(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences
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Il était une fois un pays comme les autres. Il connaissait des guerres et des révoltes,<br />
la faim et la prospérité. Il luttait contre les envahisseurs et envahissait lui aussi ses<br />
voisins. Un jour, un autre pays, la France de Napoléon III et de la IIIe République, à<br />
la recherche d ’un empire pour ses missionnaires, ses militaires et ses marchands, jeta<br />
son dévolu sur le Vietnam. À coup de répression et de têtes coupées, de travail <strong>for</strong>cé<br />
et de famines, l’Indochine française devint le plus beau fleuron de «notre» empire. Elle<br />
remplit les églises d ’âmes nouvelles, les coffres des banques de nouveaux profits et orna<br />
les épaulettes des officiers de nouveaux galons.<br />
L ’épopée coloniale, cette imagerie d’Épinal avec ses uni<strong>for</strong>mes chamarrés et ses<br />
coolies à demi-nus, ses mandarins privés de pouvoir et ses colons cravatés crevant de<br />
suffisance, était née avec, en contrepoint, une génération de jeunes Vietnamiens <strong>for</strong>més<br />
à la française, qui se voyaient refuser chez eux tout poste de responsabilité. Cette «geste»<br />
s’effondra avec l'humiliation de la collaboration et de l’occupation japonaise.<br />
Toutefois, comme le souligne Pierre Messmer dans la préface, la commission de<br />
l’Académie «s’est refusée à entrer dans une polémique», ce qui n’était ni sa fonction,<br />
ni sa vocation. Elle a rédigé un «livre blanc» à l’intention de tous ceux qui veulent<br />
connaître la vérité et combattre toute tentative de falsification de l’histoire, d’où le<br />
titre Indochine. Alerte à l’histoire.<br />
Il s’agit d’un ouvrage collectif où on décèlera parfois des répétitions, des<br />
déséquilibres dans les dosages et des interprétations différentes des mêmes événements.<br />
Les auteurs n’ont pas cherché à oblitérer des fautes, voire des crimes, de la<br />
colonisation française en Indochine, mais, afin de rétablir l’équilibre de la réalité<br />
historique, ils ont aussi souligné les aspects positifs de la rencontre entre les peuples<br />
français et indochinois. Il en est résulté la somme de travaux documentaires et de<br />
témoignages rassemblés dans le présent volume.<br />
Après une introduction explicative rédigée par Hélène Bastid, René Charbonneau,<br />
Robert Comevin et Gustave Meillon, on trouve un bref survol de l’histoire des pays<br />
d’Indochine et un aperçu sur la colonisation de l’Indochine rédigés par André<br />
Teulières. Celui-ci souligne l’œuvre éducative et culturelle de la France, la modernisation<br />
économique de l’Indochine fondée sur une structure nouvelle d’esprit<br />
occidental, la création de l’assistance médicale et les ré<strong>for</strong>mes sociales. René<br />
Charbonneau présente ensuite «la paix française» comme l’apport essentiel de la<br />
colonisation. Alfred Silbert s’applique à rappeler brièvement ce que fut l’évolution<br />
de l’encadrement politique et administratif mis en place par la France. René<br />
Charbonneau, sous le titre «Le temps des méprises, mais non du mépris», admet les<br />
erreurs et les abus en les expliquant sans complaisance par le contexte du moment.<br />
Charles Henri Bonfils rappelle le processus de «décolonisation vis-à-vis de la<br />
Chine» qui a permis aux Vietnamiens d’exercer leur emprise d’abord à l’intérieur de<br />
leurs frontières, sur les minorités ethniques, ensuite sur le Laos et le Cambodge.<br />
Ernest Rétif souligne cependant l’emprise de la diaspora chinoise au Vietnam<br />
comme dans tout le Sud-Est asiatique, ce qui permet de mieux saisir l’opportunité<br />
d’Albert Maurice sur les minorités ethniques sacrifiées.