Charles TRENET - durand-salabert-eschig
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Trenet &<br />
Flaubert<br />
ou<br />
Narbonne<br />
contre<br />
Rouen<br />
<strong>Charles</strong> <strong>TRENET</strong> :<br />
Un précieux antidote<br />
En France et dans le monde, il y a deux régions bien<br />
distinctes (et qui pourtant parfois se confondent) :<br />
celle du désenchantement et celle de la joie. Celle du<br />
désenchantement, un écrivain « réaliste » du XIX e siècle,<br />
mais qui a su voir beaucoup plus loin que son temps, l’a<br />
explorée mieux que personne avec pour tout bagage un<br />
style unique, un scalpel à disséquer les âmes, et un sens aigu<br />
de la dérision ; ce génie qui n’aimait pas la vie, du moins la<br />
vie de son époque, et qui se réfugiait dans l’imaginaire<br />
comme les personnages de ses romans, c’est Flaubert. La<br />
région de la joie, elle, une autre espèce de génie l’a fait<br />
visiter à une foule d’humains ; ce guide qui, par la magie<br />
d’un verbe vif, limpide et tendre, a changé la face de la<br />
chanson française jusqu’ici figée par l’abus de sanglots, de<br />
rires et de sirop, c’est <strong>Charles</strong> Trenet.<br />
Flaubert - Trenet, pourquoi ce rapprochement alors que tout<br />
semble séparer ces deux hommes (la fin de la préface que<br />
vous devrez donc lire « in extenso » vous en dira plus) ?<br />
Quelle différence en effet entre le ton sans illusion des<br />
« Mémoires d’un fou », œuvre autobiographique et de<br />
jeunesse de Flaubert et la jubilante tonalité du surnom<br />
également de jeunesse, d’inaltérable jeunesse (quatrevingts<br />
ans en mai 1993, mais éternel depuis longtemps) de<br />
Trenet : le Fou chantant !<br />
Quelle différence aussi entre celui qui rend compte « objectivement<br />
» de la stupidité et de la bassesse de ses congénères<br />
et celui qui s’en moque malicieusement comme dans<br />
« L’héritage Infernal », entre celui qui montre l’inévitable<br />
fiasco de ces rêveries romantiques encombrées de vain<br />
sentimentalisme et celui qui constate sans amertume :<br />
« Que reste-t-il de nos amours ? » !<br />
Si Flaubert a l’avantage (ô combien suicidaire et créatif dans<br />
son cas) de la misanthropie et du désespoir sur Trenet qui<br />
recherche la plupart du temps l’issue heureuse et va même<br />
dans « Je chante » jusqu’à rendre la mort attrayante (on est<br />
aux antipodes de l’agonie peu idéalisée d’Emma Bovary), le<br />
chanteur a, pour sa part, l’art de ne pas se plaindre de<br />
l’humanité et de proposer à qui veut bien l’entendre : rêve,<br />
humour, rythme, bref de l’énergie vitale, et ce, mieux qu’à<br />
bon marché, gracieusement. Question de tempérament…<br />
ou alors vivante preuve de la théorie des climats : Trenet est<br />
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