la</strong><br />

combinaison optimale <strong>de</strong>s ressources disponibles pour atteindre cet objectif" (p.51).<br />

"De même le bon apprenant (RUBIN and THOMPSON, 1982, HAWKINS 1992, JAMES and<br />

GARRET, eds 1991) est celui qui sait faire les bonnes hypothèses par rapport aux multiples<br />

situations et problèmes <strong>d'apprentissage</strong> auxquels il va être confronté, sait percevoir tout ce<br />

qu'ils comportent, trouve les compromis, si nécessaire entre ses propres objectifs, qu'il a<br />

c<strong>la</strong>irement déterminés, et ceux <strong>de</strong> l'enseignant et <strong>de</strong> l'institution, enfin se prépare<br />

adéquatement à combiner ses actions <strong>d'apprentissage</strong> avec celles d'enseignement" (p. 52).<br />

"Une <strong>de</strong>s fonctions essentielles <strong>de</strong>s <strong>stratégie</strong>s est <strong>de</strong>, paradoxalement, prévoir l'imprévisible"<br />

(p.52).<br />

"Le terme <strong>de</strong> gagner, dans ses multiples acceptions, me paraît particulièrement adéquat pour<br />

illustrer les <strong>stratégie</strong>s que peut appliquer un apprenant pour - gagner (dans le sens d'acquérir,<br />

obtenir) - gagner du terrain (avancer, progresser) - gagner un endroit (atteindre) - gagner du<br />

temps (avancer vite)" (p. 55).

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!