LES SEPT FEMMES DE LA BARBE-BLEUE ET AUTRES CONTES ...
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LE MIRACLE DU GRAND SAINT NICOLAS Saint Nicolas, évêque de Myre en Lycie, vivait à l’époque de Constantin le Grand. Les plus anciens et les plus graves auteurs qui aient parlé de lui célèbrent ses vertus, ses travaux, ses mérites ; ils donnent de sa sainteté des preuves abondantes ; mais aucun d’eux ne rapporte le miracle du saloir. Il n’en est pas fait mention non plus dans La Légende dorée. Ce silence est considérable : pourtant on ne se résout pas volontiers à mettre en doute un fait si célèbre, attesté par la complainte universellement connue : Il était trois petits enfants qui s’en allaient glaner aux champs… Ce texte fameux dit expressément qu’un charcutier cruel mit les innocents « au saloir comme pourceaux ». C’est-à-dire, apparemment, qu’il les conserva, coupés par morceaux, dans un bain de saumure. En effet, c’est ainsi que s’opère la salaison du porc : mais on est surpris de lire ensuite que les trois petits enfants restèrent sept ans dans la saumure, tandis qu’à l’ordinaire on commence au bout de six semaines environ à retirer du baquet, avec une fourchette de bois, les morceaux de chair. Le texte est formel : ce fut sept années après le crime que, selon la complainte, le grand saint Nicolas entra dans l’auberge maudite. Il demanda à souper. L’hôte lui offrit un morceau de jambon. – Je n’en veux pas ; il n’est pas bon. – Voulez-vous un morceau de veau ? – Je n’en veux pas ; il n’est pas beau. – Du p’tit salé je veux avoir - 28 -
– Qu’y a sept ans qu’est dans le saloir. Quand le boucher entendit c’la, hors de la porte il s’enfuya. Aussitôt, par l’imposition des mains sur la saloir, l’homme de Dieu ressuscita les tendres victimes. Tel est, en substance, le récit du vieil anonyme ; il porte en lui les caractères inimitables de la candeur et de la bonne foi. Le scepticisme semble mal inspiré quand il s’attaque aux souvenirs les plus vivants de la conscience populaire. Aussi n’est-ce pas sans une vive satisfaction, que j’ai trouvé moyen de concilier l’autorité de la complainte avec le silence des anciens biographes du pontife lycien. Je suis heureux de proclamer le résultat de mes longues méditations et de mes savantes recherches. Le miracle du saloir est vrai, du moins en ce qu’il a d’essentiel ; mais ce n’est pas le bienheureux évêque de Myre qui l’a opéré ; c’est un autre saint Nicolas, car il y en a deux : l’un, comme nous l’avons dit, évêque de Myre en Lycie ; l’autre, moins ancien, évêque de Trinque balle en Vervignole. Il m’était réservé d’en faire la distinction. C’est l’évêque de Trinqueballe qui a tiré les trois petits garçons du saloir ; je l’établirai sur des documents authentiques et l’on n’aura pas à déplorer la fin d’une légende. J’ai été assez heureux pour retrouver toute l’histoire de l’évêque Nicolas et des enfants ressuscités par lui. J’en ai fait un récit qu’on lira, j’espère, avec plaisir et profit. I Nicolas, issu d’une illustre famille de Vervignole, donna dès l’enfance des marques de sainteté et fit vœu, à l’âge de quatorze ans, de se consacrer au Seigneur. Ayant embrassé l’état ecclésiastique, il fut élevé, jeune encore, par l’acclamation populaire et le vœu du chapitre, sur le siège de saint Cromadaire, apôtre de Vervignole et premier évêque de - 29 -
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– Qu’y a sept ans qu’est dans le saloir.<br />
Quand le boucher entendit c’la, hors de la porte il s’enfuya.<br />
Aussitôt, par l’imposition des mains sur la saloir, l’homme<br />
de Dieu ressuscita les tendres victimes.<br />
Tel est, en substance, le récit du vieil anonyme ; il porte en<br />
lui les caractères inimitables de la candeur et de la bonne foi. Le<br />
scepticisme semble mal inspiré quand il s’attaque aux souvenirs<br />
les plus vivants de la conscience populaire. Aussi n’est-ce pas<br />
sans une vive satisfaction, que j’ai trouvé moyen de concilier<br />
l’autorité de la complainte avec le silence des anciens<br />
biographes du pontife lycien. Je suis heureux de proclamer le<br />
résultat de mes longues méditations et de mes savantes<br />
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d’essentiel ; mais ce n’est pas le bienheureux évêque de Myre<br />
qui l’a opéré ; c’est un autre saint Nicolas, car il y en a deux :<br />
l’un, comme nous l’avons dit, évêque de Myre en Lycie ; l’autre,<br />
moins ancien, évêque de Trinque balle en Vervignole. Il m’était<br />
réservé d’en faire la distinction. C’est l’évêque de Trinqueballe<br />
qui a tiré les trois petits garçons du saloir ; je l’établirai sur des<br />
documents authentiques et l’on n’aura pas à déplorer la fin<br />
d’une légende.<br />
J’ai été assez heureux pour retrouver toute l’histoire de<br />
l’évêque Nicolas et des enfants ressuscités par lui. J’en ai fait un<br />
récit qu’on lira, j’espère, avec plaisir et profit.<br />
I<br />
Nicolas, issu d’une illustre famille de Vervignole, donna dès<br />
l’enfance des marques de sainteté et fit vœu, à l’âge de quatorze<br />
ans, de se consacrer au Seigneur. Ayant embrassé l’état<br />
ecclésiastique, il fut élevé, jeune encore, par l’acclamation<br />
populaire et le vœu du chapitre, sur le siège de saint<br />
Cromadaire, apôtre de Vervignole et premier évêque de<br />
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