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(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

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En 1974, Perpétue ou l’Habitude du malheur[9] permet d’appréhender la<br />

continuité de la pensée de Béti qui devait bientôt revenir sur la question pour affirmer<br />

que<br />

... les Africains se meuvent dans une réalité très riche où la tradition n’est qu’une donnée<br />

parmi bien d’autres. Comme tous les autres peuples, ils entretiennent avec leurs<br />

traditions des rapports qui changent en fonction des exigences d ’adaptation sans cesse<br />

renouvelées, tantôt faisant bon ménage, tantôt entrant en conflit avec elles [10].<br />

*<br />

* *<br />

C ’est donc avec Mongo Béti que s’ouvre l’ère de la mise en question de l’identité<br />

culturelle. En fait, l’éclatement de l’identité reste inséparable du procès de la<br />

négritude. Toutes deux sont contestées dans un même débat. Car au lendemain de<br />

l’indépendance africaine, le silence n’est plus de mise et les interrogations se<br />

multiplient sur la validité conceptuelle et politique de la négritude. À déceler les<br />

insuffisances de la théorie, on prend la mesure de l’écart qui sépare les professions<br />

de foi des leaders et leur pratique.<br />

En Afrique même, les dictatures se succèdent et le néo-colonialisme gagne du<br />

terrain. La négritude, comme la tradition, inspire de plus en plus de méfiance. On<br />

y voit le moyen d’endormir le peuple, de le détourner de l’action, de la conquête de<br />

sa véritable indépendance, qui ne peut être que politique et économique. Il y a<br />

comme un désenchantement que légitime l’apparent échec d’une indépendance qui<br />

n’a pas tenu ses promesses. On se retourne contre ce qui avait été adulé. Autant le<br />

combat politique contre la colonisation se fondait sur la réference à l’identité<br />

culturelle africaine qu’il fallait défendre, illustrer, exalter, autant, aujourd’hui, celle-ci<br />

est bannie du combat. On comprend que les romanciers, en écho à cette situation,<br />

aient largement ouvert leurs oeuvres au procès de la négritude, de l’identité, des<br />

traditions. Les attitudes vont de l’hostilité au pessimisme, ou à la perspective d’un<br />

renouveau fondé sur une autre approche des traditions et de l’identité.<br />

Il faut retourner à Béti qui, revenant à la littérature, reprend et développe des<br />

thèmes qui étaient en germe dans son œuvre anticolonialiste. Perpétue ( 1974) dit en<br />

clair ce qui se lisait en filigrane dans les œuvres antérieures, où les traditions sont<br />

fréquemment présentées sous un jour défavorable. Elles apparaissent maintenant<br />

comme une arme - certes d’un autre âge, mais terriblement efficace — entre les<br />

mains de la mère de Perpétue et du sorcier mis à contribution. Les traditions, jusque<br />

là décrites comme le ciment de l’identité, sont pour la plupart présentées comme des<br />

éléments rétrogrades qui favorisent l’oppression si elles n’engendrent pas la régression<br />

culturelle. En vérité, le nouveau B éti qui se présente comme un adversaire<br />

résolu des théoriciens de la négritude déplace le problème. Il s’inquiète moins de<br />

l’identité culturelle que de rapports politiques. La question de l’identité occupe si<br />

peu de place dans ses demièrees œuvres que l’on peut en conclure qu’il situe<br />

l’essentiel ailleurs.

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