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(1973) n°3 - Royal Academy for Overseas Sciences

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crains que beaucoup de dirigeants africains, dépassés par les événements,<br />

aient cru que la vertu de cette administration était la<br />

puissance et ne s’acharnent en vain de rendre la leur de plus en<br />

plus envahissante et tracassière, le côté « flic ».<br />

Or je suis convaincu que cette efficacité était due au contraire<br />

au caractère paternaliste de l’administration coloniale et de sa<br />

police, le côté « ange gardien », qui dans l’Afrique clanique rencontrait<br />

un terrain particulièrement favorable.<br />

Cette optique coloniale avait été très bien rendue par la <strong>for</strong>mule<br />

célèbre de Pierre R y c k m a n s « dominer pour servir ». Nous la<br />

ressentions comme si vraie, j’ai bien peur qu’elle n ’ait été entendue<br />

par ceux qui ont instauré en Afrique des administrations-<br />

Moloch, clef du pouvoir, « dominer pour asservir ».<br />

Quand je lis les souvenirs parallèles de mon père, je me rends<br />

compte que la peur, qui transparaît encore dans certains de mes<br />

récits, étreignait dans ses serres la société africaine. La peur fut la<br />

grande ennemie de la police coloniale, elle n’eut de cesse de la<br />

faire reculer. En cherchant à rassurer les populations, la police<br />

coloniale versa dans le paternalisme. On peut le lui reprocher.<br />

Notre confrère François G r ev isse m’a dit lors de son dernier<br />

passage à Elisabethville avant l’indépendance, en I960:<br />

« Nous abandonnions nos autos clefs sur le démarreur. Nous<br />

oubliions sur la véranda du gîte d'étape nos fusils de chasse et la<br />

caisse des recettes de l’impôt. Nous les retrouvions intacts le<br />

lendemain. Il faut avouer que ce n’est pas normal! »<br />

J’avoue, cher Confrère, dans la jungle civilisée des pays du<br />

monde occidental ce n’est pas normal, ce ne l’est plus dans ces<br />

agglomérations monstrueuses qui boursouflent le visage de l’Afrique<br />

d’aujourd’hui.<br />

Pourtant, pendant cinquante ans, c’est cet idéal-là qu’a poursuivi<br />

la justice belgo-congolaise. Sans trop s’attarder à des analyses<br />

sur des têtes d’épingles de la psychologie criminelle, elle a<br />

cru à une éradication de la délinquance, comme les agronomes<br />

ont voulu évincer la faim, les médecins les grandes endémies, les<br />

économistes la pauvreté. Elle n’avait pas à s’occuper de la conscience<br />

politique des masses, même si dans les faits, la Justice à<br />

laquelle les Africains participaient activement, fut la plus démocratique<br />

des institutions coloniales.

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