(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences
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et sud. D’autre part, et c’était un bien, cette population n’avait été que modérément<br />
attirée vers les villes, ces communautés qui, par définition même, ne peuvent pas se<br />
nourrir elles-mêmes.<br />
Un effet de l’aide d’urgence qui promet de durer, c’est l’explosion urbaine.<br />
Contrairement aux anciennes colonies, le Soudan n’avait guère eu à s’en soucier<br />
avant l’instauration par Nimeiri d’une politique de développement à l’occidentale,<br />
mais vers 1982, on estimait déjà à plus de deux millions d’âmes la population de<br />
Khartoum-Omdurman, à trois-quarts de million celle de quatre villes qui en<br />
dépendaient directement, et à 150 000 chaque, celle de deux villes isolées, Juba,<br />
dans le sud, et El-Fasher, au Darfour. Seule cette dernière région participe de la<br />
tradition urbaine caractéristique des royaumes du «Sahel» (le «Soudan» des géographes<br />
d’antan). Dans les autres, et surtout dans un invraisemblable «bidonville» situé<br />
au sud de Khartoum, la solidarité islamique commence à craquer devant les faux<br />
espoirs créés par la centralisation des activités de type occidental, à commencer par<br />
l’aide organisée.<br />
Toute cette population doit être nourrie et les Soudanais, à ce point de vue comme<br />
en d’autres, ont fait preuve d’une remarquable obstination à ne pas suivre les conseils<br />
qui leur ont été prodigués. Le Condominium, tout en se défendant d’ètre un pouvoir<br />
colonial, pratiquait la politique classique de promotion des cultures d’exportation et,<br />
depuis 1925, le projet de la Gézira n’a pas cessé d’être cité à titre d’exemple par les<br />
apôtres du développement. En 1979, cependant, il a fallu la poigne du maréchal-<br />
président pour appliquer les directives du Fonds monétaire international en y<br />
obligeant les fermiers à planter moins de vivres et plus de coton. À la veille de la<br />
«famine», la FAO elle-même enregistrait un accroissement annuel parallèle de quatre<br />
pour cent de la production agricole pour trois de la population, de même pour<br />
l’élevage.<br />
Une prise de conscience s’impose de toute évidence. On peut l’espèrer de la part<br />
du gouvernement civil installé le 24 avril <strong>1986</strong>, par un arrière-petit-fils du prophète,<br />
Tsadik El-Mahdi. Le parti de ce dernier, l’«Umma», soutenu par la confrérie<br />
Ansariyya et populaire surtout dans l’ouest de la république, y est uni à l’«Union<br />
démocratique» soutenue par la Khatmiyya qui prévaut dans l’est du pays, et par les<br />
députés de l’Équatoria, la seule région du sud où la rébellion n’a pas interdit les<br />
élections. Âgé de septante-cinq ans, gradué d’Ox<strong>for</strong>d, ayant rejeté par deux fois les<br />
avances de Nimeiri, Tsadik El-Mahdi a rejeté aussi celles du Front islamique, malgré<br />
la majorité que celui-ci s’est assurée à Khartoum et les sympathies dont il jouit<br />
inévitablement dans une famille d’un tel prestige religieux. Son problème le plus<br />
évident reste la rébellion du sud. Rien ne permet d’en espérer la fin prochaine,<br />
quoique personne ne prenne au sérieux sa prétention nouvelle d’obtenir, non une<br />
sécession, mais la socialisation sous son égide du pays entier.<br />
Mais il y a aussi l’économie devenue d’autant plus fragile que les <strong>for</strong>ces extérieures<br />
susceptibles d’aider à la rétablir s’opposent entre elles. Rien n’est réglé avec le Fonds<br />
monétaire international et les États-Unis se font tirer l’oreille à raison des liens<br />
renoués avec la Libye qui, elle, se montre à la fois généreuse et efficace. Or,