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Benoîte Groult - Prix Françoise Giroud

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LA CopinE<br />

dE CAUSEttE<br />

livre, récit de ses parties de pêche avec Paul Guimard.<br />

Elle est fière de gagner sa vie encore aujourd’hui. Libre,<br />

combative, infatigable... À 92 ans, c’est une très vieille<br />

dame qui carbure à l’enthousiasme et se bat contre la<br />

« disparition » des personnes âgées.<br />

Vieillesse ô amie<br />

« À partir d’un certain âge, on ne vous voit plus. On ne<br />

vous tient plus la porte, on ne vous invite plus, vous<br />

n’existez plus » : plaidoyer développé dans son bouleversant<br />

ouvrage La Touche étoile. <strong>Benoîte</strong> <strong>Groult</strong> vit bien sa<br />

vieillesse, avouant tout de même que, passé 90 ans, c’est<br />

plus difficile. Elle a dû renoncer au vélo l’année dernière.<br />

Elle commence à peine à voir les signes de l’âge. « À<br />

80 ans, je me croyais encore immortelle », déclare-t-elle<br />

sans rire. Elle nous raconte aussi, avec sa drôlerie et sa<br />

franchise habituelles, comment elle lutte, à sa façon,<br />

contre l’emploi du « Mademoiselle » dans les formulaires<br />

administratifs 5 ... « Je viens de passer deux jours à l’hôpital<br />

et tous les papiers médicaux que m’a fait ce médecin c’est<br />

“Mademoiselle <strong>Benoîte</strong> <strong>Groult</strong>”, née en 1920. Je serais<br />

24 • CAUSETTE #22<br />

CommE quoi, oN N’iNVENtE RiEN...<br />

En mars 2009, alors que nous lancions<br />

tout juste Causette, nous avons reçu<br />

un bulletin d’abonnement pas tout à fait<br />

comme les autres, puisque c’était celui<br />

de <strong>Benoîte</strong>. Elle avait glissé un petit mot :<br />

« Je n’ai rien vu de tel depuis F<br />

Magazine. » Intrigue à la rédaction :<br />

aucun(e) d’entre nous n’avait eu vent<br />

de cette aventure. Notre inculture<br />

honteuse nous déposa devant la<br />

bibliothèque. Ce fut un choc, tant la<br />

démarche et la ligne éditoriale étaient<br />

proches de celles de Causette. Extraits<br />

du premier édito : « Nous avons en<br />

commun de ne pas nous reconnaître<br />

dans l’image que donnent de nous<br />

les journaux féminins » ; « Pourquoi<br />

[nous] montrer toujours sous les traits<br />

de créatures nées pour séduire,<br />

consommer ou cuisiner ? […] » ; ou<br />

encore : « Un journal qui projette enfin<br />

une image vraie des femmes. » Et c’était<br />

réussi. F a paru de 1978 à 1984, sous<br />

la direction de Claude Servan-Schreiber.<br />

une très très vieille fille ! Oh, j’étais outrée ! L’idée que c’est<br />

peut-être lui qui va m’opérer, ça me dégoûte ! » Nous, on<br />

conseille au médecin concerné de bien se tenir !<br />

Nous avons passé des heures ensemble sans voir le jour<br />

baisser. Nous avons grignoté des tartines d’anchoïades<br />

dans la cuisine, avons bu du vin. C’était difficile de la quitter,<br />

difficile d’assimiler aussi rapidement une telle leçon de<br />

vie qui se résume en peu de mots : résister aux conventions,<br />

se cultiver, aimer à tort et à travers, se répéter à<br />

chaque douleur « la vie est difficile » et ne pas penser qu’il<br />

y a un après. Et, quand nous lui demandons si parfois elle<br />

parle avec ses morts (Paul, Flora, ses parents, ses amis,<br />

Pierre...) elle nous regarde comme si on était un peu<br />

toquées : « Je crois qu’on meurt comme un animal. C’est<br />

tout. » Jouisseuse, hédoniste, terrienne, lettrée, <strong>Benoîte</strong><br />

est un très très bel animal. Pardon, une très belle animale.<br />

Johanna Luyssen / Liliane RoudièRe<br />

Photos : Christophe MeiReis<br />

Retrouvez l’intégralité de l’interview sur www.causette.fr<br />

à compter du 15 mars.<br />

<strong>Benoîte</strong> : « Au bout d’un an, il y a eu<br />

un mouvement contre le féminisme,<br />

et les shampooings se sont retirés,<br />

en disant : “De toute façon, les<br />

féministes ne se lavent pas les cheveux”.<br />

Et puis après, les cuisinières Arthur<br />

Martin ont dit : “On ne vous donne plus<br />

de publicité parce que les femmes ne<br />

font plus la cuisine”. Et petit à petit,<br />

on a été étranglées par l’absence de<br />

publicité. » Jean-Louis Servan-Schreiber,<br />

qui tenait les cordons de la bourse,<br />

a maintenu le journal en vie, mais en<br />

dévoyant sa ligne éditoriale. « Ils l’ont<br />

appelé Femme pour que ce soit plus<br />

explicite. Ils ont commencé à faire écrire<br />

BHL et tout un tas d’autres gens. Et on<br />

a perdu nos lectrices. » Merci <strong>Benoîte</strong>,<br />

on essaiera de ne pas faire faire la même<br />

erreur à Causette... Mais ce qu’il faut<br />

retenir, et c’est le plus malheureux,<br />

c’est qu’en trente ans, rien n’a bougé.<br />

Grégory Lassus-debat

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