20.09.2013 Views

(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

(1986) n°2 - Royal Academy for Overseas Sciences

SHOW MORE
SHOW LESS

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

YUMPU automatically turns print PDFs into web optimized ePapers that Google loves.

- 128 -<br />

en termes adéquats. Il affirme l’unicitè de la nature humaine et récuse la distinction<br />

entre «êtres civilisés et sauvages». Il s’évertue à montrer que les prétendus sauvages<br />

sont capables de passions, de dévouement, que l’amour, la religion, les plaisirs de<br />

l’esprit ne leur sont pas inconnus. Il ne revendique aucune identité culturelle : il<br />

essaie d’obtenir pour l’Afrique un statut de culture universelle. Il faut admettre qu’il<br />

ne saisit pas en toute lucidité la finalité de son action, qu’il définit les termes de sa<br />

quête sans s’être au préalable libéré de l’idéologie du moment. Néanmoins, il ressent<br />

comme un besoin profond de récuser l’habitude de procéder comme si l’Afrique était<br />

dépourvue de culture. Malheureusement, Couchoro a tout contre lui : l’heure est au<br />

colonialisme triomphant, sûr de lui-même, dominateur. Les élites africaines n’ont<br />

pas d’autre choix que l’adhésion pleine et entière à cette politique.<br />

*<br />

* *<br />

Les mutations procéderont de l’africanisme, dont l’effet en Afrique même est<br />

comme feutré et par trop atténué par la distance. Il y touche plus les colons que les<br />

indigènes, plus les administrateurs des colonies - Delafosse, Brevié et autres... - que<br />

les élites politiques ou intellectuelles africaines. La <strong>for</strong>ce du courant africaniste est<br />

telle au lendemain de la première guerre mondiale, parmi les responsables de la<br />

colonisation, que les prises de position se multiplient en faveur d’une politique qui<br />

tienne compte des réalités culturelles. Ce point de vue sous-tend l’essai de Georges<br />

Ha r d y , Pour une conquête morale (1917) [18]. L’auteur y affirme la spécificité des<br />

cultures africaines ; il ne les tient pas pour égales aux cultures européennes, mais il<br />

plaide cependant en faveur de leur insertion dans les programmes scolaires.<br />

C ’est à Paris que le courant africaniste atteindra de plein fouet les romanciers de<br />

la seconde génération, qui placeront le problème de l’identité culturelle au centre de<br />

leur production. Toutes leurs œuvres se feront l’écho du débat culturel qui porte sur<br />

l’identité, la diversité culturelle, les mutations et le métissage culturel. Ce dernier<br />

motif ne doit pas être séparé de la dimension politique. Il va sans dire que, dans le<br />

contexte de colonisation pure et dure des années trente, toute revendication d’une<br />

identité culturelle africaine aurait été sévèrement réprimée. Pour faire passer la pilule,<br />

poètes et romanciers l’ont enrobée dans la profession de leur foi au métissage<br />

culturel. En définitive, ils ne proposaient rien de subversif ni même de véritablement<br />

original, car ils se plaçaient dans le sillage de G. Hardy et des plus progressistes<br />

parmi les agents de la colonisation.<br />

Ousmane Socé, le premier, donne dans Karim ( 1935) [31] une illustration<br />

convaincante de la spécificité culturelle. Mais à peine l’a-t-il fait entrevoir qu’il<br />

s’empresse de prêcher le mouvement, le changement, tant il redoute la stagnation<br />

que peut engendrer une trop grande fascination du passé. Il ne perçoit pas l’identité<br />

culturelle en termes de conflit, ni même dans le contexte d’un rapport de pouvoir.<br />

Il ne l’appréhende pas pour la défendre, ou pour revendiquer un quelconque progrès<br />

politique. Il a conscience de se trouver pris dans un monde en pleine mutation, de<br />

devoir combattre toute régression, tout immobilisme culturel. Il jette sur les mœurs

Hooray! Your file is uploaded and ready to be published.

Saved successfully!

Ooh no, something went wrong!