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permet d’aboutir à quelques-uns des principes du développement littéraire dans
un continent largement dépourvu d’écriture avant le siècle dernier, part de
ces faits littéraires similaires qui se produisent aux mêmes époques dans des
pays différents, même lorsqu’il est exclu l’hypothèse d’une influence quelconque
(...). La validité du projet scientifique se fonde justement sur l’étude de ces
phénomènes de mutation littéraire que l’Afrique permet d’observer : le passage
de l’oral à l’écrit, la naissance du roman et du théâtre (stage drama). La création
d ’une tradition et la place des innovateurs, les thèmes de l’acculturation, les
adaptations et les traductions d’autres textes de la littérature universelle sont
des phénomènes qui se produisent dans beaucoup de langues et de cultures
africaines autour des années cinquante, et Albert Gérard aura le souci d’être
présent. 11 mettra ainsi au point des techniques de recueil de l’information
appuyées sur une érudition bibliographique incomparable et servies par un
zèle pointilleux d’épistolier» [7].
Les principes établis par Albert Gérard vont lui permettre de diriger et
de présenter un ouvrage d’ensemble sur les littératures en langues africaines :
European Language Writing in Sub-Saharan Africa dont les deux volumes
sont publiés en 1986 à Budapest sous les auspices de l’Association internationale
de littérature comparée. «Le rôle de l’Islam, l’histoire des systèmes coloniaux,
la place des missionnaires permettent d’exposer très clairement le statut et
les fonctions de la littérature en Afrique. Albert Gérard nous donne des faits,
des dates, des titres d’oeuvres. Là où il le peut, il commente grâce à des
traductions et des critiques. Cet effort de périodisation est d’une grande utilité,
encore une fois du fait de son orientation essentiellement comparative» [8].
Albert Gérard a ouvert des voies nouvelles dans lesquelles s’engage une
nouvelle génération d ’universitaires africains formée aux techniques multilingues
et aux méthodes de l’histoire littéraire générale. Il est parvenu à incorporer
l’histoire des littératures en langues africaines à l’histoire de la littérature
universelle. Dans son étude intitulée Francophonie africaine, latinité gauloise :
destins parallèles, il estime que «la situation du français en Afrique, comme
d ’ailleurs celle des autres langues européennes, est remarquablement analogue
à celle du latin en Gaule : langue étrangère, apprise, langue véhiculaire d’une
élite encore minuscule, langue bureaucratique de l’administration». Selon
Albert Gérard, un processus de syncrétisme s’ébauche par l’implantation des
parlers locaux africains dans le français écrit. Pour le comparatiste liégeois,
les aspects linguistiques de la production esthétique priment. «La langue
française, écrit-il, si elle veut trouver sa place dans l’Afrique profonde, devra
se débarrasser de son amidon officiel, de son purisme rigide, de son
conservatisme inflexible. Elle devra se soumettre à des habitudes articulatoires
étrangères, dont aujourd’hui les chansonniers les plus minables des bords de
la Seine se gaussent à l’envi ; elle devra adopter des vocables exotiques
désignant des concepts étrangers à la pensée occidentale ; elle devra souhaiter
que les mots de la tribu métropolitaine s’accommodent d ’être disposés suivant