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des arrangements syntaxiques inhabituels. Car, comme l’écrit Makhily Gas-
sama, ’Pour nous, la langue française n’est rien de moins qu’une langue
d’emprunt. C’est à elle de se soumettre aux exigences du génie négro-africain’.
Toute l’histoire langagière des üttératures étaie cette affirmation» [9],
Albert Gérard s’est aussi révélé un expert en lettres anglo-saxonnes :
plusieurs de ses études — écrites directement en anglais — sur les romantiques
anglais ont enthousiasmé des critiques d’Outre-Manche et d’Outre-Atlantique.
En 1969, dans Les Tambours du Néant : Essai sur le problème existentiel
dans le roman américain, il donne une brillante synthèse de l’âme américaine
chez quelques romanciers — de Henry James à James Baldwin. Il y insiste
sur la tension de l’antagonisme entre l’idéal et la réalité, entre l’optimisme
et le pessimisme, entre l’innocence innée et le spectacle du mal. «Variété des
nuances que revêt cette confrontation de l’aspiration vers l’absolu avec le sens
de l’échec fatal, engendré par le fonds puritain, de la capacité extraordinaire
d ’émerveillement, avec la fascination devant le mal, du sens de la solitude
avec celui de la vie communautaire, du désir d’embellir, d’éduquer avec le
refus de vieillir, de quitter l’état d’irresponsabilité émotionnelle de l’adolescence.
Tension qui aboutit souvent à une taraudante culpabilité, et qui me paraît
d’ailleurs une clé au phénomène de la violence qui est une des constantes
de la vie américaine» [10]. Rien d’étonnant à ce que cet ouvrage magistral
ait obtenu en septembre 1970 le Prix Emmanuel Vossaert décerné par
l’Académie Royale de Langue et de Littérature Françaises.
Albert Gérard avait été élu à l’Académie Royale des Sciences d’Outre-Mer
membre associé en 1968, membre titulaire en 1981 et membre titulaire
honoraire en 1985. Il était encore membre de l’Association des professeurs
de langues vivantes, de ^International Association of University Professors
of English», de la «Modem Language Association of America», de l’Association
internationale de littérature comparée, de l’«African Studies Association of
America» et représentant de la Belgique au Conseil permanent du Congrès
des Africanistes. Son rayonnement intellectuel était considérable. Il avait
participé activement à plus de soixante congrès et colloques scientifiques dans
le monde entier. Son œuvre comprend une quinzaine de livres et brochures
et environ deux cents articles.
Albert Gérard est décédé le 28 novembre 1996. Nous perdons avec lui un
Confrère affable, disert, séduisant, parfois ironique et toujours disponible.
Nous nous devons encore de souligner sa profonde érudition, sa grande probité
intellectuelle, son esprit critique, sa perspicacité, son sens de la mesure, et
son courage scientifique. Toute notre Compagnie adhère aux regrets de ses
proches en ce moment voué aux souvenirs.
Pierre S a l m o n