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(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

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son peuple sans donner la moindre coloration politique à son propos. On sait la<br />

querelle que lui firent à cette occasion certains des jeunes écrivains dont l’avènement<br />

vient d’être évoqué. Camara Laye n’avait pas eu d’autre ambition que de recréer<br />

l’univers de son enfance, son «royaume d’enfance». La nostalgie que lui inspire cette<br />

évocation se confond avec celle qui habite l’Africain qui évoque ses origines<br />

culturelles. Il s’agit d’un monde en pleine mue et menacé de disparaître à jamais. On<br />

reprocha à Laye de n’avoir pas donné au thème de l’identité culturelle toute son<br />

ampleur, de ne l’avoir pas placé sous l’éclairage des préoccupations idéologiques et<br />

politiques de l’heure, d’avoir gardé le silence devant «les iniquités coloniales».<br />

Senghor (1964) prit magnifiquement sa défense [30]. Il montra que la revendication<br />

culturelle ne peut pas manquer d’avoir une dimension politique, que Laye, pour<br />

n’avoir ni invectivé ni fait le procès du colon, n’en a pas moins ébranlé l’assise de<br />

son idéologie dominatrice. Il est singulier que, dans le contexte de l’anticolonialisme<br />

inspiré par l’idéologie de la négritude et par l’africanisme, Camara Laye ait centré<br />

son roman autour du thème de l’identité culturelle et que plus tard, voulant dénoncer<br />

dans Dramouss (1966) [23] le tyran qui conduisait son pays à la ruine, il n’ait pas<br />

développé le même thème. À combat diffèrent, stratégie différente.<br />

Il est vrai qu’Abdoulaye Sadji avait déjà adopté la même attitude. Son œuvre<br />

proclame son attachement à la culture traditionnelle mais sans implication politique.<br />

Il la développe sur un plan social. Dans son œuvre romanesque, il s’agit toujours de<br />

personnages séduits par le modernisme ou habités par la volonté de se libérer de<br />

l’emprise des traditions : ils font l’objet de sanctions pénibles, sanglantes voire<br />

mortelles, juste rétribution de leur apostasie. Dans son rôle de défenseur des<br />

traditions, Sadji excelle à décrire la nouvelle société avec ses nouveaux riches<br />

ostentatoires et sa nouvelle «élite» dépourvue de racines culturelles ou historiques<br />

profondes. Comme Camara Laye, il situe la description de l’identité culturelle au<br />

cœur de son œuvre. Mais alors que Laye se borne à la décrire dans un esprit<br />

nostalgique, Sadji la défend avec ardeur.<br />

C ’est cependant avec les romanciers camerounais que la défense de l’identité<br />

culturelle prend une allure nettement militante. Si l’on parle de temps <strong>for</strong>t de l’école<br />

de la négritude, c’est pour une large part parce que, à partir de cette époque, la<br />

revendication d’une identité culturelle valable se trouve développée par les plus<br />

doués des poètes et des romanciers.<br />

Ferdinand Oyono, tout à son jeu de massacre, ne le perd pas de vue. En fait,<br />

l’analyse attentive de son œuvre fait ressortir la place centrale de ce thème. Douglas<br />

A le x a n d e r explique lumineusement [ 1 ] la fin sanglante de Toundi, le héros-victime<br />

de Une Vie de Boy( 1954) [27], en se référant à sa non-initiation, à son éloignement<br />

des réalités culturelles de son ethnie. Privé de son identité culturelle, Toundi fait une<br />

lecture erronée des choses dans le monde des colons où il évolue. Les mêmes causes<br />

entraînant les mêmes effets, les déboires de Meka dans le Vieux Nègre et la Médaille<br />

(1956) [28] sont imputables à sa volonté de se con<strong>for</strong>mer à l’image de lui-même<br />

que les colons lui imposent. Par excès de complaisance, il veut s’éloigner des siens,<br />

se rapprocher de ses maîtres; non pas se couper de son identité culturelle mais la

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