La polygynie sororale et le sororat dans la Chine ... - Chine ancienne

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20.09.2013 Views

La polygynie sororale J’obtins à quelque temps de là une information analogue. Ce fut en revenant d’entendre, dans l’église de Pékin, la messe de Noël : j’avais tâché, non sans peine, d’expliquer ce qu’était la transsubstantiation à un Chinois fort instruit et d’esprit curieux ; il voulut me remercier de ma bonne volonté à lui découvrir l’un des rites les plus mystérieux de ma nation ; par courtoisie, sachant que je m’occupais de la famille chinoise, il m’en parla ; peut-être craignait-il que je ne jugeasse avec défaveur les usages de son pays, comme tant d’étrangers qui ont tout dit lorsqu’ils ont reproché aux Chinois d’avoir des concubines et de mépriser les femmes : « Ne croyez pas, me dit-il à peu près, que nos mœurs soient si différentes des vôtres. Chez nous, comme chez vous, quand un jeune homme demande une fille à son père, celui-ci prend des informations et des garanties pour que son enfant soit heureuse. Quand la famille de la jeune fille est considérable et qu’elle est en état de faire sentir le prix de son alliance, il n’est pas rare que l’on exige du prétendant qu’il s’engage à ne point prendre de concubines durant la vie de sa femme ou encore, si elle meurt, à se remarier avec sa sœur. » Ainsi, m’affirmait-on, un père pense protéger sa fille en circonscrivant par avance à sa propre famille l’avenir matrimonial de son gendre. À quoi pouvait tenir cette faveur marquée pour les mariages des veufs et de leurs belles-sœurs ? Je tâchai de me rendre compte. Il me fut facile de me convaincre, sur de nombreux exemples, que l’union en secondes noces d’un veuf et de la sœur de sa femme défunte était d’un usage général et généralement bien vu. Qui plus est, certaines règles juridiques m’amenèrent à le considérer comme étant quasiment obligatoire. 6

La polygynie sororale Les lois chinoises modernes, qui sont d’une sévérité minutieuse en matière d’inceste, n’interdisent point un tel mariage : ce n’est pas, comme on pourrait le croire d’après ce que l’on sait de l’organisation agnatique de la parenté chinoise, parce que l’union matrimoniale n’établit point de liens entre le mari et les proches de sa femme. Bien que, d’après le deuil porté, qui est le signe de la proximité familiale, celle-ci paraisse médiocre entre le mari et la belle-mère, la loi des Ts’ing leur interdit le mariage et punit leur inceste de la peine de strangulation immédiate (1). De même l’union incestueuse avec la veuve d’un oncle maternel est punie par un exil d’un an (2). Au contraire, on peut valablement épouser une cousine germaine, fille d’oncle paternel ou maternel de sa femme, ou fille de tante paternelle ou maternelle de sa femme : et le mariage avec la sœur de celle-ci loin d’être défendu ou de passer pour inconvenant « a été de tous temps en usage et l’est encore parmi les princes et les grands » (3). Il est curieux que la loi se relâche de sa sévérité pour une telle union, et que celle-ci soit d’un usage constant : il est plus curieux encore de constater que cet usage est en relation avec une coutume qui surprend un juriste tel que le père Hoang (4). « Bien qu’il n’y ait aucune honte, dit-il, pour une femme à épouser le mari de sa sœur, il serait mal vu, dans la bonne société, qu’elle allât en visite chez le mari de sa sœur. C’est ce qu’exprime le proverbe : La cadette ne franchit pas la porte du mari de la sœur aînée. » Cette coutume est significative, mais autrement que le père Hoang ne le pense : si la sœur cadette évite tout contact avec le mari de l’aînée, c’est qu’elle doit le considérer comme un fiancé éventuel. On connaît cette règle de la pudeur chinoise : — dès qu’une jeune fille est en passe d’être mariée, elle est obligée de fuir, non pas seulement son prétendu 7

<strong>La</strong> <strong>polygynie</strong> <strong>sorora<strong>le</strong></strong><br />

J’obtins à quelque temps de là une information analogue. Ce fut<br />

en revenant d’entendre, <strong>dans</strong> l’église de Pékin, <strong>la</strong> messe de Noël :<br />

j’avais tâché, non sans peine, d’expliquer ce qu’était <strong>la</strong><br />

transsubstantiation à un Chinois fort instruit <strong>et</strong> d’esprit curieux ; il<br />

voulut me remercier de ma bonne volonté à lui découvrir l’un des<br />

rites <strong>le</strong>s plus mystérieux de ma nation ; par courtoisie, sachant que<br />

je m’occupais de <strong>la</strong> famil<strong>le</strong> chinoise, il m’en par<strong>la</strong> ; peut-être<br />

craignait-il que je ne jugeasse avec défaveur <strong>le</strong>s usages de son<br />

pays, comme tant d’étrangers qui ont tout dit lorsqu’ils ont reproché<br />

aux Chinois d’avoir des concubines <strong>et</strong> de mépriser <strong>le</strong>s femmes :<br />

« Ne croyez pas, me dit-il à peu près, que nos mœurs soient si<br />

différentes des vôtres. Chez nous, comme chez vous, quand un<br />

jeune homme demande une fil<strong>le</strong> à son père, celui-ci prend des<br />

informations <strong>et</strong> des garanties pour que son enfant soit heureuse.<br />

Quand <strong>la</strong> famil<strong>le</strong> de <strong>la</strong> jeune fil<strong>le</strong> est considérab<strong>le</strong> <strong>et</strong> qu’el<strong>le</strong> est en<br />

état de faire sentir <strong>le</strong> prix de son alliance, il n’est pas rare que l’on<br />

exige du prétendant qu’il s’engage à ne point prendre de concubines<br />

durant <strong>la</strong> vie de sa femme ou encore, si el<strong>le</strong> meurt, à se remarier<br />

avec sa sœur. » Ainsi, m’affirmait-on, un père pense protéger sa<br />

fil<strong>le</strong> en circonscrivant par avance à sa propre famil<strong>le</strong> l’avenir<br />

matrimonial de son gendre. À quoi pouvait tenir c<strong>et</strong>te faveur<br />

marquée pour <strong>le</strong>s mariages des veufs <strong>et</strong> de <strong>le</strong>urs bel<strong>le</strong>s-sœurs ? Je<br />

tâchai de me rendre compte.<br />

Il me fut faci<strong>le</strong> de me convaincre, sur de nombreux exemp<strong>le</strong>s,<br />

que l’union en secondes noces d’un veuf <strong>et</strong> de <strong>la</strong> sœur de sa femme<br />

défunte était d’un usage général <strong>et</strong> généra<strong>le</strong>ment bien vu. Qui plus<br />

est, certaines règ<strong>le</strong>s juridiques m’amenèrent à <strong>le</strong> considérer comme<br />

étant quasiment obligatoire.<br />

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