LES SEPT FEMMES DE LA BARBE-BLEUE ET AUTRES CONTES ...
LES SEPT FEMMES DE LA BARBE-BLEUE ET AUTRES CONTES ... LES SEPT FEMMES DE LA BARBE-BLEUE ET AUTRES CONTES ...
n’élèvent pas leurs enfants, ne dirigent pas leur ménage, ne savent rien, ne font rien, et se tuent de fatigue : elles se consument à briller, c’est un sort de chandelle ; j ignore s’il est enviable. Mais ce n’est pas la question. Peut-être qu’un jour il n’y aura plus qu’un sexe ; peut-être qu’il y en aura trois ou même davantage. Dans ce cas, la morale sexuelle en sera plus riche, plus diverse et plus abondante. En attendant, nous avons deux sexes ; il se trouve beaucoup de l’un dans l’autre, beaucoup de l’homme dans la femme et beaucoup de la femme dans l’homme. Toutefois, ils sont distincts ; ils ont chacun leur nature, leurs mœurs et leurs lois, leurs plaisirs et leurs peines. Si vous féminisez son idée du bonheur, de quel œil glace notre roi regardera-t-il désormais madame de la Poule ?… Et peut-être enfin, par son hypocondrie et par sa mollesse, en viendra-t-il à compromettre l’honneur de notre glorieuse patrie. Est-ce donc ce que vous voulez, Quatrefeuilles ? « Jetez les yeux, dans la galerie du palais royal, sur l’histoire d’Hercule en tapisserie des Gobelins, et voyez ce qui est arrivé à ce héros particulièrement malheureux en chemises, il mit, par caprice, celle d’Omphale et ne sut plus que filer la laine. C’est la destinée que votre imprudence prépare à notre illustre monarque. – Oh ! oh ! fit le premier écuyer, mettons que je n’aie rien dit et n’en parlons plus. IV JERONIMO L’ambassade d’Espagne étincelait dans la nuit. Du reflet de ses lumières elle dorait les nuées. Des guirlandes de feu, bordant les allées du parc, donnaient aux feuillages voisins la transparence et l’éclat de l’émeraude. Des feux de Bengale - 94 -
ougissaient le ciel au-dessus des grands arbres noirs. Un orchestre invisible jetait des sons voluptueux a la brise légère. La foule élégante des invités couvrait la pelouse ; les fracs s’agitaient dans I ombre ; les habits militaires brillaient de cordons et de croix ; des formes claires glissaient avec grâce sur l’herbe, traînant leurs parfums derrière elles. Quatrefeuilles, avisant deux illustres hommes d’État, le président du conseil et son prédécesseur qui causaient ensemble sous la statue de la Fortune, pensait les aborder. Mais Saint- Sylvain l’en dissuada. – Ils sont tous deux infortunés, lui dit-il ; l’un ne se console pas d’avoir perdu le pouvoir, l’autre tremble de le perdre. Et leur ambition est d’autant plus misérable qu’ils sont l’un et l’autre plus libres et plus puissants dans une condition privée que dans l’exercice du pouvoir, ou ils ne peuvent se maintenir que par une humble et déshonorante soumission aux caprices des Chambres, aux passions aveugles du peuple et aux intérêts des gens de finance. Ce qu’ils poursuivent avec tant d’ardeur, c’est leur pompeux abaissement. Ah ! Quatrefeuilles, restez avec vos piqueux, vos chevaux et vos chiens et n’aspirez pas à gouverner les hommes. Ils s’éloignèrent. A peine avaient-ils fait quelques pas que, attirés par des fusées de rite jaillies d’un bosquet, ils y entrèrent et trouvèrent sous la charmille, assis sur quatre chaises, un gros homme débraillé qui, d’une voix chaude, faisait des contes a une assemblée nombreuse, suspendue à ses lèvres de satyre antique et penchés sur son visage surhumain, qu’on eût dit barbouillé de la lie dionysiaque. C’était l’homme le plus célèbre du royaume et le seul populaire, Jeronimo. Il parlait abondamment, joyeusement, richement lançait des propos en l’air, enfilait des histoires, les unes excellentes, les autres moins bonnes, mais qui faisaient rire. Il contait qu’un jour, à Athènes, la révolution sociale s’accomplit, que les biens furent partagés et les femmes mises en commun, mais que bientôt les laides et les vieilles se - 95 -
- Page 43 and 44: Mais le jeune Sulpice, gardant un c
- Page 45 and 46: habitants de Trinqueballe, n’ayan
- Page 47 and 48: Il lui demanda la cause de cette do
- Page 49 and 50: de gigantesques couronnes, les chap
- Page 51 and 52: d’embrasser l’état monastique
- Page 53 and 54: commet tait, nuit et jour, toutes s
- Page 55 and 56: ne pas soustraire plus longtemps la
- Page 57 and 58: - N’êtes-vous pas, lui dit-il en
- Page 59 and 60: HISTOIRE DE LA DUCHESSE DE CICOGNE
- Page 61 and 62: naissance, mais illustre et redouta
- Page 63 and 64: - Monsieur Gastinel, demanda le roi
- Page 65 and 66: Tel était M. de Boulingrin, secré
- Page 67 and 68: couvrirent de caresses auxquelles i
- Page 69 and 70: eine habitaient avec la Cour la ré
- Page 71 and 72: Un instant après, ils étaient dan
- Page 73 and 74: sentant ou un état abstrait de l
- Page 75 and 76: LA CHEMISE C’était un jeune berg
- Page 77 and 78: Christophe V avait remarqué que se
- Page 79 and 80: - Je ressens, disait-il, un mal sou
- Page 81 and 82: - Ni l’estomac, Sire, ni l’inte
- Page 83 and 84: des galeries, des chambres, des mag
- Page 85 and 86: semaine ne s’était pas écoulée
- Page 87 and 88: atomique. La joie et la tristesse d
- Page 89 and 90: dormant dans un fauteuil, la bouche
- Page 91 and 92: - Il est inutile, dit Quatrefeuille
- Page 93: aussi bien qu’une chemise d’hom
- Page 97 and 98: L’ambassadeur d’un peuple orgue
- Page 99 and 100: Jeronimo ne se console pas de manqu
- Page 101 and 102: V LA BIBLIOTHÈQUE ROYALE Après le
- Page 103 and 104: Quatrefeuilles, levant les bras en
- Page 105 and 106: Chaudesaigues hocha la tête, se le
- Page 107 and 108: - Il est vrai qu’il est heureux,
- Page 109 and 110: douleurs généreuses contiennent e
- Page 111 and 112: Tandis qu’ils s’éloignaient :
- Page 113 and 114: Des terrasses, chargées de statues
- Page 115 and 116: - Je ne suis pas bottier, répondit
- Page 117 and 118: femme du maître de forges, déput
- Page 119 and 120: Saint-Sylvain observa, à la récep
- Page 121 and 122: dans son ignominie, dans son infami
- Page 123 and 124: demande si ce n’est pas l’uniqu
- Page 125 and 126: Ils rentrèrent tard au palais sans
- Page 127 and 128: Il s’approcha de ce jeune homme r
- Page 129 and 130: - Monsieur de Quatrefeuilles, on ne
- Page 131 and 132: dévotions. Ce peuple immense nagea
- Page 133 and 134: n’avaient confié à personne qu
- Page 135 and 136: Mais le président Quatrefeuilles s
- Page 137 and 138: avoue donc qu’ils n’en ont poin
- Page 139 and 140: chez nous un dimanche, messieurs :
- Page 141 and 142: mauvaise saison avec de vieux amis,
- Page 143 and 144: - Mousque, nous te procurerons tout
ougissaient le ciel au-dessus des grands arbres noirs. Un<br />
orchestre invisible jetait des sons voluptueux a la brise légère.<br />
La foule élégante des invités couvrait la pelouse ; les fracs<br />
s’agitaient dans I ombre ; les habits militaires brillaient de<br />
cordons et de croix ; des formes claires glissaient avec grâce sur<br />
l’herbe, traînant leurs parfums derrière elles.<br />
Quatrefeuilles, avisant deux illustres hommes d’État, le<br />
président du conseil et son prédécesseur qui causaient ensemble<br />
sous la statue de la Fortune, pensait les aborder. Mais Saint-<br />
Sylvain l’en dissuada.<br />
– Ils sont tous deux infortunés, lui dit-il ; l’un ne se console<br />
pas d’avoir perdu le pouvoir, l’autre tremble de le perdre. Et leur<br />
ambition est d’autant plus misérable qu’ils sont l’un et l’autre<br />
plus libres et plus puissants dans une condition privée que dans<br />
l’exercice du pouvoir, ou ils ne peuvent se maintenir que par<br />
une humble et déshonorante soumission aux caprices des<br />
Chambres, aux passions aveugles du peuple et aux intérêts des<br />
gens de finance. Ce qu’ils poursuivent avec tant d’ardeur, c’est<br />
leur pompeux abaissement. Ah ! Quatrefeuilles, restez avec vos<br />
piqueux, vos chevaux et vos chiens et n’aspirez pas à gouverner<br />
les hommes.<br />
Ils s’éloignèrent. A peine avaient-ils fait quelques pas que,<br />
attirés par des fusées de rite jaillies d’un bosquet, ils y entrèrent<br />
et trouvèrent sous la charmille, assis sur quatre chaises, un gros<br />
homme débraillé qui, d’une voix chaude, faisait des contes a une<br />
assemblée nombreuse, suspendue à ses lèvres de satyre antique<br />
et penchés sur son visage surhumain, qu’on eût dit barbouillé de<br />
la lie dionysiaque. C’était l’homme le plus célèbre du royaume et<br />
le seul populaire, Jeronimo. Il parlait abondamment,<br />
joyeusement, richement lançait des propos en l’air, enfilait des<br />
histoires, les unes excellentes, les autres moins bonnes, mais qui<br />
faisaient rire. Il contait qu’un jour, à Athènes, la révolution<br />
sociale s’accomplit, que les biens furent partagés et les femmes<br />
mises en commun, mais que bientôt les laides et les vieilles se<br />
- 95 -