La gouvernance de l'alimentation - Ministère de l'agriculture, de l ...
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20 ème anniversaire du CNA<br />
<strong>La</strong> <strong>gouvernance</strong> <strong>de</strong> l’alimentation<br />
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------<br />
Contribution <strong>de</strong>s chercheurs en Sciences Humaines et Sociales du Pôle Nantais sur<br />
l’Alimentation et la Nutrition (PONAN) :<br />
Jean Louis LAMBERT, professeur ENITIAA, lambert@enitiaa-nantes.fr<br />
Annie LAMBERT, maître <strong>de</strong> conférences ENITIAA, alambert@enitiaa-nantes.fr .<br />
Avec la participation <strong>de</strong><br />
Marine FRIANT-PERROT, maître <strong>de</strong> conférence faculté <strong>de</strong> droit Nantes,<br />
Patrice GUILLOTREAU, maître <strong>de</strong> conférences faculté <strong>de</strong> sciences économiques <strong>de</strong> Nantes,<br />
Emmanuelle CHEVASSUS-LOZZA, directrice <strong>de</strong> recherche INRA Nantes,<br />
Jean Clau<strong>de</strong> LEBOSSE, secrétaire général <strong>de</strong> PONAN.<br />
-----------------------------------------------------------------------------------------------------------------<br />
1
SOMMAIRE<br />
Introduction : les acteurs et la <strong>gouvernance</strong> du système alimentaire ?<br />
Les faits marquants <strong>de</strong>s 20 <strong>de</strong>rnières années dans la chaîne alimentaire :<br />
les évolutions <strong>de</strong>s pratiques et <strong>de</strong>s poids <strong>de</strong>s acteurs.<br />
1. Les évolutions <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> finale<br />
1.1 <strong>La</strong> concurrence entre les offreurs est exacerbée par la saturation <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
alimentaire.<br />
1.2 Le développement <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> prêt à manger et les transferts <strong>de</strong> production entre les<br />
acteurs.<br />
1.3 Des nouveaux types <strong>de</strong> prises alimentaires.<br />
2. Les évolutions <strong>de</strong> l’offre alimentaire<br />
2.1 Le poids croissant <strong>de</strong>s restaurateurs qui <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s distributeurs.<br />
2.2 <strong>La</strong> domination <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> distribution.<br />
2.3 Une nouvelle organisation et une nouvelle structuration <strong>de</strong> la transformation alimentaire.<br />
2.4 Accélération du mouvement <strong>de</strong> concentrations financière, économique et industrielle dans<br />
la transformation.<br />
2.5 <strong>La</strong> répartition <strong>de</strong>s tâches entre assembleurs et fournisseurs <strong>de</strong> composants selon les<br />
secteurs d’activité.<br />
2.6 Conséquences <strong>de</strong> toutes ces évolutions organisationnelles et structurelles sur l’emploi :<br />
stabilité en nombre mais enrichissement <strong>de</strong>s qualifications.<br />
2.7 Performances françaises à l’exportation dans les produits transformés : un modèle en<br />
Europe <strong>de</strong> moins en moins exportable sur les pays tiers.<br />
3. Attitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s mangeurs et nouvelles relations entre les acteurs.<br />
3.1 Le développement <strong>de</strong> la méfiance et <strong>de</strong> la médiatisation lié à l’éloignement <strong>de</strong>s mangeurs<br />
du système <strong>de</strong> production et distribution alimentaire.<br />
3.2 <strong>La</strong> médicalisation <strong>de</strong> l’alimentation, le développement <strong>de</strong> nouvelles interventions<br />
étatiques et <strong>de</strong>s expertises scientifiques.<br />
Conclusions :<br />
- Quelques éléments <strong>de</strong> réflexion prospective sur la dynamique <strong>de</strong>s jeux d’acteurs <strong>de</strong> la chaîne<br />
alimentaire.<br />
- Les interrogations pour la <strong>gouvernance</strong> <strong>de</strong> la chaîne alimentaire.<br />
Annexe 1 : L’exemple <strong>de</strong>s dynamiques d’acteurs vis à vis <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> la mer.<br />
2
INTRODUCTION : LES ACTEURS ET LA GOUVERNANCE DU SYSTEME ALIMENTAIRE ?<br />
Nous chercherons à repérer comment a évolué le système alimentaire en France au cours <strong>de</strong>s<br />
20 <strong>de</strong>rnières années : quels ont été les principaux faits marquants. <strong>La</strong> compréhension <strong>de</strong>s<br />
évolutions suppose l’analyse <strong>de</strong>s déterminants externes et internes au système. Parmi ces<br />
<strong>de</strong>rniers, quelle est l’influence <strong>de</strong>s jeux d’acteurs sur la dynamique du système et<br />
réciproquement quelles sont les conséquences <strong>de</strong> cette dynamique sur les relations entre les<br />
acteurs ? Comment évoluent les rapports <strong>de</strong> forces et quels sont les acteurs dominants ?<br />
Les principaux acteurs présents dans la chaîne alimentaire sont les suivants :<br />
- professionnels offreurs : agriculteurs, pêcheurs, industriels transformateurs,<br />
restaurateurs, distributeurs et leurs prestataires <strong>de</strong> services : transporteurs, conseils…<br />
- consommateurs « mangeurs » et citoyens (associations)<br />
- pouvoirs publics : Directions <strong>de</strong>s Administrations Centrales et <strong>de</strong> leurs services<br />
déconcentrés, DGAL et DSV pour le ministère chargé <strong>de</strong> l’agriculture et <strong>de</strong> la pêche, DGS<br />
pour le ministère <strong>de</strong> la santé, DGCCRF pour le ministère du budget offices, l’ AFSSA,<br />
IFREMER et les collectivités locales, principalement pour la restauration scolaire<br />
- experts<br />
- chercheurs<br />
- medias (dont internet).<br />
Il importera <strong>de</strong> préciser les poids relatifs <strong>de</strong> ces acteurs, les niveaux <strong>de</strong> dépendance<br />
économique entre eux, leurs relations commerciales et juridiques. En d’autres termes, qui sont<br />
les donneurs d’ordre plus ou moins explicites ?<br />
Les années qualifiées <strong>de</strong>s trente glorieuses se sont manifestées par un taux <strong>de</strong> croissance du<br />
Produit Intérieur Brut voisin <strong>de</strong> 5% et pour l’alimentaire, par l’expansion <strong>de</strong> l’agriculture sous<br />
l’impulsion <strong>de</strong> la politique agricole commune. L’agriculture s’est intégrée dans un modèle <strong>de</strong><br />
développement permettant <strong>de</strong> réaliser une transformation industrielle <strong>de</strong>s produits. Elle voit<br />
ses débouchés vers l’industrie se renforcer :<br />
- aussi bien pour la consommation intérieure (en 1983, 73% <strong>de</strong>s produits alimentaires<br />
achetés par les ménages français sont <strong>de</strong>s produits transformés par les industries, 17% sont<br />
<strong>de</strong>s produits bruts et 10% sont transformés par l’artisanat),<br />
- que pour l’exportation (la balance commerciale <strong>de</strong> l’agriculture sort du déficit en 1982).<br />
Jusqu’au début <strong>de</strong>s années 1980, l’agriculture a un poids prépondérant dans la dynamique <strong>de</strong><br />
la chaîne alimentaire. Mais comme le montre la figure 1, <strong>de</strong>puis 20 ans, l’agriculture a eu un<br />
développement limité comparativement aux industries alimentaires et surtout aux services, qui<br />
englobent notamment la restauration et la distribution.<br />
Figure 1 : Evolutions <strong>de</strong>s secteurs<br />
<strong>de</strong> la production en France,<br />
en indice <strong>de</strong> volume.<br />
3
LES FAITS MARQUANTS DES 20 DERNIERES ANNEES DANS LA CHAINE<br />
ALIMENTAIRE : LES EVOLUTIONS DES PRATIQUES ET DES POIDS DES ACTEURS.<br />
1- LES EVOLUTIONS DE LA DEMANDE FINALE.<br />
1.1 LA CONCURRENCE ENTRE LES OFFREURS EST EXACERBEE PAR LA<br />
SATURATION DE LA DEMANDE ALIMENTAIRE<br />
Alors que les dépenses alimentaires françaises continuaient à progresser <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 3 % par<br />
an au cours <strong>de</strong>s années 1960, leur progression se ralentit à partir <strong>de</strong> 1970 pour atteindre un<br />
niveau inférieur à 1 % au cours <strong>de</strong>s 25 <strong>de</strong>rnières années. Cette progression se rapproche du<br />
niveau <strong>de</strong> croissance démographique, ce qui signifie que les dépenses alimentaires par tête ne<br />
progressent plus.<br />
Figure 2 : Evolution <strong>de</strong>s dépenses alimentaires françaises<br />
5<br />
4<br />
3<br />
2<br />
1<br />
0<br />
-1<br />
1,15 %<br />
Evolution annuelle en %<br />
0,81 %<br />
Croissance<br />
0,46 % 0,51 %<br />
1960<br />
1963<br />
1966<br />
1969<br />
1972<br />
1975<br />
1978<br />
1981<br />
1984<br />
1987<br />
1990<br />
1993<br />
1996<br />
1999<br />
2002<br />
S<br />
Source : d’après INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004, comptes nationaux.<br />
Il a été démontré que lorsque les revenus augmentent, la part <strong>de</strong> budget consacré à<br />
l’alimentation à tendance à se réduire. En 2004, le coefficient du budget alimentaire est en<br />
France <strong>de</strong> 21% (en y incluant les dépenses hors domicile). Le ralentissement <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
n’est donc pas dû à celui <strong>de</strong>s revenus puisque l’élasticité <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alimentaire est proche<br />
<strong>de</strong> 0. Il n’est pas non plus lié aux évolutions <strong>de</strong>s prix dont la progression s’est fortement<br />
ralentie au cours <strong>de</strong>s 20 <strong>de</strong>rnières années comme le montre la figure 3. Par une baisse <strong>de</strong>s prix<br />
relatifs, la production <strong>de</strong> masse <strong>de</strong> produits alimentaires standardisés permet alors l’entrée<br />
dans l’abondance alimentaire pour la plupart <strong>de</strong>s consommateurs. Même si comme le montre<br />
la figure 3 ci-<strong>de</strong>ssous, les produits alimentaires issus <strong>de</strong>s IAA ont eu une baisse <strong>de</strong> prix moins<br />
conséquente que les prix <strong>de</strong>s produits agricoles et industriels.<br />
0,37 %<br />
4
Figure 3 : Evolution <strong>de</strong>s prix<br />
<strong>de</strong>s produits selon les<br />
secteurs <strong>de</strong> production<br />
en France.<br />
L’arrêt <strong>de</strong> la croissance <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alimentaire correspond plutôt à une saturation<br />
nutritionnelle <strong>de</strong> la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong> la population. En effet, pendant la secon<strong>de</strong> moitié du<br />
20 ème siècle, en même temps que les disponibilités alimentaires se sont accrues, les besoins<br />
nutritionnels ont nettement diminué. <strong>La</strong> population <strong>de</strong>s pays riches s’est en effet rapi<strong>de</strong>ment<br />
sé<strong>de</strong>ntarisée. Les modifications <strong>de</strong> l’organisation du travail (par la mécanisation,<br />
l’automatisation, et la robotisation), le développement <strong>de</strong>s moyens <strong>de</strong> transport et<br />
l’augmentation du confort <strong>de</strong>s différents lieux <strong>de</strong> vie ont entraîné une réduction <strong>de</strong>s activités<br />
physiques. Le niveau individuel moyen <strong>de</strong>s dépenses énergétiques s’est ainsi réduit d’un quart<br />
à un tiers, passant <strong>de</strong> 3000-4000 kcal à 2000-3000 kcal/jour en quelques dizaines d’années.<br />
On a pu assister ainsi au cours <strong>de</strong>s années 1980 à un début <strong>de</strong> prise <strong>de</strong> conscience du niveau<br />
excessif <strong>de</strong>s consommations alimentaires (« on mange trop ») qui ne s’est pas traduit pour<br />
autant par un ajustement à l’évolution <strong>de</strong>s besoins comme l’a montré la progression <strong>de</strong>s taux<br />
<strong>de</strong> surpoids et d’obésité à la fin du siècle.<br />
Depuis plus <strong>de</strong> 20 ans, le faible taux <strong>de</strong> croissance <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> ne permet plus<br />
d’assurer le développement <strong>de</strong>s entreprises qui contribuent à l’offre. <strong>La</strong> concurrence<br />
s’exacerbe alors entre les acteurs offreurs pour le partage <strong>de</strong>s marchés intérieurs.<br />
Les acteurs offreurs d’aliments développent <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> compression <strong>de</strong> coûts, <strong>de</strong><br />
concentration, <strong>de</strong> recherches <strong>de</strong> marchés à l’exportation, <strong>de</strong> différenciation par<br />
l’innovation.<br />
Des branches d’activités alimentaires plus touchées que d’autres<br />
Jusqu’à la fin <strong>de</strong>s années 1970, le développement économique provoquait partout une<br />
substitution dans les rations <strong>de</strong>s produits d’origine végétale par <strong>de</strong>s produits d’origine<br />
animale. Mais lorsque les populations riches ont <strong>de</strong>s rations saturées, elles semblent<br />
commencer une substitution inverse. Avec le développement croissant d’aliments élaborés<br />
mélangeant les origines animales et végétales, l’observation est difficile à faire. Néanmoins, la<br />
tendance à la réduction <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s produits d’origine végétale semble bien stoppée en<br />
France <strong>de</strong>puis 20 ans (figure 4).<br />
5
Figure 4 : Evolution <strong>de</strong> la consommation française à domicile <strong>de</strong> produits soli<strong>de</strong>s selon<br />
l’origine <strong>de</strong>s produits<br />
Source : d’après INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004, comptes nationaux.<br />
Et la consommation française <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s détaillée en figure 5 affiche nettement un<br />
plafonnement autour <strong>de</strong>s années 1990.<br />
Figure 5. Consommation française à domicile <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s (millions d’euros 1995).<br />
35000<br />
30000<br />
25000<br />
20000<br />
15000<br />
10000<br />
5000<br />
0<br />
1960<br />
1962<br />
1964<br />
100%<br />
80%<br />
60%<br />
40%<br />
20%<br />
1966<br />
0%<br />
1968<br />
1960<br />
1965<br />
1970<br />
1972<br />
Produits<br />
d'origine<br />
végétale<br />
1974<br />
1976<br />
1978<br />
1970<br />
1975<br />
1980<br />
1985<br />
1980<br />
Source : d’après INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004, comptes nationaux.<br />
Dans la réduction d’ensemble <strong>de</strong>s produits d’origine animale, la figure 6 montre que la<br />
réduction touche cependant surtout les vian<strong>de</strong>s rouges et semble moins nette sur les produits<br />
laitiers et les produits <strong>de</strong> la mer.<br />
1982<br />
Abats Cheval Boeuf Mouton Veau Porc Volailles Préparations base vian<strong>de</strong><br />
1984<br />
1986<br />
Produits<br />
d'origine<br />
animale<br />
1988<br />
1990<br />
1995<br />
2000<br />
1990<br />
1992<br />
1994<br />
1996<br />
1998<br />
2000<br />
2002<br />
6
Figure 6 : Evolution <strong>de</strong> la répartition <strong>de</strong>s produits d’origine animale dans la<br />
consommation française à domicile<br />
60,00<br />
50,00<br />
40,00<br />
30,00<br />
20,00<br />
10,00<br />
0,00<br />
vian<strong>de</strong>s<br />
rouges<br />
vian<strong>de</strong>s<br />
blanches<br />
produits<br />
laitiers<br />
Source : d’après INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004, comptes nationaux.<br />
Mais les données <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années (figure 7) affichent le début <strong>de</strong> déclin <strong>de</strong>s vian<strong>de</strong>s<br />
blanches.<br />
Figure 7 : <strong>La</strong> consommation française <strong>de</strong> vian<strong>de</strong>s<br />
produits <strong>de</strong> la<br />
mer<br />
Source : INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004 – base 2000.<br />
1960<br />
1980<br />
2000<br />
Et dans les produits laitiers (figure 8), les consommations croissantes concernent surtout les<br />
parts végétales <strong>de</strong>s <strong>de</strong>sserts lactés.<br />
7
Figure 8 : Consommation française à domicile <strong>de</strong> produits laitiers (en millions d’euros<br />
1995).<br />
16000<br />
14000<br />
12000<br />
10000<br />
8000<br />
6000<br />
4000<br />
2000<br />
0<br />
1960<br />
1963<br />
Source : d’après INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004, comptes nationaux.<br />
1.2 LE DEVELOPPEMENT DE LA DEMANDE DE PRET A MANGER ET LES<br />
TRANSFERTS DE PRODUCTION ENTRE LES ACTEURS<br />
Dans les populations riches, l’évolution <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie vers <strong>de</strong>s activités moins productives<br />
(dites <strong>de</strong> loisirs) est à l’origine <strong>de</strong> nouvelles attentes <strong>de</strong>s consommateurs (LAMBERT J.L.,<br />
2004).<br />
Figure 9 : Evolution <strong>de</strong>s emplois du temps <strong>de</strong>s Français<br />
Lorsque les revenus augmentent, le temps affecté aux<br />
loisirs est en continuelle progression : <strong>de</strong> l’ordre <strong>de</strong> 1<br />
heure par jour au cours <strong>de</strong>s 25 <strong>de</strong>rnières années.<br />
Glaces<br />
Yaourts<br />
Fromages<br />
1974 1986 1998<br />
Professionnel 32,4 28,7 29<br />
Trajets 5,1 5,6 4,6<br />
Domestique 25,1 24,6 22,7<br />
Loisirs 23,1 27,7 29,7<br />
Physiologique 82,3 81,4 82<br />
Unités : heures / semaine<br />
Source : INSEE, Enquêtes emplois du temps, 1999<br />
<strong>La</strong> croissance <strong>de</strong>s niveaux <strong>de</strong> vie, associée à un développement du salariat ainsi qu’à une<br />
évolution du rôle social <strong>de</strong>s femmes, entraîne une nouvelle gestion <strong>de</strong> la ressource <strong>de</strong> temps.<br />
En effet, pour manger, il ne faut pas seulement <strong>de</strong> l’argent, il faut du temps car la plupart <strong>de</strong>s<br />
produits alimentaires vendus ne sont pas directement mangeables. Les mangeurs doivent finir<br />
la production <strong>de</strong>s produits semi-finis comme ils confectionnaient leurs vêtements avant le<br />
développement du prêt à porter. Pour la production domestique, il faut <strong>de</strong>s équipements et du<br />
travail, ce qui suppose du savoir-faire, du temps disponible ou du temps que l’on accepte d’y<br />
consacrer.<br />
<strong>La</strong>its<br />
1966<br />
1969<br />
1972<br />
1975<br />
1978<br />
1981<br />
1984<br />
1987<br />
1990<br />
1993<br />
1996<br />
1999<br />
2002<br />
8
Ce sont encore les femmes qui se chargent <strong>de</strong> 80 % <strong>de</strong>s activités alimentaires domestiques.<br />
Mais dans les sociétés occi<strong>de</strong>ntales, elles cherchent progressivement à se « libérer » <strong>de</strong> ces<br />
activités. Elles sont <strong>de</strong> plus en plus nombreuses à acquérir une formation initiale longue. Elles<br />
cherchent une activité professionnelle pour se valoriser socialement et pour assurer leur<br />
autonomie financière, ce qui <strong>de</strong>vient plus nécessaire avec la croissance <strong>de</strong>s divorces et du<br />
pourcentage <strong>de</strong> femmes célibataires. <strong>La</strong> transmission intergénérationnelle <strong>de</strong>s savoirs<br />
culinaires se réduit et les femmes <strong>de</strong>s jeunes générations savent moins faire la cuisine. Le<br />
modèle culturel <strong>de</strong> la « maîtresse <strong>de</strong> maison » et <strong>de</strong> la « mère au foyer » s’estompe dans les<br />
classes aisées et moyennes au profit d’un modèle <strong>de</strong> femme « égale <strong>de</strong> l’homme ». Comme<br />
l’illustre la figure 10, les femmes « actives » consacrent alors près <strong>de</strong> 2 fois moins <strong>de</strong> temps<br />
aux activités domestiques que les « femmes au foyer » et ces comportements s’amplifient<br />
chez les femmes <strong>de</strong>s jeunes générations.<br />
Figure 10 : Les emplois du temps <strong>de</strong>s Françaises selon l’activité professionnelle et l’âge.<br />
100%<br />
90%<br />
80%<br />
70%<br />
60%<br />
50%<br />
40%<br />
30%<br />
20%<br />
10%<br />
0%<br />
temps plein temps<br />
partiel<br />
inactives<br />
Temps libre<br />
Temps domestique<br />
Trajet<br />
Travail, étu<strong>de</strong>s, formation<br />
Temps physiologique<br />
Travail Domestique Temps libre Physiologique<br />
Moins <strong>de</strong> 25 ans 4 h 29 2 h 42 4 h 28 12 h 21<br />
<strong>de</strong> 25 à 34 ans 3 h 34 5 h 09 3 h 30 11 h 48<br />
<strong>de</strong> 35 à 44 ans 3 h 30 5 h 31 3 h 19 11 h 40<br />
<strong>de</strong> 45 à 54 ans 3 h 26 5 h 24 3 h 23 11 h 47<br />
<strong>de</strong> 55 à 64 ans 1 h 17 6 h 00 4 h 33 12 h 10<br />
65 ans et plus 0 h 02 5 h 14 5 h 34 13 h 10<br />
Ensemble 2 h 39 5 h 00 4 h 10 12 h 12<br />
Unités : heures / jour<br />
Source : INSEE, Enquête emplois du temps, 1999<br />
De plus, dans les sociétés riches, appelées <strong>de</strong> consommation, les activités <strong>de</strong> loisirs se<br />
développent et entrent en concurrence avec les autres activités et particulièrement les activités<br />
domestiques. Or les riches ne disposent que <strong>de</strong> 24 heures par jour comme les pauvres. Quand<br />
le niveau <strong>de</strong> vie augmente, la contrainte <strong>de</strong> temps disponible <strong>de</strong>vient plus importante que celle<br />
<strong>de</strong>s revenus. Les pauvres essaient <strong>de</strong> compenser les faibles revenus tirés <strong>de</strong> leurs activités<br />
professionnelles par <strong>de</strong>s activités domestiques (jardin potager, cuisine, bricolage…) qui leur<br />
permettent <strong>de</strong> réduire leurs dépenses. Leur temps d’activités productives est très majoritaire et<br />
laisse peu <strong>de</strong> place aux activités non-productives <strong>de</strong> loisirs. Les riches ont par contre <strong>de</strong>s<br />
revenus suffisants pour « se libérer » <strong>de</strong>s activités domestiques par l’embauche <strong>de</strong> personnel<br />
<strong>de</strong> maison ou par l’achat <strong>de</strong> services. Ils compensent leur insuffisance <strong>de</strong> temps disponible par<br />
l’achat <strong>de</strong> « temps libre » pour les loisirs. Quand le niveau <strong>de</strong> vie permet à une partie<br />
croissante <strong>de</strong> la population <strong>de</strong> satisfaire ses besoins élémentaires dont l’alimentation, ce sont<br />
le temps et les dépenses affectées aux loisirs qui <strong>de</strong>viennent <strong>de</strong>s signes <strong>de</strong> distinction sociale.<br />
On assiste ainsi à une réduction progressive du temps consacré aux activités alimentaires<br />
domestiques. Le temps d’approvisionnement est limité. Les jardins potagers, petits élevages et<br />
autres activités permettant l’autoconsommation sont abandonnés. Les temps d’achat sont<br />
réduits par leur regroupement dans un même lieu, ce qui est rendu possible par le<br />
développement <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s surfaces. <strong>La</strong> réduction <strong>de</strong> la fréquence <strong>de</strong>s achats est également<br />
permise par les nouvelles technologies <strong>de</strong> conservation et notamment la « chaîne du<br />
froid » (stockage en réfrigérateurs et congélateurs, allongement <strong>de</strong> la durée <strong>de</strong> vie <strong>de</strong>s<br />
produits).<br />
Les préparations alimentaires à partir <strong>de</strong> produits bruts sont progressivement abandonnées au<br />
profit <strong>de</strong> produits soit complètement prêts à manger, soit suffisamment élaborés pour<br />
nécessiter peu <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> préparation : produits cuits ou précuits, préemballés ou vendus en<br />
9
kit, plats cuisinés et produits « traiteur » (pizza, quiches, tartes, plats cuisinés, sala<strong>de</strong>s<br />
composées, sandwichs), <strong>de</strong>sserts lactés.... Les 20 <strong>de</strong>rnières années sont ainsi marquées par le<br />
développement <strong>de</strong>s technologies du sous-vi<strong>de</strong> et <strong>de</strong> la réfrigération, qui relaient très<br />
rapi<strong>de</strong>ment l’appertisation et la surgélation, malgré leur coût nettement plus élevé. En 12 ans,<br />
la consommation française <strong>de</strong> produits traiteur a été multipliée par 5 (figure 11) et a dépassé<br />
le volume <strong>de</strong>s plats cuisinés en conserve.<br />
Figure 11 : Evolution <strong>de</strong> la consommation française <strong>de</strong> produits « traiteurs »<br />
(unités : tonnes/an)<br />
Source : SYNAFAP, ADEPALE<br />
Dans le budget alimentaire global, la part <strong>de</strong>s produits bruts se réduit au profit <strong>de</strong> produits <strong>de</strong><br />
plus en plus prêts à manger (figure 12). Les consommations hors domicile qui ne nécessitent<br />
aucun temps <strong>de</strong> production <strong>de</strong> la part <strong>de</strong>s mangeurs correspon<strong>de</strong>nt bien également à cette<br />
logique du développement <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> consommation.<br />
Figure 12 : Répartition <strong>de</strong> la consommation alimentaire française selon le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong><br />
préparation <strong>de</strong>s produits et le lieu <strong>de</strong> consommation (en millions d’euros 1995)<br />
180000<br />
160000<br />
140000<br />
120000<br />
100000<br />
80000<br />
60000<br />
40000<br />
20000<br />
600000<br />
500000<br />
400000<br />
300000<br />
200000<br />
100000<br />
0<br />
0<br />
1990<br />
1991<br />
1992<br />
1993<br />
1994<br />
1995<br />
1996<br />
1997<br />
1998<br />
1999<br />
2000<br />
2001<br />
2002<br />
Agricoles bruts<br />
Restaurants<br />
Prêts à manger<br />
A préparer<br />
Boissons<br />
Bar, Cafés<br />
Préparés<br />
1960<br />
1963<br />
1966<br />
1969<br />
1972<br />
1975<br />
1978<br />
1981<br />
1984<br />
1987<br />
1990<br />
1993<br />
1996<br />
1999<br />
2002<br />
Source : d’après INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004, comptes nationaux.<br />
10
Le développement économique et l’évolution associée <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie entraînent donc un<br />
transfert <strong>de</strong> la production domestique alimentaire vers le système marchand. Ceci se traduit<br />
par une régression <strong>de</strong> l’autoconsommation, une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> croissante <strong>de</strong> produits prêts à<br />
manger et une augmentation <strong>de</strong> la fréquentation <strong>de</strong>s diverses formes <strong>de</strong> restauration, comme<br />
nous avions pu l’observer au début <strong>de</strong>s années 1980 (LAMBERT J.L., 1987).<br />
Figure 13 : Evolution <strong>de</strong> la répartition <strong>de</strong>s dépenses alimentaires <strong>de</strong>s Français selon les<br />
sources d’approvisionnement et le <strong>de</strong>gré d’élaboration <strong>de</strong>s produits.<br />
1960 1980 2000<br />
Total autoconsommation 4,84 1,97 1,42<br />
Total agriculture (légumes, fruits) 10,42 9,04 9,32<br />
Total pêche 1,45 1,59 1,57<br />
Total industries alimentaires 71,45 70,27 64,37<br />
Total restaurations hors domicile RHD 11,84 17,13 23,32<br />
Source : d’après INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004, comptes nationaux.<br />
<strong>La</strong> part respective <strong>de</strong>s différents acteurs dans la production <strong>de</strong>s aliments s’est donc<br />
modifiée rapi<strong>de</strong>ment. Les fournisseurs traditionnels <strong>de</strong> produits bruts extraits <strong>de</strong> la<br />
nature (agriculteurs, pêcheurs) qui occupaient une part majoritaire <strong>de</strong>viennent<br />
progressivement <strong>de</strong>s fournisseurs <strong>de</strong> matières premières aux industriels et aux<br />
restaurateurs.<br />
1.3 DE NOUVEAUX TYPES DE PRISES ALIMENTAIRES<br />
Les Français continuent majoritairement à s’asseoir à table pour « prendre les repas », à<br />
domicile et au restaurant mais ils sont aussi <strong>de</strong> plus en plus nombreux, particulièrement les<br />
jeunes <strong>de</strong>s centres urbains, à déambuler en mangeant.<br />
Les observations menées au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années permettent <strong>de</strong> schématiser l’éventail<br />
<strong>de</strong> ces prises dans la figure 14 (page suivante). L’organisation dans le temps est disposée sur<br />
l’axe vertical avec les contenus liqui<strong>de</strong>s/soli<strong>de</strong>s, sucrés/salés et les quantités <strong>de</strong>s rations<br />
ingérées. L’organisation dans l’espace et le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> commensalité sont représentés sur l’axe<br />
horizontal. Le <strong>de</strong>gré <strong>de</strong> normalisation est représenté sur l’axe allant du quadrant en bas à<br />
gauche au quadrant en haut à droite.<br />
<strong>La</strong> majorité <strong>de</strong>s prises (en italiques) est bien appelée « repas ». Mais il existe également<br />
d’autres prises moins normalisées, y compris dans leurs dénominations. L’individualisation<br />
croissante <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie entraîne en effet une déritualisation <strong>de</strong>s prises alimentaires,<br />
renforcée par la baisse <strong>de</strong>s influences religieuses et morales. C FISCHLER (1990) a désigné<br />
cette réduction <strong>de</strong>s normes alimentaires par la « gastro-anomie ».<br />
De plus, dans le nouveau contexte <strong>de</strong> surabondance alimentaire, la convivialité associée aux<br />
repas (le partage <strong>de</strong> la même nourriture) perd son importance : les mangeurs partagent un<br />
temps <strong>de</strong> vie dans le même espace mais beaucoup moins le même menu.<br />
11
Figure 14 : Caractérisation <strong>de</strong>s prises alimentaires en France<br />
Espace : non défini<br />
hors domicile, avec les mains<br />
Commensalité :<br />
seul, sans partage<br />
Sandwich<br />
Snacking<br />
Collation<br />
En-cas<br />
Grignotage<br />
« Gastro -<br />
anomie » Hors repas<br />
Temps : long, heures<br />
régulières, festif<br />
Petit déjeuner<br />
Goûter<br />
Quantité élevée<br />
soli<strong>de</strong>, salé<br />
Dîner samedi<br />
Bonne franquette<br />
Déjeuner Dîner<br />
Bar<br />
Quantité faible<br />
liqui<strong>de</strong>, sucré<br />
Temps : court, heures<br />
irrégulières, quotidien<br />
Buffet dînatoire<br />
Gastronomie<br />
Normes<br />
Repas rituels<br />
Festin, banquet<br />
Déjeuner dimanche<br />
Espace : domicile,<br />
salle à manger, table, couverts<br />
Commensalité :<br />
convives, partage<br />
Apéritif<br />
Même si le modèle du repas <strong>de</strong>meure très majoritairement la norme dans les pays <strong>de</strong> culture<br />
latine, <strong>de</strong> nombreux facteurs convergent pour favoriser une poursuite du développement <strong>de</strong><br />
ces nouvelles formes <strong>de</strong> prises alimentaires. Les évolutions démographiques comme le<br />
vieillissement <strong>de</strong> la population (et donc la croissance <strong>de</strong>s personnes vivant seules) et la<br />
réduction <strong>de</strong> la taille <strong>de</strong>s familles entraînent <strong>de</strong>s prises individuelles. Les évolutions <strong>de</strong>s<br />
systèmes <strong>de</strong> valeurs comme la réduction <strong>de</strong> l’importance <strong>de</strong> la vie sociale <strong>de</strong> groupe et la<br />
croissance <strong>de</strong> l’individualisme <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie poussent à l’individualisation <strong>de</strong>s prises.<br />
L’irrégularité <strong>de</strong>s prises et leur caractère individuel sont également favorisés par les<br />
évolutions <strong>de</strong>s mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie : l’organisation du travail avec les horaires variables, <strong>de</strong> nuit, les<br />
déplacements, l’éloignement entre les lieux <strong>de</strong> travail et l’habitat ainsi que le développement<br />
<strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> loisirs. Le développement <strong>de</strong> l’urbanisation, associé à la rapidité <strong>de</strong>s moyens<br />
<strong>de</strong> transports, favorise également le développement <strong>de</strong>s déplacements.<br />
Et ces prises alimentaires individuelles sont évi<strong>de</strong>mment aussi favorisées par l’évolution <strong>de</strong><br />
l’offre alimentaire, et notamment par le développement <strong>de</strong> produits prêts à manger et les<br />
nouvelles formes <strong>de</strong> restauration et <strong>de</strong> distribution : distribution automatique, livraison<br />
(travail, domicile), ambulants, stations services…<br />
Comme nous pouvons le schématiser en figure 15 (page suivante), nous assistons donc<br />
globalement à une réduction progressive du temps consacré aux pratiques alimentaires <strong>de</strong>s<br />
mangeurs (approvisionnements, préparations et consommations). Lorsque le niveau <strong>de</strong> vie<br />
augmente, les mangeurs réduisent leur part <strong>de</strong> revenus consacré à l’alimentation (cf. infra) et<br />
lorsqu’ils <strong>de</strong>viennent riches et dans les contextes d’abondance ils réduisent également leur<br />
part <strong>de</strong> temps.<br />
12
Figure 15 : Les évolutions du temps consacré à l’alimentation.<br />
Dépenses<br />
Autoconsommation<br />
<strong>La</strong> répartition <strong>de</strong>s taches entre les différents acteurs <strong>de</strong> la production alimentaire se<br />
modifie donc considérablement.<br />
2- LES EVOLUTIONS DE L’OFFRE<br />
2.1 LE POIDS CROISSANT DES RESTAURATEURS QUI DEVIENNENT DES DISTRIBUTEURS<br />
Le poids croissant <strong>de</strong>s restaurants dans les dépenses <strong>de</strong>s mangeurs mérite une analyse<br />
particulière, car on assiste en même temps à une évolution <strong>de</strong>s fonctions exercées par les<br />
restaurateurs.<br />
Comme le montre la figure 16, alors que les consommations en restauration collective<br />
(scolaire, entreprises, santé) plafonnent, ce sont les consommations dans les différentes<br />
formes <strong>de</strong> restauration commerciale qui se développent <strong>de</strong> plus 50 % au cours <strong>de</strong>s 20<br />
<strong>de</strong>rnières années.<br />
Source : Néo-<br />
Prêt à manger<br />
Restauration<br />
Temps<br />
alimentaire<br />
Revenus, mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie et industrialisation<br />
Figure 16 : Evolution <strong>de</strong><br />
la consommation<br />
française en restauration<br />
Source : Néorestauration,<br />
septembre 2002, Les clés<br />
d’un réseau en franchise<br />
13
Le fait le plus marquant est le développement très rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s formes nouvelles <strong>de</strong> « néorestauration<br />
», en partie dite « rapi<strong>de</strong> » : pizzerias, grills, fast-foods, sandwicheries. Les<br />
années 1980 ont vu le développement en France <strong>de</strong>s fast-foods <strong>de</strong> type américain, avec<br />
notamment la pénétration <strong>de</strong> la marque emblématique Mac Donald’s.<br />
Figure 17 : Le développement <strong>de</strong> la restauration rapi<strong>de</strong> symbolisé par Mac Donald’s<br />
Source : Néo-restauration septembre 2002, Les aléas d’un réseau en franchise.<br />
<strong>La</strong> notoriété <strong>de</strong> cette multinationale entraîne souvent une surestimation <strong>de</strong> son poids dans la<br />
restauration française. Il ne faut pas oublier en effet que l’arrivée <strong>de</strong> Mac Donald’s a été<br />
confrontée à une contre-offensive française <strong>de</strong> producteurs-ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> viennoiseries et<br />
sandwiches. Louis Leduff, un <strong>de</strong>s principaux initiateurs <strong>de</strong> cette contre-offensive avec la<br />
création du groupe Brioche dorée, est également à l’origine <strong>de</strong> la diffusion <strong>de</strong> ce type <strong>de</strong><br />
restauration à l’étranger, y compris sur le continent nord-américain.<br />
Mais l’internationalisation n’a pas touché que les chaînes <strong>de</strong> restauration. Le développement<br />
dans les centres urbains <strong>de</strong>s restaurants diffusant <strong>de</strong>s gastronomies étrangères (pizzas,<br />
couscous, chinois, mexicain…) est également une évolution importante <strong>de</strong> la fin du 20 ème<br />
siècle.<br />
Comme les autres branches d’activités, la restauration a entamé un processus <strong>de</strong><br />
concentration. En restauration commerciale, les chaînes représentent actuellement plus <strong>de</strong> 25<br />
% du chiffre d’affaires. <strong>La</strong> restauration sociale liée au travail (entreprises, scolaires) et à la<br />
santé est progressivement « concédée », c’est-à-dire sous-traitée à <strong>de</strong>s sociétés <strong>de</strong> restauration<br />
spécialisées, qui prennent en charge désormais plus d’un tiers <strong>de</strong> type <strong>de</strong> restauration. De<br />
grands groupes se sont ainsi développés en France (SODEXHO, COMPASS, ELIOR) avec un<br />
développement international important. Ces 3 premiers effectuent ainsi 85 % du chiffre<br />
d’affaires <strong>de</strong> la restauration sociale.<br />
En même temps que <strong>de</strong>s nouvelles formes <strong>de</strong> restauration et partiellement en association avec<br />
elles, se sont également développées <strong>de</strong> nouvelles modalités <strong>de</strong> distribution : ventes<br />
ambulantes, distribution automatique, libres-services en stations <strong>de</strong> carburants et surtout<br />
livraisons à domicile et sur les lieux <strong>de</strong> travail.<br />
De nouveaux acteurs apparaissent ainsi dans la chaîne alimentaire. Et les nouvelles<br />
formes <strong>de</strong> distribution en restauration qui remplacent le service à table peuvent être<br />
associées à une réorganisation et distinction <strong>de</strong>s taches <strong>de</strong> production culinaire et <strong>de</strong><br />
distribution.<br />
14
Globalement, une partie croissante <strong>de</strong>s restaurateurs réduit la part <strong>de</strong> production<br />
culinaire en assemblant et distribuant <strong>de</strong> en plus <strong>de</strong> produits fournis par les industries<br />
alimentaires (cf. figure 18 et l’analyse <strong>de</strong> la structuration <strong>de</strong>s productions industrielles).<br />
Figure 18 : Nouvelles répartitions <strong>de</strong>s taches entre restaurateurs et industriels<br />
Industrie alimentaire<br />
Usine <strong>de</strong> production culinaire<br />
Produits semi-finis et<br />
finis<br />
intermédiaires<br />
Cuisine centrale<br />
Unité d’assemblage<br />
Stockage, reconditionnement<br />
Assemblage, reconditionnement<br />
Ainsi, même les aliments les plus élaborés comme les produits traiteurs intéressent les<br />
restaurateurs : sur les 517 000 tonnes <strong>de</strong> produits traiteurs consommés en 2002, 60 000 tonnes<br />
ont été achetées par <strong>de</strong>s restaurateurs.<br />
2.2 LA DOMINATION DES ACTEURS DE LA GRANDE DISTRIBUTION<br />
Au cours <strong>de</strong>s 20 <strong>de</strong>rnières années, le développement <strong>de</strong>s nouvelles formes <strong>de</strong> gran<strong>de</strong><br />
distribution initié au milieu du 20 ème siècle se poursuit au détriment <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> petit<br />
commerce traditionnel (tableau 1).<br />
Tableau 1 : Réduction du petit commerce alimentaire en France<br />
1972 2002<br />
Boulangerie - pâtisserie 40200 22400<br />
Boucherie 50500 14700<br />
Poissonnerie 4700 2100<br />
Charcuterie 12700 6400<br />
Epicerie, ali. Générale 87600 13800<br />
Crèmerie, fromagerie 4600 1100<br />
Restaurant<br />
Point <strong>de</strong> distribution<br />
Stockage<br />
Remise en température<br />
Distribution en salle<br />
Source : d’après INSEE<br />
Mais les années 1980 sont marquées par le plafonnement <strong>de</strong> cette croissance, en partie lié à la<br />
saturation <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> alimentaire. Le grignotage <strong>de</strong> parts <strong>de</strong> marché sur le petit commerce<br />
15
<strong>de</strong>vient moins facile, en particulier sur les commerçants spécialisés en produits frais peu<br />
élaborés. <strong>La</strong> part globale <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s et moyennes surfaces (hyper et supermarchés) plafonne<br />
ainsi à 2/3 <strong>de</strong>s dépenses alimentaires effectuées pour la consommation à domicile (cf. figure<br />
19).<br />
Figure 19 : <strong>La</strong> part <strong>de</strong>s hyper et supermarchés dans les dépenses alimentaires françaises.<br />
Le plafonnement <strong>de</strong> la croissance <strong>de</strong>s hyper et supermarchés est également lié à un autre fait<br />
marquant <strong>de</strong>s années 1990 qui est l’arrivée en France <strong>de</strong>s hard-discounters allemands. Celle-ci<br />
oblige les enseignes françaises à développer ces formes <strong>de</strong> magasin aux surfaces inférieures à<br />
800 m2, au nombre restreint <strong>de</strong> références et surtout avec <strong>de</strong>s prix <strong>de</strong>s produits inférieurs aux<br />
premiers prix pratiqués par les GMS.<br />
Figure 20: Le développement du hard-discount en France<br />
Source :<br />
Linéaires, DistriBook, 2005<br />
Source :<br />
Linéaires, DistriBook, 2005<br />
Si l’on ajoute aux GMS cette part <strong>de</strong>s hard-discounts et celle <strong>de</strong>s supérettes <strong>de</strong> proximité,<br />
c’est environ 85 % <strong>de</strong>s achats alimentaires qui sont effectués dans ces formes <strong>de</strong> distribution.<br />
Le potentiel <strong>de</strong> croissance est donc désormais restreint et ne concerne que les produits frais<br />
encore peu marquetés comme la vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> boucherie, les poissons, le pain et les pâtisseries.<br />
Comme sur tous les marchés saturés où la concurrence s’exacerbe, les grands distributeurs<br />
développent alors <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> réduction <strong>de</strong>s coûts, <strong>de</strong> croissance externe qui développe la<br />
concentration et d’internationalisation. Ces 2 premières stratégies ont contribué à détériorer<br />
les relations entre ces acteurs distributeurs et leurs fournisseurs.<br />
16
Avec <strong>de</strong>s taux <strong>de</strong> concentration très disproportionnés entre les distributeurs et les industries<br />
alimentaires, les différences <strong>de</strong> poids économique entre les grands distributeurs et leurs<br />
fournisseurs sont considérables.<br />
A la concentration <strong>de</strong>s entreprises <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> distribution s’ajoutent <strong>de</strong>s accords <strong>de</strong> partenariats<br />
sous formes <strong>de</strong> centrales d’achats. Les 5 premières centrales d’achats françaises contrôlent<br />
ainsi actuellement plus <strong>de</strong>s ¾ <strong>de</strong>s dépenses alimentaires effectuées pour la consommation à<br />
domicile. Elles sont donc <strong>de</strong>venues les acteurs dominants dans les décisions <strong>de</strong> la chaîne<br />
alimentaire.<br />
Cette situation est renforcée par la stratégie <strong>de</strong> développement <strong>de</strong>s marques <strong>de</strong> distributeurs<br />
(MDD) lancées en France en 1976. Cette stratégie a visé la fidélisation <strong>de</strong>s clients mais<br />
surtout le contre poids aux marques nationales <strong>de</strong>s plus grands fournisseurs. Ces MDD<br />
représentent actuellement plus <strong>de</strong> 30 % <strong>de</strong>s achats <strong>de</strong>s GMS auxquels il faut ajouter une<br />
gran<strong>de</strong> part <strong>de</strong>s achats en hard discounts. Leur part est donc proche <strong>de</strong> 40 % <strong>de</strong>s achats<br />
alimentaires, avec un taux <strong>de</strong> progression <strong>de</strong> 1 à 2 % par an.<br />
Tableau 2 : Part <strong>de</strong> marché <strong>de</strong>s MDD<br />
en 2004 par segment en volume<br />
en % en France<br />
Surgelé 49.8<br />
Traiteur 40.8<br />
Epicerie 38.7<br />
Boissons sans alcool 23.4<br />
Boissons alcoolisées 22.4<br />
Confiserie 16.8<br />
Source : ACNielsen 2005<br />
Les premières expériences sur ces MDD (en moyenne 20 % moins chères mais <strong>de</strong> qualités<br />
proches <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s marques <strong>de</strong> fabricants) sont amplifiées aujourd’hui par <strong>de</strong>ux<br />
autres types <strong>de</strong> MDD : <strong>de</strong>s produits sous MDD haut <strong>de</strong> gamme (encore appelés<br />
« thématiques ») pour investir <strong>de</strong>s niches <strong>de</strong> marché et <strong>de</strong>s produits MDD compétitifs par le<br />
prix pour contrebalancer l’arrivée du hard-discount.<br />
En complément <strong>de</strong>s politiques <strong>de</strong> premiers prix, les MDD contribuent fortement à la<br />
pression sur les prix qui se répercute sur tous les acteurs en amont dans la chaîne<br />
alimentaire.<br />
Outre cette influence économique importante, les MDD jouent également un rôle considérable<br />
sur la gestion qualitative et logistique <strong>de</strong>s produits alimentaires assurée par les fournisseurs en<br />
situation assimilable à la sous-traitance.<br />
Les grands distributeurs interviennent ainsi dans la formulation <strong>de</strong>s produits par <strong>de</strong>s cahiers<br />
<strong>de</strong>s charges précisés aux fournisseurs lors d’appels d’offre. Ils définissent les emballages et<br />
donc les informations données aux consommateurs. Leurs comman<strong>de</strong>s conditionnent<br />
fortement les ordonnancements <strong>de</strong> production <strong>de</strong>s fournisseurs. Les PME alimentaires, qui<br />
n’ont pas <strong>de</strong>s chiffres d’affaires et <strong>de</strong>s marges suffisants pour investir dans <strong>de</strong>s marques<br />
propres, sont fortement poussées à produire <strong>de</strong>s MDD. Les PME fournissent ainsi près <strong>de</strong> 90<br />
% <strong>de</strong>s MDD. Lors <strong>de</strong> la phase <strong>de</strong> lancement <strong>de</strong>s MDD au début <strong>de</strong>s années 1980, les grands<br />
groupes industriels <strong>de</strong> l’alimentation, possesseurs <strong>de</strong> marques à forte notoriété, ont résisté à<br />
l’appel <strong>de</strong>s MDD. Mais le développement <strong>de</strong>s MDD concomitant à la saturation <strong>de</strong>s marchés<br />
17
a contraint les grands groupes à être également fournisseurs <strong>de</strong> MDD. Une illustration du<br />
développement <strong>de</strong>s MDD est mentionnée dans l’annexe 1 sur les produits <strong>de</strong> la mer.<br />
2.3 UNE NOUVELLE ORGANISATION ET UNE NOUVELLE<br />
STRUCTURATION DE LA TRANSFORMATION ALIMENTAIRE.<br />
Dans un univers <strong>de</strong> consommation alimentaire d’abondance, les transformateurs vont<br />
comprendre comme dans d’autres secteurs qu’il faut sortir d’une logique <strong>de</strong> l’offre pour<br />
adopter une logique <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. Sur le plan <strong>de</strong>s produits, cela va nécessiter <strong>de</strong> proposer<br />
<strong>de</strong>s nouveautés et d’étendre les gammes dans une segmentation fine en fonction <strong>de</strong> clientèles<br />
ciblées. Sur le plan <strong>de</strong> l’organisation industrielle, on passe <strong>de</strong> flux poussés par la matière<br />
première (<strong>de</strong> la fourche à la fourchette) à <strong>de</strong>s flux tirés par la <strong>de</strong>man<strong>de</strong>. L’époque n’est plus à<br />
la longue conservation <strong>de</strong>s produits, au stockage mais à la séduction par <strong>de</strong>s produits dits frais<br />
(<strong>La</strong>mbert A.1997), qualificatif peu réglementé sauf pour quelques produits laitiers et les œufs<br />
et qui recouvre grosso modo <strong>de</strong>s durées <strong>de</strong> vie allant jusqu’à 3 à 4 semaines. L’usage<br />
marketing du terme frais est d’ailleurs poussé à son maximum avec la délimitation par les<br />
professionnels d’un univers <strong>de</strong> l’ultra-frais laitier. Dans ces conditions, l’ensemble <strong>de</strong>s<br />
activités <strong>de</strong> production est guidé par <strong>de</strong>s exigences <strong>de</strong> réactivité, <strong>de</strong> flexibilité et <strong>de</strong> sécurité.<br />
Les temps <strong>de</strong> conception et <strong>de</strong> mise au point <strong>de</strong>s produits sont raccourcis, les outils industriels<br />
doivent s’adapter. Des lignes mono-produits évoluent vers <strong>de</strong>s lignes multi-produits ou<br />
intègrent une différenciation retardée seulement dans les <strong>de</strong>rnières phases <strong>de</strong> fabricationconditionnement.<br />
L’objectif est <strong>de</strong> produire un produit conforme (sans défaut) dans <strong>de</strong>s délais très brefs (<strong>de</strong><br />
quelques heures à quelques jours). Les défauts doivent être évités par <strong>de</strong>s contrôles sur lignes<br />
et une maintenance préventive <strong>de</strong>s matériels. Les techniques <strong>de</strong> contrôles et d’analyses <strong>de</strong>s<br />
produits ont évolué et l’ensemble du système est organisé <strong>de</strong> façon optimale par le recours à<br />
un système normatif permettant <strong>de</strong> détecter les défauts, les risques, les points critiques et d’y<br />
remédier. <strong>La</strong> ressource humaine est mise à contribution pour assurer réactivité et flexibilité<br />
avec <strong>de</strong>s horaires annualisés, <strong>de</strong>s compétences renouvelées nécessitant <strong>de</strong>s formations<br />
permanentes, <strong>de</strong>s stimuli pour assurer la réalisation <strong>de</strong>s objectifs. L’organisation hiérarchique<br />
et la gestion <strong>de</strong>s ressources humaines sont repensées pour faire émerger toutes les capacités et<br />
assurer la meilleure coordination <strong>de</strong> l’ensemble. <strong>La</strong> taille même <strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> production est<br />
revue pour assurer coordination et consensus <strong>de</strong>s équipes. Les indicateurs <strong>de</strong> gestion sont<br />
améliorés et centrés sur la satisfaction du client.<br />
Toute cette nouvelle organisation du travail qualifiée <strong>de</strong> post-industrielle (<strong>La</strong>mbert A.1997)<br />
constitue aujourd’hui le fil directeur <strong>de</strong>s modalités <strong>de</strong> production en alimentaire (comme dans<br />
d’autres secteurs <strong>de</strong> façon antérieure : automobile). Elle va orchestrer un mouvement général<br />
<strong>de</strong> désintégration verticale (<strong>La</strong>mbert A. 2001) dans les chaînes <strong>de</strong> production alimentaire et<br />
poser une nouvelle structuration <strong>de</strong> l’ensemble alimentaire avec un fractionnement <strong>de</strong>s taches<br />
permettant <strong>de</strong> façonner <strong>de</strong>s relations <strong>de</strong> fournisseur <strong>de</strong> composants à <strong>de</strong>s assembleurs.<br />
18
Figure 21 : Fractionnement <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong> transformation agroalimentaire.<br />
Le modèle A2IA (Agro-Industries => Industries Alimentaires)<br />
Matières Premières agricoles P.A.I ... P.A.I<br />
(Produits Alimentaires Intermédiaires)<br />
¤ ¤<br />
Agro-industrie<br />
¤ ¤ ¤<br />
¤ ¤<br />
Industrie <strong>de</strong>s P.A.I<br />
(<strong>La</strong>mbert A. 2001)<br />
¤ ¤<br />
¤ ¤<br />
¤ ¤<br />
Industrie Alimentaire<br />
¤ ¤<br />
Industrie Agro-Alimentaire<br />
Produits finis<br />
(gran<strong>de</strong> consommation)<br />
Les assembleurs auxquels on réserve le terme d’industries alimentaires vont se<br />
spécialiser sur la fourniture <strong>de</strong> produits <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> consommation. Ils vont gérer la<br />
variabilité <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> et les tensions <strong>de</strong> la concurrence par une forte innovation sur les<br />
produits et la minimisation <strong>de</strong>s stocks. Pour assurer une réponse très rapi<strong>de</strong> aux comman<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>s GMS, ils vont s’approvisionner en composants stabilisés, produits semi-finis encore<br />
qualifiés <strong>de</strong> produits alimentaires intermédiaires (PAI) qui nécessitent peu <strong>de</strong> phases finales<br />
d’élaboration.<br />
A l’autre extrémité <strong>de</strong> la chaîne alimentaire, le traitement <strong>de</strong>s matières premières agricoles et<br />
aquacoles va s’opérer par fractionnement (désassemblage) permettant <strong>de</strong> valoriser au<br />
maximum dans différentes directions l’intégralité <strong>de</strong>s matières premières. <strong>La</strong> recherche <strong>de</strong><br />
valorisation maximale fait évoluer <strong>de</strong>s sous-produits (autrefois perçus comme <strong>de</strong>s déchets et<br />
donc <strong>de</strong>s coûts ou faiblement valorisés) à un statut <strong>de</strong> co-produits par application <strong>de</strong> nouvelles<br />
techniques d’extraction/conservation. Les produits végétaux comme les produits animaux<br />
sont touchés par cette tendance. Les opérateurs qui traitent ainsi les matières premières sont<br />
qualifiés d’agro-industries. Ils doivent gérer les variabilités en quantité, qualités et temporalité<br />
<strong>de</strong>s ressources issues <strong>de</strong> l’agriculture. <strong>La</strong> présentation <strong>de</strong>s produits alimentaires intermédiaires<br />
<strong>de</strong> premier niveau va prendre les formes les plus homogènes et les plus stabilisées possibles<br />
(farine, poudre <strong>de</strong> lait, aiguillette <strong>de</strong> volaille, dés <strong>de</strong> carottes…).<br />
Entre les agro-industries et les industries alimentaires, peuvent s’intercaler <strong>de</strong>s opérateurs qui<br />
vont mélanger, réagencer, fractionner <strong>de</strong> nouveau <strong>de</strong>s PAI <strong>de</strong> 2 e niveau pour améliorer le<br />
service aux industries alimentaires et rechercher <strong>de</strong> la constitution <strong>de</strong> valeur. Ces opérateurs<br />
couvrent le champ <strong>de</strong>s industries <strong>de</strong>s PAI.<br />
Dans les PAI <strong>de</strong> 1 er niveau, l’émergence <strong>de</strong>s PAI s’est surtout manifestée par la<br />
recherche <strong>de</strong> traitements d’excé<strong>de</strong>nts et la valorisation <strong>de</strong> sous-produits pour lesquels on<br />
cherchait ensuite <strong>de</strong>s usages dans une logique <strong>de</strong> l’offre. Dans les PAI <strong>de</strong> 2 e niveau, on<br />
19
définit <strong>de</strong>s produits pour une <strong>de</strong>man<strong>de</strong> industrielle clairement i<strong>de</strong>ntifiée par un<br />
démarchage commercial et formalisée par un cahier <strong>de</strong>s charges.<br />
Cet état <strong>de</strong>s lieux permet <strong>de</strong> retrouver <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s notions dans les produits alimentaires<br />
intermédiaires (FLORIOT, 1993) (LAMBERT A. 1994) :<br />
- <strong>de</strong>s PAI économiques qui seront achetés pour l’avantage <strong>de</strong> bas prix qu’ils procurent grâce<br />
à leur possibilité <strong>de</strong> substitution avec un composant plus cher (substitution <strong>de</strong> protéines<br />
animales par <strong>de</strong>s protéines végétales par ex.). <strong>La</strong> stratégie <strong>de</strong>s entreprises sera guidée par<br />
la recherche <strong>de</strong> compression <strong>de</strong>s coûts dans une concurrence internationale.<br />
- <strong>de</strong>s PAI technologiques qui vont porter <strong>de</strong>s fonctionnalités liées au produit (arôme,<br />
couleur, nutriment, texture…) ou au process entraînant <strong>de</strong>s modifications <strong>de</strong>s techniques<br />
d’élaboration et un gain <strong>de</strong> temps. Dans ce cas, une différenciation va gui<strong>de</strong>r la stratégie<br />
<strong>de</strong>s entreprises. Celles-ci vont chercher à fidéliser leurs clients industriels en élaborant un<br />
produit pour un client. Elles vont renforcer leurs compétences en recherche et<br />
développement non seulement sur le produit alimentaire intermédiaire mais aussi sur ses<br />
usages pour les produits du client dans une démarche <strong>de</strong> Service Avant Vente. Après la<br />
conception du PAI, un accompagnement à la mise en œuvre par le client est proposé<br />
(Service Après Vente) par les technico-commerciaux et les concepteurs.<br />
Ce schéma général <strong>de</strong> structuration <strong>de</strong> la chaîne alimentaire entre <strong>de</strong>s assembleurs et <strong>de</strong>s<br />
fournisseurs <strong>de</strong> composants ne se vérifie pas <strong>de</strong> la même façon dans toutes les activités mais il<br />
s’inscrit comme une tendance <strong>de</strong> fonds qui a pris le relais <strong>de</strong> la concentration industrielle <strong>de</strong>s<br />
années 1970.<br />
2.4 ACCELERATION DU MOUVEMENT DE CONCENTRATIONS FINANCIERE,<br />
ECONOMIQUE ET INDUSTRIELLE DANS LA TRANSFORMATION<br />
Le mouvement d’industrialisation <strong>de</strong> l’univers alimentaire a été porté par une dynamique<br />
d’entrepreneurs qui se sont appuyés sur <strong>de</strong>s capitaux familiaux et par la structuration avancée<br />
du mouvement coopératif ; celui-ci a supporté le développement <strong>de</strong> certaines régions<br />
agricoles avec l’appui <strong>de</strong>s pouvoirs publics.<br />
Les grands groupes <strong>de</strong> l’alimentaire se sont constitués à partir <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> base <strong>de</strong><br />
l’agriculture française :<br />
- dans le lait avec une présence un peu supérieure <strong>de</strong>s capitaux non coopératifs (surtout<br />
familiaux) par rapport aux coopératives (les coopératives collectent 43% du lait en 2004 et<br />
n’en transforment que 35%).<br />
- dans la vian<strong>de</strong> <strong>de</strong> volaille où les ven<strong>de</strong>urs <strong>de</strong> céréales ont évolué vers l’alimentation animale<br />
et la prise en charge <strong>de</strong> l’abattage instituant <strong>de</strong>s relations contractuelles d’intégration avec les<br />
éleveurs<br />
- dans les vian<strong>de</strong>s bovine et porcine où les abattoirs publics <strong>de</strong>s régions à forte intensité<br />
d’élevage sont maintenant relayés par <strong>de</strong>s abattoirs privés (coopératifs et non coopératifs),<br />
- dans la fabrication <strong>de</strong> charcuteries et <strong>de</strong> conserves <strong>de</strong> volailles 1 avec l’abandon <strong>de</strong> l’abattage<br />
<strong>de</strong>s porcs par la charcuterie-salaison industrielle et le positionnement sur les segments<br />
porteurs du marché (jambon, saucisson, traiteur),<br />
1 <strong>La</strong> délimitation <strong>de</strong>s activités <strong>de</strong>s IAA a été modifiée par l’INSEE en 1992. Il s’agit ici <strong>de</strong> la précé<strong>de</strong>nte<br />
nomenclature qui n’incluait pas les plats cuisinés. En réalité, le changement <strong>de</strong> nomenclature aura peu d’effet car<br />
les entreprises y sont rangées par leur activité dominante et les fabricants <strong>de</strong> charcuterie sont ceux qui ont les<br />
premiers investis le champ <strong>de</strong>s plats cuisinés.<br />
20
- dans les plats cuisinés stabilisés sous forme <strong>de</strong> conserves mais où ensuite l’innovation et la<br />
création d’entreprises vont maintenir encore <strong>de</strong>s aspects artisanaux.<br />
Dans les années 1970, les activités <strong>de</strong> secon<strong>de</strong> transformation intéressent déjà plus<br />
particulièrement les capitaux anonymes et internationaux comme l’attestent les engagements<br />
<strong>de</strong> capitaux <strong>de</strong> Danone, Nestlé et Unilever dans les quatre secteurs d’activité suivants :<br />
- la biscuiterie, biscotterie,<br />
- les aliments diététiques, pour bébés et produits <strong>de</strong> régime,<br />
- les crèmes glacées et sorbets<br />
- les condiments, vinaigres, sauces préparées.<br />
Un large mouvement <strong>de</strong> concentration va s’exercer :<br />
- concentration financière par la constitution <strong>de</strong> groupes et l’entrée progressive <strong>de</strong> fonds<br />
d’investissement dans le soutien et l’orientation <strong>de</strong> certaines activités alimentaires,<br />
- concentration économique par l’édification <strong>de</strong> marques <strong>de</strong> dimension nationale puis<br />
européenne, pour atteindre une taille internationale (exemple : sélection <strong>de</strong> marques <strong>de</strong><br />
dimension internationale par les multinationales par la cession <strong>de</strong> marques ne remplissant<br />
pas ce critère)<br />
- et concentration industrielle dans la recherche <strong>de</strong> taille optimale avec dans un premier<br />
temps la recherche <strong>de</strong> longues séries <strong>de</strong> produits stockables avant <strong>de</strong> passer à d’autres<br />
modalités <strong>de</strong> production<br />
Figure 22 : Part <strong>de</strong>s groupes selon les activités<br />
<strong>La</strong> constitution <strong>de</strong> grands groupes <strong>de</strong> l’industrie alimentaire (même si la concentration<br />
est considérée comme insuffisante encore dans bien <strong>de</strong>s secteurs en France) permet<br />
l’édification <strong>de</strong> chefs <strong>de</strong> file qui concentrent un certain pouvoir économique et financier<br />
mais qui doivent chercher <strong>de</strong>s sources <strong>de</strong> développement dans <strong>de</strong>s adaptations nouvelles<br />
au marché intérieur et dans l’expansion internationale.<br />
21
Ces chefs <strong>de</strong> file ont très tôt compris qu’il fallait sortir d’une logique <strong>de</strong> placement (financier)<br />
représentée par <strong>de</strong>s acquisitions dans <strong>de</strong>s domaines à bonne rentabilité sans liens entre elles<br />
(optique conglomérale) pour épouser une logique commerciale en se hissant à la première ou<br />
<strong>de</strong>uxième place sur <strong>de</strong>s marchés <strong>de</strong> dimension internationale. Le recentrage sur le ou les<br />
métiers principaux et le positionnement sur certains segments <strong>de</strong> marché intégrant <strong>de</strong> bons<br />
niveaux <strong>de</strong> rentabilité et <strong>de</strong>s perspectives <strong>de</strong> croissance sont les <strong>de</strong>ux axes choisis par ces<br />
chefs <strong>de</strong> file. Il s’accompagne du choix <strong>de</strong> promouvoir quelques marques fortes dans une<br />
dimension internationale. Parallèlement, le délestage <strong>de</strong> toutes les activités secondaires<br />
permet à <strong>de</strong>s opérateurs <strong>de</strong> dimension moyenne <strong>de</strong> reconfigurer leurs positions.<br />
Des positionnements stratégiques relativement bien i<strong>de</strong>ntifiables se manifestent au niveau <strong>de</strong>s<br />
transformateurs : différenciation par la marque et l’innovation pour les plus grands,<br />
spécialisation en se différenciant sur <strong>de</strong>s niches typés par les produits ou par les canaux <strong>de</strong><br />
distribution pour les opérateurs petits et moyens. Pour les autres, très souvent la stratégie par<br />
le prix (nécessitant la compression maximale <strong>de</strong> tous les coûts) répond plus à une obligation<br />
qu’à un choix réel.<br />
Ce partage <strong>de</strong>s rôles entre les fabricants a été remanié par la volonté <strong>de</strong>s distributeurs<br />
d’investir partiellement la transformation non pas par <strong>de</strong>s investissements directs (processus<br />
plutôt en désengagement) mais par la présentation <strong>de</strong> produits à leurs marques (Marques De<br />
Distributeurs : MDD). Ils prennent en charge la fonction commerciale et sous-traitent à <strong>de</strong>s<br />
industriels (PME le plus souvent), la conception et la fabrication <strong>de</strong> ces produits.<br />
Ce recours à la sous-traitance et l’accentuation <strong>de</strong> la concurrence entre les fabricants assurant<br />
encore la fonction commerciale et <strong>de</strong>s distributeurs qui font réaliser <strong>de</strong>s MDD, accélèrent la<br />
tendance <strong>de</strong> fonds précé<strong>de</strong>mment décrite et le partage <strong>de</strong>s tâches entre assembleurs et<br />
fournisseurs <strong>de</strong> composants.<br />
2.5 LA REPARTITION DES TACHES ENTRE ASSEMBLEURS ET<br />
FOURNISSEURS DE COMPOSANTS SELON LES SECTEURS D’ACTIVITE.<br />
Les différents secteurs d’activité sont touchés différemment mais on voit dans tous, les<br />
manifestations <strong>de</strong> cette tendance.<br />
- En volailles, l’évolution vers <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> découpe et une élaboration plus poussée <strong>de</strong><br />
ces découpes permettent l’apparition d’opérateurs n’intégrant plus les fonctions d’abattage<br />
(ainsi qu’alimentation animale et naissage) pour se limiter à <strong>de</strong>s produits élaborés <strong>de</strong><br />
volailles et dans certains cas ces produits sont vendus essentiellement sous marques <strong>de</strong><br />
distributeurs. Cette situation concerne surtout les <strong>de</strong>rniers opérateurs entrés sur ce marché<br />
tandis que les grands opérateurs français <strong>de</strong> la volaille continuent à maîtriser toutes les<br />
étapes <strong>de</strong> la chaîne ; toutefois, ils évoluent vers <strong>de</strong>s phases d’élaboration plus poussées<br />
qu’ils structurent en filiales et utilisent leur lien à l’élevage agricole pour édifier <strong>de</strong>s<br />
politiques <strong>de</strong> différenciation par <strong>de</strong>s signes <strong>de</strong> qualité caractérisant les conditions<br />
d’élevage et le niveau qualitatif <strong>de</strong>s produits (label rouge, certification produit) pour <strong>de</strong>s<br />
volailles entières et quelques produits <strong>de</strong> découpe. <strong>La</strong> plupart <strong>de</strong>s grands industriels <strong>de</strong> la<br />
volaille français restent très liés à l’amont dans une logique d’industrie agro-alimentaire<br />
(<strong>de</strong> la matière première au produit fini).<br />
22
- En porcs, le partage <strong>de</strong>s tâches entre abatteur-découpeur et produits élaborés <strong>de</strong><br />
charcuterie-salaisons a démarré <strong>de</strong>puis vingt ans. Il a été initié par les lea<strong>de</strong>rs <strong>de</strong> la<br />
charcuterie industrielle. Ceux-ci ont su repérer rapi<strong>de</strong>ment la montée en puissance <strong>de</strong> la<br />
gran<strong>de</strong> distribution (GMS) et les évolutions <strong>de</strong>s comportements <strong>de</strong> consommation vers la<br />
réduction <strong>de</strong> la charge énergétique (et lipidique) <strong>de</strong>s rations et le prêt à manger. Ils sont<br />
<strong>de</strong>venus les grands fabricants <strong>de</strong>s plats cuisinés, sala<strong>de</strong>s traiteur, sandwiches..., toutes<br />
étant <strong>de</strong>s industries d’assemblage. Les abatteurs-découpeurs ont su tirer partie <strong>de</strong> leur<br />
confinement sur la première transformation (peu constitutive <strong>de</strong> valeur et contrainte par la<br />
variabilité <strong>de</strong>s matières premières agricoles en quantité, qualité et temporalité) en<br />
contrôlant toujours mieux leurs approvisionnements par <strong>de</strong>s contrats dits d’intégration 2<br />
(loi <strong>de</strong> 1970) et en éclatant les différentes (parties <strong>de</strong> l’animal pour <strong>de</strong>s valorisations<br />
ciblées en fonction d’une clientèle industrielle européenne et/ou internationale. Ces<br />
<strong>de</strong>rniers sont bien positionnés comme <strong>de</strong>s agro-industries, fournisseurs <strong>de</strong> produits<br />
alimentaires intermédiaires.<br />
- En vian<strong>de</strong> bovine, l’évolution <strong>de</strong>s habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong> consommation rend difficile la<br />
valorisation <strong>de</strong> l’intégralité <strong>de</strong> la carcasse sur le marché français. Aussi tous les opérateurs<br />
sont entrés dans une logique d’éclatement <strong>de</strong> la carcasse en quartiers arrières<br />
(majoritairement pour le marché français) et quartiers avants (souvent exportés) puis <strong>de</strong><br />
muscles pour répondre aux attentes <strong>de</strong>s laboratoires <strong>de</strong> tranchage-conditionnement <strong>de</strong>s<br />
gran<strong>de</strong>s surfaces. Ils restent cantonnés majoritairement à une activité d’agro-industrie car<br />
peu <strong>de</strong> produits sont i<strong>de</strong>ntifiés par une marque au départ <strong>de</strong> ces firmes. Toutefois, la part<br />
<strong>de</strong>s unités <strong>de</strong> vente consommateurs industriels (UVCI) s’accroît avec les tentatives <strong>de</strong> ces<br />
opérateurs <strong>de</strong> se positionner sur <strong>de</strong>s produits plus élaborés (vian<strong>de</strong> hachée, préparations<br />
présentées en réfrigéré et surgelé) et atteint plus du tiers <strong>de</strong>s volumes dans les années<br />
2000. Certains opérateurs tentent sur ces segments <strong>de</strong> développer <strong>de</strong>s politiques<br />
commerciales leur permettant <strong>de</strong> s’affranchir <strong>de</strong>s risques inhérents à la commercialisation<br />
<strong>de</strong> produits alimentaires intermédiaires, <strong>de</strong> type muscles ou carcasses, dont les prix sont<br />
très disputés. Quelques ateliers <strong>de</strong> découpe se sont spécialisés sur la préparation <strong>de</strong><br />
vian<strong>de</strong>s pour la restauration constituant ainsi une industrie <strong>de</strong>s PAI (produits alimentaires<br />
intermédiaires) dont les opérateurs s’approvisionnent sur le marché européen mais<br />
également sur le marché international. Ce <strong>de</strong>rnier est très attractif par le prix proposé et les<br />
conditions <strong>de</strong> maturation <strong>de</strong>s vian<strong>de</strong>s, supports <strong>de</strong> qualités organoleptiques, notamment<br />
pour les vian<strong>de</strong>s issues <strong>de</strong> l’hémisphère sud.<br />
- Dans le lait, l’industrie laitière n’a pu s’affranchir <strong>de</strong>s irrégularités <strong>de</strong> la collecte <strong>de</strong> lait<br />
surtout <strong>de</strong>puis la mise en place <strong>de</strong>s quotas qui ont créé une rareté relative <strong>de</strong> la matière<br />
première. <strong>La</strong> majorité <strong>de</strong>s industries laitières cherche à contrôler une zone <strong>de</strong> collecte mais<br />
en corollaire elles doivent gérer <strong>de</strong>s matières premières en excé<strong>de</strong>nt à certaines pério<strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong> l’année et <strong>de</strong>s bilans matières entre matière protéïque et matière grasse en déséquilibre<br />
pour leurs produits principaux. <strong>La</strong> tendance est à la recherche <strong>de</strong> matière protéïque tandis<br />
qu’il faut écouler une matière grasse en excès. Ne pouvant opter pour un partage <strong>de</strong>s<br />
tâches entre <strong>de</strong>s collecteurs qui standardisent, homogénéisent et stabilisent <strong>de</strong>s laits pour<br />
<strong>de</strong>s utilisations futures dans différents types <strong>de</strong> produits finis et <strong>de</strong>s fabricants <strong>de</strong> produits<br />
finis, les industriels du lait ont structuré leurs activités en filiales recoupant ces différentes<br />
activités : collecte-prétraitement du lait, fabrication <strong>de</strong> fromages ou autres produits laitiers<br />
finis (produits <strong>de</strong> gran<strong>de</strong> consommation), traitement <strong>de</strong>s surplus et <strong>de</strong>s sous-produits en<br />
2 Il s’agit en terme économique d’une quasi intégration puisque les abatteurs ne sont pas propriétaires <strong>de</strong>s<br />
structures d’élevage mais concè<strong>de</strong>nt comme un travail à façon la fonction d’élevage à <strong>de</strong>s éleveurs spécialisés<br />
sans garantie <strong>de</strong> prix.<br />
23
produits industriels, sans parler <strong>de</strong>s filiales <strong>de</strong> commercialisation comme le montre<br />
l’exemple du groupe SODIAAL.<br />
Figure n° 23<br />
Structuration du<br />
groupe SODIAAL<br />
en filiales <strong>de</strong><br />
produits gran<strong>de</strong><br />
consommation et<br />
filiale <strong>de</strong> produits<br />
ndustriels<br />
Coop<br />
<strong>de</strong><br />
collecte<br />
Groupe<br />
Filiales par produits<br />
Produits gran<strong>de</strong> consommation<br />
Produits industriels<br />
- Les industries <strong>de</strong>s céréales ont <strong>de</strong>puis longtemps effectué le partage <strong>de</strong>s taches entre la<br />
première transformation (meunerie 3 ) et la <strong>de</strong>uxième transformation (biscuiterie, pâtes<br />
alimentaires, panification…). <strong>La</strong> plus gran<strong>de</strong> concentration <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> transformation<br />
industrialisée <strong>de</strong> longue date (biscuiterie, pâtes alimentaires) a porté les évolutions <strong>de</strong> la<br />
meunerie que ce soit par la création d’unions commerciales entre les petits meuniers ou le<br />
<strong>de</strong>gré d’innovation dans les produits industriels. Ainsi, l’apparition <strong>de</strong> produits nouveaux<br />
plus segmentés en panification nécessitant <strong>de</strong>s farines adaptées a été portée par les grands<br />
et moyens meuniers dans une logique d’offre <strong>de</strong> produits alimentaires intermédiaires<br />
conçus pour certains types <strong>de</strong> produits finis. Le renouvellement rapi<strong>de</strong> <strong>de</strong>s gammes <strong>de</strong><br />
produits a fait rentrer ces industries à produits moins rapi<strong>de</strong>ment périssables (comme la<br />
biscuiterie, les pâtes alimentaires) dans une logique <strong>de</strong> stock minimum et la recherche <strong>de</strong><br />
fournisseurs <strong>de</strong> composants alliant flexibilité et rapidité d’exécution <strong>de</strong>s comman<strong>de</strong>s. Sur<br />
ces exigences, <strong>de</strong>s opérateurs <strong>de</strong> 1 ère transformation <strong>de</strong> taille moyenne ont pu se maintenir<br />
comme l’atteste l’évolution <strong>de</strong>s parts <strong>de</strong> marché <strong>de</strong>s 4 premières et 10 premières<br />
entreprises 4 .<br />
- L’industrie <strong>de</strong>s fruits et légumes est au départ, par la technologie <strong>de</strong> conservation utilisée<br />
(appertisation), fortement marquée par la notion d’industrie. <strong>La</strong> mécanisation <strong>de</strong>s lignes<br />
<strong>de</strong> production, les fabrications <strong>de</strong> gran<strong>de</strong>s séries, la constitution <strong>de</strong> stocks, la<br />
standardisation <strong>de</strong> produits stabilisés sont associés au partage <strong>de</strong>s taches et <strong>de</strong>s<br />
qualifications …<br />
3 <strong>La</strong> meunerie vend essentiellement <strong>de</strong>s PAI puisque moins <strong>de</strong> 5% <strong>de</strong>s farines sont commercialisés en petits<br />
sachets, produits finis pour la gran<strong>de</strong> consommation.<br />
4 EAE 1994 et 2003 (statistiques au niveau <strong>de</strong>s entreprises qui ne tiennent pas compte <strong>de</strong> l’influence <strong>de</strong>s groupes).<br />
Parts <strong>de</strong> marché Meunerie Panification industriel. Biscuiterie, biscotterie Pâtes alimentaires<br />
1994 2003 1994 2003 1994 2003 1994 2003<br />
<strong>de</strong>s 4 premières entreprises 40% 33% 15% 21% 34% 45% 75% 51%<br />
<strong>de</strong>s 10 premières 41% 48% 24% 34% 52% 58% 87% 77%<br />
24
Des technologies à forte intensité capitalistique ont poussé la concentration industrielle 5 .<br />
L’arrivée <strong>de</strong> nouvelles technologies <strong>de</strong> stabilisation comme la surgélation puis les produits<br />
dits <strong>de</strong> 4 e gamme (crus, prêts à l’emploi, à durée <strong>de</strong> vie courte mais suffisante) et <strong>de</strong> 5 e gamme<br />
(cuits, prêts à l’emploi, stabilisés sous atmosphère modifiée le plus souvent) a fait entrer<br />
l’industrie <strong>de</strong>s fruits et légumes dans la même organisation que les industries agroalimentaires<br />
très liées à la matière première. Dans une première étape, <strong>de</strong>s matières premières<br />
très saisonnières, variables en quantité et qualité sont traitées pour une première stabilisation<br />
et conditionnées en grands contenants pour les surgelés ou dans <strong>de</strong>s boites non étiquetées pour<br />
la conserve. Dans une secon<strong>de</strong> étape (éventuellement au sein <strong>de</strong> la même usine), les produits<br />
surgelés sont reconditionnés en petits contenants portant une i<strong>de</strong>ntification commerciale (du<br />
fabricant ou d’un distributeur). Des mélanges <strong>de</strong> légumes et autres ajouts (lardons, épices…)<br />
permettent <strong>de</strong> varier la gamme <strong>de</strong>s produits finis, <strong>de</strong> la renouveler rapi<strong>de</strong>ment et <strong>de</strong> la<br />
segmenter. L’industrie <strong>de</strong>s fruits et légumes cumule les activités d’agro-industries et<br />
d’industries alimentaires et continuent à gérer la maîtrise <strong>de</strong> ses approvisionnements par <strong>de</strong>s<br />
contrats <strong>de</strong> culture.<br />
- L’industrie du poisson est développée <strong>de</strong> façon plus complète dans l’annexe en fin <strong>de</strong> ce<br />
document.<br />
Figure n° 24<br />
Emplois totaux en équivalent temps<br />
plein :<br />
IAA<br />
forte baisse pour les emplois<br />
dans l’agriculture, stabilité dans les<br />
IAA<br />
Agriculture<br />
2.6 CONSEQUENCES DE TOUTES CES EVOLUTIONS<br />
ORGANISATIONNELLES ET STRUCTURELLES SUR L’EMPLOI : STABILITE<br />
EN NOMBRE MAIS ENRICHISSEMENT DES QUALIFICATIONS.<br />
A l’opposé <strong>de</strong> l’industrie et <strong>de</strong> l’agriculture, les IAA conserve un niveau d’emploi assez<br />
stable. En effet, le processus d’industrialisation par substitution du capital au travail y a été<br />
en partie compensé par un effet <strong>de</strong> volume. Toutes les techniques d’élaboration <strong>de</strong>s produits<br />
5 EAE 1994 et 2003 (statistiques au niveau <strong>de</strong>s entreprises qui ne tiennent pas compte <strong>de</strong> l’influence <strong>de</strong>s groupes).<br />
Parts <strong>de</strong> marché Conserves légumes Conserves fruits Transformation pommes terre<br />
1994 2003 1994 2003 1994 2003<br />
<strong>de</strong>s 4 premières entreprises 34,5% 35% 52% 45% 82% 85%<br />
<strong>de</strong>s 10 premières 45,3% 50% 65% 69% 98% 99,6%<br />
25
alimentaires sont petit à petit imprégnées <strong>de</strong> processus industriels. Mais la complexité et la<br />
variété <strong>de</strong>s produits ainsi que l’arrivée <strong>de</strong> petits opérateurs freinent le processus<br />
d’industrialisation. <strong>La</strong> plus forte évolution concerne les qualifications. Le partage <strong>de</strong>s taches<br />
et <strong>de</strong>s qualifications est très marqué dans le système industriel entre opérateurs <strong>de</strong> lignes peu<br />
qualifiés et encadrement qualifié. Il est maintenant relayé par <strong>de</strong> nouvelles exigences. Les<br />
produits doivent être livrés sans délais et les productions doivent être sans défauts. Aussi les<br />
opérations <strong>de</strong> contrôle sont prises en charge par les opérateurs sur ligne dont les taches se sont<br />
enrichis et complexifiés dans une gestion annuelle <strong>de</strong> leur temps pour répondre aux nouveaux<br />
impératifs <strong>de</strong> flexibilité. <strong>La</strong> formation continue prend une place importante pour requalifier<br />
les personnes aux impératifs <strong>de</strong> conformité <strong>de</strong>s produits, <strong>de</strong> sécurité <strong>de</strong>s produits et <strong>de</strong>s<br />
personnes, <strong>de</strong> rapidité et <strong>de</strong> polyvalence pour <strong>de</strong>s séries <strong>de</strong> plus en plus courtes et spécifiées.<br />
Des contrats <strong>de</strong> qualification professionnelle (CQP) organisent <strong>de</strong> plus en plus cet apport <strong>de</strong><br />
formation et permettent d’assurer une certaine mobilité <strong>de</strong> la main-d’œuvre. Les offres<br />
d’emploi restent parfois insuffisamment pourvus du fait <strong>de</strong> la faiblesse relative <strong>de</strong>s salaires<br />
par rapport aux autres secteurs d’activité et <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> travail difficiles (température,<br />
ca<strong>de</strong>nces, disponibilité…). Les emplois en agro-alimentaires se sont surtout développés en<br />
milieu rural accompagnant la migration <strong>de</strong>s usines précé<strong>de</strong>mment implantées en zones<br />
urbaines et la création <strong>de</strong> nombreuses activités nouvelles en zones rurales pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong><br />
proximité <strong>de</strong>s matières premières et <strong>de</strong> faible coût <strong>de</strong> la main-d’œuvre. Des travaux <strong>de</strong>s<br />
chercheurs <strong>de</strong> l’INRA <strong>de</strong> Dijon montrent qu’entre 1990 et 1999, les effectifs <strong>de</strong>s IAA ont<br />
diminué <strong>de</strong> 5,90% en zones urbaines et progressé <strong>de</strong> 7,94% en zones à dominante rurale<br />
(SCHIMTT, 1999).<br />
2.7 PERFORMANCES FRANÇAISES A L’EXPORTATION DANS LES<br />
PRODUITS TRANSFORMES : UN MODELE EN EUROPE DE MOINS EN<br />
MOINS EXPORTABLE SUR LES PAYS TIERS.<br />
En France, pour les industries agro-alimentaires, les exportations représentent en moyenne <strong>de</strong><br />
17 à 20 % <strong>de</strong>s débouchés. <strong>La</strong> France se situe au <strong>de</strong>uxième rang européen <strong>de</strong>rrière les Pays-<br />
Bas pour les exportations agro-alimentaires.<br />
Fig. 25 Poids dans les exportations <strong>de</strong>s principaux exportateurs en milliards <strong>de</strong> $ en 2003<br />
United States<br />
Netherlands<br />
France<br />
Germany<br />
Canada<br />
Spain<br />
Belgium<br />
Brazil<br />
Italy<br />
China<br />
United Kingdom<br />
Australia<br />
3,8%<br />
3,5%<br />
3,5%<br />
3,2%<br />
2,4%<br />
4,5%<br />
4,1%<br />
4,0%<br />
5,8%<br />
7,4%<br />
8,4%<br />
11,3%<br />
0 20 40 60 80 100 120 140 160<br />
Source : Base <strong>de</strong> données OMC<br />
26
Les clients <strong>de</strong> la France sont à 70% l’Union européenne. Ces exportations comprennent<br />
traditionnellement <strong>de</strong>s produits qui se positionnent sur les marchés étrangers avec une forte<br />
image liée à la France (haut <strong>de</strong> gamme). D’autre part, une partie <strong>de</strong>s produits exportés était<br />
constituée <strong>de</strong> produits basiques bénéficiant d’un soutien dans le cadre <strong>de</strong> la politique agricole<br />
commune. Du fait <strong>de</strong> l’avancée <strong>de</strong>s négociations <strong>de</strong> l’Organisation Mondiale du Commerce,<br />
ces mesures <strong>de</strong> soutien sont en voie <strong>de</strong> disparition et certains secteurs doivent se repositionner<br />
dans la concurrence. A l’instar <strong>de</strong> la France, l’Union européenne mise encore sur ses produits<br />
transformés mais <strong>de</strong> nouveaux opérateurs se manifestent sur ce segment.<br />
Tableau 3 : Répartition <strong>de</strong>s exportations selon la nature <strong>de</strong>s produits – 2002 (%)<br />
reste du Mon<strong>de</strong> UE USA Brazil Canada Australia Total<br />
prod agricoles 51,2% 37,4% 61,6% 48,3% 65,0% 66,7% 47,2%<br />
prod transformés 48,8% 62,6% 38,4% 51,7% 35,0% 33,3% 52,8%<br />
Total 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0% 100,0%<br />
Source : COMTRADE<br />
L’arrivée <strong>de</strong> nouveaux opérateurs comme le Brésil, la Chine, l’In<strong>de</strong> et l’Australie constitue<br />
une menace réelle pour les produits agro-alimentaires surtout les moins transformés. Les<br />
échanges agro-alimentaires européens continuent à progresser sur le marché <strong>de</strong> l’Union<br />
européenne mais les marchés avec les pays tiers sont très concurrencés. Aussi en réalité,<br />
l’Union européenne occupe une place équivalente aux USA dans les échanges internationaux.<br />
Tableau 4 : Les acteurs majeurs <strong>de</strong>s exportations agro-alimentaires<br />
Source : OCDE<br />
(milliards US$ et %<br />
Exportateurs<br />
Union européenne<br />
dont pays tiers<br />
USA<br />
Canada<br />
Brésil<br />
Chine(RPDC)<br />
Australie<br />
Argentine<br />
In<strong>de</strong><br />
2001 en<br />
valeur<br />
213,53<br />
57,81<br />
70,02<br />
33,57<br />
18,43<br />
16,63<br />
16,56<br />
12,20<br />
6,41<br />
Part<br />
1980<br />
32,8<br />
10,3<br />
17,0<br />
5,0<br />
3,4<br />
1,4<br />
3,3<br />
1,9<br />
0,8<br />
<strong>de</strong>s<br />
1990<br />
42,4<br />
10,9<br />
14,3<br />
5,4<br />
2,4<br />
2,4<br />
2,8<br />
1,8<br />
0,8<br />
échanges<br />
Pour limiter ces contraintes concurrentielles (liées à <strong>de</strong>s structures <strong>de</strong> coûts défavorables) et<br />
pour répondre aux spécificités <strong>de</strong>s produits alimentaires (durée <strong>de</strong> vie et adaptation aux<br />
produits locaux), les IAA françaises sont très actives dans leurs implantations à l’étranger<br />
notamment vers les marchés déjà développés et surtout émergents (Asie, Europe <strong>de</strong> l’Est).<br />
2001<br />
39,0<br />
10,6<br />
12,8<br />
6,1<br />
3,4<br />
3,0<br />
3,0<br />
2,2<br />
1,2<br />
27
Comme l’analyse Roland PEREZ (PEREZ, 1997) pour l’alimentaire, les firmes<br />
multinationales animent la dynamique d’internationalisation-mondialisation. Elles se<br />
structurent autour <strong>de</strong> trois logiques dans une stratégie globale. Ces trois logiques fon<strong>de</strong>nt les<br />
mouvements internationaux orchestrés par les gran<strong>de</strong>s firmes <strong>de</strong> la transformation, <strong>de</strong> la<br />
distribution et <strong>de</strong> la restauration.<br />
Figure 26 : Logiques <strong>de</strong> développement <strong>de</strong>s firmes multinationales<br />
Portefeuille<br />
d’activités<br />
Portefeuille<br />
<strong>de</strong> firmes<br />
Portefeuille<br />
pays<br />
Le portefeuille <strong>de</strong> firmes se constitue dans les opérations <strong>de</strong> croissance externe à partir d’un<br />
portefeuille d’activités délimité sur quelques métiers sur lesquels la firme dispose d’avantages<br />
compétitifs et <strong>de</strong> fortes parts <strong>de</strong> marché. Ce choix est spécifié sur quelques pays dans lesquels<br />
les marchés émergents tiennent la plus gran<strong>de</strong> place.<br />
3. ATTITUDES DES MANGEURS ET NOUVELLES RELATIONS ENTRE LES ACTEURS.<br />
3.1 LE DEVELOPPEMENT DE LA MEFIANCE ET DE LA MEDIATISATION LIE A<br />
L’ELOIGNEMENT DES MANGEURS DU SYSTEME DE PRODUCTION ET<br />
DISTRIBUTION ALIMENTAIRE.<br />
Un autre changement important <strong>de</strong> la secon<strong>de</strong> moitié du 20 ème siècle est l’accélération du<br />
passage <strong>de</strong>s échanges entre groupes sociaux du niveau local (régional) à une dimension <strong>de</strong><br />
plus en plus mondiale.<br />
<strong>La</strong> mondialisation <strong>de</strong>s échanges économiques étend le répertoire <strong>de</strong>s aliments disponibles.<br />
Associée à la mondialisation <strong>de</strong>s échanges culturels, elle contribue à l’évolution <strong>de</strong>s cultures<br />
alimentaires et donc <strong>de</strong>s préférences et <strong>de</strong>s comportements.<br />
<strong>La</strong> mondialisation favorise aussi les confrontations inter culturelles. Les nouvelles formes <strong>de</strong><br />
prises alimentaires traduisent ainsi l’influence <strong>de</strong>s cultures anglo-saxones et leurs snackings<br />
sur les modèles <strong>de</strong> repas latins.<br />
Les échanges s’effectuent selon le double processus sociologique d’imitation-distinction. Les<br />
pays en développement imitent les pays occi<strong>de</strong>ntaux industriels et dans les <strong>de</strong>ux cas, les<br />
fractions aisées cherchent à se distinguer du reste <strong>de</strong> la population. Les riches occi<strong>de</strong>ntaux<br />
28
utilisent ainsi l’exotisme comme signe ostentatoire distinctif. Les transferts <strong>de</strong> gastronomies<br />
s’opèrent dans tous les sens, avec <strong>de</strong>s adaptations qui répon<strong>de</strong>nt aux habitu<strong>de</strong>s <strong>de</strong>s<br />
importateurs et qui sont à l’origine <strong>de</strong> créations culinaires dont le développement <strong>de</strong>vrait être<br />
important.<br />
Mais l’alimentation étant un <strong>de</strong>s marqueurs i<strong>de</strong>ntitaires aussi importants que la langue (« on<br />
<strong>de</strong>vient ce que l’on mange »), l’internationalisation croissante <strong>de</strong>s gastronomies <strong>de</strong>vient une<br />
source d’interrogation i<strong>de</strong>ntitaire. Comme dans tous les domaines fortement i<strong>de</strong>ntitaires, les<br />
individus et les groupes sociaux défen<strong>de</strong>nt alors assez agressivement leur i<strong>de</strong>ntité et les<br />
modèles alimentaires associés. Ils ont alors tendance à rejeter les symboles les plus forts <strong>de</strong>s<br />
autres cultures alimentaires (la « malbouffe ») et à s’attacher aux « produits <strong>de</strong> terroir ».<br />
Ce développement <strong>de</strong> la mondialisation, favorisé par celui <strong>de</strong>s firmes multinationales,<br />
amplifie l’idée « d’uniformisation <strong>de</strong>s goûts ». Ceci est renforcé par le développement <strong>de</strong><br />
l’industrialisation et <strong>de</strong>s innovations qui induisent une image <strong>de</strong> production <strong>de</strong> masse et <strong>de</strong><br />
standardisation. Pour les individus latins qui cherchent davantage à se distinguer qu’à imiter,<br />
cette représentation d’uniformisation est également perçue comme une perte <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité.<br />
De nombreuses modifications <strong>de</strong> l’offre alimentaire se sont effectuées rapi<strong>de</strong>ment au cours<br />
<strong>de</strong>s <strong>de</strong>rnières années. Le système <strong>de</strong> production et <strong>de</strong> distribution alimentaire se complexifie<br />
par les technologies et s’allonge par la division complexe <strong>de</strong>s tâches entre les acteurs <strong>de</strong> la<br />
chaîne, <strong>de</strong> plus en plus au niveau mondial. Mais les cultures alimentaires, qui se constituent<br />
en gran<strong>de</strong> partie lors <strong>de</strong>s apprentissages premiers <strong>de</strong> l’enfance (comme la marche et la<br />
langue), semblent évoluer moins vite que le système <strong>de</strong> production (LAMBERT J.L., 1996,<br />
2000).<br />
Cette évolution du système alimentaire, concomitante à un développement <strong>de</strong> l’urbanisation<br />
(85 % <strong>de</strong>s français sont maintenant <strong>de</strong>s urbains), a entraîné un accroissement <strong>de</strong> la distance<br />
entre la chaîne alimentaire et les mangeurs. Ils n’en perçoivent donc plus que la partie finale<br />
<strong>de</strong> la chaîne dans les lieux <strong>de</strong> distribution, le reste <strong>de</strong>venant une boîte noire (LAMBERT J.L.,<br />
2001).<br />
De plus, dans la situation <strong>de</strong> confrontation à <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> plus en plus finis, les mangeurs<br />
n’ont pas le temps <strong>de</strong> se familiariser aux produits avant <strong>de</strong> les manger. Ces aliments sont<br />
présentés dans <strong>de</strong>s emballages pour <strong>de</strong>s besoins logistiques et par souci d’hygiène. Face à ces<br />
packagings, le mangeur est handicapé car il ne peut pas utiliser ses organes sensoriels pour<br />
appréhen<strong>de</strong>r les produits. Or, comme les animaux, les mangeurs ont besoin <strong>de</strong> repérer les<br />
aliments à l’ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> leurs organes sensoriels pour opérer <strong>de</strong>s tris. C’est une <strong>de</strong>s fonctions<br />
importantes <strong>de</strong> la cuisine qui permet aux préparateurs <strong>de</strong> voir, sentir, toucher voire goûter les<br />
aliments, donc <strong>de</strong> procé<strong>de</strong>r au tri <strong>de</strong> ce qui est considéré comme mangeable. Effectuant moins<br />
la cuisine ou ne la voyant plus élaborée par leur entourage, les mangeurs <strong>de</strong> prêt à manger ne<br />
peuvent s’approprier les aliments avant <strong>de</strong> les incorporer. <strong>La</strong> réduction <strong>de</strong> la production<br />
domestique entraîne également une réduction <strong>de</strong>s transmissions <strong>de</strong> savoir-faire culinaires, et<br />
plus généralement d’éducation alimentaire. Face aux aliments déjà préparés, les mangeurs<br />
sont ainsi peu capables <strong>de</strong> reconstituer mentalement les opérations <strong>de</strong> préparation : ils disent<br />
qu’ils ne savent pas « comment ça a été fait ».<br />
A la différence <strong>de</strong>s systèmes semi-autarciques d’autoconsommation où les aliments étaient<br />
préparés par les proches (famille, voisins), les aliments prêts à manger sont préparés par <strong>de</strong>s<br />
inconnus, c’est à dire <strong>de</strong>s « étrangers ». Selon le principe d’incorporation, les mangeurs<br />
29
pensent alors qu’ils ingèrent <strong>de</strong>s « corps étrangers ». Et selon la loi <strong>de</strong> la contagion <strong>de</strong> la<br />
pensée magique, les étrangers qui ont touché les aliments sont supposés leur avoir transmis<br />
leurs propriétés. L’attitu<strong>de</strong> ethnocentrique très générale dévalorise alors ces objets en les<br />
considérant comme souillés. <strong>La</strong> défense du moi, <strong>de</strong> l’i<strong>de</strong>ntité, provoque le rejet <strong>de</strong><br />
l’incorporation <strong>de</strong>s symboles <strong>de</strong>s autres, encore plus si ce sont <strong>de</strong>s étrangers.<br />
Et cette méconnaissance <strong>de</strong>s mangeurs est renforcée par le développement <strong>de</strong>s innovations qui<br />
se traduit par un nombre croissant <strong>de</strong> produits nouveaux (LAMBERT J.L., 2005). En effet, le<br />
développement <strong>de</strong> la concurrence, liée à la saturation et l’internationalisation croissantes <strong>de</strong>s<br />
marchés, pousse les offreurs à développer <strong>de</strong>s stratégies <strong>de</strong> différenciation. Il en découle un<br />
développement <strong>de</strong>s innovations qui s’appuie en même temps sur celui <strong>de</strong>s connaissances<br />
scientifiques et techniques.<br />
Jusqu’aux années 1980, les innovations ont surtout porté sur l’industrialisation <strong>de</strong>s pratiques<br />
domestiques <strong>de</strong> stockage et <strong>de</strong> cuisine. Ces transformations et stabilisations industrielles<br />
aboutissaient à <strong>de</strong>s aliments peu différents <strong>de</strong> ceux qui étaient préparés à domicile. Ces<br />
innovations étaient donc peu perceptibles par les mangeurs. Par contre, au cours <strong>de</strong>s 20<br />
<strong>de</strong>rnières années, cette industrialisation est progressivement complétée par <strong>de</strong>s créations. Les<br />
recettes n’associent pas seulement <strong>de</strong>s éléments végétaux et animaux tirés <strong>de</strong> la nature mais<br />
également <strong>de</strong>s constituants, le plus souvent peu visibles, extraits <strong>de</strong> ces matières premières :<br />
macro nutriments, arômes, colorants… Ces nouveaux produits, appelés par C. FISCHLER<br />
(1990) <strong>de</strong>s OCNI ( objets comestibles non i<strong>de</strong>ntifiés) provoquent la néophobie <strong>de</strong>s mangeurs :<br />
s’ils ne savent pas ce qu’ils mangent et qu’ils pensent qu’ils <strong>de</strong>viennent ce qu’ils mangent, ils<br />
angoissent parce qu’ils ne savent pas ce qu’ils vont <strong>de</strong>venir.<br />
L’anxiété <strong>de</strong>s mangeurs <strong>de</strong>vient encore plus forte lorsqu’à la fin <strong>de</strong>s années 1980 les<br />
innovations vont jusqu’au niveau génétique dans l’utilisation éventuelle <strong>de</strong>s ingrédients. Dans<br />
une approche <strong>de</strong> type religieux, une proportion importante <strong>de</strong> citoyens s’oppose ainsi au<br />
développement <strong>de</strong>s OGM qu’ils perçoivent comme <strong>de</strong>s transgressions <strong>de</strong> l’ordre transcendant<br />
du vivant (DEBUCQUET G., MERDJI M., LAMBERT J.L., 2003 ; DEBUCQUET G.,<br />
2005).<br />
Cette anxiété alimentaire croissante a entraîné une forte médiatisation <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts sanitaires.<br />
Les journalistes sont bien évi<strong>de</strong>mment touchés par l’anxiété alimentaire ambiante. Ils sont<br />
incités à se focaliser sur les sujets d’inquiétu<strong>de</strong> qui intéressent leurs lecteurs ou auditeurs.<br />
Ceci est renforcé par le développement important <strong>de</strong>s médias à la fin du 20 ème siècle :<br />
lancement <strong>de</strong> nouvelles revues, création <strong>de</strong> radios locales, multiplication <strong>de</strong>s chaînes <strong>de</strong><br />
télévision, début <strong>de</strong>s messages sur téléphones portables et <strong>de</strong> l’utilisation d’internet. Ce<br />
développement rapi<strong>de</strong> aboutit à une exacerbation <strong>de</strong> la concurrence entre les médias et la<br />
« course à l’audimat ». Les gestionnaires <strong>de</strong>s médias poussent alors les journalistes à<br />
rechercher les « scoops <strong>de</strong> sensationnel ». L’intérêt général <strong>de</strong>s français pour leur alimentation<br />
et la rareté <strong>de</strong>s acci<strong>de</strong>nts <strong>de</strong> la chaîne alimentaire constituent donc <strong>de</strong>s éléments<br />
particulièrement intéressants pour les médias. Et par la diffusion rapi<strong>de</strong> et importante <strong>de</strong><br />
l’information, les médias jouent un rôle amplificateur qui amène les citoyens à surévaluer les<br />
évènements. C’est ainsi que <strong>de</strong>s cas graves <strong>de</strong> toxi-infection font la une <strong>de</strong>s médias alors que<br />
jusqu’aux années 1960, ils n’étaient connus que dans un voisinage restreint. Au cours <strong>de</strong>s<br />
années récentes, les médias contribuent donc fortement au développement <strong>de</strong> l’anxiété.<br />
C’est l’affaire <strong>de</strong> l’ESB qui a été le point culminant <strong>de</strong> la psychose collective et <strong>de</strong>s<br />
conséquences pour les offreurs d’aliments qu’ils appellent « crise ». Les mangeurs ont en effet<br />
30
perçu cette « crise <strong>de</strong> la vache folle » non pas comme un acci<strong>de</strong>nt <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> production<br />
mais comme le résultat d’un système où la rentabilité pour les offreurs a été la priorité au<br />
détriment <strong>de</strong>s effets sanitaires sur les mangeurs. Ces « crises » ont été pour les mangeurs<br />
l’occasion <strong>de</strong> découvrir certaines parties <strong>de</strong> la boîte noire <strong>de</strong> la chaîne alimentaire, et<br />
notamment <strong>de</strong>s métho<strong>de</strong>s <strong>de</strong> production qu’ils n’imaginaient pas et qui, par trouble cognitif,<br />
ont souvent provoqué le dégoût. Elles ont également entraîné une forte méfiance <strong>de</strong>s<br />
mangeurs à l’égard <strong>de</strong> l’ensemble <strong>de</strong>s acteurs <strong>de</strong> la chaîne alimentaire suspectés <strong>de</strong> leur<br />
« cacher les magouilles pour faire du profit sur leur dos ». Cette méfiance s’est étendue aux<br />
acteurs politiques et <strong>de</strong> l’Etat qui, après l’affaire du sang contaminé, ont perdu leur image <strong>de</strong><br />
garants <strong>de</strong> la santé publique.<br />
Ce contexte global provoque une amplification <strong>de</strong> la focalisation sur les effets sanitaires <strong>de</strong><br />
l’alimentation et particulièrement les potentialités d’effets négatifs interprétés en termes <strong>de</strong><br />
risques. Comme l’a montré SLOVIC (1987), la perception <strong>de</strong>s risques dépend <strong>de</strong> 2 principaux<br />
facteurs, tels que résumés dans la figure 27 : l’inconnu, à la source <strong>de</strong> dissonance cognitive et<br />
l’absence <strong>de</strong> maîtrise, c’est-à-dire les risques subis par les actions <strong>de</strong>s autres.<br />
Figure 27 : <strong>La</strong> perception <strong>de</strong>s risques liée aux évolutions du système alimentaire<br />
Les mangeurs<br />
éloignés <strong>de</strong> la<br />
chaîne alimentaire<br />
Risque subi,<br />
provenant <strong>de</strong>s<br />
autres<br />
L’inconnu<br />
<strong>La</strong> dissonance<br />
cognitive<br />
Risques perçus<br />
L’innovation<br />
Or les évolutions <strong>de</strong> la chaîne alimentaire, avec d’une part le développement <strong>de</strong>s innovations<br />
et d’autre part l’éloignement <strong>de</strong>s mangeurs, ne peuvent que favoriser ces facteurs <strong>de</strong><br />
perception <strong>de</strong>s risques. Il en découle donc une situation paradoxale <strong>de</strong> la sécurité sanitaire<br />
<strong>de</strong>s aliments : la perception <strong>de</strong>s risques augmente alors que leur gestion s’améliore.<br />
31
3.2 LA MEDICALISATION DE L’ALIMENTATION, LE DEVELOPPEMENT<br />
DE NOUVELLES INTERVENTIONS ETATIQUES ET DES EXPERTISES<br />
SCIENTIFIQUES.<br />
Cette situation d’anxiété apparaît dans un contexte plus général <strong>de</strong> sociétés apeurés par la<br />
mort, dont les populations affichent <strong>de</strong>s préoccupations croissantes vis à vis <strong>de</strong> leur santé et<br />
revendiquent la garantie <strong>de</strong> risque = 0. Par ailleurs, ces sociétés se caractérisent également par<br />
un individualisme croissant où les citoyens refusent d’assumer leurs responsabilités et<br />
recourent <strong>de</strong> plus en plus à <strong>de</strong>s poursuites judiciaires.<br />
Inquiets par la potentialité <strong>de</strong> nouvelles crises et les risques <strong>de</strong> poursuite à leur encontre,<br />
les acteurs professionnels et politiques <strong>de</strong> la chaîne alimentaire amplifient alors les<br />
efforts <strong>de</strong> prévention pour assurer la « sécurité sanitaire <strong>de</strong>s aliments ». Le « principe <strong>de</strong><br />
précaution » gui<strong>de</strong> les interventions croissantes <strong>de</strong>s acteurs politiques et <strong>de</strong>s Etats dans le<br />
renforcement <strong>de</strong>s réglementations sanitaires préventives (développement du droit<br />
alimentaire), <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> crise comme la traçabilité et <strong>de</strong>s moyens dévaluation <strong>de</strong>s<br />
risques (IVS, création <strong>de</strong> l’AFSSA) et <strong>de</strong> contrôle.<br />
Cette action s’insère dans un contexte général propice au développement du droit <strong>de</strong><br />
l’alimentation. Ce droit est longtemps <strong>de</strong>meuré un ensemble <strong>de</strong> réglementations techniques<br />
touffu, peu structuré voire même éclaté. Face aux nouvelles attentes sécuritaires, l’unité se fait<br />
peu à peu entre les politiques agricoles, les politiques économiques et les politiques <strong>de</strong> santé<br />
publique pour répondre aux attentes <strong>de</strong> la société concernant les aliments. A cet égard,<br />
l’adoption du règlement 178/2002 du 28 janvier 2002 dit « food law » offre au droit <strong>de</strong><br />
l’alimentation un socle théorique qui permet d’envisager ce droit comme une discipline<br />
juridique autonome déclinée autour <strong>de</strong> principes fondateurs.<br />
En premier lieu, la législation alimentaire se fon<strong>de</strong> sur une analyse globale, intégrée, « <strong>de</strong> la<br />
fourche à la fourchette » pour restaurer la confiance <strong>de</strong>s consommateurs. L’ambition est<br />
d’impliquer tous les acteurs <strong>de</strong> la chaîne alimentaire (<strong>de</strong> l’agriculteur au distributeur) afin <strong>de</strong><br />
mettre en place à tous les maillons <strong>de</strong> la chaîne <strong>de</strong>s procédures idoines pour i<strong>de</strong>ntifier les<br />
risques potentiels pour l’alimentation humaine et pour en assurer la maîtrise. Pour atteindre<br />
cet objectif, les exploitants du secteur agro-alimentaire assument la responsabilité primaire <strong>de</strong><br />
la sécurité alimentaire et les contrôles officiels <strong>de</strong>viennent pour l’essentiel <strong>de</strong>s contrôles <strong>de</strong><br />
second niveau en vertu du règlement 882/2004 adopté dans le cadre du paquet hygiène le 29<br />
avril 2004.<br />
En second lieu, le règlement 178/2002 a consacré la volonté politique <strong>de</strong> séparer les phases<br />
d’évaluation <strong>de</strong>s risques et <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s risques au plan communautaire avec la création <strong>de</strong><br />
l’AESA. Au plan national, la loi sur la veille sanitaire avait déjà validé cette démarche en<br />
créant l’IVS et l’AFSSA. Ce processus s’accompagne <strong>de</strong> la reconnaissance d’un principe <strong>de</strong><br />
transparence.<br />
En troisième lieu, l’objectif <strong>de</strong> sécurité sanitaire <strong>de</strong>s aliments est pensé très en amont <strong>de</strong>s<br />
risques puisque le règlement 178/2002 introduit le principe <strong>de</strong> précaution comme gui<strong>de</strong> <strong>de</strong>s<br />
interventions publiques. Ce principe s’applique aussi aux acteurs privés qui sont ainsi<br />
conduits à s’informer et à faire preuve <strong>de</strong> vigilance à l’égard <strong>de</strong>s risques émergents.<br />
32
Enfin, l’obligation générale <strong>de</strong> traçabilité constitue un outil puissant <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> crise et peut<br />
être un moyen précieux permettant d’améliorer l’information <strong>de</strong>s consommateurs sur la<br />
qualité intrinsèque <strong>de</strong>s produits et sur leur histoire (FRIANT-PERROT, 2004).<br />
Le développement <strong>de</strong>s interventions <strong>de</strong> sauvegar<strong>de</strong> <strong>de</strong> santé publique dans le domaine<br />
alimentaire est également provoqué à la même pério<strong>de</strong> par l’apparition en France <strong>de</strong> l’obésité.<br />
<strong>La</strong> croissance <strong>de</strong>s années 1960 avait sorti la plus gran<strong>de</strong> partie <strong>de</strong>s populations <strong>de</strong> la crainte <strong>de</strong><br />
la pénurie. Les valeurs dominantes <strong>de</strong>s cultures alimentaires latines étaient la recherche <strong>de</strong><br />
plaisirs gustatifs et la gestion esthétique du corps avec le culte <strong>de</strong> la « ligne ». Mais une partie<br />
importante <strong>de</strong>s mangeurs ne semble pas s’adapter rapi<strong>de</strong>ment au nouveau contexte<br />
apparaissant au cours <strong>de</strong>s années 1980 où se cumulent d’une part la croissance <strong>de</strong>s pouvoirs<br />
d’achats, la surabondance et l’attractivité <strong>de</strong> l’offre alimentaire, et d’autre part la réduction<br />
<strong>de</strong>s besoins énergétiques par le développement <strong>de</strong> la sé<strong>de</strong>ntarisation. Malgré le<br />
développement <strong>de</strong>s discours diététiques, les taux d’obésité et <strong>de</strong> surpoids augmentent alors en<br />
France au point d’inquiéter une partie du corps médical et le <strong>Ministère</strong> <strong>de</strong> la Santé. L’entrée<br />
<strong>de</strong>s nutritionnistes dans la chaîne alimentaire s’officialise ainsi en 2000 par le<br />
Programme National Nutrition Santé.<br />
Il est notable que d’autres problèmes épidémiologiques nutritionnels comme ceux <strong>de</strong>s abus<br />
d’alcool n’avaient pas réussi à provoquer la même mobilisation (cf. l’effet limité <strong>de</strong> la loi<br />
Evin). Des éléments du contexte ont sans doute joué en faveur du PNNS et du développement<br />
<strong>de</strong>s implications <strong>de</strong> tous les acteurs professionnels et publiques qui ont suivi. Le<br />
développement général <strong>de</strong>s préoccupations sanitaires a commencé à modifier la culture<br />
alimentaire française, notamment chez les femmes : dans la hiérarchie <strong>de</strong>s effets attendus <strong>de</strong><br />
l’alimentation, l’hédonisme commence à être relayé par la santé. Il faut sans doute ajouter<br />
dans ce contexte une autre préoccupation croissante que l’on pourrait appeler « la spirale du<br />
trou <strong>de</strong> la sécu ». En effet, associé aux progrès <strong>de</strong>s conditions <strong>de</strong> vie et <strong>de</strong> la mé<strong>de</strong>cine, la<br />
subvention publique <strong>de</strong>s soins favorise l’augmentation <strong>de</strong> l’espérance <strong>de</strong> vie. Mais celle-ci<br />
aboutit à un nombre croissant <strong>de</strong> personnes âgées dont les coûts <strong>de</strong> soins sont très élevés. Le<br />
déficit <strong>de</strong> la sécurité sociale (comme le financement <strong>de</strong>s retraites) ne peut donc qu’inquiéter<br />
les gestionnaires <strong>de</strong> l’Etat qui sont par ailleurs sous la pression croissante <strong>de</strong> la nécessité <strong>de</strong> la<br />
réduction <strong>de</strong>s déficits publics. <strong>La</strong> médicalisation croissante <strong>de</strong> l’alimentation analysée par J.P.<br />
Poulain (2002) est donc associée à <strong>de</strong>s préoccupations épidémiologiques mais intègre<br />
également <strong>de</strong>s aspects économiques.<br />
Cette médicalisation est associée à l’introduction <strong>de</strong> nouveaux acteurs dans la chaîne<br />
alimentaire, à savoir <strong>de</strong>s experts (particulièrement microbiologistes et nutritionnistes)<br />
qui interviennent à plusieurs niveaux <strong>de</strong>s processus <strong>de</strong> décision. Ils sont sollicités par les<br />
responsables politiques et professionnels notamment pour l’évaluation <strong>de</strong>s risques, les<br />
préconisations d’actions <strong>de</strong> prévention et <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong>s crises.<br />
33
CONCLUSION<br />
QUELQUES ELEMENTS DE REFLEXION PROSPECTIVE SUR LA DYNAMIQUE DES<br />
JEUX D’ACTEURS DE LA CHAINE ALIMENTAIRE<br />
Dans l’environnement d’abondance alimentaire <strong>de</strong>s pays riches, les marchés sont saturés et la<br />
dynamique du système alimentaire est maintenant tirée par les acteurs <strong>de</strong> l’aval <strong>de</strong> la chaîne et<br />
particulièrement les mangeurs. Cette saturation va plutôt s’amplifier avec le développement<br />
<strong>de</strong>s échanges mondiaux et le vieillissement <strong>de</strong> la population qui induit une baisse <strong>de</strong> la<br />
moyenne <strong>de</strong>s besoins quantitatifs.<br />
Il importe donc <strong>de</strong> regar<strong>de</strong>r les évolutions <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> qui peuvent se résumer par les<br />
principaux points suivants :<br />
- Le rééquilibrage <strong>de</strong>s rations avec une réduction <strong>de</strong> la consommation <strong>de</strong>s produits d’origine<br />
animale au profit <strong>de</strong>s produits d’origine végétale.<br />
- Une poursuite <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> <strong>de</strong> produits prêts à manger : plus particulièrement <strong>de</strong>s<br />
produits réfrigérés à DLC moyenne (2 à 3 semaines) type plats cuisinés traiteurs, et<br />
produits <strong>de</strong> grignotage pour <strong>de</strong>s prises alimentaires qui se déritualisent. Dans cette même<br />
logique, le développement <strong>de</strong>s formes <strong>de</strong> restauration commerciale et plus<br />
particulièrement les formes <strong>de</strong> néo-restauration et restauration rapi<strong>de</strong>.<br />
- Dans le couple plaisir / santé lié à l’alimentation, l’aspect santé va s’amplifier autour <strong>de</strong> 3<br />
axes : sécurité sanitaire <strong>de</strong>s aliments y compris les problèmes croissants d’allergies,<br />
rééquilibrage nutritionnel (PNNS) et développement <strong>de</strong>s préoccupations sur le<br />
vieillissement (alicaments…).<br />
De plus, dans les sociétés démocratiques actuelles, les citoyens revendiquent <strong>de</strong>s implications<br />
dans les processus <strong>de</strong> décisions et particulièrement dans les domaines qui touchent<br />
directement à leurs conditions <strong>de</strong> vie et à l’alimentation. Les « crises alimentaires » <strong>de</strong>s<br />
<strong>de</strong>rnières années renforcent le phénomène.<br />
Il en résulte :<br />
- une montée <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> d’informations sur les produits et les systèmes <strong>de</strong> production,<br />
- une revendication <strong>de</strong> droit <strong>de</strong> regard sur les choix technologiques (ex. <strong>de</strong>s OGM)<br />
- un développement <strong>de</strong> la judiciarisation dans les cas <strong>de</strong> problèmes.<br />
Les conséquences <strong>de</strong> ces évolutions sur la chaîne alimentaire sont importantes et<br />
notamment sur les fonctions et le poids respectifs <strong>de</strong>s différents acteurs :<br />
- les agriculteurs et leurs représentants, et par voie <strong>de</strong> conséquence, le <strong>Ministère</strong><br />
chargé <strong>de</strong> l’Agriculture, ont un poids <strong>de</strong> plus en plus restreint dans la dynamique du<br />
système ; ce mouvement <strong>de</strong> perte d’influence économique est renforcé par les<br />
évolutions socio-démographiques très défavorables à la population active agricole et<br />
la population rurale « traditionnelle », par opposition aux néoruraux ;<br />
- la restauration se développe (plus d’1/4 <strong>de</strong>s budgets alimentaires) par une<br />
organisation plus industrielle <strong>de</strong> la production culinaire dont une partie est<br />
transférée à <strong>de</strong>s industriels ;<br />
- une spécialisation <strong>de</strong>s opérations <strong>de</strong> la chaîne s’opère entre les acteurs industriels :<br />
agro-industrie, production <strong>de</strong> PAI (produits alimentaires intermédiaires),<br />
34
assemblage. C’est le segment <strong>de</strong>s PAI et l’assemblage <strong>de</strong> produits prêts à manger en<br />
association aux nouvelles formes <strong>de</strong> restauration qui vont connaître les principaux<br />
développements dans une logique générale <strong>de</strong> transfert <strong>de</strong> la production domestique<br />
vers le système marchand. C’est ce transfert <strong>de</strong> production qui va assurer un<br />
développement <strong>de</strong>s industries alimentaires en compensant la saturation croissante <strong>de</strong><br />
la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> sur les aspects quantitatifs et énergétiques ;<br />
- les distributeurs ont un poids prépondérant par leur concentration économique et<br />
leur développement <strong>de</strong>s MDD.<br />
LES INTERROGATIONS POUR LA GOUVERNANCE DE LA CHAINE ALIMENTAIRE<br />
Globalement, les 20 <strong>de</strong>rnières années ont été marquées par une évolution <strong>de</strong> la dynamique du<br />
système qui est passée <strong>de</strong>s « filières » poussées par les acteurs offreurs d’amont à la<br />
« chaîne » tirée par les acteurs acheteurs <strong>de</strong> l’aval. Cette nouvelle dynamique se traduit par un<br />
renversement <strong>de</strong>s flux d’informations qui ne partent plus <strong>de</strong>s offreurs mais <strong>de</strong>s<br />
mangeurs et <strong>de</strong>s citoyens et qui remontent la chaîne <strong>de</strong> l’aval vers l’amont.<br />
Les rapports <strong>de</strong> force entre les acteurs évoluent et les orientations (la <strong>gouvernance</strong>) <strong>de</strong> la<br />
chaîne, qui étaient dominées par les agriculteurs, proviennent désormais du couple<br />
« grands distributeurs et mangeurs ».<br />
Le poids <strong>de</strong> la gran<strong>de</strong> distribution est tel que l’on peut se <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r si les industries<br />
alimentaires ne vont pas <strong>de</strong>venir <strong>de</strong>s sous-traitants, à l’instar <strong>de</strong> l’évolution observée dans<br />
d’autres secteurs comme l’automobile. Même si la logistique risque d’évoluer avec le<br />
développement du e-commerce et donc la réduction <strong>de</strong>s magasins, il paraît probable que les<br />
grands distributeurs en gar<strong>de</strong>ront le contrôle.<br />
Mais les choix <strong>de</strong>s distributeurs sont fortement orientés par ceux <strong>de</strong>s consommateurs : les<br />
produits boudés par les consommateurs et donc qui n’assurent pas la rentabilité <strong>de</strong>s rayons<br />
sont retirés <strong>de</strong> la chaîne. Avant les lancements <strong>de</strong> nouveaux produits, les industriels (et les<br />
distributeurs pour leurs MDD) effectuent <strong>de</strong>s sondages et <strong>de</strong>s tests auprès <strong>de</strong>s consommateurs<br />
pour définir les caractéristiques <strong>de</strong>s produits, les niveaux <strong>de</strong> prix et les informations qui seront<br />
données. Cette prise en compte croissante <strong>de</strong>s choix <strong>de</strong>s consommateurs dans les décisions<br />
<strong>de</strong>s offreurs s’étend également à l’ensemble <strong>de</strong>s citoyens, même s’ils ne sont pas <strong>de</strong>s<br />
consommateurs. L’exemple <strong>de</strong>s OGM illustre bien ce poids <strong>de</strong>s citoyens qui s’opposent à<br />
l’introduction <strong>de</strong>s OGM dans les aliments alors qu’ils sont très majoritaires (+ <strong>de</strong> 80 %) à se<br />
considérer comme non-consommateurs potentiels d’OGM. Leurs préoccupations<br />
environnementales ne sont pas alors seules en jeu. Il est notable que les grands distributeurs<br />
français ont bien intégré ces réactions en refusant très tôt les OGM et en poussant à<br />
l’organisation <strong>de</strong> filières d’approvisionnement sans OGM.<br />
Les formes <strong>de</strong>s relations entre les acteurs et donc <strong>de</strong> la <strong>gouvernance</strong> vont également<br />
rapi<strong>de</strong>ment évoluer. <strong>La</strong> multiplication <strong>de</strong>s acteurs et leur éloignement réduisent les liens<br />
sociaux entre eux. Les relations, dont le caractère marchand se développe, nécessitent donc<br />
plus <strong>de</strong> formalisation, notamment sur les partages <strong>de</strong> responsabilités : systèmes assurance<br />
qualité, développement du droit alimentaire.<br />
35
Dans ce nouveau contexte, la <strong>gouvernance</strong> du système alimentaire passe progressivement<br />
d’une politique agricole à une politique alimentaire et <strong>de</strong> santé publique. <strong>La</strong> sécurité<br />
alimentaire dont les pouvoirs publics français sont traditionnellement chargés, a changé <strong>de</strong><br />
sens ; il ne s’agit plus d’assurer à la population un approvisionnement suffisant en quantité,<br />
un <strong>de</strong>s objectifs initiaux <strong>de</strong> la PAC, mais <strong>de</strong> garantir une sûreté sanitaire <strong>de</strong>s aliments<br />
disponibles sur le territoire.<br />
<strong>La</strong> PAC a évolué progressivement pour <strong>de</strong>s raisons <strong>de</strong> gestion <strong>de</strong> marchés saturés, <strong>de</strong> maîtrise<br />
budgétaire et <strong>de</strong> négociations internationales mais l’Union Européenne n’y a pas substitué une<br />
politique alimentaire, choisie et décidée par les instances politiques <strong>de</strong> l’Union Européenne.<br />
Dés lors, la réglementation a pris une place croissante sous la pression conjoncturelle <strong>de</strong>s<br />
consommateurs et <strong>de</strong> leurs porte-voix, les média et les associations <strong>de</strong> défense. L’exemple <strong>de</strong><br />
quelques événements récents ou <strong>de</strong>s années passées, tels que <strong>de</strong> la « grippe aviaire », la<br />
listéria ou encore les farines animales montre la difficulté du ministère chargé <strong>de</strong> l’agriculture<br />
<strong>de</strong> prendre <strong>de</strong>s positions et <strong>de</strong>s décisions sans apparaître le défenseur du lobby agricole.<br />
Pour les orientations, les critères économiques dominants (sécurité <strong>de</strong>s approvisionnements,<br />
prix <strong>de</strong>s aliments, revenus <strong>de</strong>s agriculteurs) sont relayés par <strong>de</strong>s critères <strong>de</strong> santé publique<br />
(taux <strong>de</strong> mortalité précoce). Mais la prise en compte (même si elle n’est pas toujours<br />
explicite) du coût <strong>de</strong> la santé et les débats sur la nécessité d’expertises socio-économiques<br />
montrent bien les interrogations actuelles sur les systèmes <strong>de</strong> valeurs sous-jacents.<br />
Dans la <strong>gouvernance</strong> globale, le rôle spécifique <strong>de</strong> l’Etat se pose. Y a-t-il un consensus sur<br />
son rôle <strong>de</strong> garant <strong>de</strong> la cohésion sociale et <strong>de</strong> la sécurité <strong>de</strong>s citoyens ainsi que d’arbitre dans<br />
les conflits d’intérêts ? Dans ses modalités d’intervention, on peut observer <strong>de</strong>s évolutions du<br />
droit, <strong>de</strong>s contrôles, <strong>de</strong>s outils <strong>de</strong> gestion publique. Centrés sur la gestion <strong>de</strong>s marchés<br />
(offices…) au cours <strong>de</strong>s années 1960, les moyens sont progressivement affectés à ceux <strong>de</strong><br />
l’évaluation et <strong>de</strong> la gestion <strong>de</strong>s risques (IVS, AFSSA, IFREMER, DGCCRF, Services<br />
vétérinaires…). Dans les politiques concernant l’alimentation, le poids croissant du <strong>Ministère</strong><br />
<strong>de</strong> la Santé au détriment <strong>de</strong> celui <strong>de</strong> l’Agriculture pose la question <strong>de</strong> l’organisation<br />
gouvernementale où la question <strong>de</strong> la disparition d’un ministère spécifiquement dédié à<br />
l’agriculture est souvent posée, à l’instar <strong>de</strong> ce qui est déjà dans plusieurs pays <strong>de</strong> l’Union<br />
européenne.<br />
Enfin, le CNA est l’organe le plus légitime pour essayer <strong>de</strong> trouver <strong>de</strong>s pistes<br />
d’amélioration <strong>de</strong> la <strong>gouvernance</strong> et les compromis sociaux qu’elle suppose. Quelle a été<br />
sa place dans ces évolutions ?<br />
36
Bibliographie :<br />
DEBUCQUET G., MERDJI M., LAMBEReT JL., 2003.- Contribution à l’amélioration <strong>de</strong> la<br />
compréhension <strong>de</strong>s mécanismes <strong>de</strong> formation <strong>de</strong>s attitu<strong>de</strong>s à l’égard <strong>de</strong>s OGM. Le cas <strong>de</strong>s<br />
fruits et légumes, Rapport final, contrat n° 2000/SHS13, Programme Aliment Qualité<br />
Sécurité, <strong>Ministère</strong>s <strong>de</strong> l’Agriculture et <strong>de</strong> la Recherche, AUDENCIA (LESMA),<br />
CTIFL,ONIFHLOR, APRIFEL, Nantes.<br />
DEBUCQUET G., 2005.- <strong>La</strong> perception <strong>de</strong>s aliments génétiquement modifiés par le<br />
consommateur : contribution à une approche socio-anthropologique du risque. Thèse <strong>de</strong><br />
doctorat. INA.PG, Paris.<br />
FISCHLER C., 1990.- L'homnivore. Odile Jacob, Paris. (Réédité en poche).<br />
FLORIOT J.L. (coord.), 1993.- Le panorama économique <strong>de</strong>s PAI, IGIA, 195p.<br />
FRIANT-PERROT, 2004.- <strong>La</strong> sécurité alimentaire : nouveaux enjeux pour les secteurs<br />
agricoles et alimentaires. Revue <strong>de</strong> droit rural, novembre 2004, pp. 560-564<br />
INSEE, <strong>La</strong> consommation <strong>de</strong>s ménages en 2004, comptes nationaux.<br />
INSEE, Enquête emplois du temps, 1999<br />
LAMBERT A. (coord.), 1994.- I<strong>de</strong>ntification et analyse par filière <strong>de</strong>s PAI, ENITIAA, 95p.<br />
LAMBERT A., 1997.- S'accor<strong>de</strong>r sur le terme frais en préalable aux préoccupations qu'il<br />
soulève. Revue <strong>de</strong>s Industries Alimentaires et Agricoles, n°11, Novembre, pp. 743-746.<br />
LAMBERT A., 1997.- Des assembleurs et <strong>de</strong>s fournisseurs <strong>de</strong> composants : nouvelle<br />
structuration dans la transformation alimentaire. Revue <strong>de</strong>s Industries Alimentaires et<br />
Agricoles, n°11, Novembre, pp. 781-784<br />
LAMBERT A., 2001.- <strong>La</strong> désintégration verticale : une réponse aux exigences <strong>de</strong> flexibilité<br />
dans les industries alimentaires. Revue Gestion 2000, janvier-février 2001<br />
LAMBERT J.L., 1987.- L’évolution <strong>de</strong>s modèles <strong>de</strong> consommation alimentaire en France,<br />
<strong>La</strong>voisier Tec&Doc, Paris.<br />
LAMBERT J.L., 1996.- Les mangeurs entre traditions et nouveautés : quelques spécificités<br />
du "marketing alimentaire". in : GIACHETTI I., I<strong>de</strong>ntités <strong>de</strong>s mangeurs, images <strong>de</strong>s aliments.<br />
Polytechnica, Paris, pp.151-173.<br />
LAMBERT J.L., 2000.- <strong>La</strong> sensibilité à l'innovation et les déterminants <strong>de</strong> la consommation<br />
<strong>de</strong> nouveaux produits alimentaires. revue NAFAS Pratique, éditions <strong>de</strong> Santé, 2000, vol 1,<br />
pp. 7-13.<br />
LAMBERT J.L., 2001.- « Crise alimentaire » : quelle place pour les citoyens-mangeurs ? In<br />
revue Parlons-en, DGER, <strong>Ministère</strong> <strong>de</strong> l’Agriculture, mars.<br />
LAMBERT J.L., 2004.- Mo<strong>de</strong>s <strong>de</strong> vie et comportements alimentaires dans notre société<br />
actuelle, colloque "Des aliments et <strong>de</strong>s hommes. Entre science et idéologie, définir ses<br />
propres repères". Institut Français <strong>de</strong> Nutrition, Paris, 8 et 9 décembre 2004.<br />
LAMBERT J.L., 2005.- Quelles informations pour les mangeurs ?, in Food safety,<br />
information and education of consumers, LAMBERT J.L., GRUJIC, S, GRUJIC R., Faculty<br />
of Technology, University of Banja Luka, pp. 7-36.<br />
Linéaires, DistriBook, 2005.<br />
PEREZ R., 1997.- Les stratégies <strong>de</strong>s firmes multinationales alimentaires. Extrait <strong>de</strong> Ch.<br />
PALLOIX et Y. RIZOPOULOS (Ed) (1997) - Firmes et Economie industrielle - Paris, L’Harmattan,<br />
pp 147- 163.<br />
POULAIN J.P, 2002, Sociologies <strong>de</strong> l’alimentation, PUF, Paris.<br />
SCHMITT B., HENRY M.S., PIGUET V., 1999.- L’étalement <strong>de</strong> la population et <strong>de</strong> l’emploi<br />
dans les espaces sous influence urbaine : une approche à partir <strong>de</strong> quelques modèles<br />
économétriques spatiaux. Communication à l’école-chercheur « Economie spatiale et<br />
régionale ». Le Croisic, 10/12/1999.<br />
SLOVIC P., 1987,- Perception of risk. Science, 236, pp. 280-285.<br />
37
Annexe 1 : L’exemple <strong>de</strong>s dynamiques d’acteurs vis à vis <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> la mer.<br />
(Patrice Guillotreau).<br />
Le développement <strong>de</strong> l’élevage dans la filière poissons et le recours aux importations<br />
modifient la consommation <strong>de</strong> produits <strong>de</strong> la mer.<br />
A partir du début <strong>de</strong>s années 1980, l’élevage <strong>de</strong> poissons <strong>de</strong> mer prend son essor. Ces<br />
nouvelles techniques vont permettre d’obtenir <strong>de</strong>s espèces avec une plus gran<strong>de</strong> régularité en<br />
quantité, qualité et temporalité. Parallèlement, les approvisionnements traditionnels par la<br />
pêche vont décliner sous leur forme fraîche et leurs origines.<br />
Figure 1: Développement <strong>de</strong> l’aquaculture en Europe<br />
Source : Eurostat (TRR : trout, SAL : salmo salar, SBG : sea bream, BSS : bass)<br />
L’exemple du saumon est à cet égard très significatif.<br />
L'évolution <strong>de</strong> la répartition par pays <strong>de</strong>s importations françaises <strong>de</strong> saumon illustre<br />
l'importance <strong>de</strong>s changements structurels intervenus sur le marché français. Au début <strong>de</strong>s<br />
années 1980, plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong>s importations <strong>de</strong> saumon provenaient d'Amérique du Nord<br />
(principalement d'Alaska et du Canada). Cette proportion s'est réduite à moins <strong>de</strong> 10 % à la<br />
fin <strong>de</strong>s années 1990. Le marché est désormais approvisionné par le nord <strong>de</strong> l’Europe grâce à<br />
la Norvège (50 % du tonnage en 1998), l’Écosse (20 %) et l’Irlan<strong>de</strong> (6 %).<br />
Dans le même temps, le volume total importé par l'industrie française a augmenté <strong>de</strong> manière<br />
très spectaculaire, passant <strong>de</strong> 20 000 t en 1982 à 110 000 t en 1998, augmentation qui<br />
s'accompagne d'une modification <strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s biens importés : les importations en 1982<br />
étaient constituées <strong>de</strong> saumon du Pacifique congelé (65%) et <strong>de</strong> conserves (16.5%) ; en 1998, le<br />
saumon frais forme le plus gros <strong>de</strong>s importations (75%).<br />
Le marché du saumon a fortement progressé, passant <strong>de</strong> moins <strong>de</strong> 5 % en 1976 à 20 % en<br />
1998. Cette évolution est encore plus significative en termes <strong>de</strong> valeur : espèce au prix élevé,<br />
le saumon a atteint une part <strong>de</strong> 40 % du marché français du saumon et <strong>de</strong>s poissons blancs en<br />
38
1998. Or, le prix du saumon n'a cessé <strong>de</strong> baisser sur la pério<strong>de</strong>, passant <strong>de</strong> 10 à 3 euros le kilo<br />
en l'espace <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux décennies.<br />
A contrario, l'évolution <strong>de</strong> la filière française <strong>de</strong>s poissons blancs entre 1982 et 1988 est<br />
symétrique <strong>de</strong> celle du saumon. Le poisson congelé domine la <strong>de</strong>man<strong>de</strong> au début <strong>de</strong>s années<br />
1990 (2/3 <strong>de</strong> 400 000 t.) alors que le poisson frais représentait plus <strong>de</strong> la moitié <strong>de</strong> la <strong>de</strong>man<strong>de</strong><br />
au début <strong>de</strong>s années 1980 (55 % <strong>de</strong> 269 000 t). L'opposition est totale avec le saumon pour<br />
lequel 75 % du total <strong>de</strong>s produits importés à la fin <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong> l'étaient sous forme fraîche.<br />
<strong>La</strong> production domestique, quant à elle, n'entre plus que pour 14 % dans l'offre totale <strong>de</strong><br />
poissons blancs en 1998 contre 50% en 1982 avec <strong>de</strong>s débarquements qui chutent <strong>de</strong> 135 000<br />
t à 55 000 t en 16 ans.<br />
<strong>La</strong> répartition régionale <strong>de</strong>s pays fournisseurs et son évolution ne sont pas neutres au regard<br />
<strong>de</strong> la nature <strong>de</strong>s biens échangés. Il y a vingt ans, les importations <strong>de</strong> poissons blancs<br />
provenaient en majorité <strong>de</strong> proches partenaires européens (Danemark, Allemagne, Norvège,<br />
Pays-bas, etc.) <strong>La</strong> fin <strong>de</strong>s années 90 voit le rôle émergent <strong>de</strong> quelques pays fournisseurs parmi<br />
les plus gros producteurs mondiaux <strong>de</strong> poissons blancs (Russie, Pologne, Chine, Argentine,<br />
Islan<strong>de</strong>, Norvège, etc.). Une telle évolution (déclin <strong>de</strong> la production locale et développement<br />
d’un oligopole géographique) révèle l’origine <strong>de</strong> ce marché global du poisson blanc (en fait,<br />
lieu <strong>de</strong> l’Alaska dans l’hémisphère nord, merlu dans le sud).<br />
FF99<br />
9 000 000<br />
8 000 000<br />
7 000 000<br />
6 000 000<br />
5 000 000<br />
4 000 000<br />
3 000 000<br />
2 000 000<br />
1 000 000<br />
0<br />
Figure 2 Le marché français du saumon et <strong>de</strong>s poissons blancs<br />
Consommation apparente <strong>de</strong> saumon et <strong>de</strong> poisson blanc<br />
(en valeur - termes réels)<br />
Saumon<br />
Poisson blanc<br />
1976<br />
1978<br />
1980<br />
1982<br />
1984<br />
1986<br />
1988<br />
1990<br />
1992<br />
1994<br />
1996<br />
1998<br />
100%<br />
90%<br />
80%<br />
70%<br />
60%<br />
50%<br />
40%<br />
30%<br />
20%<br />
10%<br />
0%<br />
1976<br />
1978<br />
1980<br />
Parts <strong>de</strong> marché en valeur (termes réels)<br />
1982<br />
1984<br />
Poisson blanc<br />
Sources : calculé d’après données CNPMEM, Ofimer et Douanes<br />
<strong>La</strong> consommation <strong>de</strong> produits <strong>de</strong> la mer a évolué vers plus <strong>de</strong> produits élaborés, même si les<br />
<strong>de</strong>ux catégories ont connu <strong>de</strong>s évolutions opposées. Toutes <strong>de</strong>ux, dans leur développement,<br />
ont bénéficié d'un apport croissant <strong>de</strong>s importations sur le marché français.<br />
Le développement <strong>de</strong>s GMS et <strong>de</strong> la sous-traitance vis-à-vis <strong>de</strong>s transformateurs dans le<br />
cas <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> la mer en France.<br />
L'organisation actuelle <strong>de</strong> la filière n'a à l'évi<strong>de</strong>nce que peu <strong>de</strong> choses à voir avec ce qu'elle a pu<br />
être au début <strong>de</strong> la pério<strong>de</strong>. Le nombre <strong>de</strong> transformateurs et <strong>de</strong> détaillants important du saumon<br />
s'est accru et une nouvelle chaîne d'approvisionnement a été mise en place, soit par<br />
1986<br />
1988<br />
Saumon<br />
1990<br />
1992<br />
1994<br />
1996<br />
1998<br />
39
l'intermédiaire <strong>de</strong> sociétés <strong>de</strong> négoce spécialisées, soit par l'achat direct à l'étranger auprès <strong>de</strong>s<br />
exportateurs.<br />
Du côté <strong>de</strong> la commercialisation, au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies, la gran<strong>de</strong> distribution<br />
entre en force dans les produits <strong>de</strong> la mer en se dotant d’un rayon marée dans la majorité <strong>de</strong>s<br />
points <strong>de</strong> vente. Le poisson est considéré par <strong>de</strong> nombreux professionnels <strong>de</strong> la vente comme<br />
un produit d’appel pour d’autres produits alimentaires. <strong>La</strong> part <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> la mer<br />
commercialisés par la gran<strong>de</strong> distribution s’est ainsi considérablement accrue, au détriment du<br />
commerce <strong>de</strong> détail traditionnel (figure 3). En 2004, poissonneries et marchés traditionnels<br />
capteraient 28% <strong>de</strong>s produits frais vendus, contre 68% aux GMS. <strong>La</strong> part <strong>de</strong>s GMS (hors hard<br />
discount) atteint même 85% <strong>de</strong>s produits traiteurs et surgelés (source : Ofimer).<br />
100%<br />
90%<br />
80%<br />
70%<br />
60%<br />
50%<br />
40%<br />
30%<br />
20%<br />
10%<br />
0%<br />
1979<br />
1980<br />
fishmongers<br />
Poissonniers<br />
Autres<br />
others<br />
1981<br />
1982<br />
1983<br />
1984<br />
1985<br />
1986<br />
1987<br />
1988<br />
1989<br />
Supermarchés<br />
1990<br />
1991<br />
1992<br />
Supermarkets<br />
Figure 3 Circuits <strong>de</strong> commercialisation <strong>de</strong>s<br />
produits <strong>de</strong> la mer en France<br />
Source : INSEE<br />
1993<br />
1994<br />
1995<br />
1996<br />
1997<br />
1998<br />
100%<br />
80%<br />
60%<br />
40%<br />
20%<br />
0%<br />
janv-90<br />
janv-91<br />
Whole Entier<br />
janv-92<br />
janv-93<br />
janv-94<br />
janv-95<br />
Pieces Filets<br />
Figure 4 Parts <strong>de</strong> marché (volume) entiers<br />
et filets<br />
Source : Ofimer - Secodip<br />
Parallèlement, les goûts <strong>de</strong>s consommateurs pour le poisson frais découpé, parfois préemballé<br />
et vendu en libre-service, se sont peu à peu affirmés, notamment en ce qui concerne<br />
le saumon frais, un <strong>de</strong>s grands succès <strong>de</strong> vente en rayon marée (figure 2). Le saumon frais<br />
vendu en France représentait en 2000 près <strong>de</strong> 110 000 tonnes en équivalent poids entier. Plus<br />
généralement les flux <strong>de</strong> poisson écoulés par les gran<strong>de</strong>s surfaces se composent <strong>de</strong> filets pour<br />
une part croissante <strong>de</strong>s ventes. <strong>La</strong> question <strong>de</strong> l’organisation industrielle du filetage ne<br />
manque pas <strong>de</strong> se poser. A quelles capacités <strong>de</strong> transformation les gran<strong>de</strong>s et moyennes<br />
surfaces s’adressent-elles et selon quelles modalités commerciales ? Il semble que la découpe<br />
<strong>de</strong>s produits s'effectue <strong>de</strong> plus en plus sous la forme d'une sous-traitance entre distributeurs et<br />
transformateurs.<br />
L’accès à une base <strong>de</strong> données financières <strong>de</strong>s compagnies <strong>de</strong> mareyage a permis <strong>de</strong> prendre<br />
la mesure du phénomène <strong>de</strong> sous-traitance et <strong>de</strong> sa croissance (données financières Dun &<br />
Bradstreet mises en forme par l’Ofimer). Une variable clé a notamment rendu possible<br />
l’échantillonnage <strong>de</strong>s entreprises en fonction <strong>de</strong> leur engagement dans la prestation <strong>de</strong><br />
services. Le chiffre d’affaires <strong>de</strong>s 350 sociétés <strong>de</strong> mareyage <strong>de</strong> la base <strong>de</strong> données est<br />
décomposé en ventes <strong>de</strong> produits et ventes <strong>de</strong> services. L’hypothèse a été émise que les ventes<br />
<strong>de</strong> services correspon<strong>de</strong>nt dans leur gran<strong>de</strong> majorité à une prestation <strong>de</strong> découpe <strong>de</strong> poisson<br />
pour le compte <strong>de</strong> sociétés tiers. D’autres services peuvent éventuellement être inclus dans<br />
l’activité <strong>de</strong> mareyage, comme le transport <strong>de</strong>s marchandises, mais pour une part qui a été<br />
supposée minoritaire. <strong>La</strong> population mère <strong>de</strong> la base <strong>de</strong> données se présentait <strong>de</strong> la façon<br />
suivante :<br />
janv-96<br />
janv-97<br />
janv-98<br />
40
Tableau 1 Nombre <strong>de</strong> sociétés <strong>de</strong> mareyage engagées dans la vente <strong>de</strong> services<br />
Ventes <strong>de</strong> services* 1995 2000<br />
Plus <strong>de</strong> 1 million d’euros<br />
100 000 à 1 million d’euros<br />
10 000 à 100 000 euros<br />
1 000 à 10 000 euros<br />
6<br />
22<br />
64<br />
40<br />
6<br />
29<br />
77<br />
46<br />
Total 132 158<br />
Source : Dun & Bradstreet, Données Financières 2001<br />
* Les chiffres sont extraits d’une base <strong>de</strong> 350 sociétés impliquées dans le mareyage et la<br />
transformation (co<strong>de</strong>s NAF 152Z et 513S principalement).<br />
Les 35 sociétés qui réalisaient plus <strong>de</strong> 100 000 euros en ventes <strong>de</strong> services en 2000 ont doublé<br />
en cinq ans leur part <strong>de</strong> services dans le total <strong>de</strong>s ventes, cette part étant passée <strong>de</strong> 9,1% du<br />
chiffre d’affaires en 1995 à 17,8% en 2000. <strong>La</strong> population totale d’entreprises engagées dans<br />
une activité <strong>de</strong> services (158 en 2000) a vu également cette part progresser <strong>de</strong> 3,4 à 4,6% au<br />
cours <strong>de</strong> la même pério<strong>de</strong>. Si on accepte d’assimiler la vente <strong>de</strong> services à une sous-traitance<br />
<strong>de</strong> filetage pour le compte <strong>de</strong> tiers, on admet que le travail à façon a augmenté sensiblement<br />
au cours <strong>de</strong> ces <strong>de</strong>rnières années.<br />
L’essor <strong>de</strong>s marques <strong>de</strong> distributeurs<br />
A titre d’illustration du développement <strong>de</strong> telles pratiques dans le secteur <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> la<br />
mer, retenons la part <strong>de</strong> marché croissante <strong>de</strong>s produits à marques <strong>de</strong> distributeur (MDD) dans<br />
la consommation domestique. Pour s’en convaincre, il suffit d’observer la part <strong>de</strong> marché en<br />
valeur et en volume pour quelques catégories <strong>de</strong> produits <strong>de</strong> la mer :<br />
Tableau 2 Part <strong>de</strong> marché <strong>de</strong>s MDD<br />
sur le marché français <strong>de</strong>s produits <strong>de</strong> la mer en 2000<br />
Produit % quantité % valeur<br />
Poisson séché-salé-fumé 27,6 25,3<br />
Poisson fumé 42,1 39,1<br />
Saumon fumé 31,9 34,4<br />
Poisson congelé 43,7 42,2<br />
Coquillages congelés 34,9 31,1<br />
Conserves <strong>de</strong> poisson 37,2 32,8<br />
Source : PLMA International Council, Yearbook of private labels 2001 ; Cité dans Produits<br />
<strong>de</strong> la Mer n°68, Août-Septembre 2001.<br />
Derrière cette progression se cache évi<strong>de</strong>mment le recours croissant à la sous-traitance dont il<br />
était question au cours du point précé<strong>de</strong>nt. Notre hypothèse est que la commercialisation <strong>de</strong>s<br />
produits <strong>de</strong> la mer par la gran<strong>de</strong> distribution a été favorisée par la maîtrise <strong>de</strong>s cycles <strong>de</strong><br />
production <strong>de</strong>s poissons d’élevage qui permettent notamment la planification <strong>de</strong>s campagnes<br />
<strong>de</strong> promotion <strong>de</strong>s produits. Les produits frais, moins « marketés » sont évi<strong>de</strong>mment moins<br />
concernés par cette évolution.<br />
41
Les <strong>de</strong>ux tableaux suivants donnent une idée <strong>de</strong> la dynamique <strong>de</strong> la filière française <strong>de</strong>s<br />
produits <strong>de</strong> la mer au cours <strong>de</strong>s <strong>de</strong>ux <strong>de</strong>rnières décennies. Aux <strong>de</strong>ux extrémités <strong>de</strong> la filière<br />
(secteurs <strong>de</strong> la pêche et du commerce <strong>de</strong> détail), le nombre d’emplois et le nombre<br />
d’entreprises ont diminué <strong>de</strong> manière substantielle (tableau 3).<br />
Tableau 3 Nombre d’entreprises et d’emplois à différents niveaux <strong>de</strong> la filière <strong>de</strong>s<br />
produits aquatiques en France<br />
Pêche Mareyage,<br />
vente en gros<br />
Navires Marin<br />
s<br />
É ts Emploi<br />
s<br />
Transformation Poissonnerie Total<br />
Ent ses Emploi<br />
s<br />
É ts Emploi<br />
s<br />
Emplois<br />
1980 11 090 22 019 1 905 10 712 79 8 028 10 409 15 795 56 554<br />
1984 9 871 21 640 1 944 9 193 102 11 043 9 805 14 229 56 105<br />
1990 8 654 18 233 1 942 9 651 115 12 296 8 305 11 720 51 900<br />
1994 6 837 16 843 1 728 11 406 144 13 746 4 593 9 145 51 140<br />
2000 - - 1 424 - - - 3 481 - -<br />
2003 5 556 13 926 381 5 000 287 13 300<br />
Sources :<br />
- pour le nombre <strong>de</strong> navires, rapports annuels <strong>de</strong> production du CCPM, puis du CNPMEM puis du FIOM et <strong>de</strong><br />
l'OFIMER sauf 1989, 1991 et 1992 (Bulletin statistique <strong>de</strong> la DG XIV) et 1999 (Economic Performance of<br />
Selected European Fishing Fleets, Rapport final <strong>de</strong> l'action concertée FAIR PL97-3541, 2000) ;<br />
- pour le nombre <strong>de</strong> marins, <strong>de</strong> 1976 à 1989 rapports annuels <strong>de</strong> production, 1990 à 1993 estimation à partir<br />
<strong>de</strong>s données dans les rapports annuels <strong>de</strong> production FIOM et ensuite : Economic Performance of Selected<br />
European Fishing Fleets, Rapport final <strong>de</strong> l'action concertée FAIR PL97-3541, 2000 ; OFIMER-IFREMER en<br />
2003<br />
- pour le nombre <strong>de</strong>s établissements <strong>de</strong> mareyage et <strong>de</strong> poissonneries, fichiers SIRENE <strong>de</strong> l'INSEE (pas <strong>de</strong><br />
données en 1993 suite au changement <strong>de</strong> nomenclature d'activités, intervenu début 93) ; OFIMER-IFREMER en<br />
2003<br />
- pour les nombres d'entreprises et d'emplois dans le secteur <strong>de</strong> la transformation, traitement réalisé par le<br />
SCEES (entreprises <strong>de</strong> + <strong>de</strong> 20 salariés) pour le compte <strong>de</strong> la DRAF Bretagne en 2000 ; OFIMER – IFREMER<br />
en 2003 (toutes entreprises confondues)<br />
- pour le nombre d'emplois dans les secteurs du mareyage et <strong>de</strong> la poissonnerie, Enquêtes annuelles <strong>de</strong> l'Insee.<br />
En ce qui concerne le commerce <strong>de</strong> détail, le nombre <strong>de</strong> poissonniers a décru dans <strong>de</strong>s<br />
proportions semblables, mais le nombre d’établissements a lui encore plus reculé que le<br />
nombre <strong>de</strong> navires (avec une perte <strong>de</strong> 61 % <strong>de</strong>s établissements en 24 ans). Cette mutation<br />
structurelle considérable situe l’emprise actuelle <strong>de</strong>s chaînes <strong>de</strong> supermarchés sur les circuits<br />
<strong>de</strong> distribution. 70 % du poisson commercialisé en 1996 passait par les supermarchés contre<br />
seulement 32% en 1976 (source : INSEE).<br />
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Tableau 4 : Chiffre d’affaires (C.A.) et valeur ajoutée (V.A.)<br />
dans la filière <strong>de</strong>s produits aquatiques en France en millions <strong>de</strong> francs 1998<br />
6 Pêche Mareyage,<br />
10<br />
vente en gros<br />
Transformation Poissonnerie<br />
Total<br />
(hors pêche pour<br />
la VA)<br />
FF98 C.A. C.A. V.A. C.A. V.A. C.A. V.A. C.A. V.A.<br />
1980 7 793 19 808 2 449 6 873 1 640 10 860 2 178 45 334 6 266<br />
1984 7 553 17 391 2 205 11 829 2 881 9 653 2 079 46 425 7 165<br />
1990 7 718 25 560 2 562 18 025 3 697 8 406 1 937 59 708 8 195<br />
1994 6 052 28 324 2 572 16 958 3 501 6 382 1 480 57 716 7 552<br />
1998 6 155 - - 15 486 2 377 5 310 1 318 - -<br />
Sources :<br />
- pour la pêche : <strong>de</strong> 1975 à 1983, Meuriot E., <strong>La</strong> flotte <strong>de</strong> pêche française <strong>de</strong> 1945 à 1983. Politiques et réalités,<br />
Ifremer, 182 p., 1985 ; <strong>de</strong> 1984 à 1995, OFIMER, com. pers. ; ensuite, OFIMER, rapports annuel <strong>de</strong><br />
production ;<br />
- pour les autres secteurs, Enquêtes annuelles <strong>de</strong> l'Insee ;<br />
- les valeurs sont déflatées à l'ai<strong>de</strong> <strong>de</strong> l'indice <strong>de</strong>s prix à la consommation <strong>de</strong> l'Insee.<br />
Seuls les <strong>de</strong>ux secteurs intermédiaires (vente en gros et transformation) ont enregistré<br />
une évolution plus favorable : stabilité (ou légère diminution) <strong>de</strong>s grossistes et croissance<br />
<strong>de</strong>s transformateurs. <strong>La</strong> diversité <strong>de</strong>s métiers regroupés dans la rubrique « grossistes » rend<br />
l’interprétation <strong>de</strong> son évolution délicate et on peut penser que le nombre <strong>de</strong> mareyeurs a<br />
fortement décru tandis que celui <strong>de</strong>s entreprises d’import-export, également présentes dans<br />
cette catégorie, s’est accru.<br />
<strong>La</strong> caractéristique la plus remarquable <strong>de</strong> la dynamique industrielle est probablement<br />
l’émergence du secteur <strong>de</strong> la transformation. En effet, le nombre d’établissements et<br />
d’emplois indiqués par le tableau 1 est largement sous-estimé dans la mesure où le décompte<br />
ne concerne que les établissements <strong>de</strong> plus <strong>de</strong> 20 emplois. Le saut <strong>de</strong> 1984 correspond à un<br />
artefact statistique lié au fait que la série n'intégrait pas les plats préparés à base <strong>de</strong> poissons<br />
avant cette date. Malgré ces réserves statistiques, le sentier <strong>de</strong> croissance <strong>de</strong> la filière s'inscrit<br />
en parfaite adéquation avec les caractéristiques <strong>de</strong> l'évolution <strong>de</strong> l'offre décrites dans les<br />
sections 1 et 2 : augmentation au tournant <strong>de</strong>s années 1990 <strong>de</strong>s importations <strong>de</strong> matière<br />
première (saumon frais et poisson blanc congelé) pour la transformation, commercialisé par<br />
l'intermédiaire <strong>de</strong>s gran<strong>de</strong>s chaînes <strong>de</strong> distribution ou <strong>de</strong> restauration collective.<br />
<strong>La</strong> valeur ajoutée totale créée aux trois <strong>de</strong>rniers échelons <strong>de</strong> la filière en France a diminué<br />
dans les vingt <strong>de</strong>rnières années <strong>de</strong> 940 millions d’Euros 98 (6,2 milliards <strong>de</strong> francs 98) en<br />
1979 à 894 millions d’Euros 98 (5,9 milliards <strong>de</strong> francs 98) en 1997. Ce léger recul, trouve sa<br />
source en partie dans le déclin du secteur <strong>de</strong> la pêche qui est partiellement contrebalancé par<br />
la création <strong>de</strong> valeur ajoutée dans le secteur <strong>de</strong> la distribution (supermarchés). Puisque la<br />
valeur ajoutée créée par les supermarchés n’est pas comprise dans les chiffres du commerce<br />
<strong>de</strong> détail du tableau précé<strong>de</strong>nt (les poissonniers détaillants ne représentent aujourd’hui qu’une<br />
part minoritaire <strong>de</strong> la distribution <strong>de</strong> poissons en France : 24% en 1998), on peut donc en<br />
conclure que le marché s’est élargi, aboutissant à une création nette <strong>de</strong> valeur dans la filière<br />
française. Le recours aux importations <strong>de</strong> saumon et <strong>de</strong> poissons blancs a en définitive<br />
permis le développement économique <strong>de</strong> la filière nationale, puisque les <strong>de</strong>ux gran<strong>de</strong>s<br />
mutations qu'elle a connues (déclin du nombre <strong>de</strong> navires et <strong>de</strong> poissonniers) se seraient<br />
produites <strong>de</strong> toute façon.<br />
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