20.09.2013 Views

(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

SHOW MORE
SHOW LESS

Create successful ePaper yourself

Turn your PDF publications into a flip-book with our unique Google optimized e-Paper software.

- 129 —<br />

et traditions de son peuple un regard critique. Adhérant pleinement à l’idéologie de<br />

l’Eurafrique, qui postule l’émergence d’un ensemble franco-africain, il professe la<br />

nécessité de procéder à un tri des valeurs culturelles africaines pour ne retenir que<br />

celles qu’il juge fécondantes, susceptibles de contribuer à la <strong>for</strong>mation d’un monde<br />

nouveau. Socé, en fait, s’attache plus aux implications de la modernisation qu’au<br />

débat autour de l’identité.<br />

Il en va différemment de Paul H a zo u m é, auteur de Doguicimi (1938) [ 19], qui<br />

a l’avantage d’être un ethnologue de <strong>for</strong>mation et aussi d’avoir été plus impliqué dans<br />

le mouvement africaniste. Ici, l’intention d’affirmation, de revalorisation de l’identité<br />

culturelle est plus nette, plus systématique. Hazoumé la décrit dans toutes les<br />

manifestations de la vie culturelle, religieuse, sociale... Là où Ousmane Socé est<br />

préoccupé par l’urgence de l’intégration de l’Afrique dans un ensemble moderne et<br />

dynamique, H a zoum é s’emploie à réparer une injustice, à laver l’Afrique de l’accusation<br />

de barbarie, à démontrer qu’elle n’est pas un néant culturel. Il explique, il décrit,<br />

il justifie. Il fonde la spécificité culturelle sur l’antiquité de la race et de ses croyances.<br />

S’il ne nie pas la nécessité d’une évolution, il trouve plus urgente la dénonciation des<br />

thèses assimilationnistes. C ’est ainsi qu’il s’emploie à faire ressortir l’extrême<br />

profondeur, la grande richesse et la diversité de la culture ancestrale. L ’identité<br />

permet de rendre compte de la nature des pouvoirs politiques, des rapports sociaux,<br />

des croyances. En la décrivant, il inflige un démenti à ceux qui ne voyaient en<br />

Afrique que barbarie ou exotisme primaire.<br />

Ni Ousmane Socé, ni Paul Hazoumé ne sont des théoriciens. Ils se bornent à<br />

donner un prolongement littéraire à un débat très riche qui se déroule autour d’eux.<br />

Si l’on tient compte du rapport qui les lie à leurs parrains négrophiles acquis à la<br />

colonisation, on comprend qu’ils aient fonctionné comme des écrivains de transition<br />

entre ceux de la période de l’identité implicite ou occultée et ceux de l’identité<br />

revendiquée parce qu’ils auront saisi le message africaniste dans toute son ampleur.<br />

*<br />

* *<br />

Ces derniers, au lendemain de la guerre, sont servis par les circonstances. L’école<br />

de la négritude s’exprime avec netteté. Elle évolue d’une phase où le débat culturel<br />

était prioritaire à une autre où le culturel est mis au service du politique et où la<br />

science africaniste trouve un écho plus grand auprès des intellectuels français : elle<br />

insère son action dans une perspective militante. Le thème de l’identité culturelle ne<br />

se confine plus dans une certaine <strong>for</strong>me de romantisme passéiste. Il sous-tend une<br />

contestation. L’identité culturelle est conçue comme une arme dans la lutte contre<br />

l’asservissement et contre l’assimilation mentale des Africains. Cette idée lancée<br />

avant la guerre par les poètes, ne triomphe chez les romanciers que pendant les<br />

années 50. Il faut voir dans cette mutation l’effet de l’émergence de jeunes écrivains<br />

militants et l’influence des thèses existentialistes sur l’engagement.<br />

Camara L a y e , dont L ’Enfant Noir (1953) [22] a, sans conteste, été le plus grand<br />

succès romanesque de l’époque, s’attache encore à préciser l’identité culturelle de

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!