(1973) n°3 - Royal Academy for Overseas Sciences
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antipodes de la Belgique monarchique censitaire et bourgeoise ».<br />
« Ici l’homme est libre », « L’ouvrier est libre » écrivent C a b e a u x ,<br />
G u e u l e t t e et M a u f o r t . « Je mange de la viande » plusieurs<br />
fois par semaine répètent-ils au moment où la viande est absente<br />
du menu quotidien de la plupart des ouvriers hennuyers (19).<br />
b) Par contre la situation décrite par la lettre anonyme et<br />
celle d’Henri D e v a u x rendent un son totalement différent, s’en<br />
prenant aux agents d’émigration qui promettent « plus de beurre<br />
que de pain » et témoignent du désir de certains émigrants de<br />
retourner chez eux mais aussi de l’impossibilité pour eux de<br />
payer leur voyage (20).<br />
Les détails manquent sur le travail trouvé en Amérique du<br />
Nord, sur l’intégration ou non dans cette nouvelle société excepté<br />
dans la courte lettre de Gueulette qui cite « L’Union Ouvrière<br />
» très <strong>for</strong>te, affiliée semble-t-il aux « Knights of Labor » mais<br />
que les Belges ne fréquentent pas pour des raisons linguistiques<br />
ou celle de Cabeaux qui décrit la « conduite de Grenoble »<br />
faite au triste « Catrain », exclu des groupes socialistes de Charleroi<br />
(21).<br />
c) Le caractère politique de cette correspondance constitue<br />
un de ses aspects les plus frappants. Bien sûr les lettres sont<br />
publiées dans des journaux ouvriers engagés dans la lutte sociale,<br />
elles émanent d’anciens militants, mais elles présentent presque<br />
toutes cet aspect de soutien constant des émigrés en faveur des luttes<br />
menées en Belgique.<br />
Auguste N oël décrit avec émotion les cérémonies qui ont<br />
précédé le départ d’une trentaine d’ouvriers pour l’Argentine et<br />
qui, comme de nombreux autres départs, prennent l’allure entre<br />
autres de fêtes, tristes assurément, politiques. Ils quittent le pays<br />
avec un vif espoir de retour, en attendant que « la Belgique<br />
honore le travail », accompagnés par une foule de parents,<br />
d’amis, chantant « L’Amnistie », « La Marseillaise » (les deux<br />
couplets les plus chantés par les foules ouvrières à cette époque),<br />
la « Brabançonne » aussi, ce qui est plus rare, « comme adieu à<br />
la patrie ». On crie « vive la République », « vive le suffrage<br />
universel», «vive l’amnistie» en agitant les mouchoirs (22).<br />
Une fois de l’autre côté de l’Atlantique, les émigrés essaient<br />
de ne pas perdre le contact avec le pays.