(1973) n°3 - Royal Academy for Overseas Sciences

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d’autres compagnons comme moi le 21 septembre, nous sommes restés
15 jours sans trouver d’ouvrage, depuis le 8 octobre, nous avons fait mon
fils et moi 27 journées à la date où je vous écris, voilà 10 jours que nous
sommes sans ouvrage. J’ai appris par le journal que Wastelet de Thuin
part le 18 avec un assez grand nombre d’ouvriers pour le Canada et pour
les Montagnes Rocheuses.
J’ai vu 4 ouvriers qui sont revenus des Rocheuses, ils m’ont dit qu’il
n’y avait pas d’ouvrage, s’ils avaient de l’argent, ils iraient d’un autre
côté mais ils n’en ont pas, ils ont fait 150 lieues à pied. Ceux qui sont
pour partir feraient mieux au lieu de s’adresser aux agents d’écrire à un
ami en Amérique, il leur dirait que les journées sont de 4 à 4,50 Frs.
Henri D e v a u x .
9. La République, 11 août 1889-
Nous avons reçu d’un de nos abonnés habitant en Amérique depuis
12 ans la lettre suivante qu’il nous prie de publier en vue de mettre
en garde ses confrères d’ici contre les fausses promesses de certains
agents chargés de recruter des émigrants pour l’Amérique.
(a tenu à garder l’anonymat)
En même temps que je vous adresse ces quelques lignes, je suis disposé
à en finir avec la vie qui n’est plus tenable ici pour moi. Figurez-vous
que depuis que j’ai quitté mon pays (il y a 12 ans) je n’ai pu malgré un
travail continuel et les privations de toutes sortes, réunir la somme nécessaire
pour me rapatrier.
J’ai l’occasion de voir de temps en temps des journaux belges et je
tremble de colère en lisant certains articles qui ont trait à la question
d’immigration des Européens pour l’Amérique. Est-il possible que ces
écrivains aient de l’amour pour la classe ouvrière quand je vois arriver
encore à l’heure actuelle des centaines de malheureux victimes de ces
traîtres qui pour une pièce d’argent ne se soucient pas d’envoyer à l’aventure
au delà des mers des familles entières qui resteraient dans leur pays
malgré leur misère s’ils n’étaient conseillés par quelques gens qui leur
montrent tout le bon côté de l’Amérique et se gardent bien de leur faire
un tableau de la noire misère dont sont dotés la presque totalité de ceux
qui nous arrivent d’Europe. Si encore ces marchands d’esclaves pouvaient
nous garantir du travail aussi peu rémunérateur même qu’en Belgique, je
ne me permettrais pas de me plaindre et il y a 'longtemps que j’aurais
déserté l’Amérique pour revenir au milieu de vous, mais n’en croyez rien
car s’il advient ici qu’un travailleur sur cent réussit, la même chose
existe en Belgique et soit dit en passant, ce n’est pas toujours le plus vaillant
ni le plus intelligent qui a cette chance, que les lecteurs de votre journal
retiennent bien ce que je leur dis encore en finissant ma lettre qui est
peut-être ma dernière, restez où vous êtes car je meure du désir d’être
avec vous.