(1973) n°3 - Royal Academy for Overseas Sciences

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Le deuxième facteur essentiel de différenciation résulte de la
chronologie et des modes selon lesquels s’est effectué l’impact
de l’Europe. Les littératures Xhosa et Sotho, bien qu’elles soient
nées au cours d’une période de cruelle hostilité entre blancs
et noirs, ont bénéficié d’un climat de compréhension entre indigènes
et missionnaires qui régna jusqu’à la fin du XIXe siècle.
Il en va tout autrement de la littérature produite après l’intégration
des différents territoires de l’Afrique du Sud en une Union
qui faisait partie du Commonwealth britannique, mais sur laquelle
pesa toujours plus lourdement le racisme intransigeant de la
fraction afrikander de la population blanche, en même temps
que l’industrialisation et l’urbanisation du pays entraînaient la
formation d’un prolétariat noir cruellement sous-privilégié: de là
vient que les littératures du XXe siècle, de plus en plus efficacement
contrôlées par une censure sévèrement attentive, prennent
souvent pour thème la démoralisation et l’aliénation de l’Africain
urbain sans pouvoir se livrer à une analyse critique des causes
économiques, sociales et raciales de ce phénomène. Ellles se réfugient
souvent dans l’évocation des événements glorieux du passé
pré-colonial.
Toute différente est l’inspiration de la littérature amharique.
Citoyens d’un état indépendant jusqu’en 1936, les auteurs éthiopiens
pouvaient aisément combiner patriotisme et progressisme;
ils prêchaient une modernisation et une occidentalisation qui devaient
— du moins l’espéraient-ils — consolider l’indépendance
de leur pays face aux convoitises européennes. Il est significatif
que cette littérature amharique s’éteint complètement sous l’occupation
italienne, ce qui confirme le schéma de déculturation
propre à la colonisation latine. Et il est tout aussi caractéristique
que l’effet du traumatisme colonial sur la littérature qui renaît
immédiatement après la libération en 1941, se manifeste par un
raidissement de l’esprit conservateur et même régressif: on dénonce
les effets démoralisants du matérialisme à l’occidentale et
on s’efforce de glorifier les valeurs spirituelles du christianisme
copte.
Cette mise en relief des facteurs de diversité n ’implique pas
que Four African Literatures néglige ce que ces littératures ont
en commun, entre elles et avec les autres littératures de l’Afrique
noire, quelle que soit la langue adoptée par les écrivains. On