(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

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À l’hostilité de Béti fait écho le pessimisme d’autres romanciers. En 1965,
Olympe B h ê ly - Q u ê n u m avait déjà développé dans Le Chant du Lac [11] le thème
de la mort des dieux, qui entrâne un bouleversement des croyances et postule une
mutation de l’identité. Mais le cas le plus significatif est celui d’Ahmadou Kou-
ROUMA : dans Les Soleils des Indépendances (1970) [21], il semble illustrer l’assertion
de Cheikh Anta Diop selon laquelle «un peuple sans conscience historique
est une population» [2]. Kourouma dénonce l’Africain d’aujourd’hui, qui renie ses
origines et ses traditions. Il développe abondamment le thème de «la bâtardise», de
la rupture d’avec l’identité culturelle. Il est significatif que le héros du roman, au fur
et à mesure qu’il s’éloigne de la capitale, de la modernité, pour retourner à l’ancien
foyer de la civilisation malinké, tournant sa pensée vers le passé et la tradition,
confère aux choses une plus grande épaisseur. L’œuvre se place sous le signe de la
rupture d’une certaine continuité historique et culturelle. Il y a rupture ou désaccord,
entre l’état moderne et l’identité. L’état né de l’indépendance n’est pas malinké, il
n’est pas gouverné selon les traditions malinké. C ’est une mosaïque de peuples, de
cultures. Il se réfère à une multiplicité d’identités qui ne sont pas forcément
conciliables. Le rejet de l’ordre traditionnel, l’éclatement de ses structures ont
engendré un nouveau type de rapports entre les hommes et les dieux, entre l’homme
et la nature et parmi les hommes. Aux rapports anciens a été substitué un pragmatisme
qui se détourne de l’identité et prétend en faire naître une nouvelle qui serait
contenue par les frontières de l’état. Cette tentative explique l’effondrement du
système traditionnel ou sa déliquescence ; elle donne libre cours à l’individualisme,
à l’égoïsme, à la volonté de puissance et à l’arbitraire. La perte de l’identité dans Les
Soleils des Indépendances est le signe avant-coureur de la mort de la tradition et de
la dérive de l’Afrique.
Ce pessimisme n’est pas partagé par d’autres romanciers qui développent le thème
du renouveau. Un premier groupe ne s’appuie guère sur le thème de l’identité, qui,
s’il n’est pas ignoré, est relégué au second plan. Ousmane Sembène dans Ô Pays Mon
Beau Peuple (1957) [29] proposait l’exemple d’une tentative de renouveau économique
et social ; il n’envisageait pas l’éclatement des structures sociales ; l’identité
culturelle de ses protagonistes était sauvegardée même si elle ne constituait en rien
une préoccupation prioritaire. Dans Afrika Ba 'a ( 1969 ) [ 26 ] Remy M édou M vomo,
devant le marasme économique et les désordres sociaux, donne l’exemple d’un
retour à des sources redynamisées par des idées novatrices et salvatrices. Sa nouvelle
communauté se crée par delà les clivages ethniques. L’identité telle qu’elle était
comprise jusque-là ne joue plus de rôle déterminant. L’identité nouvelle n’est
cependant pas la somme des identités constituant le groupe. Elle se résume à un
ensemble d’aspirations, de postulations. Il s’agit d’une nouvelle forme de socialisme
qui se tourne vers l’avenir bien plus qu’il ne se préoccupe d’enracinement dans un
contexte suranné.
Seydou Ba d ia n , dans Le Sang des Masques (1976) [5], préconise le renouveau
par un regain de spiritualité, par le retour aux racines de l’identité traditionnelle. Il
explique les désordres sociaux, les problèmes du moment par l’éloignement des