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Les Échos du Logement

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Doctrine<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Numéro 5<br />

5 numéros par an / 2006<br />

Avi Friedman présente<br />

la maison abordable p. 37<br />

INTERVIEW p. 40<br />

LE SECTEUR DU LOGEMENT<br />

À L’ÉPREUVE DES RÉGLEMENTATIONS<br />

ANTI-DISCRIMINATION<br />

par Nicolas BERNARD, Professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis<br />

INTRODUCTION<br />

epuis 1981 et l’entrée en vigueur de la<br />

loi dite « Moureaux », la Belgique connaît<br />

D un régime pénal qui sanctionne les<br />

discriminations reposant sur un critère racial. Ce<br />

système a enregistré il y a peu une extension<br />

très notable de son champ d’application par<br />

l’effet de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003. Fondatrice,<br />

cette dernière législation en fait intègre en droit<br />

interne deux directives européennes adoptées en<br />

2000 et imposant aux États membres de prendre<br />

LA LOI BREYNE A 35 ANS p. 45<br />

les mesures requises pour combattre plus efficacement<br />

encore toute forme de comportement<br />

discriminatoire. Si l’État fédéral a ainsi accompli<br />

sa part <strong>du</strong> devoir concernant le logement<br />

privé, qui est de son ressort vu la prédominance<br />

des aspects liés au contrat de bail, les Régions,<br />

elles, restent en défaut de transposition, ce qui<br />

fait que le secteur <strong>du</strong> logement social (qui relève<br />

de la compétence régionale exclusive) échappe<br />

encore, pour l’heure, à un certain nombre de<br />

normes anti-discrimination.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 1


2<br />

Doctrine / discrimination<br />

INTRODUCTION<br />

I. LE CONTEXTE RÉGLEMENTAIRE<br />

1. L’arrière-plan européen<br />

2. La législation belge<br />

a) les insuffisances de la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981<br />

b) la loi <strong>du</strong> 25 février 2003<br />

c) comparaison succincte avec le prescrit européen<br />

d) absence de réglementation spécifique à la matière <strong>du</strong> logement<br />

e) la réglementation belge à l’aube d’un grand changement<br />

II. QUESTIONS SPÉCIFIQUES AU LOGEMENT PRIVÉ<br />

1. Réalité empirique et statistique <strong>du</strong> phénomène<br />

2. Le cas particulier de la vente d’un bien<br />

3. <strong>Les</strong> principes de droit relatifs à la liberté contractuelle<br />

4. <strong>Les</strong> discriminations sous le régime de la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981<br />

5. Comment prouver une discrimination dans le cadre de la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003 ?<br />

a) la répartition de la charge de la preuve<br />

b) légitimité des tests de situation<br />

6. Vertus et impuissances de l’action en cessation mise en place par la loi<br />

<strong>du</strong> 25 février 2003<br />

a) ce qu’est — et ce que n’est pas — l’action en cessation<br />

b) suffisamment dissuasive, l’action en cessation ?<br />

c) quelle action en cessation pour un acte discriminatoire déjà entièrement<br />

consommé (et souvent irréversible) ?<br />

7. L’intervention éventuelle d’un agent immobilier<br />

III. QUESTIONS SPÉCIFIQUES AU LOGEMENT SOCIAL<br />

1. Le secteur <strong>du</strong> logement social est-il tenu par les réglementations antidiscrimination<br />

?<br />

2. Des pratiques discriminatoires plus ar<strong>du</strong>es à rapporter dans le<br />

secteur public <strong>du</strong> logement que dans le parc privé<br />

3. Une tendance actuelle à la déségrégation ?<br />

4. Légalité d’une pratique «déségrégatoire» au regard des réglementations<br />

anti-discrimination<br />

a) éléments juridiques tendant à valider la tendance à la<br />

déségrégation<br />

b) éléments juridiques tendant à condamner la tendance à la<br />

déségrégation<br />

CONCLUSION<br />

(1) Voy. notamment O. DE SCHUTTER et N.<br />

BOCCADORO, « Le droit au logement dans<br />

l’Union européenne », Le logement dans sa<br />

multidimensionnalité : une grande cause<br />

régionale, sous la direction de N. Bernard et<br />

Ch. Mertens, Namur, Ministère de la Région<br />

wallonne, collection Études et documents,<br />

2005, p. 270 et s.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

(2) Cf. entre autres C. SÄGESSER, « La loi<br />

anti-discrimination », C.H. CRISP, n°1887-<br />

1888, 2005, S. VAN DROOGHENBROECK,<br />

« La non-discrimination dans les rapports<br />

entre particuliers : de nouvelles données »,<br />

L’égalité : nouvelle(s) clé(s) <strong>du</strong> droit, sous la<br />

direction de M. Pâques et J.-C. Scholsem,<br />

Bruxelles, Larcier, 2004, p. 75 et s., O. DE<br />

SCHUTTER, « La loi belge tendant à lutter<br />

contre la discrimination », J.T., 2003, p. 845<br />

et s. ainsi que S. VAN DROOGHENBROECK,<br />

« La loi <strong>du</strong> 25 février 2003 tendant à lutter<br />

contre la discrimination : les défis d’une<br />

“horizontalisation” des droits de l’homme »,<br />

A.P.T., 2003, p. 208 et s.<br />

La question, quoi qu’il en soit, est<br />

d’une actualité brûlante à l’heure<br />

notamment où les affaires ayant<br />

secoué le secteur <strong>du</strong> logement<br />

social récemment ont révélé des<br />

pratiques préférentielles qui pourraient<br />

bien être considérées comme<br />

des discriminations, et à l’heure<br />

où le Wooncode flamand impose<br />

l’apprentissage de la langue néerlandaise<br />

(taalbereidheid) comme condition<br />

d’accès au parc public. Ceci,<br />

sans compter que la réglementation<br />

belge en matière de discrimination<br />

s’apprête à subir une refonte substantielle,<br />

ce dont la présente étude se fera<br />

l’écho.<br />

Visé donc aussi bien par les directives<br />

européennes que par la loi belge, le<br />

secteur de l’habitat, qu’il soit privé<br />

ou public, doit assurément s’adapter<br />

à cette nouvelle donne réglementaire.<br />

D’autant plus que le domaine <strong>du</strong><br />

logement cristallise de manière emblématique<br />

les discriminations qu’ont à<br />

en<strong>du</strong>rer les parties faibles. Dès lors<br />

qu’on a affaire, ici, à une prérogative<br />

fondamentale expressément consacrée<br />

par la Constitution (article 23),<br />

le droit au logement s’accommode<br />

particulièrement mal de ces inégalités<br />

de traitement qui ont pour effet de<br />

laisser sans toit les plus fragiles, poussés<br />

alors dans les bras sordides des<br />

marchands de sommeil.<br />

Mais comment se tra<strong>du</strong>isent, concrètement,<br />

ces pratiques discriminatoires<br />

dans le domaine <strong>du</strong> logement ?<br />

Tombent-elles explicitement sous le<br />

coup des différentes réglementations<br />

en la matière ? Et quelles solutions<br />

peut-on dégager en vue d’y mettre<br />

fin ? Autant de questions que se propose<br />

d’instruire cette étude, laquelle<br />

s’attachera à faire le départ, quand le<br />

besoin se présentera, entre les situations<br />

applicables dans le secteur privé<br />

<strong>du</strong> logement et dans le parc public.<br />

Au préalable, un exposé <strong>du</strong> droit en<br />

vigueur s’impose. Le rappel cependant<br />

sera succinct, les divers instruments<br />

législatifs (tant européens 1 que<br />

nationaux 2 ) ayant déjà été commentés.<br />

Il a dès lors semblé plus fécond de<br />

les analyser sous le prisme privilégié<br />

<strong>du</strong> logement.


I. LE CONTEXTE<br />

RÉGLEMENTAIRE<br />

1. L’arrière-plan européen<br />

Entré en vigueur le 1 er mai 1999, le<br />

Traité d’Amsterdam <strong>du</strong> 2 février 1997<br />

a inséré dans le traité de Rome instituant<br />

la Communauté européenne<br />

une nouvelle disposition qui investit<br />

le Conseil de l’Union européenne<br />

de la compétence d’adopter des<br />

mesures « nécessaires en vue de<br />

combattre toute discrimination fondée<br />

sur le sexe, la race ou l’origine<br />

ethnique, la religion ou les convictions,<br />

un handicap, l’âge ou l’orientation<br />

sexuelle » 3 . Dans la foulée se<br />

tiennent les élections législatives<br />

en Autriche, qui portent au pouvoir<br />

l’extrême-droite. Cet événement<br />

sociopolitique agit comme un électrochoc<br />

à l’égard des autorités européennes<br />

qui, en un temps record,<br />

adoptent en 2000 deux directives<br />

anti-discrimination invitant les États<br />

membres de l’Union européenne à<br />

prendre des mesures d’interdiction<br />

en la matière.<br />

L’une d’entre elles (la directive<br />

2000/78/CE <strong>du</strong> 27 novembre 2000)<br />

prohibe un large éventail de pratiques<br />

discriminatoires (fondées sur des<br />

motifs aussi variés que la religion, le<br />

handicap, l’âge ou encore l’orientation<br />

sexuelle), mais se cantonne au<br />

secteur de l’emploi 4 . Tout à l’inverse,<br />

la seconde directive (2000/43/CE <strong>du</strong><br />

29 juin 2000) 5 ne sanctionne qu’un<br />

seul type de discrimination (celle qui<br />

prend appui sur la race ou sur l’origine<br />

ethnique) mais s’applique, elle, à<br />

un ensemble relativement éten<strong>du</strong> de<br />

secteurs d’activités (emploi, protection<br />

sociale, é<strong>du</strong>cation, ...), en ce et y<br />

compris le logement 6 . Toujours en<br />

matière de logement, un deuxième<br />

motif de discrimination a fait, entretemps,<br />

l’objet d’une interdiction (par<br />

l’entremise de la directive 2004/113<br />

<strong>du</strong> 13 décembre 2004 7 ) : le sexe.<br />

Divergeant dans leur champ d’application,<br />

ces directives se rejoignent<br />

cependant sur plusieurs points. Elles<br />

ont tout d’abord en commun de réprimer<br />

aussi bien les discriminations<br />

directes (comme l’annonce locative<br />

stipulant « Étrangers s’abstenir » par<br />

exemple) que les discriminations indirectes.<br />

Ces dernières se pro<strong>du</strong>isent<br />

« lorsqu’une disposition, un critère<br />

ou une pratique apparemment neutre<br />

est susceptible d’entraîner un<br />

désavantage particulier » à l’encontre<br />

d’une catégorie donnée de personnes<br />

8 . Qu’on songe, à cet égard, au<br />

propriétaire qui requiert de ses locataires<br />

un parfait bilinguisme françaisnéerlandais,<br />

ou encore qui refuse les<br />

familles nombreuses. Neutre en apparence,<br />

cette exigence en réalité peut<br />

avoir pour visée d’écarter, de facto,<br />

les candidats locataires étrangers<br />

(habituellement moins habiles que<br />

les nationaux en moyenne dans le<br />

maniement de la langue de Vondel<br />

et dont le taux de fertilité est statistiquement<br />

plus élevé).<br />

Par ailleurs, ces instruments législatifs<br />

européens s’adressent aussi bien<br />

aux particuliers qu’à la puissance<br />

publique. Appliquée au domaine <strong>du</strong><br />

logement, cette assertion signifie que<br />

tant la société de logement social que<br />

le bailleur privé sont tenus de se<br />

conformer aux réglementations antidiscrimination,<br />

pourvu naturellement<br />

que les différentes entités compétentes<br />

en la matière (le pouvoir fédéral<br />

pour les logements soumis au bail<br />

de résidence principale, les Régions<br />

pour le logement social) aient bien<br />

intégré dans leur ordre juridique<br />

interne la directive, ce qui n’est malheureusement<br />

pas le cas des instances<br />

régionales comme on le verra.<br />

Enfin, les différentes directives instaurent,<br />

pour attester de la discrimination,<br />

le principe <strong>du</strong> renversement de<br />

la charge de la preuve puisque c’est<br />

au bailleur mis en cause qu’il appartiendra<br />

de prouver que l’égalité de<br />

traitement n’a pas été malmenée.<br />

Moins que d’un renversement au sens<br />

strict, il s’agit plutôt d’un glissement<br />

de la charge de la preuve, d’une répartition<br />

ou encore d’un « rééquilibrage<br />

» 9 dès lors que, pour faire reposer<br />

le fardeau probatoire sur le bailleur,<br />

la victime doit, en amont, parvenir à<br />

établir des « faits qui permettent de<br />

présumer l’existence d’une discrimination<br />

» 10 . La preuve d’un fait négatif<br />

(l’absence de discrimination) étant<br />

logiquement difficile à administrer,<br />

il convenait en effet de ne pas imposer<br />

cette charge à la légère à l’auteur<br />

supposé d’une pratique discriminatoire.<br />

En tout état de cause, cette règle<br />

<strong>du</strong> renversement (relatif) de la charge<br />

de la preuve ne s’applique nullement<br />

aux procé<strong>du</strong>res pénales gouvernées,<br />

elles, par le postulat axiologique de<br />

la présomption d’innocence 11 .<br />

(3) Art. 13 <strong>du</strong> Traité instituant la Communauté<br />

européenne, dans sa version consolidée<br />

après le Traité de Nice.<br />

(4) Directive 2000/78/CE <strong>du</strong> Conseil <strong>du</strong> 27<br />

novembre 2000 portant création d’un cadre<br />

général en faveur de l’égalité de traitement<br />

en matière d’emploi et de travail, J.O.C.E.<br />

L 303 <strong>du</strong> 2 décembre 2000, p. 16.<br />

(5) Directive 2000/43/CE <strong>du</strong> Conseil <strong>du</strong> 29 juin<br />

2000 relative à la mise en œuvre <strong>du</strong> principe<br />

de l’égalité de traitement entre les personnes<br />

sans distinction de race ou d’origine<br />

ethnique, J.O.C.E. L 180 <strong>du</strong> 19 juillet 2000,<br />

p. 22.<br />

(6) Ainsi l’interdiction de la discrimination<br />

s’applique-t-elle explicitement à « l’accès<br />

aux biens et services et la fourniture de biens<br />

et services, à la disposition <strong>du</strong> public, y<br />

compris en matière de logement » (art. 3,<br />

§ 1 er , h, de la directive 2000/43/CE).<br />

(7) Directive 2004/113/CE <strong>du</strong> Conseil <strong>du</strong><br />

13 décembre 2004 mettant en œuvre le<br />

principe de l’égalité de traitement entre les<br />

femmes et les hommes dans l’accès à des<br />

biens et services et la fourniture de biens et<br />

services, J.O.C.E. L 373 <strong>du</strong> 21 décembre<br />

2004, p. 37.<br />

(8) Article 2, §2, b, de la directive 2000/43/CE.<br />

(9) Suivant le terme de P.-A. PERROUTY,<br />

« La loi comme outil de lutte contre les<br />

discriminations : nécessaire mais pas<br />

suffisant », Le livre noir de la discrimination<br />

au logement, sous la direction de Fr. Noël,<br />

A. Réa et al., Bruxelles, <strong>Les</strong> Dossiers <strong>du</strong><br />

MRAX, 2004, p. 63.<br />

(10) Article 8, §1 er , de la directive 2000/43/CE.<br />

(11) Voy. de manière générale P.-A. PERROUTY,<br />

« Des outils contre la discrimination », La<br />

chronique de la Ligue des droits de l’homme<br />

(Dossier « Discriminations : ça arrive près de<br />

chez vous »), n°111, 2005, p. 4 et s.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 3


4<br />

Doctrine / discrimination<br />

2. La législation belge<br />

a) les insuffisances de la loi <strong>du</strong><br />

30 juillet 1981<br />

Depuis l’entrée en vigueur de la loi<br />

<strong>du</strong> 30 juillet 1981 (dite Moureaux 12 ),<br />

le droit pénal belge réprime entre autres<br />

le refus de louer ou de vendre un<br />

bien pour des motifs exclusivement<br />

liés à la race, à l’origine ethnique<br />

(12) Loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981 tendant à réprimer<br />

certains actes inspirés par le racisme ou la<br />

xénophobie, M.B., 8 août 1981.<br />

(13) Et, par-delà la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981 (qui,<br />

elle au moins, a tenté de faire quelque<br />

chose), il s’agit des insuffisances de la<br />

législation belge en général de l’époque<br />

et ce, jusqu’en 2003.<br />

(14) Et ce, même si une action civile n’est pas<br />

nécessairement plus rapide en règle<br />

générale.<br />

(15) La loi <strong>du</strong> 20 février 1991 relative aux baux<br />

de résidence principale n’impose nullement<br />

par exemple au bailleur de communiquer<br />

au candidat locataire non retenu les motifs<br />

pour lesquels celui-ci n’a pas été<br />

sélectionné. Voy. Cass., 13 septembre 1991,<br />

R.W., 1991-1992, p. 882.<br />

(16) Ce qui montre au passage qu’ils ont<br />

souvent une conscience plus aiguë <strong>du</strong><br />

caractère illégal de l’acte qu’ils ne veulent<br />

bien l’admettre (« Ah, on ne peut pas faire<br />

ça ?! Désolé, je ne savais pas »...).<br />

(17) Loi <strong>du</strong> 25 février 2003 tendant à lutter<br />

contre la discrimination et modifiant la loi<br />

<strong>du</strong> 15 février 1993 créant un Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre le<br />

racisme, M.B., 17 mars 2003.<br />

(18) Proposer à la location ou vendre un<br />

logement peut, en effet, être<br />

raisonnablement assimilé à la « fourniture<br />

ou mise à disposition <strong>du</strong> public de biens et<br />

services » prévue à l’article 2, §4, de la loi<br />

<strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(19) Loi <strong>du</strong> 20 janvier 2003 relative au<br />

renforcement de la législation contre le<br />

racisme, M.B., 12 février 2003.<br />

(20) Art. 2, §1 er , de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

Par son large spectre, cet article emprunte<br />

moins aux directives européennes précitées<br />

qu’à la Convention européenne des droits<br />

de l’homme (qui, dans son article 14,<br />

prohibe toute distinction dans la jouissance<br />

des droits fondamentaux par elle édictés,<br />

comme on le verra).<br />

(21) Saisie en l’espèce par les responsables <strong>du</strong><br />

Vlaams Belang (alors appelé encore Vlaams<br />

Blok). Voy. C.A., 6 octobre 2004,<br />

n°157/2004.<br />

(22) Cf. art. 3 <strong>du</strong> projet de loi tendant à lutter<br />

contre certaines formes de discrimination.<br />

Des notions telles que l’origine sociale et<br />

la caractéristique génétique devraient,<br />

elles aussi, rejoindre cette liste fermée.<br />

(23) Art. 22 de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003. Ce qui<br />

n’empêche pas la loi anti-discrimination de<br />

prévoir également des sanctions pénales<br />

spécifiques.<br />

(24) Selon la nature de l’acte, il peut s’agir aussi<br />

<strong>du</strong> président <strong>du</strong> tribunal <strong>du</strong> commerce ou<br />

<strong>du</strong> travail.<br />

(25) Art. 19, §1 er , de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

ou à la nationalité de l’interlocuteur.<br />

Toutefois, ce dispositif pâtit de trois<br />

défauts majeurs qui altèrent d’autant<br />

son effectivité 13 .<br />

• Tout d’abord, sur le plan de son<br />

champ d’application, la loi est confinée<br />

aux discriminations reposant sur<br />

une base de type ethnique, alors que<br />

la fortune <strong>du</strong> candidat locataire ou<br />

acheteur, son âge ou encore son orientation<br />

sexuelle sont autant d’éléments<br />

qui, dans la pratique, provoquent également<br />

le rejet de la part de certains<br />

bailleurs ou vendeurs.<br />

• Par ailleurs, la lourdeur et la longueur<br />

inhérentes à la procé<strong>du</strong>re pénale<br />

qu’elle instaure dissuadent souvent<br />

les victimes de recourir à la loi 14 , de<br />

sorte que la vertu de cette législation<br />

est essentiellement d’ordre symbolique.<br />

Seules, dès lors, de (trop) rares<br />

décisions de justice ont été ren<strong>du</strong>es<br />

sur pied de cette législation dans le<br />

domaine <strong>du</strong> logement.<br />

• Enfin, la preuve de la discrimination<br />

s’avère extrêmement malaisée à<br />

rapporter, le bailleur n’ayant pas à<br />

justifier vis-à-vis <strong>du</strong> candidat évincé<br />

son refus de contracter avec lui, et<br />

par écrit encore moins 15 . Combien<br />

de bailleurs ne se réfugient-ils pas<br />

derrière la formule commode « désolé,<br />

c’est déjà loué » ? Il n’y a donc que<br />

dans certains cas grossiers (affiche<br />

placardée sur la fenêtre, annonce<br />

publiée dans la presse, etc.) que<br />

l’intention discriminatoire apparaît<br />

de manière incontestable. <strong>Les</strong> auteurs<br />

d’une discrimination restent généralement<br />

discrets sur leurs agissements 16 .<br />

b) la loi <strong>du</strong> 25 février 2003<br />

On le voit, une nouvelle législation<br />

s’imposait incontestablement pour<br />

pallier les insuffisances de la loi <strong>du</strong><br />

30 juillet 1981. Dans le même temps<br />

émergeait la nécessité de transposer en<br />

droit belge les directives européennes.<br />

C’est la conjonction de ces différents<br />

éléments qui a donné naissance à la<br />

loi anti-discrimination <strong>du</strong> 25 février<br />

2003 17 . Au triple problème rencontré<br />

par les « utilisateurs » de la loi Moureaux,<br />

la loi anti-discrimination, qui<br />

couvre notamment le domaine <strong>du</strong><br />

logement (quoique sous une forme<br />

implicite 18 ), entend apporter une triple<br />

solution. Elle ne « corrige » pas<br />

pour autant la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981<br />

(amendée en fait par une autre loi 19 ),<br />

mais elle instaure des dispositifs propres<br />

et parallèles qui enrichissent l’arsenal<br />

législatif mis à la disposition des<br />

victimes d’une discrimination.<br />

• Initialement, cette loi prohibait une<br />

série impressionnante de discriminations,<br />

fondées sur le sexe, une préten<strong>du</strong>e<br />

race, la couleur, l’ascendance, l’origine<br />

nationale ou ethnique, l’orientation<br />

sexuelle, l’état civil, la naissance, la<br />

fortune, l’âge, la conviction religieuse<br />

ou philosophique, l’état de santé<br />

actuel ou futur, un handicap ou une<br />

caractéristique physique 20 . À la suite<br />

de l’annulation partielle prononcée<br />

par la Cour d’arbitrage 21 , cette liste a<br />

été retirée au motif qu’elle écartait<br />

sans raison objective les convictions<br />

politiques ainsi que la langue, de sorte<br />

que toute discrimination est, aujourd’hui,<br />

prohibée, quel que soit le<br />

mobile sur lequel elle s’adosse. Pour<br />

le coup, la liste n’est plus <strong>du</strong> tout limitative<br />

! Dans l’attente d’une intervention<br />

<strong>du</strong> législateur (qui rétablira probablement<br />

le catalogue incriminé —<br />

principe de la liste fermée — en prenant<br />

soin de l’enrichir encore par<br />

l’adjonction notamment des convictions<br />

politiques et de la langue 22 ), force<br />

est de constater que le champ d’application<br />

ratione personae de la loi <strong>du</strong><br />

25 février 2003 est pour le moins<br />

éten<strong>du</strong>, singulièrement au regard <strong>du</strong><br />

prescrit européen (limité, pour rappel,<br />

aux discriminations raciales et sexuelles,<br />

dans le domaine <strong>du</strong> logement à tout<br />

le moins).<br />

• Alors que la procé<strong>du</strong>re pénale instaurée<br />

par la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981 est fastidieuse<br />

et aléatoire, la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003 institue une procé<strong>du</strong>re civile<br />

autrement véloce puisqu’elle s’intro<strong>du</strong>it<br />

et se traite suivant les formes et<br />

délais <strong>du</strong> référé 23 . Portée devant le<br />

président <strong>du</strong> tribunal de première<br />

instance (pour ce qui concerne les<br />

affaires de bail de résidence principale<br />

24 ), l’action est dite « en cessation »<br />

puisqu’elle a pour vocation de faire<br />

cesser immédiatement la pratique<br />

discriminatoire 25 .


• Pour désamorcer, enfin, les difficultés<br />

traditionnelles à établir une<br />

preuve en matière de discrimination,<br />

la loi <strong>du</strong> 25 février 2003 consacre au<br />

civil le principe — décrit plus haut —<br />

<strong>du</strong> glissement de la charge de la<br />

preuve prôné par les directives européennes.<br />

Désormais, « lorsque la victime<br />

de la discrimination [...] invoque<br />

devant la juridiction compétente des<br />

faits, tels que des données statistiques<br />

ou des tests de situation, qui permettent<br />

de présumer l’existence d’une<br />

discrimination directe ou indirecte,<br />

la charge de la preuve de l’absence de<br />

discrimination incombe à la partie<br />

défenderesse » 26 .<br />

c) comparaison succincte avec le<br />

prescrit européen<br />

Si la législation belge jouit d’un champ<br />

d’application plus éten<strong>du</strong> que les<br />

directives européennes, elle se montre<br />

moins sévère en revanche en ce<br />

qui concerne l’admissibilité des discriminations<br />

puisqu’elle dédouane<br />

celles d’entre elles qui sont capables<br />

de s’appuyer sur une « justification<br />

objective et raisonnable » 27 , ce que<br />

refuse de faire la réglementation européenne<br />

(pas sous cette forme générale<br />

à tout le moins). Ce qui fait dire<br />

au tribunal civil de Bruxelles que, sur<br />

ce plan-là, « la loi anti-discrimination<br />

belge <strong>du</strong> 25 février 2003 offre une protection<br />

moins absolue que le niveau<br />

prescrit par la directive n°2000/43/CE<br />

<strong>du</strong> Conseil <strong>du</strong> 29 juin 2000 » 28 . Et la<br />

juridiction dès lors de s’en tenir strictement<br />

au prescrit européen — censé<br />

prévaloir sur le droit national—, ce<br />

qui l’amène à refuser d’envisager une<br />

quelconque justification à la discrimination<br />

portée devant lui (consistant<br />

en un refus de louer à un couple<br />

de Marocains, comme on le verra) 29 .<br />

d) absence de réglementation spécifique<br />

à la matière <strong>du</strong> logement<br />

Dans ce même volet dédié à la description<br />

<strong>du</strong> cadre réglementaire, il<br />

convient de déplorer l’absence de<br />

législation belge prise spécifiquement<br />

pour la matière <strong>du</strong> logement. Certes,<br />

la loi <strong>du</strong> 25 février 2003 s’applique<br />

bien à « la fourniture ou la mise à la<br />

disposition <strong>du</strong> public de biens et de<br />

services » (art. 2, §4), mais ses dispositions<br />

demeurent à un degré plus ou<br />

moins élevé de généralité. La chose<br />

s’explique aisément par le fait que la<br />

loi doit couvrir à la fois les nombreux<br />

secteurs qu’elle a choisi d’embrasser<br />

et la multitude de motifs de discrimination<br />

qu’elle a décidé de prohiber. Ce<br />

qu’elle gagne en extension, elle le<br />

perd en intensité. Certes encore, dans<br />

une matière aussi morcelée entre différents<br />

niveaux de pouvoir que le<br />

logement, l’adoption d’un corpus<br />

normatif unique est hypothétique. Il<br />

n’en reste pas moins que le régime<br />

applicable manque encore à ce stade<br />

de précision, comme on le verra 30 . À<br />

titre de comparaison, signalons que<br />

la France a adopté une loi dite de<br />

modernisation sociale qui, elle,<br />

réserve un chapitre entier et autonome<br />

à la question de la « lutte contre<br />

les discriminations dans la location<br />

des logements » 31 . Par là, cette législation-cadre<br />

tente d’apporter une<br />

réponse juridique à tous les cas de<br />

figure qui peuvent se présenter en la<br />

matière.<br />

e) la réglementation belge à l’aube<br />

d’un grand changement<br />

Conscient de ces différentes imperfections,<br />

le Gouvernement, à l’initiative<br />

de son Ministre pour l’Égalité des<br />

chances, s’apprête à revoir en profondeur<br />

la législation belge en matière<br />

de discrimination en vue de rendre<br />

celle-ci « plus lisible et plus pédagogique<br />

» 32 . C’est que la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003 par exemple n’a guère reçu d’applications<br />

judiciaires et, de l’aveu<br />

même <strong>du</strong> Ministre fédéral en charge<br />

de l’Égalité des chances, souffre d’une<br />

« relative ineffectivité » 33 . Pour y remédier,<br />

deux projets de loi, « modifiant<br />

la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981 tendant à<br />

réprimer certains actes inspirés par le<br />

racisme ou la xénophobie » et, respectivement,<br />

« tendant à lutter contre<br />

certaines formes de discrimination »,<br />

devraient être adoptés incessamment<br />

par le Parlement, après avoir déjà reçu<br />

l’avis <strong>du</strong> Conseil d’État en date <strong>du</strong><br />

11 juillet 2006 34 . Le premier de ces<br />

projets de loi devrait, comme son nom<br />

l’indique, amender la loi Moureaux,<br />

tandis que le second abrogerait totalement<br />

la loi <strong>du</strong> 25 février 2003 tout<br />

en lui substituant un régime inédit<br />

sur certains points. Plutôt que d’exposer<br />

ici ces modifications dans le détail,<br />

des incises seront faites dans le corps<br />

<strong>du</strong> texte à chaque fois que besoin. En<br />

tout état de cause, le conditionnel<br />

reste de mise tant que les textes n’ont<br />

pas fait l’objet d’un vote définitif de<br />

la part des deux chambres législatives<br />

(après moult amendements peut-être),<br />

ce qui explique que la présente étude<br />

continue à se baser sur la réglementation<br />

actuelle, n’opérant un rapprochement<br />

avec l’éventuelle future loi<br />

que pour les cas les plus emblématiques<br />

(rétablissement de la liste fermée,<br />

octroi de dommages et intérêts<br />

forfaitaires, etc.).<br />

(26) Art. 19, §3, de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(27) Art. 2, §§1 er et 2, de la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003.<br />

(28) Civ. Bruxelles, 3 juin 2005, T. Vreemd.,<br />

2006, p. 42, note J. KUSTERS.<br />

(29) Sur la portée de ce caractère objectif et<br />

raisonnable, voy. notamment Y. THIERY,<br />

« Hospitalisatieverzekeraar op de<br />

discriminatiebühne terechtgewezen », note<br />

sous Prés. Comm. Bruxelles, 7 mars 2005,<br />

R.D.C., 2005, p. 682 et s.<br />

(30) Ainsi l’agent immobilier peut-il, en plus <strong>du</strong><br />

propriétaire, être tenu pour responsable<br />

d’une pratique discriminatoire ? La vente<br />

de biens est-elle soumise elle aussi à la<br />

réglementation ? À quel stade doit se<br />

pro<strong>du</strong>ire l’acte délictueux pour pouvoir être<br />

réprimé ? Etc. Ces questions recevront un<br />

traitement approprié dans la suite de cette<br />

étude mais notons, d’ores et déjà, que le<br />

Centre pour l’égalité des chances et la lutte<br />

contre le racisme répond par la positive aux<br />

deux premières interrogations, la deuxième<br />

faisant même l’objet de plaintes déposées<br />

auprès de lui.<br />

(31) Voy. art. 158 et s. de la loi n°2002-73 <strong>du</strong><br />

17 janvier 2002 de modernisation sociale,<br />

J.O., 18 janvier 2002<br />

(32) Exposé des motifs <strong>du</strong> projet de loi tendant<br />

à lutter contre certaines formes de<br />

discrimination, p. 10.<br />

(33) Exposé des motifs <strong>du</strong> projet de loi<br />

modifiant la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981 tendant<br />

à réprimer certains actes inspirés par le<br />

racisme ou la xénophobie, p. 11.<br />

(34) Avis <strong>du</strong> Conseil d’État (section de<br />

législation) <strong>du</strong> 11 juillet 2006, 40.689/AG,<br />

40.690/AG et 40.691/AG.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 5


6<br />

Doctrine / discrimination<br />

II. QUESTIONS SPÉCIFIQUES<br />

AU LOGEMENT PRIVÉ<br />

1. Réalité empirique et<br />

statistique <strong>du</strong> phénomène<br />

Dans quelle mesure, tout d’abord, les<br />

pratiques discriminatoires touchentelles<br />

le secteur <strong>du</strong> logement ? Pas<br />

moins de 8 % des plaintes déposées<br />

au Centre pour l’égalité des chances<br />

ont trait à l’habitat 35 . Ce chiffre est en<br />

nette augmentation depuis 1995, et<br />

a quasi doublé sur les cinq dernières<br />

années, signe que la crise <strong>du</strong> logement<br />

s’est encore aggravée <strong>du</strong>rant cette<br />

décennie pour les plus démunis 36 .<br />

(35) Rapport annuel 2005 <strong>du</strong> Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme, p. 17. C’est le domaine de<br />

l’emploi qui occupe la tête <strong>du</strong> classement<br />

avec 15 % des plaintes.<br />

(36) Voy. notamment N. BERNARD, Repenser<br />

le droit au logement en fonction des plus<br />

démunis. Un essai d’évaluation législative,<br />

Bruxelles, Bruylant, 2006, p. 208 et s.<br />

(37) Rapport annuel 2004 <strong>du</strong> Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme, p. 17.<br />

(38) Rapport annuel 2005 <strong>du</strong> Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme, p. 17.<br />

(39) Rapport annuel 2002 <strong>du</strong> Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme, p. 6.<br />

(40) 1993-2003. Dix ans de fonctionnement <strong>du</strong><br />

Centre pour l’égalité des chances et la lutte<br />

contre le racisme, Bruxelles, 2004, p. 51.<br />

(41) Rapport annuel 2002 <strong>du</strong> Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre le<br />

racisme, p. 84.<br />

(42) Voy. M. LAMBERT, « Droit au logement :<br />

tous logés à la même enseigne ? », La<br />

chronique de la Ligue des droits de l’homme<br />

(Dossier « Discriminations : ça arrive près de<br />

chez vous »), n°111, 2005, p. 8.<br />

(43) « In Belgium, migrant and minority ethnic<br />

households often tend to be in poor<br />

quality, over-priced rented housing »,<br />

confirme le rapport européen de 2005<br />

sur les discriminations dans le logement,<br />

qui décèle clairement « a persistent gap in<br />

quality compared to mainstream Belgian<br />

households » (M. HARRISON, I. LAW et<br />

D. PHILLIPS, Migrants, minorities and<br />

housing : exclusion, discrimination and<br />

anti-discrimination in 15 member states of<br />

the European Union, European Monitoring<br />

Center on Racism and Xenophobia (EUMC),<br />

décembre 2005, p. 60).<br />

(44) « In Belgium, obstructions and problems in<br />

finding adequate accommodation are felt<br />

to lead tenants into the hands of “rackrenters”<br />

who let uninhabitable houses that<br />

are much too expensive » (M. HARRISON,<br />

I. LAW et D. PHILLIPS, ibidem, p. 70).<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Ensuite, sur la base de quel élément<br />

constitutif de l’identité indivi<strong>du</strong>elle<br />

(nationalité, orientation sexuelle, origine<br />

ethnique, état de fortune, handicap,<br />

etc.) les indivi<strong>du</strong>s qui en sont<br />

victimes subissent-ils les discriminations<br />

? Dans le parc privé <strong>du</strong> logement,<br />

celles-ci tiennent essentiellement<br />

à deux éléments : la couleur de<br />

la peau et le statut socio-économique<br />

(les deux facteurs interagissant euxmêmes).<br />

<strong>Les</strong> discriminations reposant<br />

sur d’autres « critères de répulsion »<br />

restent, il faut l’avouer, relativement<br />

marginales (sauf peut-être en ce qui<br />

concerne l’homophobie), ce qui ne<br />

signifie naturellement pas que tous<br />

les logements sont adaptés aux handicapés,<br />

pour ne prendre que cet<br />

exemple. Simplement, il y a moins<br />

de plaintes sur ces thèmes-là (peutêtre<br />

parce que les organismes associatifs<br />

préfèrent certaines causes à d’autres).<br />

Bref, étrangers — ou <strong>du</strong> moins<br />

supposés tels — et pauvres focalisent<br />

donc, dans cet ordre, les appréhensions<br />

dans le secteur de l’habitat.<br />

Concrètement, ce sont près de deux<br />

plaintes sur trois (63 %) qui visent<br />

l’ethnie sensu lato (origine, nationalité,<br />

couleur de peau, etc.) 37 . Et, parmi<br />

les différentes minorités étrangères,<br />

ce sont les Africains subsahariens<br />

(suivis par les Maghrébins et les Turcs)<br />

qui ressentent le plus vivement la<br />

discrimination liée à la race, révèle<br />

cette même étude. Et que l’intéressé<br />

possède la nationalité belge et/ou<br />

dispose de confortables rentrées financières<br />

ne change souvent rien quant<br />

à la discrimination qu’il subit quotidiennement<br />

: le critère afférent à la<br />

couleur de la peau écrase tous les autres<br />

dans l’esprit de l’auteur <strong>du</strong> comportement<br />

discriminatoire, habité par un<br />

mélange de stéréotypes culturels et<br />

d’appréhensions forgées parfois au<br />

départ d’expériences négatives vécues.<br />

Parmi les autres motifs — punissables<br />

— de discrimination, la loi <strong>du</strong> 25<br />

février 2003 range donc l’état de<br />

« fortune » de l’intéressé. La grande<br />

majorité des plaintes déposées sur<br />

cette base concerne le logement.<br />

Ici, c’est le statut socio-économique<br />

<strong>du</strong> candidat locataire (titulaire <strong>du</strong><br />

revenu d’intégration, chômeur, etc.)<br />

qui agit comme repoussoir. Et ce<br />

motif d’exclusion est invoqué tant<br />

dans les refus de louer que, plus en<br />

amont, dans les petites annonces. On<br />

a vu ainsi fleurir des annonces locatives<br />

(publiées dans des médias grand<br />

public tels que Vlan ou Immoweb)<br />

annonçant froidement « CPAS s’abstenir<br />

» ou encore « personne avec<br />

emploi fixe » seulement 38 .<br />

Quant aux types de comportements<br />

discriminatoires observables dans le<br />

secteur de l’habitat, ce sont essentiellement<br />

des problèmes liés à la location<br />

d’un bien (plutôt qu’à l’acquisition)<br />

qui sont soulevés 39 . Et, parmi ces plaintes,<br />

60 % concernent les propriétaires<br />

privés, le solde se répartissant entre les<br />

agences immobilières et les sociétés de<br />

logement social 40 . Concrètement, ce<br />

sont les refus de louer qui cristallisent<br />

les récriminations (75 % des plaintes),<br />

les autres affaires ayant plutôt<br />

trait à des problèmes de voisinage (lesquelles<br />

peuvent être réglées, elles, par<br />

une instance de médiation un peu<br />

efficace) 41 . Si elles se manifestent principalement<br />

lors des tentatives d’accès<br />

au logement (réticences de la part<br />

<strong>du</strong> propriétaire à donner à bail le logement),<br />

ces discriminations s’expriment<br />

également au moment de s’installer<br />

dans les lieux loués (réactions<br />

négatives de la part <strong>du</strong> quartier) 42 . Au<br />

fond, elles sont présentes en permanence.<br />

Quoi qu’il en soit, ces refus de<br />

louer con<strong>du</strong>isent à reléguer les immigrés<br />

dans les segments les plus dégradés<br />

<strong>du</strong> bâti 43 , quand ils ne les poussent<br />

pas tout droit dans les bras sordides<br />

de marchands de sommeil 44 . Moins<br />

visible que le refus de louer, la discrimination<br />

se fait ici larvée; elle n’en<br />

présente pas moins un profil profondément<br />

structurel.<br />

Quelle est, enfin, l’intensité de la pratique<br />

discriminatoire (ou, à tout le<br />

moins, son ressenti subjectif) ? Effectuée<br />

à Molenbeek en 2002 sur un<br />

échantillon fort d’une soixantaine<br />

d’offres locatives, une étude révèle<br />

que pas moins de 58 % de bailleurs<br />

annoncent le bien loué lorsque se<br />

présente un candidat locataire de<br />

couleur, alors que le même logement


edevient subitement vacant s’il est<br />

sollicité par un Belge « de souche » 45 .<br />

Organisée au départ d’un échantillon<br />

plus large (250 propriétaires privés),<br />

une autre étude évoque pareillement,<br />

sans malheureusement les chiffrer,<br />

des résultats qualifiés littéralement<br />

d’« atterrants » 46 . Enfin, une dernière<br />

étude a montré que 58 % des locataires<br />

(sur un échantillon de 584 locataires<br />

composé à 72 % d’étrangers ou de<br />

Belges d’origine étrangère) se sentent<br />

discriminés plus ou moins sérieusement<br />

dans la recherche d’un logement<br />

en raison de leur appartenance<br />

ethnique, et que trois quarts d’entre<br />

eux estiment que les Belges « de<br />

souche » éprouvent, eux, des difficultés<br />

moindres dans une entreprise<br />

similaire 47 .<br />

Un mot, encore, sur le profil-type <strong>du</strong><br />

discriminateur. Davantage peut-être<br />

que le multipropriétaire ou la société<br />

foncière, dont l’éten<strong>du</strong>e <strong>du</strong> portefeuille<br />

immobilier leur permet d’amortir<br />

un coup <strong>du</strong>r, le « petit propriétaire<br />

» nourrit certaines inquiétudes<br />

à l’égard des candidats locataires jugés<br />

marginaux. Plus sensible que le « gros<br />

détenteur » de biens aux arriérés de<br />

loyer (lesquels loyers servent la plupart<br />

<strong>du</strong> temps à régler les mensualités<br />

hypothécaires d’un logement qui<br />

souvent est loin d’être remboursé), le<br />

petit propriétaire ne saurait s’autoriser<br />

de trop nombreux problèmes locatifs<br />

au risque de compromettre son propre<br />

équilibre financier.<br />

Il convient, en finale, de mettre en<br />

perspectives les statistiques ici présentées,<br />

lesquelles reflètent imparfaitement<br />

la réalité de terrain. En effet,<br />

passablement peu de plaintes sont<br />

déposées, et encore (beaucoup) moins<br />

de décisions de justice ren<strong>du</strong>es. Entre<br />

2000 et 2003 par exemple, sur les<br />

3.199 plaintes enregistrées pour des<br />

faits de racisme et de discrimination<br />

(tous secteurs confon<strong>du</strong>s : emploi,<br />

services publics, etc.), seules 82 d’entre<br />

elles ont con<strong>du</strong>it à un jugement<br />

(lequel, faut-il le rappeler, ne se conclut<br />

pas nécessairement à l’avantage<br />

<strong>du</strong> requérant, comme on le verra) 48 . La<br />

difficulté d’établir la preuve en matière<br />

de discrimination n’est assurément<br />

pas étrangère à cet état de fait 49 . Par<br />

ailleurs, il convient d’épingler le phénomène<br />

psychologique qui veut que<br />

« les victimes tendent souvent à justifier<br />

et à intérioriser la discrimination<br />

dont elles font les frais » 50 . En<br />

tout état de cause, il était permis de<br />

croire que la médiatisation ayant<br />

entouré la décision de justice prononcée<br />

par le président <strong>du</strong> tribunal civil<br />

de Nivelles contre un propriétaire qui<br />

avait refusé de louer sa villa à un<br />

couple d’homosexuels allait susciter<br />

d’autres actions en justice (voy.<br />

infra) 51 . Étonnamment, il n’en fut<br />

rien. Soulignons, en guise de contrepoint,<br />

que le nombre restreint de<br />

décisions de justice ne signifie nullement<br />

l’impunité totale pour les<br />

auteurs des 3.117 plaintes restantes,<br />

car certains de ces litiges ont bel et<br />

bien reçu une solution, en amont, à<br />

l’initiative d’instances de médiation.<br />

2. Le cas particulier de la vente<br />

d’un bien<br />

On aurait pu craindre que des problèmes<br />

semblables au refus de louer se<br />

fussent également posés à propos de<br />

la vente d’un bien (certains propriétaires<br />

pouvant par exemple refuser de<br />

vendre leur habitation à des gens<br />

de couleur, ou un banquier s’opposer<br />

à ce qu’un étranger contracte un<br />

emprunt hypothécaire dans son<br />

agence). Heureusement, les plaintes<br />

en ce domaine restent rares. Peut<br />

expliquer ce phénomène le fait que le<br />

vendeur n’entretient plus de rapport<br />

avec le bien une fois celui-ci aliéné.<br />

Quant à l’organisme bancaire, il sait<br />

qu’il dispose d’une créance privilégiée<br />

à l’égard <strong>du</strong> bien hypothéqué à<br />

son profit, ce qui relativise les risques<br />

de non-remboursement des mensualités.<br />

Tel était également l’espoir<br />

nourri par une dame d’origine congolaise,<br />

lassée d’essuyer des refus — de<br />

nature discriminatoire — dans sa<br />

quête d’un bien en location et<br />

contrainte, par la suite, de se rabattre<br />

sur le secteur acquisitif où elle espérait<br />

un certain pragmatisme de la part<br />

<strong>du</strong> vendeur. C’était sans compter toutefois<br />

sur le comportement de l’agence<br />

immobilière... Car, dans le chef de<br />

certaines d’entre elles, soucieuses de<br />

satisfaire aux attentes — présumées ou<br />

réelles — de leurs clients, des dérives<br />

peuvent être enregistrées également.<br />

« Le passage par des intermédiaires<br />

génère des espaces d’arbitraire ou de<br />

choix discrétionnaire laissé à celui qui<br />

dispose <strong>du</strong> pouvoir de décision »,<br />

appuie Andrea Rea 52 .<br />

(45) Enquête réalisée par Alarm (Action pour le<br />

logement accessible aux réfugiés à<br />

Molenbeek) en partenariat avec le Centre<br />

pour l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme. Voy., pour de plus amples<br />

détails, Rapport annuel 2002 <strong>du</strong> Centre<br />

pour l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme, p. 29.<br />

(46) « The results of the Belgium test were<br />

deemed to be stunning. The sound of a<br />

foreign name or a foreign accent<br />

apparently immediately evoked all kinds of<br />

pretexts in order to avoid or refuse renting<br />

the property » (M. HARRISON, I. LAW et<br />

D. PHILLIPS, op. cit., p. 36).<br />

(47) Voy. l’étude « Désolé, c’est déjà loué »<br />

menée par le MRAX (Mouvement contre le<br />

racisme, l’antisémitisme et la xénophobie)<br />

en 2003.<br />

(48) Question parlementaire posée oralement<br />

par Zoé Genot le 14 juin 2005 à la ministre<br />

de la Justice, Compte ren<strong>du</strong> intégral, Ch.<br />

repr., session ord. 2004-2005, CRIV 51,<br />

COM 645, p. 24. Parmi ces affaires, précise<br />

la ministre de la Justice, « 2.224 ont été<br />

classées sans suite par le parquet,<br />

principalement soit pour des motifs dits<br />

d’opportunité tels que l’absence<br />

d’antécédents, la jeunesse de l’auteur, etc.,<br />

soit pour des motifs dits techniques tels que<br />

l’absence d’infraction, les charges<br />

insuffisantes ou la prescription ».<br />

(49) « A very limited number of cases are<br />

brought to court », explique en ce sens le<br />

rapport européen de 2005. « This reflects a<br />

reluctance to bring cases, the problems of<br />

the burden of proof, and a lack of<br />

awareness of discrimination rather than an<br />

absence of discrimination » (M. HARRISON,<br />

I. LAW et D. PHILLIPS, op. cit., p. 48).<br />

(50) Fr. NOËL, A. RÉA et al., Le livre noir de la<br />

discrimination au logement, Bruxelles,<br />

<strong>Les</strong> Dossiers <strong>du</strong> MRAX, 2004, p. 5.<br />

(51) Cf. Prés. Civ. Nivelles, 19 avril 2005, J.T.,<br />

2005, p. 380 et Juristenkrant, 2005, n°110,<br />

p. 12, note J. KUSTERS.<br />

(52) A. REA, « <strong>Les</strong> discriminations raciales dans<br />

l’accès au logement à Bruxelles », Le livre<br />

noir de la discrimination au logement, sous<br />

la direction de Fr. Noël, A. Rea et al.,<br />

Bruxelles, <strong>Les</strong> Dossiers <strong>du</strong> MRAX, 2004,<br />

p. 39.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 7


8<br />

Doctrine / discrimination<br />

Précisément, le tribunal correctionnel<br />

de Bruxelles a condamné le 31 mars<br />

2004 le gérant de l’agence immobilière<br />

(chargé de vendre une habitation<br />

pour le compte <strong>du</strong> propriétaire)<br />

pour avoir écarté la candidature de la<br />

dame en question sur la seule base de<br />

la nationalité — congolaise — de l’intéressée<br />

53 . Contacté par la suite par<br />

un complice « belgo-belge » de l’acheteuse<br />

évincée, l’employé de l’agence<br />

lui a alors réservé le meilleur accueil,<br />

signant rétrospectivement par là son<br />

forfait discriminatoire. Et, loin de<br />

jouer en faveur de l’agent immobilier,<br />

l’expérience dont celui-ci se targuait<br />

(« la mentalité africaine amène<br />

des problèmes au niveau des copropriétés<br />

et des syndics ») a, au contraire,<br />

conforté l’opinion <strong>du</strong> juge quant à<br />

l’existence d’une intention discriminatoire.<br />

Une série d’éléments, toutefois,<br />

ont con<strong>du</strong>it ce dernier à suspendre<br />

le prononcé <strong>du</strong> jugement, comme<br />

les excuses de l’agent immobilier et la<br />

reconnaissance d’une « personnalité<br />

généralement altruiste » dans le chef<br />

(53) Corr. Bruxelles, 31 mars 2004 (décision<br />

repro<strong>du</strong>ite in extenso sur le site <strong>du</strong> Centre<br />

pour l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme : www.diversite.be).<br />

(54) Art. 2, §1 er , de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(55) Cf. entre autres C.J.C.E., 5 octobre 2004,<br />

Pfeiffer e. a., C-397/01 à C-403/01 ainsi<br />

que C.J.C.E., 26 septembre 2000, Unilever,<br />

C-443/98. Voy., pour une application en<br />

droit interne, Civ. Bruxelles, 3 juin 2005,<br />

T. Vreemd., 2006, p. 42, note J. KUSTERS.<br />

(56) Sur ce sujet, voy. notamment N. VAN<br />

LEUVEN, « De antidiscriminatiewet en de<br />

huurovereenkomst », Antidiscriminatiewet<br />

en contracten - La loi antidiscrimination<br />

et les contrats, sous la direction de S. Stijns<br />

et P. Wéry, Brugge - Bruxelles, Die Keure -<br />

La Charte, 2006, p. 111 et s., M. DAMBRE,<br />

« De Wet bestrijding discriminatie en het<br />

huurrecht », De Wet bestrijding<br />

discriminatie in de praktijk, sous la direction<br />

de M. De Vos et E. Brems, Antwerpen,<br />

Intersentia, 2004, p. 325 et s. ainsi que<br />

J. KUSTERS, « Verhuurder die weigert te<br />

verhuren aan allochtonen : biedt de<br />

antidiscriminatiewet soelaas ? », note sous<br />

Civ. Bruxelles, 3 juin 2005, T. Vreemd.,<br />

2006, p. 42 et s.<br />

(57) Cf. L. JADOUL, « Verhuurder veroordeeld<br />

wegens racisme. Grenzen aan de<br />

contractuele vrijheid », Juristenkrant, 2005,<br />

n°101, p. 2 et J. KUSTERS, « Discriminatie<br />

ten opzichte van allochtonen op de private<br />

huurmarkt », Vrijheid en gelijkheid :<br />

de horizontale werking van het gelijkheidsbeginsel<br />

en de nieuwe antidiscriminatiewet,<br />

Antwerpen, Maklu, 2003, p. 555 et s.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

d’un contrevenant qui, en fait, a déjà<br />

traité à plusieurs reprises dans le passé<br />

avec des étrangers et ce, avec un bonheur<br />

certain (ce qui contredit, au<br />

passage, ses déclarations pessimistes<br />

sur la « mentalité africaine »). Signalons<br />

encore qu’à titre de réparation<br />

pour le dommage moral qu’elle a subi,<br />

la dame injustement écon<strong>du</strong>ite a reçu<br />

500 euros.<br />

3. <strong>Les</strong> principes de droit relatifs<br />

à la liberté contractuelle<br />

Le refus de louer ou de vendre un bien,<br />

puisque c’est de cela qu’il s’agit principalement,<br />

tombe-t-il sous le coup<br />

de la loi anti-discrimination ? En fait,<br />

le propriétaire dispose d’une grande<br />

latitude pour choisir son cocontractant;<br />

des critères tels que la solvabilité,<br />

la taille <strong>du</strong> ménage par rapport à la<br />

configuration des lieux ou encore le<br />

comportement <strong>du</strong> candidat locataire/<br />

acheteur peuvent valablement entrer<br />

en ligne de compte dans son appréciation.<br />

Tant que les mobiles restent<br />

en lien étroit avec la situation objective<br />

<strong>du</strong> bien, il n’y a aucune raison<br />

de ne pas les admettre. Le bailleur qui<br />

refuse ainsi à une famille nombreuse<br />

(allochtone ou non) la prise en location<br />

d’un logement ne comportant<br />

qu’une seule chambre ne se verra<br />

nullement sanctionné, par exemple.<br />

Pareillement, la vieille dame en quête<br />

de tranquillité qui ne veut pas donner<br />

à bail l’appartement juste au-dessus<br />

de chez elle à un ménage avec des<br />

jumeaux en bas âge demeure dans<br />

son droit. Tout dépend donc <strong>du</strong> cas<br />

d’espèce et de la réalité de la nuisance<br />

pour le « discriminateur ». Soulignons<br />

à cet égard que la législation belge<br />

autorise les discriminations qui sont<br />

susceptibles de reposer sur une « justification<br />

objective et raisonnable » 54 .<br />

« Il n’est pas interdit à quiconque<br />

fournit ou offre de fournir un service,<br />

un bien ou la jouissance de celui-ci<br />

d’établir une différenciation fondée<br />

sur des éléments objectifs ou en raison<br />

d’une application rationnelle <strong>du</strong> principe<br />

de proportionnalité », observe<br />

en ce sens le tribunal correctionnel<br />

de Bruxelles dans sa décision précitée<br />

<strong>du</strong> 31 mars 2004. Lequel précise,<br />

s’agissant donc d’une vente de bien :<br />

« il est légitime que [le gérant d’une<br />

agence immobilière] ait été soucieux<br />

des garanties financières que proposaient<br />

les candidats acquéreurs de<br />

sorte à assurer une vente dans les<br />

meilleurs délais ». Rappelons cependant<br />

que, suivant la jurisprudence de<br />

la Cour de justice des Communautés<br />

européennes, les juges nationaux sont<br />

tenus de s’opposer à l’application<br />

d’une loi de transposition qui serait<br />

en porte-à-faux par rapport à la directive<br />

européenne de départ 55 . Concrètement,<br />

les inégalités de traitement<br />

— basées sur la race ou le sexe — dans<br />

le domaine <strong>du</strong> logement ne sont susceptibles<br />

de justification que dans des<br />

circonstances limitées comme on le<br />

verra plus loin (discrimination indirecte<br />

et action positive); ainsi en ont<br />

décidé en effet les directives 2000/43<br />

et 2004/113.<br />

À l’instar donc des autres libertés, la<br />

liberté de décider à qui l’on donne<br />

son bien en location ou en vente n’est<br />

pas absolue, contrairement à une opinion<br />

trop répan<strong>du</strong>e. Aussi essentielle<br />

qu’elle soit dans une économie de<br />

marché comme la nôtre, la liberté<br />

contractuelle ne saurait s’exercer en<br />

dehors des limites fixées par la loi.<br />

Tout refus de louer ou de vendre doit,<br />

en l’espèce, pouvoir s’adosser sur des<br />

considérations objectives, en lien<br />

essentiellement avec la capacité<br />

contributive <strong>du</strong> locataire ou de l’acheteur<br />

56 . Le bailleur ne peut nullement<br />

faire reposer sa sélection sur des<br />

motifs tenant à la race ou à l’origine<br />

de la personne évincée 57 . C’est ainsi<br />

que, toujours dans la même affaire<br />

emblématique, le tribunal correctionnel<br />

de Bruxelles a reconnu dans le<br />

chef de l’employé de l’agence immobilière<br />

une certaine liberté de traiter<br />

avec le cocontractant de son choix, ce<br />

qui ne l’a pas empêché de prononcer<br />

une condamnation pénale à son<br />

encontre dès lors que les motifs avancés<br />

par le contrevenant pour écarter<br />

la candidate acquéreuse congolaise<br />

sortaient manifestement de l’orbite<br />

des considérations objectives et économiques<br />

pour intégrer de plain-pied<br />

le domaine hautement irrationnel des


préjugés culturels (la « mentalité des<br />

Africains ») 58 .<br />

4. <strong>Les</strong> discriminations sous le<br />

régime de la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981<br />

La loi <strong>du</strong> 25 février 2003 a incontestablement<br />

braqué sur elle les projecteurs<br />

de la lutte anti-discrimination,<br />

non sans raison vu les potentialités<br />

importantes qu’elle ouvre dans ce<br />

domaine. Il convient cependant de<br />

ne pas oublier que depuis 1981, la<br />

justice est à même de punir les faits<br />

de discrimination qui s’appuient sur<br />

des motifs tenant à l’origine ethnique.<br />

Au-delà <strong>du</strong> cas que l’on vient d’examiner,<br />

signalons ainsi qu’à l’égard<br />

d’une propriétaire ayant inséré dans<br />

le Vlan une annonce locative précisant<br />

« Étrangers s’abstenir », le tribunal<br />

correctionnel de Liège a infligé le<br />

28 décembre 2001 une condamnation<br />

au pénal sur la base de la loi Moureaux<br />

<strong>du</strong> 30 juillet 1981 (agrémentée<br />

d’un franc symbolique au bénéfice<br />

<strong>du</strong> Centre pour l’égalité des chances,<br />

à titre de dommage moral) 59 . Le défaut<br />

— avéré — d’intention méchante<br />

dans le chef de la bailleresse a été<br />

déclaré sans incidence sur la culpabilité<br />

de celle-ci 60 . Eu égard cependant<br />

au « caractère limité » de l’infraction<br />

conjugué à l’absence d’antécédents<br />

de l’intéressée ainsi qu’aux remords<br />

par elle exprimés, le tribunal a assorti<br />

sa décision d’une suspension <strong>du</strong> prononcé.<br />

Du reste, c’est une décision<br />

assez similaire qu’avait ren<strong>du</strong>e le<br />

tribunal correctionnel de Hasselt le<br />

17 avril 1996 vis-à-vis d’un propriétaire<br />

qui avait refusé de donner en<br />

location son bien à des personnes<br />

d’origine étrangère. Ici aussi, un franc<br />

symbolique a été accordé à la partie<br />

civile, et le prononcé de la condamnation<br />

suspen<strong>du</strong> (afin de ne pas compromettre<br />

« les perspectives d’avenir »<br />

<strong>du</strong> contrevenant, lequel n’était pas<br />

récidiviste) 61 .<br />

L’entrée en vigueur de la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003 n’a pas subitement dépouillé de<br />

son — relatif — attrait la loi Moureaux,<br />

laquelle continue donc de faire l’objet<br />

d’applications jurisprudentielles.<br />

Ainsi la Cour d’appel de Liège a-t-elle<br />

confirmé le 2 novembre 2005 la con-<br />

damnation pour racisme prononcée<br />

en première instance dans le cadre de<br />

la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981 à l’encontre<br />

d’une propriétaire qui avait résilié<br />

unilatéralement le bail (qui, ici, avait<br />

bien été conclu) et ce, juste avant l’entrée<br />

dans les lieux, sitôt qu’elle s’est<br />

aperçue de la nationalité (soudanaise)<br />

et de la confession (musulmane) de<br />

l’époux de la signataire <strong>du</strong> bail 62 . Le<br />

contrat état déjà conclu, et la garantie<br />

locative versée, mais cela n’a pas empêché<br />

la contrevenante d’interdire au<br />

ménage mixte de prendre possession<br />

<strong>du</strong> bien loué. Dans le cadre de cette<br />

même législation, relevons encore que<br />

le tribunal civil d’Anvers a condamné<br />

un propriétaire qui avait expressément<br />

confié à une agence immobilière<br />

le soin « d’éviter de louer à un étranger<br />

» 63 . Un couple belge d’origine congolaise<br />

s’en est trouvé évincé, alors<br />

qu’il disposait de revenus stables et,<br />

même, d’une lettre de recommandation<br />

de la part d’un ancien bailleur.<br />

Le propriétaire n’ayant pu invoquer<br />

de motifs autres qu’ethniques à l’appui<br />

de son refus, c’est logiquement<br />

qu’il a encouru la condamnation.<br />

5. Comment prouver une<br />

discrimination dans le cadre de<br />

la loi <strong>du</strong> 25 février 2003 ?<br />

a) la répartition de la charge de la<br />

preuve<br />

Le 19 avril 2005, le président <strong>du</strong> tribunal<br />

civil de Nivelles exigea d’un<br />

bailleur, sur pied de la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003, qu’il cesse son comportement<br />

par lequel celui-ci refusait de donner<br />

sa villa en location à un ménage<br />

d’homosexuels, lui préférant in extremis<br />

un « couple plus traditionnel » 64 .<br />

Le processus de signature <strong>du</strong> contrat<br />

était sur le point d’aboutir puisqu’une<br />

option avait déjà été mise sur le bien,<br />

et un premier mois de loyer versé par<br />

les futurs locataires pour attester de<br />

leur bonne volonté. L’intéressant de<br />

l’affaire tient, notamment, au « renversement<br />

» — c’est-à-dire à la répartition<br />

ou au glissement — de la charge<br />

de la preuve que le juge a appliqué<br />

au cas d’espèce. En fait, c’est sur<br />

un répondeur téléphonique que le<br />

propriétaire, par la voix de l’agence<br />

immobilière, avait transmis au couple<br />

écon<strong>du</strong>it le message incriminé, lequel<br />

fut ensuite acté par voie d’huissier.<br />

Ce ne fut dès lors pas au ménage<br />

homosexuel à établir la réalité de la<br />

discrimination, le message téléphonique<br />

constituant un élément factuel<br />

suffisamment solide pour ôter des<br />

épaules des requérants la responsabilité<br />

<strong>du</strong> fardeau probatoire. C’est donc<br />

au bailleur qu’il appartenait alors de<br />

prouver qu’il n’avait jamais demandé<br />

à l’agence immobilière de diffuser<br />

pareille consigne. Devant l’impossibilité<br />

matérielle <strong>du</strong> mandant de s’exécuter,<br />

le juge n’a eu d’autre choix que<br />

de conclure à la discrimination 65 .<br />

(58) De même, le licenciement d’une personne<br />

ayant atteint l’âge de 45 ans a été jugé<br />

discriminatoire au motif que la condition<br />

physique de l’intéressé n’avait pas,<br />

préalablement, été testée (Trib. trav.<br />

Bruxelles, 2 décembre 2005, Juristenkrant,<br />

2006, n°124, p. 13, note G. GEUDENS).<br />

S’il est légitime pour un employeur d’avoir,<br />

dans le cadre d’une activité professionnelle<br />

précise, des employés en bonne santé,<br />

celui-ci ne saurait dé<strong>du</strong>ire<br />

automatiquement de l’atteinte d’une limite<br />

d’âge donnée (45 ans en l’espèce) une<br />

quelconque altération des capacités<br />

physiques. Seul un examen minutieux et<br />

objectif pourrait l’établir. De manière<br />

générale, en matière d’emploi, voy.<br />

notamment J. JACQMAIN, « Des travailleurs<br />

qui en savent trop ? Première décision<br />

ren<strong>du</strong>e à l’égard de la loi antidiscrimination<br />

<strong>du</strong> 25 février 2003 sur une<br />

question relevant <strong>du</strong> droit <strong>du</strong> travail »,<br />

note sous Trib. trav. Bruxelles, 23 décembre<br />

2004, Chron. D.S., 2005, p. 241 et s.<br />

(59) Corr. Liège, 28 décembre 2001, cité par<br />

le rapport 1993-2003. Dix ans de<br />

fonctionnement <strong>du</strong> Centre pour l’égalité<br />

des chances et la lutte contre le racisme,<br />

Bruxelles, 2004, p. 51.<br />

(60) En effet, l’article 1 er , 3° et 4°, de la loi <strong>du</strong><br />

30 juillet 1981 ne requiert aucune exigence<br />

de ce type.<br />

(61) Corr. Hasselt, 17 avril 1996 (décision<br />

repro<strong>du</strong>ite in extenso sur le site <strong>du</strong> Centre<br />

pour l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme : www.diversite.be).<br />

(62) Liège, 2 novembre 2005, cité par le<br />

Rapport sur la situation des droits<br />

fondamentaux en Belgique en 2005,<br />

présenté au Réseau U.E. d’experts<br />

indépendants en matière de droits<br />

fondamentaux par Olivier De Schutter<br />

(CFR-CDFRepBEL2005).<br />

(63) Cité par le Rapport annuel 2004 <strong>du</strong> Centre<br />

pour l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme, p. 18.<br />

(64) Prés. Civ. Nivelles, 19 avril 2005, J.T., 2005,<br />

p. 380 et Juristenkrant, 2005, n°110, p. 12,<br />

note J. KUSTERS.<br />

(65) Par la bande, on voit bien que le préten<strong>du</strong><br />

« renversement » de la charge de la preuve<br />

n’est en rien « l’instrument miracle »<br />

automatique décrit par certains puisque,<br />

à l’instar des modes classiques de preuve,<br />

il suppose l’accomplissement d’étapes<br />

successives à chaque fois soumises à la<br />

contradiction des parties ainsi qu’à<br />

l’appréciation <strong>du</strong> juge.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 9


10<br />

Doctrine / discrimination<br />

Cette manière de voir a été épousée<br />

explicitement par le tribunal civil de<br />

Bruxelles dans sa décision <strong>du</strong> 3 juin<br />

2005 66 . Il s’agissait en l’espèce d’un<br />

bailleur qui refusait de louer à un<br />

couple d’origine marocaine. Pourtant,<br />

ces candidats avaient déjà rempli une<br />

série d’exigences disproportionnées,<br />

comme fournir une preuve de revenus<br />

(lesquels devaient être au minimum<br />

trois fois supérieurs au loyer) ou<br />

encore garantir qu’ils ont bien payé<br />

le loyer sans retard <strong>du</strong>rant les douze<br />

derniers mois de leur précédente prise<br />

en location. « Piégé » par une amie<br />

belge — de race blanche — <strong>du</strong> couple<br />

se faisant passer pour une locataire<br />

potentielle, le bailleur a avoué plate-<br />

(66) Civ. Bruxelles, 3 juin 2005, T. Vreemd.,<br />

2006, p. 42, note J. KUSTERS.<br />

(67) Art. 19, §3, de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(68) La loi <strong>du</strong> 8 décembre 1992 soumet en effet<br />

à une protection rigoureuse certains types<br />

de données — origine, religion, orientation<br />

sexuelle, etc. — en vue précisément de<br />

prévenir l’apparition de discriminations<br />

dans ces domaines (loi <strong>du</strong> 8 décembre<br />

1992 relative à la protection de la vie privée<br />

à l’égard des traitements de données à<br />

caractère personnel, M.B., 18 mars 1993).<br />

Voy. sur ce sujet P.-A. PERROUTY, « La loi<br />

comme outil de lutte contre les<br />

discriminations... », op. cit., p. 73 et s.<br />

(69) Rappelons à cet égard la formulation de<br />

l’article 19, §3, de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003 :<br />

« Lorsque la victime de la discrimination<br />

[...] invoque devant la juridiction<br />

compétente des faits, tels que des données<br />

statistiques ou des tests de situation, qui<br />

permettent de présumer l’existence d’une<br />

discrimination directe ou indirecte, la<br />

charge de la preuve de l’absence de<br />

discrimination incombe à la partie<br />

défenderesse » (souligné par nous).<br />

(70) Gand, 30 novembre 2005, cité par le<br />

Rapport annuel 2005 <strong>du</strong> Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre le<br />

racisme, p. 37 et s.<br />

((71) Civ. Gand, 31 décembre 2003, N.J.W.,<br />

2004, p. 204 et s.<br />

(72) S. van DROOGHENBROECK, « La nondiscrimination<br />

dans les rapports entre<br />

particuliers : de nouvelles données »,<br />

L’égalité : nouvelle(s) clé(s) <strong>du</strong> droit, sous<br />

la direction de M. Pâques et J.-C. Scholsem,<br />

Bruxelles, Larcier, 2004, p. 184.<br />

(73) Corr. Bruxelles, 31 mars 2004 (décision<br />

repro<strong>du</strong>ite in extenso sur le site <strong>du</strong> Centre<br />

pour l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme (www.diversite.be).<br />

(74) Art. 19, §4, de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(75) Rappelons à cet égard qu’en droit belge,<br />

le mode d’administration des preuves est<br />

laissé à la liberté des parties et la pertinence<br />

<strong>du</strong> mode retenu est soumise à<br />

l’appréciation souveraine <strong>du</strong> juge.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

ment sa préférence pour des Belges<br />

bons teints. À nouveau, cet élément<br />

factuel (recueilli à la suite de ce que<br />

l’on appelle un « test de situation »)<br />

a permis de forger une présomption<br />

de discrimination, contraignant alors<br />

le bailleur à démontrer que le refus<br />

opposé au ménage maghrébin n’était<br />

pas basé sur des motifs liés à la race.<br />

Confrontée au silence embarrassé<br />

mais éloquent <strong>du</strong> bailleur, le tribunal<br />

a jugé la discrimination établie à suffisance.<br />

La cessation <strong>du</strong> comportement<br />

discriminatoire fut dès lors<br />

ordonnée, assortie d’une astreinte<br />

(de 650 euros) applicable en cas de<br />

nouveau manquement.<br />

b) légitimité des tests de situation<br />

Pour déterminant qu’il soit dans l’établissement<br />

d’une discrimination, le<br />

test de situation (qu’on vient de<br />

décrire) n’est pas la seule voie pour<br />

initier un glissement de la charge de<br />

la preuve. À côté de ce test de situation,<br />

la loi anti-discrimination évoque<br />

des « données statistiques » (on constate,<br />

par exemple, que ce bailleur-là<br />

refuse dans 90 % des cas les candidats<br />

locataires de couleur) 67 . Toutefois, le<br />

contenu de ces données statistiques<br />

reste extrêmement nébuleux et cellesci,<br />

au demeurant, s’avèrent délicates<br />

à manier (car facilement manipulables,<br />

lourdes de stigmatisation et<br />

potentiellement attentatoires à la<br />

protection de la vie privée 68 ). Au-delà<br />

de ces deux modes de preuve, qu’elle<br />

mentionne à titre purement exemplatif,<br />

la loi <strong>du</strong> 25 février 2003 se<br />

montre non limitative 69 . C’est dans<br />

cette « brèche » que le président <strong>du</strong> tribunal<br />

civil de Nivelles s’est intro<strong>du</strong>it<br />

(cf. le message téléphonique laissé sur<br />

le répondeur des plaignants et indiquant<br />

la préférence <strong>du</strong> propriétaire<br />

pour un couple hétérosexuel). Et, à<br />

cet égard, on sait également gré à la<br />

Cour d’appel de Gand d’avoir, dans<br />

son arrêt <strong>du</strong> 30 novembre 2005 70 ,<br />

réformé (sur ce point uniquement, le<br />

fond restant inchangé comme on le<br />

verra) la décision ren<strong>du</strong>e en premier<br />

instance 71 où le juge, confronté à un<br />

refus similaire de louer à un couple<br />

d’homosexuels, avait maintenu<br />

l’entièreté <strong>du</strong> fardeau probatoire sur<br />

les épaules des requérants vu l’absence<br />

de tests de situation pour étayer leurs<br />

allégations et ce, alors même que<br />

d’autres indices matériels de discrimination<br />

existaient. « Parfaitement<br />

incorrect » 72 , ce raisonnement a été<br />

critiqué à bon droit. Il est bon à ce<br />

sujet de rappeler que la loi anti-discrimination<br />

n’oblitère aucun des modes<br />

de preuve traditionnels admis en justice,<br />

comme le témoignage (dont le<br />

tribunal civil de Gand n’a cependant<br />

fait aucun cas), témoignage éventuellement<br />

appuyé par un enregistrement,<br />

une confrontation, etc. Il serait surprenant,<br />

en effet, qu’une loi qui est<br />

présumée œuvrer à l’abolition des<br />

inégalités de traitement aboutisse<br />

ainsi à rétrécir l’éventail des éléments<br />

probatoires susceptibles d’attester de<br />

ces pratiques discriminatoires, rendant<br />

plus difficile encore la situation des<br />

victimes.<br />

Signalons, en guise de contrepoint,<br />

que la méthode des tests de situation<br />

ne reçoit pas l’assentiment unanime<br />

de la jurisprudence. Ainsi le tribunal<br />

correctionnel de Bruxelles a-t-il explicitement<br />

remis en cause le procédé à<br />

l’égard <strong>du</strong>quel « il ne dispose d’aucune<br />

garantie quant à l’objectivité, à<br />

l’exactitude et au caractère complet<br />

des informations » 73 . À titre de comparaison,<br />

« les techniques d’enquête<br />

policières recourant à des procédés<br />

d’une nature similaire [...] doivent<br />

répondre à certaines exigences pour<br />

être admises », elles. Décrétée telle<br />

quelle, c’est-à-dire de manière générale,<br />

cette mise en garde paraît cependant<br />

excessive, ne serait-ce que parce<br />

que les tests de situation sont expressément<br />

prévus par la loi. Laquelle<br />

permet, par ailleurs, qu’ils soient actés<br />

par constat d’huissier, ce qui en<br />

renforce encore la valeur probante 74 .<br />

Dès lors, il appartient plutôt au juge,<br />

au cas par cas, d’apprécier la rigueur<br />

avec laquelle ce mécanisme a été mis<br />

en œuvre in concreto pour, le cas<br />

échéant, écarter les tests menés en<br />

l’absence <strong>du</strong> sérieux requis en pareilles<br />

circonstances 75 . Et quand bien même<br />

ces tests devraient à, cette occasion,<br />

déchoir de leur statut de preuve


admissible, cela n’empêcherait nullement<br />

le tribunal de constater, sur la<br />

base alors d’autres éléments factuels,<br />

une violation de la loi anti-discrimination.<br />

Ainsi le tribunal correctionnel<br />

de Bruxelles, aussi critique eût-il pu<br />

être à l’égard <strong>du</strong> test de situation, n’en<br />

a pas moins, dans la même espèce,<br />

infligé une condamnation à l’encontre<br />

<strong>du</strong> gérant d’une agence immobilière<br />

qui, sans craindre manifestement<br />

la redondance, refusait de « vendre à<br />

des Noirs » à cause de leur « mentalité<br />

africaine ». À elles seules, de pareilles<br />

allégations (revendiquées par leur<br />

auteur en audience) suffisaient à faire<br />

établir la prévention 76 .<br />

Force est en finale de constater que<br />

la situation actuelle, nimbée d’insécurité<br />

juridique, tient pour une large<br />

part à l’absence d’arrêté d’exécution<br />

réglementant le test de situation, alors<br />

même que l’adoption de cet instrument<br />

normatif est explicitement<br />

annoncée dans la législation même 77 .<br />

Trois ans et demi après l’entrée en<br />

vigueur de la loi anti-discrimination,<br />

il devient temps d’organiser la<br />

matière... Il est vrai que cette matière<br />

est extrêmement sensible. Il est vrai<br />

également qu’un projet d’arrêté royal<br />

a bien été soumis au Conseil des<br />

Ministres (à la fin <strong>du</strong> mois de mars<br />

2006). Ce projet a cependant déclenché<br />

une telle levée de boucliers de la<br />

part des associations de propriétaires<br />

notamment (qui y voyaient indifféremment<br />

une atteinte à la protection<br />

de la vie privée, un déni de la présomption<br />

d’innocence et une remise<br />

en cause de la liberté contractuelle),<br />

qu’il a été prudemment retiré. La<br />

question, depuis lors, est à l’étude au<br />

sein <strong>du</strong> Gouvernement fédéral. Et<br />

même si le test de situation n’épuise<br />

évidemment pas l’arsenal probatoire<br />

aménagé par la loi <strong>du</strong> 25 février 2003<br />

(sans même parler <strong>du</strong> droit commun<br />

qui reste intégralement d’application),<br />

la législation anti-discrimination ne<br />

pourra déployer ses pleins effets qu’au<br />

jour de l’entrée en vigueur de cet<br />

arrêté d’exécution, aussi essentiel pour<br />

la mise en œuvre <strong>du</strong> prescrit légal que<br />

lesté d’une puissante charge symbolique.<br />

Dans l’attente, les réticences et<br />

hésitations des magistrats peuvent se<br />

comprendre, pour autant naturellement<br />

que ceux-ci ne fassent pas<br />

dépendre le glissement de la charge de<br />

la preuve de la seule existence d’un<br />

test de situation (comme l’a malheureusement<br />

fait le tribunal civil de<br />

Gand 78 ). Le test de situation, rappelons-le<br />

une ultime fois, n’est qu’un<br />

des faits générateurs de l’acte de<br />

répartition <strong>du</strong> fardeau probatoire.<br />

L’arbre, dit autrement, ne doit pas<br />

cacher la forêt.<br />

* * *<br />

Aussi redoutable qu’elle soit, l’arme<br />

<strong>du</strong> renversement (relatif) de la charge<br />

de la preuve ne doit cependant pas<br />

faire oublier que le plaignant peut très<br />

bien avoir gain de cause sans avoir<br />

besoin au préalable de faire reposer<br />

le fardeau probatoire sur l’auteur présumé<br />

de la discrimination. Parfois, la<br />

discrimination est à ce point flagrante<br />

qu’elle ne laisse planer aucun doute<br />

sur le caractère illégal de l’acte litigieux.<br />

La preuve <strong>du</strong> fait incriminé se rapporte<br />

d’elle-même, en quelque sorte.<br />

Une affichette locative qui, par exemple,<br />

annonce benoîtement « Recherche<br />

locataires belges uniquement »<br />

ne nécessite pas une analyse approfondie<br />

pour laisser transparaître l’intention<br />

discriminatoire de son auteur<br />

(lequel ne pourra plus alors se défendre<br />

qu’en invoquant le caractère<br />

éventuellement « objectif et raisonnable<br />

» de la discrimination, conformément<br />

au prescrit légal 79 ). Muni d’un<br />

« argument » de ce type, le requérant<br />

n’éprouvera guère de difficultés à<br />

convaincre le juge, sans qu’il soit<br />

nécessaire de partager le fardeau<br />

probatoire.<br />

6. Vertus et impuissances de<br />

l’action en cessation mise en<br />

place par la loi <strong>du</strong> 25 février 2003<br />

a) ce qu’est — et ce que n’est pas —<br />

l’action en cessation<br />

On l’a dit, la loi <strong>du</strong> 25 février 2003 a<br />

institué au profit des victimes d’une<br />

discrimination une action dite en cessation.<br />

Mais quels sont les effets exacts<br />

associés à cette action relativement<br />

peu connue <strong>du</strong> grand public ? Pour<br />

cerner correctement l’utilité d’une<br />

telle mesure, commençons par examiner<br />

ce qu’elle n’est pas. L’action<br />

en cessation, tout d’abord, n’a nullement<br />

pour vocation d’octroyer des<br />

dommages et intérêts. Ceux-ci sont<br />

alloués, à titre de réparation <strong>du</strong> préjudice<br />

moral ou matériel, dans le<br />

cadre d’une procé<strong>du</strong>re civile classique<br />

(accessoire ou non d’une instance<br />

pénale). Pas davantage, l’action en<br />

cessation n’a le pouvoir, sur le plan<br />

cette fois de la validité <strong>du</strong> contrat de<br />

bail, de rompre la convention passée<br />

en violation de la loi anti-discrimination.<br />

Et, au cas où une convention<br />

n’aurait toujours pas été conclue,<br />

l’action en cessation ne saurait, moins<br />

encore, forcer le contrevenant à<br />

contracter avec la personne qu’il a<br />

injustement écartée, en dépit <strong>du</strong> fait<br />

que celle-ci ait été reconnue officiellement<br />

par le juge comme ayant été<br />

victime d’une pratique discriminatoire<br />

illégale 80 . On toucherait, là, au<br />

noyau <strong>du</strong>r de l’autonomie de la<br />

volonté en matière contractuelle.<br />

(76) En tout état de cause, il paraît admis que<br />

le test de provocation (qui littéralement<br />

pousse l’indivi<strong>du</strong> à commettre une<br />

infraction qui n’aurait pas existé sans cette<br />

intervention, alors que le test de situation<br />

sert juste à constater une infraction qui se<br />

pro<strong>du</strong>it de toute manière) doive être, lui,<br />

systématiquement écarté des débats<br />

judiciaires. Voy., pour de plus amples<br />

développements, P.-A. PERROUTY,<br />

« La loi comme outil de lutte contre les<br />

discriminations... », op. cit., p. 69 et s.<br />

(77) Art. 19, §4, in fine, de la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003.<br />

(78) Civ. Gand, 31 décembre 2003, N.J.W.,<br />

2004, p. 204 et s.<br />

(79) Art. 2, §1 er , de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(80) Tout autre est la question de savoir si le<br />

bailleur, en interrompant un processus de<br />

négociation parfois sur le point d’aboutir,<br />

n’a pas engagé sa responsabilité<br />

« précontractuelle ». Ceci sans compter<br />

qu’un bail peut très bien être conclu<br />

verbalement dès qu’il y a échange libre et<br />

éclairé des consentements.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 11


12<br />

Doctrine / discrimination<br />

En toute hypothèse, les éléments de<br />

la cause ne permettent pas toujours<br />

d’affirmer que le candidat évincé<br />

aurait bien été sélectionné en l’absence<br />

de ladite discrimination. Il<br />

s’agit plus pour lui dès lors de la perte<br />

d’une « chance » que de la perte<br />

effective d’une prise en location. En<br />

résumé, « le juge des cessations est<br />

compétent pour constater l’existence<br />

d’un acte constituant une infraction<br />

— en l’espèce à la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003 [...] — et en ordonner la cessation<br />

mais ne l’est pas pour dire pour<br />

droit qu’un acte juridique est nul. Il<br />

ne l’est pas non plus pour statuer sur<br />

une demande de remboursement<br />

consécutif à son ordre éventuel de<br />

cessation », indique le Président <strong>du</strong><br />

tribunal de commerce de Bruxelles<br />

dans sa décision <strong>du</strong> 7 mars 2005.<br />

Lequel précise qu’il ne s’agit pas non<br />

plus « d’ordonner la réintégration de<br />

certaines personnes dans la situation<br />

juridique compromise par l’acte dont<br />

la cessation est demandée » 81<br />

(81) Prés. Comm. Bruxelles, Juristenkrant, 2005,<br />

n°110, p. 5, note E. MATTHIJS et J.<br />

AUBERTIN et R.D.C., 2005, p. 675, note<br />

Y. THIERY.<br />

(82) Voy. notamment Chr. DALCQ, « <strong>Les</strong> actions<br />

comme en référé », Le référé judiciaire, sous<br />

la direction de J. Englebert et H. Boularbah,<br />

Bruxelles, Éditions <strong>du</strong> Jeune barreau de<br />

Bruxelles, 2003, p. 169.<br />

(83) Rappelons que la loi <strong>du</strong> 25 février 2003<br />

a érigé en infraction pénale les<br />

comportements discriminatoires qu’elle<br />

entend prohiber. Voy. art. 6 et s. de la loi<br />

<strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(84) S. VAN DROOGHENBROECK, « La loi <strong>du</strong><br />

25 février 2003 tendant à lutter contre la<br />

discrimination : les défis d’une<br />

“horizontalisation” des droits de<br />

l’homme », A.P.T., 2003, p. 208 et s.<br />

(85) Art. 22, al. 6, de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(86) Art. 15 de la directive 2000/43/CE <strong>du</strong><br />

Conseil <strong>du</strong> 29 juin 2000, J.O.C.E. L 180<br />

<strong>du</strong> 19 juillet 2000, p. 22.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

À quoi peut bien servir alors l’action<br />

en cessation ? Comme son nom l’indique,<br />

elle a pour ambition de faire<br />

cesser une pratique discriminatoire.<br />

C’est peu et beaucoup à la fois car,<br />

en cela, elle présente un indéniable<br />

avantage sur l’action pénale engagée<br />

dans le cadre de la loi <strong>du</strong> 30 juillet<br />

1981. Dans le régime de la loi Moureaux,<br />

en effet, la victime d’une discrimination<br />

perçoit mal l’intérêt qu’il<br />

y a à entamer une procé<strong>du</strong>re (longue<br />

parfois de plusieurs années) destinée<br />

à faire condamner le propriétaire<br />

alors que, dans l’intervalle, l’infraction<br />

se poursuivra. On agit donc, dans<br />

le cadre de l’action pénale, sur le<br />

strict plan des principes. Certes, dans<br />

aucune des deux procé<strong>du</strong>res, l’éventuelle<br />

décision favorable à la personne<br />

discriminée ne lui permettra de prendre<br />

possession <strong>du</strong> bien qui est l’objet<br />

de ses convoitises, <strong>du</strong>t-il être resté (ou<br />

redevenu) disponible. Mais, au moins,<br />

l’action en cessation a pour elle de<br />

parvenir à mettre un terme rapide à<br />

un procédé entaché de discrimination.<br />

Le candidat locataire restera candidat<br />

locataire s’il le désire, et le<br />

bailleur devra alors trouver un autre<br />

motif pour l’évincer. Procé<strong>du</strong>re civile<br />

qui permet d’obtenir prestement une<br />

décision de justice, puisque l’action<br />

s’intro<strong>du</strong>it et se traite dans les formes<br />

et délais <strong>du</strong> référé 82 , l’action en cessation<br />

offre une incontestable valeur<br />

ajoutée par rapport à la procé<strong>du</strong>re<br />

pénale classique qui, longue et aléatoire,<br />

en décourage plus d’un à porter<br />

plainte. Si son libellé évoque plutôt le<br />

passé (auquel il faudrait revenir, vu<br />

l’illégalité de la situation actuelle),<br />

l’action en cessation agit plutôt pour<br />

l’avenir. Elle constitue une mise en<br />

garde officielle à l’adresse d’un bailleur<br />

qui se sait désormais tenu à l’œil. Sorte<br />

d’avertissement sans frais (fors les<br />

dépens afférents à la procé<strong>du</strong>re judiciaire),<br />

l’action en cessation n’est pas<br />

cependant dénuée d’incidences financières<br />

lorsqu’elle s’accompagne d’une<br />

astreinte, comme on va le voir.<br />

Enfin, et pourvu naturellement qu’elle<br />

aboutisse, l’action en cessation renforce<br />

encore l’éventuelle procé<strong>du</strong>re<br />

répressive pendante par ailleurs 83 .<br />

D’après la doctrine, en effet, l’éventuel<br />

ordre de cessation conditionne étroitement<br />

l’issue réservée au pénal dès<br />

lors que le tribunal correctionnel ne<br />

saurait revenir sur la réalité d’une<br />

infraction qui a été dûment constatée<br />

par le président <strong>du</strong> tribunal civil 84 ,<br />

au-delà même <strong>du</strong> principe audacieux<br />

(c’est le civil qui, en l’espèce, tient le<br />

pénal en l’état) instauré par la loi <strong>du</strong><br />

25 février 2003 85 . L’on se permettra<br />

toutefois de signaler que ce procédé<br />

« simplifié » pour obtenir une décision<br />

favorable en cessation qu’est la<br />

répartition de la charge de la preuve<br />

n’est nullement d’application en<br />

matière pénale où, là, prévaut le principe<br />

intangible de la présomption<br />

d’innocence. En revanche, sur le plan<br />

— civil — de l’indemnisation, les<br />

choses sont plus claires puisque le<br />

comportement discriminatoire déclaré<br />

officiellement tel par l’action en cessation<br />

est alors constitutif d’une faute<br />

au sens de l’article 1382 <strong>du</strong> Code civil,<br />

ce qui permettra à la victime d’obtenir<br />

<strong>du</strong> contrevenant des dommages et<br />

intérêts (pour autant, classiquement,<br />

que le préjudice soit avéré et, en même<br />

temps, imputable à l’acte litigieux).<br />

b) suffisamment dissuasive, l’action<br />

en cessation ?<br />

Malgré ces indéniables vertus, l’action<br />

en cessation suscite encore des interrogations,<br />

dont la suivante. Cette<br />

mesure répond-elle ainsi vraiment à<br />

l’obligation, imposée aux États membres<br />

par la directive européenne, de<br />

mettre en œuvre des « sanctions effectives,<br />

proportionnées et dissuasives »<br />

aux fins de faire respecter les normes<br />

anti-discrimination 86 ? La chose n’est<br />

pas sûre, eu égard notamment à l’impuissance<br />

de l’action en cessation à<br />

faire intégrer le candidat discriminé<br />

dans le bien convoité, quand bien<br />

même ce dernier n’aurait toujours pas<br />

été pris à bail. En clair, la difficulté<br />

concrète <strong>du</strong> locataire n’est en rien<br />

résolue par la procé<strong>du</strong>re en cessation.<br />

Mais l’indivi<strong>du</strong> discriminé désire-t-il<br />

vraiment nouer, à l’arraché, une relation<br />

contractuelle avec une personne<br />

convaincue de comportement raciste<br />

(par exemple) et à qui ainsi l’on


« forcerait la main » ? Supposé reposer<br />

sur une confiance partagée, le rapport<br />

locatif commencerait sous de<br />

bien funestes augures... À l’analyse,<br />

l’action en cessation semble présenter<br />

moins d’attrait pour le particulier que<br />

pour une personne morale chargée<br />

de la défense des droits de l’homme<br />

en général 87 . Encore que, il n’est pas<br />

dit que l’association conservera intacte<br />

sa motivation après avoir porté quelques<br />

« causes significatives » devant<br />

les tribunaux avec succès.<br />

Quoi qu’il en soit, on pourrait songer,<br />

en vue de renforcer l’aspect dissuasif de<br />

la loi <strong>du</strong> 25 février 2003, à « tarifer » le<br />

préjudice moral, au sein même <strong>du</strong><br />

texte. À l’appréciation — aléatoire —<br />

<strong>du</strong> juge chargé d’évaluer les dommages<br />

civils, on substituerait un barème<br />

« universel » qui associe à chaque type<br />

d’infraction une somme d’agent déterminée.<br />

Et dès lors qu’ils sont purement<br />

forfaitaires (et ne requièrent<br />

donc pas d’appréciation particulière de<br />

la part <strong>du</strong> magistrat), ces dommages<br />

et intérêts pourraient être alloués<br />

directement par le juge de la cessation,<br />

dans les mêmes délais ré<strong>du</strong>its 88 .<br />

Le pouvoir dissuasif de la loi s’en trouverait<br />

incontestablement amplifié,<br />

contribuant ainsi à conférer une plus<br />

grande effectivité à une législation<br />

dont la menace, pour l’heure, reste<br />

lointaine, voire tout simplement<br />

méconnue. Il semble cependant que<br />

le projet de loi en préparation emprunte<br />

cette voie de la tarification (650 euros<br />

à titre d’indemnisation forfaitaire <strong>du</strong><br />

dommage moral), ce dont on se<br />

réjouirait 89 .<br />

c) quelle action en cessation pour<br />

un acte discriminatoire déjà entièrement<br />

consommé (et souvent irréversible)<br />

?<br />

Dans quelles circonstances l’action en<br />

cessation doit-elle être intro<strong>du</strong>ite ?<br />

Faut-il, concrètement, que le bien soit<br />

toujours proposé à la location par<br />

exemple ? Est-il ainsi légitime de<br />

demander au juge de faire cesser un<br />

comportement (le refus de louer à des<br />

étrangers par exemple) qui, de toute<br />

façon, n’a plus cours puisque le logement<br />

a, entre-temps, été pris à bail<br />

par un tiers ? Oui, répond unanimement<br />

la jurisprudence, pour laquelle<br />

l’exercice de l’action en cessation est<br />

indépendant de la persistance de l’acte<br />

illégal. En réalité, ce n’est pas la pratique<br />

discriminatoire qui a pris fin;<br />

c’est la disponibilité — théorique —<br />

<strong>du</strong> bien qui a disparu. Dans chacune<br />

des affaires concernées, en tout cas, les<br />

victimes ont pu agir sur cette base<br />

alors même que le bailleur, fidèle à<br />

sa logique discriminatoire, avait<br />

contracté dans l’intervalle avec un<br />

indivi<strong>du</strong> correspondant mieux à ses<br />

standards culturels. Déclarée à chaque<br />

fois recevable par les juridictions,<br />

l’action en cessation a pu sortir ses<br />

effets alors que le bien était, de facto,<br />

retiré <strong>du</strong> marché locatif. Au fond,<br />

l’action en « cessation » porte bien<br />

mal son nom puisque, souvent, elle<br />

ne fait cesser plus rien <strong>du</strong> tout puisque<br />

le comportement incriminé a disparu<br />

depuis longtemps.<br />

Mais de quels types d’effets peut-il<br />

donc bien s’agir à partir <strong>du</strong> moment<br />

où l’action en cessation n’a nullement<br />

le pouvoir d’interrompre la location<br />

en cours ? Comme déjà dit, l’action<br />

en cessation agit essentiellement pour<br />

l’avenir, « dès lors qu’il existe un risque<br />

de récidive » comme l’observe le président<br />

<strong>du</strong> tribunal civil de Nivelles 90 .<br />

Il s’indique donc d’empêcher le<br />

contrevenant de tomber plus tard<br />

dans le même travers. L’intérêt « né et<br />

actuel » dont doivent se prévaloir les<br />

requérants pour pouvoir agir en justice<br />

(en vertu de l’article 17 <strong>du</strong> Code<br />

judiciaire) consiste ainsi dans le<br />

« danger de répétition de la violation<br />

invoquée », précise le tribunal civil<br />

de Gand 91 . Il est vrai que, dans le futur,<br />

le bien risque fort d’être proposé à<br />

nouveau à la location.<br />

Par ailleurs, dans l’espoir de tuer dans<br />

l’œuf toute velléité de récidive dans<br />

le chef <strong>du</strong> contrevenant, signalons<br />

que le juge peut assortir la cessation<br />

de la pratique discriminatoire qu’il<br />

ordonne d’une astreinte automatiquement<br />

<strong>du</strong>e pour toute nouvelle<br />

infraction constatée 92 et ce, conformément<br />

au prescrit légal 93 . Et, toujours<br />

dans le même esprit de décourager<br />

une « rechute » dans le chef <strong>du</strong><br />

bailleur, il est permis également au<br />

juge d’imposer l’affichage de la décision<br />

de justice ou sa publication dans<br />

un journal 94 . Ce genre de sanction<br />

n’a cependant d’utilité que si le bien<br />

est susceptible d’être prochainement<br />

remis sur le marché de la location. À<br />

défaut (en cas de bail de longue <strong>du</strong>rée<br />

par exemple), elle risque de s’apparenter<br />

davantage à une mesure vexatoire<br />

qu’à un principe de bonne<br />

justice 95 .<br />

7. L’intervention éventuelle d’un<br />

agent immobilier<br />

Indépendamment de la législation<br />

dont on invoque le respect (loi <strong>du</strong><br />

30 juillet 1981 ou loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003), il reste à savoir contre qui<br />

exactement il convient d’intro<strong>du</strong>ire<br />

l’action en justice en matière de discrimination.<br />

Contre le propriétaire<br />

<strong>du</strong> bien ? Lorsqu’il y en a une, contre<br />

l’agence immobilière qui, elle, est en<br />

contact direct avec les candidats<br />

locataires ? Contre un éventuel autre<br />

intermédiaire ? Contre les trois à la<br />

fois ? La jurisprudence, sur ce point,<br />

est divisée. Certains magistrats<br />

s’accordent sur le fait que l’agence<br />

(87) En vertu de l’article 31 de la loi <strong>du</strong> 25<br />

février 2003, et sous certaines conditions,<br />

les personnes morales sont autorisées en<br />

effet à agir en justice sur la base de la loi<br />

<strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(88) Cf. S. VAN DROOGHENBROECK, « La loi<br />

<strong>du</strong> 25 février 2003 tendant à lutter contre<br />

la discrimination : les défis d’une<br />

“horizontalisation” des droits de l’homme»,<br />

A.P.T., 2003, p. 208 et s.<br />

(89) Art. 18, §2, 1°, <strong>du</strong> projet de loi tendant<br />

à lutter contre certaines formes de<br />

discrimination.<br />

(90) Prés. Civ. Nivelles, 19 avril 2005, J.T., 2005,<br />

p. 380 et Juristenkrant, 2005, n°110, p. 12,<br />

note J. KUSTERS.<br />

(91) Civ. Gand, 31 décembre 2003, N.J.W.,<br />

2004, p. 204 et s.<br />

(92) 100 euros par exemple dans l’affaire <strong>du</strong><br />

refus de louer à des homosexuels (Prés. Civ.<br />

Nivelles, 19 avril 2005, J.T., 2005, p. 380 et<br />

Juristenkrant, 2005, n°110, p. 12, note<br />

J. KUSTERS).<br />

(93) Art. 20 de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(94) Art. 19, §2, al. 2, de la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003.<br />

(95) C’est pour cette raison d’ailleurs que le<br />

président <strong>du</strong> tribunal civil de Nivelles a<br />

refusé d’ordonner cette mesure (Prés. Civ.<br />

Nivelles, 19 avril 2005, J.T., 2005, p. 380 et<br />

Juristenkrant, 2005, n°110, p. 12, note<br />

J. KUSTERS).<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 13


14<br />

Doctrine / discrimination<br />

(96) Prés. Civ. Nivelles, 19 avril 2005, J.T., 2005,<br />

p. 380 et Juristenkrant, 2005, n°110, p. 12,<br />

note J. KUSTERS.<br />

(97) Civ. Gand, 31 décembre 2003, N.J.W.,<br />

2004, p. 204 et s.<br />

(98) Gand, 30 novembre 2005, cité par le<br />

Rapport annuel 2005 <strong>du</strong> Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre<br />

le racisme, p. 37 et s.<br />

(99) Corr. Anvers, 21 juin 1996, T. Vreemd.,<br />

1996, p. 165.<br />

(100) Corr. Bruxelles, 31 mars 2004 (décision<br />

repro<strong>du</strong>ite in extenso sur le site <strong>du</strong> Centre<br />

pour l’égalité des chances et la lutte<br />

contre le racisme (www.diversite.be).<br />

(101) Cf. Civ. Bruges, 29 juin 2005, R.C.D.I.,<br />

2006, n°2, p. 26.<br />

(102) « Tout comportement consistant à<br />

enjoindre à quiconque de pratiquer une<br />

discrimination à l’encontre d’une<br />

personne, d’un groupe, d’une<br />

communauté ou de leurs membres est<br />

considéré comme une discrimination au<br />

sens de la présente loi » (art. 2, §7, de la<br />

loi <strong>du</strong> 25 février 2003).<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

immobilière ne fait généralement que<br />

répercuter les instructions <strong>du</strong> propriétaire.<br />

On a ainsi vu plus haut que le<br />

président <strong>du</strong> tribunal civil de Nivelles<br />

avait condamné le propriétaire en<br />

dépit <strong>du</strong> fait que c’était une employée<br />

de l’agence immobilière qui avait<br />

signifié au couple d’homosexuels le<br />

refus de celui-ci de contracter avec un<br />

ménage inorthodoxe 96 . L’agence en<br />

l’espèce agissait expressément pour<br />

le compte de son mandant et, au<br />

demeurant, n’avait aucunement le<br />

pouvoir de signer en son nom le<br />

contrat de bail.<br />

Dans une autre affaire, mettant également<br />

en cause un refus de location<br />

à un couple d’homosexuels, le Président<br />

<strong>du</strong> tribunal civil de Gand 97 (dont<br />

la décision a été confirmée en appel 98 )<br />

a également mis hors-cause l’agence<br />

immobilière, laquelle avait simplement<br />

relayé les réticences <strong>du</strong> bailleur<br />

à louer « à deux hommes ou à deux<br />

femmes ». Intéressante, cette décision<br />

l’est notamment en ce que les magistrats,<br />

dans la foulée, ont épargné les<br />

propriétaires également (trois frères<br />

et sœurs copropriétaires en l’espèce)<br />

et débouté les parties requérantes de<br />

leur action au motif que celle-ci devait<br />

être intro<strong>du</strong>ite non pas contre eux<br />

mais contre leur mère, qui gérait à<br />

leur place la mise en location. N’ayant<br />

eu aucune implication personnelle<br />

dans cette entreprise de mise en<br />

location, les titulaires formels <strong>du</strong> droit<br />

de propriété ne sauraient dès lors<br />

être redevables d’un quelconque comportement<br />

discriminatoire. Cependant,<br />

cette décision de justice semble<br />

sévère dans la mesure où les plaignants<br />

ne pouvaient raisonnablement<br />

savoir que le vocable « propriétaire »<br />

employé par l’agence immobilière<br />

visait en réalité non pas les titulaires<br />

juridiques <strong>du</strong> droit de propriété mais<br />

bien leur intermédiaire qui assumait,<br />

visiblement seul, la mise en location<br />

<strong>du</strong> bien. Il serait pour le moins fâcheux<br />

de pénaliser ainsi la personne discriminée<br />

dont le seul « tort » est de s’en<br />

être remise aux apparences légitimes.<br />

Et, à s’en tenir au seul critère de l’implication<br />

personnelle dans la réalisation<br />

de la discrimination, il n’y a pas<br />

de raison d’exonérer d’office les agences<br />

immobilières de tout soupçon.<br />

Certaines d’entre elles ne sont-elles<br />

pas tentées de faire de « l’excès de<br />

zèle » pour gagner et consolider les<br />

faveurs de leur mandant ? En filtrant<br />

à l’entrée les locataires, elles peuvent<br />

espérer assurer au propriétaire une<br />

location aussi paisible que possible<br />

et, ainsi, les convaincre de leur professionnalisme.<br />

Il convient, à tout<br />

le moins, de s’assurer qu’elles ne<br />

versent pas dans cette ornière-là.<br />

Du reste, c’est bien un agent immobilier,<br />

qui en l’espèce ne retenait<br />

comme candidats locataires que les<br />

« Belges de nature », que le tribunal<br />

correctionnel d’Anvers a condamné<br />

le 21 juin 1996 sur la base de la loi <strong>du</strong><br />

30 juillet 1981 99 . C’est donc une<br />

amende pénale — et même un emprisonnement<br />

— que le contrevenant<br />

s’est vu infliger, sans qu’il soit question<br />

ici de suspension <strong>du</strong> prononcé. Le<br />

caractère répété de l’infraction, combiné<br />

au fait que l’intéressé est un<br />

professionnel, explique sans doute la<br />

relative <strong>du</strong>reté <strong>du</strong> jugement. De même,<br />

comme on l’a vu, le tribunal correctionnel<br />

de Bruxelles a prononcé le<br />

31 mars 2004 une condamnation à<br />

l’encontre d’un gérant d’agence immobilière<br />

qui, pour des motifs de type<br />

ethnique, avait fait opposition à tout<br />

examen sérieux des garanties proposées<br />

par une dame d’origine congolaise<br />

désireuse d’acquérir le bien 100 .<br />

On le voit, la responsabilité <strong>du</strong> manquement<br />

incombe alternativement<br />

au propriétaire et à l’agence immobilière.<br />

À notre sens, l’imputation de<br />

l’infraction à l’agence immobilière<br />

devrait dépendre intimement de l’intensité<br />

<strong>du</strong> pouvoir de représentation<br />

dont elle a été — ou non — investie<br />

par le propriétaire 101 . Plus exhaustive<br />

est la convention qui les unit, plus<br />

étroite est la marge de manœuvre<br />

dont jouit l’agence et, partant, plus<br />

limitée est sa responsabilité. On rappellera<br />

à cet égard que l’injonction<br />

de discriminer constitue en elle-même<br />

une discrimination 102 . Si, au contraire,<br />

l’agence est laissée libre de prendre<br />

les initiatives qu’elle juge opportunes<br />

pour la bonne conclusion de l’affaire,


on ne voit pas alors ce qui justifierait<br />

de l’affranchir de la prévention de<br />

discrimination 103 . « Een vertegenwoordiger<br />

die in eigen naam handelt,<br />

wordt immers persoonlijk gebonden<br />

geacht », confirme Nathalie Van<br />

Leuven 104 . Il se pourrait même, suivant<br />

un arrêt de la Cour de cassation de<br />

2001, que le mandant (le propriétaire<br />

ici) puisse être tenu responsable pour<br />

la faute commise par son commettant<br />

(l’agence immobilière) dans la<br />

phase précontractuelle (qui précède la<br />

conclusion <strong>du</strong> bail) 105 . On ne saurait<br />

trop conseiller dès lors au propriétaire<br />

d’expliciter au maximum (en interdisant<br />

par exemple tout recours à un<br />

argument <strong>du</strong> type discriminatoire)<br />

la mission qu’il confie à l’agence<br />

immobilière dans la convention de<br />

courtage les unissant.<br />

En ce qui concerne, spécifiquement,<br />

la cessation <strong>du</strong> comportement, il est<br />

admis que le propriétaire et l’agence<br />

immobilière puissent être conjointement<br />

visés, comme l’a spécifié <strong>du</strong> reste<br />

le tribunal civil de Bruxelles dans sa<br />

décision <strong>du</strong> 3 juin 2005 106 . Le fait de<br />

condamner l’agence en sus <strong>du</strong> propriétaire<br />

a pour salutaire effet, à nos<br />

yeux, de rappeler les intermédiaires<br />

à leurs devoirs. Concernés par la loi<br />

comme tout le monde, les gérants et<br />

employés d’agence immobilière ne<br />

peuvent se réfugier derrière les souhaits<br />

— préten<strong>du</strong>s ou avérés — de<br />

leurs clients et échapper ainsi à toute<br />

responsabilité. À eux aussi de prendre<br />

connaissance <strong>du</strong> prescrit légal, de<br />

mettre leurs mandants en garde<br />

contre l’illégalité d’un refus discriminatoire<br />

et, le cas échéant, de refuser<br />

de relayer la consigne illégale auprès<br />

des candidats locataires ou acheteurs.<br />

Du reste, c’est exactement ce grief (le<br />

non avertissement <strong>du</strong> caractère délictueux<br />

de la préférence donnée à un<br />

« couple traditionnel ») qu’a formulé<br />

à son agence immobilière, non sans<br />

arrière-pensée il est vrai, le propriétaire<br />

rappelé à l’ordre par le président<br />

<strong>du</strong> tribunal civil de Nivelles dans<br />

l’affaire tranchée 19 avril 2005. En<br />

tout état de cause, les clauses discriminatoires<br />

reprises dans une convention<br />

de courtage reliant agence immo-<br />

bilière et propriétaire doivent êtres<br />

déclarées nulles en vertu de l’article<br />

18 de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003. Si, en<br />

résumé, « l’agent immobilier ne<br />

parvient pas à convaincre son client<br />

d’abandonner tout critère discriminatoire<br />

dans le choix de son locataire,<br />

mieux vaut pour lui ne pas entamer<br />

la mission, sans quoi il risque d’être<br />

confronté aux désagréments et frais<br />

d’une procé<strong>du</strong>re judiciaire », avertit<br />

Laurent Collon 107 .<br />

III. QUESTIONS SPÉCIFIQUES<br />

AU LOGEMENT SOCIAL<br />

1. Le secteur <strong>du</strong> logement social<br />

est-il tenu par les réglementations<br />

anti-discrimination ?<br />

Dans un État fédéral comme le nôtre,<br />

chacune des entités — fédérale et fédérées<br />

— est tenue de transposer les<br />

directives européennes les concernant<br />

dans son ordre juridique interne. La<br />

chose semble d’autant plus importante<br />

que la matière <strong>du</strong> logement (au<br />

sens large) fait l’objet, en Belgique,<br />

d’une compétence partagée entre<br />

l’État fédéral et les Régions. Ainsi, en<br />

vertu de l’article 39 de la Constitution<br />

et de l’article 6, §1 er , IV, de la loi<br />

spéciale <strong>du</strong> 8 août 1980 de réformes<br />

institutionnelles, « le logement et la<br />

police des habitations qui constituent<br />

un danger pour la propreté et la salubrité<br />

publiques » forment en effet des<br />

matières régionales 108 . Nonobstant<br />

cette compétence de principe de la<br />

Région pour l’ensemble de la politique<br />

<strong>du</strong> logement, le législateur fédéral<br />

reste habilité à régler la matière<br />

<strong>du</strong> bail, par l’entremise notamment de<br />

la loi <strong>du</strong> 20 février 1991 sur les baux<br />

de résidence principale 109 . À qui alors<br />

revient la charge de donner chair au<br />

prescrit européen ? Aux deux, assurément.<br />

À cet égard, le Conseil d’État<br />

vient encore de rappeler qu’il appartient<br />

à chaque législateur (fédéral,<br />

communautaire ou régional), et à lui<br />

seul, d’adopter les dispositifs requis<br />

par les directives européennes dans<br />

les domaines de compétence qui lui<br />

sont propres 110 .<br />

Puisque les questions de droit civil<br />

afférentes au contrat de bail prédo-<br />

minent in<strong>du</strong>bitablement dans le<br />

secteur privé <strong>du</strong> logement, c’est au<br />

pouvoir fédéral qu’il incombait de<br />

transposer la directive dans ce<br />

domaine. Précisément, le législateur<br />

fédéral a déjà accompli sa part <strong>du</strong><br />

travail en adoptant la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003. Encore que, le Ministre fédéral<br />

en charge de l’Égalité des chances<br />

confesse sans ambages que « la transposition<br />

réalisée est, à ce jour, et sur<br />

de nombreux points, soit déficiente,<br />

soit incomplète » 111 . Compétentes<br />

pour leur part en matière de logement<br />

social, notamment, les Régions restent<br />

toujours, elles, totalement en défaut<br />

de transposition 112 et ce, alors que le<br />

délai pour intro<strong>du</strong>ire la directive<br />

2000/43/CE <strong>du</strong> 29 juin 2000 dans leur<br />

ordre juridique interne est expiré<br />

(103) Sur la responsabilité <strong>du</strong> représentant,<br />

voy. D. DE PRINS, « Stakingsvordering<br />

tegen indivi<strong>du</strong>ele discriminatie.<br />

Handelingen gesteld door vertegenwoordigers<br />

», N.J.W., 2004, p. 261 et s.<br />

(104) « Un représentant qui agit en son nom<br />

propre est toujours réputé<br />

personnellement lié ». N. VAN LEUVEN,<br />

« De antidiscriminatiewet en de<br />

huurovereenkomst », Antidiscriminatiewet<br />

en contracten - La loi antidiscrimination et<br />

les contrats, sous la direction de S. Stijns<br />

et P. Wéry, Brugge - Bruxelles, Die Keure -<br />

La Charte, 2006,<br />

p. 133.<br />

(105) Cass., 16 février 2001, R.D.C., 2002,<br />

p. 698, note C. GEYS.<br />

(106) Civ. Bruxelles, 3 juin 2005, T. Vreemd.,<br />

2006, p. 42, note J. KUSTERS.<br />

(107) L. COLLON, « La loi anti-discrimination »,<br />

Immobilier, 2005, n°18, p. 7.<br />

(108) Loi spéciale de réformes institutionnelles<br />

<strong>du</strong> 8 août 1980, M.B., 15 août 1980.<br />

(109) Loi <strong>du</strong> 20 février 1991 modifiant et<br />

complétant les dispositions <strong>du</strong> Code civil<br />

relatives aux baux à loyer, M.B., 22 février<br />

1991.<br />

(110) Avis <strong>du</strong> Conseil d’État (section de<br />

législation) <strong>du</strong> 11 juillet 2006 sur le projet<br />

de loi modifiant la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981<br />

tendant à réprimer certains actes inspirés<br />

par le racisme ou la xénophobie<br />

(40.689/AG, 40.690/AG et 40.691/AG).<br />

(111) Exposé des motifs <strong>du</strong> projet de loi<br />

modifiant la loi <strong>du</strong> 30 juillet 1981 tendant<br />

à réprimer certains actes inspirés par le<br />

racisme ou la xénophobie, p. 5.<br />

(112) Cet état de fait vaut à la Belgique<br />

d’encourir une procé<strong>du</strong>re en manquement<br />

devant la Cour de justice des<br />

Communautés européennes, alors même<br />

que l’État fédéral a bien, lui, accompli son<br />

devoir.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 15


16<br />

Doctrine / discrimination<br />

depuis plus de trois ans 113 ! Quelles<br />

normes anti-discrimination s’appliquent-elles,<br />

dès lors, au secteur <strong>du</strong><br />

logement public ? La loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003, par exemple, est-elle autorisée<br />

à sortir ses effets en ce domaine ? Il<br />

semble qu’il faille répondre par la<br />

négative. Comment concilier en effet<br />

l’interdiction de toute discrimination<br />

en fonction de la « fortune » de<br />

l’intéressé (art. 2, §1 er , de la loi <strong>du</strong><br />

25 février 2003) avec le système<br />

d’attribution des logements sociaux<br />

(113) La date limite pour transposer cette<br />

directive interdisant les discriminations<br />

raciales dans le secteur <strong>du</strong> logement<br />

notamment a été fixée au 19 juillet 2003.<br />

Le délai pour intégrer dans l’ordre<br />

juridique interne la directive 2004/113<br />

relative aux discriminations fondées sur le<br />

sexe court, lui, jusqu’au 21 décembre<br />

2007.<br />

(114) Voy. supra.<br />

(115) Cf. notamment C.J.C.E., 26 février 1986,<br />

M. H. Marshall/Southampton and South-<br />

West Hampshire Area Health Authority<br />

(Teaching), 152-84 ainsi que C.J.C.E.,<br />

4 décembre 1974, van Duyn, 41-74.<br />

(116) Voy. a contrario C.J.C.E., 14 juillet 1994,<br />

Faccini Dori/Recreb, C-91/92 et C.J.C.E.,<br />

7 mars 1996, El Corte Inglés, C-192/94.<br />

(117) Art. 5 de la directive 2000/43/CE <strong>du</strong><br />

29 juin 2000 et art. 7 de la directive<br />

2000/78/CE <strong>du</strong> 27 novembre 2000.<br />

(118) « Interdiction de discrimination. La<br />

jouissance des droits et libertés reconnus<br />

dans la présente Convention doit être<br />

assurée, sans distinction aucune, fondée<br />

notamment sur le sexe, la race, la couleur,<br />

la langue, la religion, les opinions<br />

politiques ou toute autre opinion,<br />

l’origine nationale ou sociale,<br />

l’appartenance à une minorité nationale,<br />

la fortune, la naissance ou toute autre<br />

situation ».<br />

(119) Art. 2.1 : « <strong>Les</strong> États parties au présent<br />

Pacte s’engagent à respecter et à garantir<br />

à tous les indivi<strong>du</strong>s se trouvant sur leur<br />

territoire et relevant de leur compétence<br />

les droits reconnus dans le présent Pacte,<br />

sans distinction aucune, notamment de<br />

race, de couleur, de sexe, de langue, de<br />

religion, d’opinion politique ou de toute<br />

autre opinion, d’origine nationale ou<br />

sociale, de fortune, de naissance ou de<br />

toute autre situation ». Art. 26 : « Toutes<br />

les personnes sont égales devant la loi et<br />

ont droit sans discrimination à une égale<br />

protection de la loi. A cet égard, la loi doit<br />

interdire toute discrimination et garantir à<br />

toutes les personnes une protection égale<br />

et efficace contre toute discrimination,<br />

notamment de race, de couleur, de sexe,<br />

de langue, de religion, d’opinion politique<br />

et de toute autre opinion, d’origine<br />

nationale ou sociale, de fortune, de<br />

naissance ou de toute autre situation ».<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

qui repose justement sur une sélection<br />

opérée sur une base financière<br />

pour l’essentiel ? C’est l’économie<br />

générale <strong>du</strong> logement public qui se<br />

trouverait ainsi ébranlée par une loi<br />

de ce type, appliquée telle quelle.<br />

Encore que, seules les discriminations<br />

en matière de logement reposant sur<br />

la race ou le sexe sont visées par les<br />

directives européennes restreignant<br />

les possibilités de justification à certaines<br />

hypothèses particulières (discrimination<br />

indirecte, action positive) 114 .<br />

A contrario, les autres inégalités de<br />

traitement, comme celles qui s’appuient<br />

sur la situation financière des<br />

candidats locataires sociaux par<br />

exemple, pourraient être admises,<br />

moyennant une motivation circonstanciée.<br />

Dans l’attente dès lors d’une mesure<br />

spécifique prise par les instances régionales,<br />

est-il permis d’invoquer directement<br />

les directives européennes<br />

concernées ? Il est vrai que la jurisprudence<br />

de la Cour de justice des communautés<br />

européennes autorise les<br />

justiciables à exploiter les ressources<br />

d’une directive qui n’aurait toujours<br />

pas été transposée en droit national<br />

à l’échéance <strong>du</strong> terme, pourvu que le<br />

texte européen soit suffisamment<br />

explicite et autosuffisant 115 . Certes<br />

encore, cette possibilité est réservée<br />

aux actions intro<strong>du</strong>ites par un particulier<br />

à l’encontre de la puissance<br />

publique, ce qui est bien le cas dans<br />

le cadre <strong>du</strong> logement social 116 . Toutefois,<br />

le recours à cette faculté semble<br />

douteux dans la situation qui nous<br />

occupe tant les directives européennes<br />

précitées renvoient aux législateurs<br />

nationaux pour donner corps à leurs<br />

prescriptions. Par surcroît, il s’agit ici<br />

plus que d’une simple interdiction<br />

(laquelle ne requiert parfois guère de<br />

mesures de concrétisation pour être<br />

opérationnelle) puisque les États<br />

membres doivent, de manière positive,<br />

développer tout l’arsenal de sanctions<br />

(« effectives, proportionnées<br />

et dissuasives ») propres à dissuader<br />

la commission de l’infraction. Et, surtout,<br />

les directives européennes<br />

demandent expressément aux États<br />

membres, aussi important soit le prin-<br />

cipe d’égalité de traitement qu’elles<br />

proclament par ailleurs, de prendre<br />

des « actions positives » (entendez :<br />

discriminations positives) lorsqu’il<br />

importe de « compenser des désavantages<br />

liés à la race ou l’origine ethnique<br />

» 117 . À nouveau, seule une intervention<br />

d’une autorité d’exécution<br />

est à même de donner un début d’application<br />

à ce principe cardinal. Ceci<br />

étant dit, il n’est pas interdit, au cas<br />

par cas, de conférer un effet immédiat<br />

à certaines des dispositions européennes<br />

qui, suffisamment univoques,<br />

n’exigent pas d’appréciation particulière<br />

de la part des autorités étatiques<br />

commises à leur matérialisation.<br />

Alors, le logement social : une zone<br />

de non-droit en matière de discrimination<br />

? Aucunement ! La loi <strong>du</strong><br />

30 juillet 1981 qui réprime les discriminations<br />

fondées sur l’origine ethnique<br />

pourrait bien trouver à s’y<br />

appliquer (de manière subsidiaire<br />

cependant, jusqu’à ce qu’une Région<br />

légifère en la matière). Par ailleurs,<br />

plusieurs conventions supranationales<br />

prohibent de manière générale toute<br />

forme de discrimination (y compris<br />

celles qui ont cours dans le parc locatif<br />

public), comme la Convention<br />

européenne des droits de l’homme<br />

(art. 14) 118 , ou le Pacte international<br />

sur les droits civils et politiques (art.<br />

2.1 et 26) 119 . Ces raisons justifient que<br />

l’on examine, pour le logement social<br />

également, la conformité de certaines<br />

pratiques au regard des normes antidiscrimination.<br />

2. Des pratiques discriminatoires<br />

plus ar<strong>du</strong>es à rapporter dans le<br />

secteur public <strong>du</strong> logement que<br />

dans le parc privé<br />

Applicables aux particuliers, les réglementations<br />

européennes anti-discrimination<br />

visent également les pouvoirs<br />

publics. Aussi bien le bailleur<br />

privé que le bailleur social sont donc<br />

tenus en théorie de se conformer aux<br />

nouvelles exigences en la matière.<br />

Au reste, les discriminations dont se<br />

plaignent les victimes n’émanent pas<br />

que <strong>du</strong> parc privé, tant s’en faut; elles<br />

trouvent également leur origine au<br />

sein même <strong>du</strong> parc public. Et le respect


dû aux normes anti-discrimination<br />

semble d’autant plus impérieux pour<br />

les gestionnaires de sociétés de logement<br />

social qu’il appartient traditionnellement<br />

à la puissance publique de<br />

« montrer l’exemple », afin que les<br />

bonnes pratiques initiées d’en haut<br />

infusent lentement dans la sphère privée.<br />

L’État ne figure-t-il pas d’ailleurs,<br />

si l’on en croit le libellé de l’article 23<br />

de la Constitution 120 , au premier rang<br />

des débiteurs <strong>du</strong> droit au logement 121 ?<br />

Toujours est-il cependant, et ce n’est<br />

pas le moindre des paradoxes, que les<br />

discriminations sont moins ar<strong>du</strong>es à<br />

rapporter dans le secteur privé <strong>du</strong><br />

logement, intimement régi par des<br />

relations interpersonnelles, que dans<br />

le logement social, plus impersonnel<br />

et bureaucratique. Étroitement régi<br />

par des réglementations diverses, le<br />

secteur <strong>du</strong> logement est susceptible<br />

de camoufler, vis-à-vis d’un public<br />

pas toujours au fait de ses droits,<br />

l’éventuelle discrimination derrière<br />

un épais voile normatif (« je n’y peux<br />

rien, c’est la loi qui veut ça »). Et<br />

l’éclatement de la chaîne de décision<br />

exacerbe encore cette dilution des<br />

responsabilités. Pour le reste, des<br />

rési<strong>du</strong>s d’opacité subsistent dans les<br />

procé<strong>du</strong>res d’attribution des appartements<br />

sociaux. En sorte que des<br />

pratiques discriminatoires, ou à tout<br />

le moins ressenties comme telles,<br />

persistent dans le secteur <strong>du</strong> logement<br />

public, tant en France (comme le<br />

confirme le très riche rapport français<br />

de 2001 122 ) qu’en Belgique (ainsi<br />

que l’indique une vaste étude européenne<br />

de décembre 2005 : « there is<br />

case-level evidence of discrimination<br />

over lettings both in the private and<br />

social sectors » 123 ).<br />

3. Une tendance actuelle à la<br />

déségrégation ?<br />

En quoi peuvent bien consister<br />

aujourd’hui ces pratiques discriminatoires<br />

dans un secteur où les règles<br />

relatives à l’attribution des logements<br />

sociaux ont bénéficié d’une « objectivation<br />

» favorable à la transparence<br />

des transactions ? Commençons par<br />

rappeler qu’il existe d’autres formes de<br />

discrimination que le refus de louer,<br />

comme la stigmatisation <strong>du</strong>e à l’appartenance<br />

à un habitat jugé déclassé,<br />

laquelle entraîne souvent un certain<br />

rejet de la part <strong>du</strong> monde « normal ».<br />

Ce genre de comportement discriminatoire<br />

est fréquemment ressenti par<br />

les habitants d’un ensemble social 124 .<br />

Concédons, ensuite, que les règles<br />

d’octroi des logements sociaux ne<br />

sont pas encore totalement lisibles<br />

pour les candidats locataires en dépit<br />

de la très appréciable démarche d’objectivation,<br />

ne serait-ce que parce que<br />

les sociétés disposent d’une importante<br />

marge de manœuvre pour<br />

déroger à la liste d’attente lorsque se<br />

présentent devant elles des circonstances<br />

exceptionnelles et urgentes 125 .<br />

La chose n’a rien d’anormal, mais un<br />

effort d’explication devrait être fourni<br />

par les autorités concernant l’utilisation<br />

de cette faculté, toujours dans<br />

le but de dissiper le sentiment de<br />

discrimination.<br />

Mais il est un risque qu’il semble plus<br />

intéressant à analyser ici. Certes, cette<br />

discrimination dans le parc social est<br />

aujourd’hui plus virtuelle que réelle,<br />

mais cette tendance pourrait prendre<br />

corps dans les années qui viennent si<br />

l’on n’y prend pas garde. En un mot,<br />

il est permis de craindre que le secteur<br />

<strong>du</strong> logement public, où prédomine<br />

une sur-représentation de personnes<br />

d’origine étrangère, soit tenté de<br />

prendre en considération dans une<br />

certaine mesure l’appartenance<br />

ethnique des postulants pour l’octroi<br />

d’un appartement social et ce, dans un<br />

objectif avoué de mixité sociale. Pour<br />

prendre la mesure de ce risque, un<br />

très bref rappel historique s’impose.<br />

Déserté dans les années septante par<br />

un grand nombre de nationaux<br />

(lesquels, dans une phase sociale<br />

ascendante, ont préféré migrer vers<br />

des quartiers plus résidentiels), le parc<br />

public leur a progressivement substitué<br />

des personnes d’origine étrangère.<br />

En suite de quoi l’on compte aujourd’hui,<br />

au regard de leurs poids démographiques<br />

respectifs, plus d’allochtones<br />

que de nationaux dans le<br />

logement social (deux fois plus en<br />

France, par exemple, cette proportion<br />

grimpant à trois fois plus en Île-de-<br />

France). Et, en Belgique, la situation<br />

est sen-siblement la même. « Migrant<br />

and minority ethnic households constitute<br />

a significant proportion of the<br />

potential tenants for social renting<br />

(but this does not necessarily mean<br />

satisfactory or fair outcomes) », expose<br />

en ce sens le rapport européen de<br />

décembre 2005 126 . Certes, les personnes<br />

d’origine étrangère jouissent souvent<br />

d’une situation socio-économique<br />

moins favorable que celle des nationaux,<br />

mais cela n’explique pas tout.<br />

(120) « Chacun a le droit de mener une vie<br />

conforme à la dignité humaine. À cette<br />

fin, la loi, le décret ou [l’ordonnance]<br />

garantissent, en tenant compte des<br />

obligations correspondantes, les droits<br />

économiques, sociaux et culturels, et<br />

déterminent les conditions de leur<br />

exercice. Ces droits comprennent<br />

notamment […] le droit à un logement<br />

décent » (art. 23 de la Constitution,<br />

souligné par nous).<br />

(121) Cf. notamment N. BERNARD,<br />

« Le droit constitutionnel au logement<br />

comme arrière-plan indissociable <strong>du</strong> droit<br />

<strong>du</strong> bail », Le bail de résidence principale.<br />

15 ans d’application de la loi <strong>du</strong> 20 février<br />

1991, Bruxelles, La Charte, 2006.<br />

(122) Voy. P. SIMON (dir.), <strong>Les</strong> discriminations<br />

raciales et ethniques dans l’accès au<br />

logement social, Paris, Groupe d’études et<br />

de lutte contre les discriminations (GELD),<br />

2001.<br />

(123) M. HARRISON, I. LAW et D. PHILLIPS,<br />

Migrants, minorities and housing :<br />

exclusion, discrimination and antidiscrimination<br />

in 15 member states of the<br />

European Union, European Monitoring<br />

Center on Racism and Xenophobia<br />

(EUMC), décembre 2005, p. 18, souligné<br />

par nous.<br />

(124) On voit parfois ainsi des employeurs<br />

refuser d’embaucher de tel ou tel au motif<br />

justement qu’il vient d’une cité sociale<br />

qu’il estime disqualifiante.<br />

(125) Ainsi, dans les sociétés immobilières de<br />

service public bruxelloises par exemple, le<br />

conseil d’administration peut, « pour des<br />

cas indivi<strong>du</strong>els et dans des circonstances<br />

exceptionnelles et urgentes », contrevenir<br />

aux règles normales d’octroi et ce, dans<br />

une proportion allant jusqu’à 40 % <strong>du</strong><br />

total des attributions effectuées pendant<br />

l’année précédente (art. 11 de l’arrêté <strong>du</strong><br />

gouvernement de la Région de Bruxelles-<br />

Capitale <strong>du</strong> 26 septembre 1996<br />

organisant la location des habitations<br />

gérées par la Société <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> de la<br />

Région bruxelloise ou par les sociétés<br />

immobilières de service public, M.B.,<br />

14 novembre 1996).<br />

(126) M. HARRISON, I. LAW et D. PHILLIPS,<br />

op. cit., p. 18, souligné par nous.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 17


18<br />

Doctrine / discrimination<br />

Depuis cette période de large<br />

ouverture <strong>du</strong> patrimoine public aux<br />

populations allochtones, les temps<br />

semblent avoir changé. C’est que<br />

l’appartenance à une cité lestée de<br />

symboles négatifs constitue précisément,<br />

à l’heure actuelle, un des<br />

déterminants de la discrimination,<br />

laquelle a pour effet en retour de reléguer<br />

plus encore les étrangers dans<br />

les marges <strong>du</strong> parc immobilier. C’est<br />

donc pour briser ce cercle vicieux que<br />

le secteur <strong>du</strong> logement social résonne<br />

aujourd’hui d’une même injonction<br />

incantatoire, déclinée à l’envi : la<br />

mixité sociale. Il convient ainsi, selon<br />

le Comité européen de coordination<br />

de l’habitat social (CECODHAS),<br />

« d’éviter la polarisation spatiale en<br />

luttant contre la ségrégation spatiale<br />

par la mixité sociale » 127 . Le risque est<br />

donc de voir ce leitmotiv de mixité<br />

sociale signifier, pour les allochtones<br />

(moins favorisés statistiquement que<br />

(127) D. CZISCHKE, « Le rôle <strong>du</strong> logement social<br />

en matière de cohésion sociale »,<br />

Publication <strong>du</strong> Groupe de travail Affaires<br />

sociales <strong>du</strong> CECODHAS, Bruxelles,<br />

le 16 février 2006, p. 29.<br />

(128) Rapport annuel 2004 <strong>du</strong> Centre pour<br />

l’égalité des chances et la lutte contre le<br />

racisme, p. 26.<br />

(129) 1993-2003. Dix ans de fonctionnement <strong>du</strong><br />

Centre pour l’égalité des chances et la lutte<br />

contre le racisme, Bruxelles, 2004, p. 48.<br />

(130) « These frequently occurring unofficial<br />

quota policies towards foreigners in the<br />

social houses were motivated by the fear<br />

that increased concentrations of foreigners<br />

could lead to conflicts with Belgian<br />

habitants and by the fear of ghetto<br />

formation. Although now abandoned, the<br />

effects of such practices are still inscribed<br />

in migrant and minority ethnic settlement<br />

patterns and ethnic group relations today »<br />

(M. HARRISON, I. LAW et D. PHILLIPS,<br />

op. cit., p. 93).<br />

(131) P. SIMON (dir.), <strong>Les</strong> discriminations<br />

raciales et ethniques dans l’accès au<br />

logement social, Paris, Groupe d’études et<br />

de lutte contre les discriminations (GELD),<br />

2001.<br />

(132) Art. 2, §§1 er et 2, de la loi <strong>du</strong> 25 février<br />

2003.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

les autochtones), un accès plus difficile<br />

au logement social. Et pourtant,<br />

vouloir métisser des communautés<br />

par trop homogènes à l’intérieur <strong>du</strong><br />

parc public suppose, par définition,<br />

qu’on opère à l’égard des demandeurs<br />

une sélection à l’entrée en fonction de<br />

leur appartenance raciale, ce qui in<strong>du</strong>bitablement<br />

tombe sous le coup des<br />

réglementations anti-discrimination.<br />

Comment, en d’autres termes, intro<strong>du</strong>ire<br />

de la mixité sociale sans tomber<br />

dans un travers (la discrimination)<br />

que cherche justement à éradiquer<br />

cette vaste entreprise de déségrégation<br />

? Telle est la quadrature <strong>du</strong><br />

cercle qu’auraient à affronter les gestionnaires<br />

de sociétés de logement<br />

social tentées un jour par cette voie.<br />

Cette crainte, quoi qu’il en soit, est<br />

loin d’être fantasmatique. Ainsi, sans<br />

la citer, le Centre pour l’égalité des<br />

chances et la lutte contre le racisme<br />

rapporte le cas d’une société wallonne<br />

de logement social wallonne qui, en<br />

2004, a tenté d’intro<strong>du</strong>ire des quotas<br />

ethniques dans l’attribution des<br />

logements sociaux, en vue d’aboutir<br />

à une « mixité ethnique contrôlée » 128 .<br />

Et il semblerait même que cette pratique<br />

de quota ait régné dans un passé<br />

plus ou moins récent. « Le recours à<br />

la notion polémique (sans valeur<br />

scientifique) de seuil de tolérance a<br />

longtemps justifié la politique officieuse<br />

de quotas à l’encontre des personnes<br />

issues de l’immigration dans<br />

les logements sociaux (comme dans<br />

les habitations privées) », révèle en<br />

ce sens le Centre pour l’égalité des<br />

chances 129 . « Unofficial quotas operated<br />

in the allocation of social housing in<br />

Belgium from 1981-1993, when there<br />

was a certain amount of vagueness<br />

about the allocation criteria with<br />

respect to social housing », confirme<br />

le rapport européen de 2005 sur les<br />

discriminations raciales dans le logement<br />

130 . Et en France, loin de s’apparenter<br />

à des délires paranoïaques, ces<br />

comportements ont été soigneusement<br />

relevés et consignés dans le<br />

rapport <strong>du</strong> Groupe d’études et de lutte<br />

contre les discriminations 131 . Même<br />

si l’adoption de règles d’objectivation<br />

dans l’octroi des logements sociaux a<br />

considérablement clarifié la donne,<br />

on ne peut pas complètement exclure<br />

que de pareilles pratiques discriminatoires<br />

puissent resurgir dans un<br />

futur plus ou moins proche, au nom<br />

toujours de la mixité sociale.<br />

4. Légalité d’une pratique<br />

« déségrégatoire » au regard des<br />

réglementations antidiscrimination<br />

a) éléments juridiques tendant à<br />

valider la tendance à la déségrégation<br />

Si un jour devaient prendre de l’ampleur<br />

en Belgique ces refus de candidatures<br />

— encore marginaux aujourd’hui<br />

— opérés au nom de la mixité<br />

sociale, se poserait naturellement<br />

alors la question de leur conformité<br />

par rapport aux réglementations antidiscrimination.<br />

Cette question ne<br />

semble toutefois pas aussi facile à<br />

trancher qu’il y paraît. Car, sous un<br />

certain angle, cette forme de discrimination<br />

pourrait trouver une<br />

justification dans les textes légaux<br />

existants. <strong>Les</strong> directives communautaires<br />

n’autorisent-elles pas la<br />

discrimination — indirecte — lorsqu’un<br />

objectif jugé « légitime » est<br />

servi par des moyens considérés<br />

comme « appropriés » ? Et rappelons<br />

encore que, qu’elle soit indirecte ou<br />

même directe, la discrimination<br />

échappe aux sanctions prévues par la<br />

loi <strong>du</strong> 25 février 2003 pourvu qu’elle<br />

puisse exciper d’une « justification<br />

objective et raisonnable » 132 .<br />

Par ailleurs, « l’action positive » (plus<br />

connue dans le grand public sous le<br />

terme « discrimination positive »),<br />

conçue pour compenser les désavantages<br />

liés à la race, pourrait être renversée<br />

et invoquée justement pour<br />

démanteler des cités sociales repliées<br />

sur elles-mêmes. C’est le « ghetto »<br />

lui-même qui, par la forte charge de<br />

stigmatisation qui s’attache à ses<br />

habitants, constituerait ainsi ce<br />

« désavantage lié à la race ». Cette<br />

hyper concentration (de personnes<br />

d’origine d’étrangère en un même<br />

quartier parfois déclassé) représenterait,<br />

pour certains, la forme la plus<br />

achevée de racisme. C’est finalement


pour le bien des allochtones qu’on<br />

leur refuserait l’entrée dans le parc<br />

public car tout espoir d’ascension<br />

sociale y étouffe vite.<br />

On rappellera, enfin, que la loi antidiscrimination<br />

belge <strong>du</strong> 25 février<br />

2003 permet de mobiliser des « données<br />

statistiques » à l’appui de l’allégation<br />

d’une discrimination 133 . Ce<br />

type d’arme, toutefois, peut se retourner<br />

contre ceux qu’elle est censée<br />

protéger. Il est probable ainsi qu’une<br />

comparaison faite entre la proportion<br />

d’étrangers logeant dans une cité<br />

sociale et ceux, dans la même tranche<br />

de revenus, qui habitent dans le quartier<br />

environnant laisse apparaître, sur<br />

cette base, une discrimination — de<br />

type quantitatif — en défaveur non<br />

pas des étrangers mais bien des<br />

nationaux, lesquels pourraient alors<br />

devenir prioritaires pour intégrer ce<br />

parc public qui les sous-représente. Il<br />

s’agirait ici de rétablir un équilibre<br />

mis à mal par une pratique discriminatoire<br />

non pas dans son intention (ce<br />

sont les nationaux qui, à l’époque,<br />

ont délaissé quelque peu le logement<br />

social) mais bien dans son résultat.<br />

b) éléments juridiques tendant<br />

à condamner la tendance à la<br />

déségrégation<br />

Toutefois, le fait d’évincer des candidats<br />

en raison de leur race ou de leur<br />

origine sociale se heurte à trois obstacles<br />

de droit. L’action positive tout<br />

d’abord, pour se voir validée, doit<br />

impérativement revêtir un caractère<br />

de proportionnalité. Par analogie, la<br />

loi belge <strong>du</strong> 25 février 2003 autorise<br />

les discriminations pourvu que cellesci<br />

puissent exciper d’une justification<br />

« objective et raisonnable » 134 , laquelle<br />

« suppose la vérification de la légitimité,<br />

de l’objectivité, de la pertinence,<br />

de la nécessité et de la proportionnalité,<br />

de la mesure constitutive de la<br />

différence de traitement », précise le<br />

président <strong>du</strong> tribunal de commerce<br />

de Bruxelles, pour qui cela « implique<br />

également la vérification de l’absence<br />

de mesure moins attentatoire aux<br />

principes d’égalité et de non-discrimination<br />

» 135 . Or donc, à l’aune de<br />

cette essentielle exigence de propor-<br />

tionnalité, force est de constater qu’un<br />

pareil refus de candidats représenterait<br />

une voie bien trop radicale. Pour<br />

atteindre ce même but, jugé légitime<br />

au demeurant (éviter la ségrégation),<br />

d’autres moyens, moins « <strong>du</strong>rs », sont<br />

possibles, et avec une efficacité pas<br />

forcément moindre. On pourrait ainsi<br />

construire des plus petites unités de<br />

logement social qu’on disséminerait<br />

dans tout le tissu urbain. On pourrait<br />

également renforcer les avantages<br />

fiscaux pour inciter la classe moyenne<br />

à s’installer dans des quartiers dits difficiles<br />

(en essayant d’éviter le phénomène<br />

dit de gentryfication). Ou alors,<br />

sans que ces solutions soient incompatibles<br />

entre elles bien évidemment,<br />

on s’attacherait à socialiser plus encore<br />

le marché privé <strong>du</strong> logement par le<br />

truchement des agences immobilières<br />

sociales, dont on étofferait substantiellement<br />

les moyens d’action. Il<br />

convient, en un mot, de « refonder<br />

la mixité sociale de l’habitat sur des<br />

bases plurielles » 136 . Au demeurant, la<br />

Cour de justice des communautés<br />

européennes a expressément interdit<br />

qu’une action positive puisse prendre<br />

la forme de quotas rigides 137 .<br />

Sur un autre plan, signalons que la<br />

moindre prise en considération des<br />

candidatures émanant de personnes<br />

d’origine étrangère pourrait bien<br />

porter atteinte au droit fondamental<br />

au libre choix de la résidence, consacré<br />

à la fois par la Convention européenne<br />

des droits de l’homme (art. 2<br />

<strong>du</strong> Protocole n°4) et par le Pacte<br />

international sur les droits civils et<br />

politiques (art. 12) 138 .<br />

Enfin, l’exigence de mixité sociale<br />

risque d’entrer en conflit avec le droit<br />

constitutionnel au logement. Où se<br />

réfugieront en effet les laissés-pourcompte<br />

<strong>du</strong> système si le logement<br />

social en vient, lui aussi, à les refuser ?<br />

Qu’adviendra-t-il de ces damnés<br />

parmi les damnés si le dernier filet<br />

rési<strong>du</strong>aire n’est plus susceptible<br />

d’amortir leur chute 139 ? « C’est aux<br />

usagers les plus vulnérables qu’il faut<br />

garantir prioritairement l’accès au<br />

logement [social] adéquat, dans d’égales<br />

conditions de dignité humaine »,<br />

résume le juge de paix de Grâce-<br />

Hollogne, soucieux de rappeler les<br />

sociétés de logement social à leur finalité<br />

de service public 140 .<br />

On le voit, la tendance consistant à<br />

s’appuyer sur les réglementations<br />

anti-discrimination afin de procéder<br />

à une déségrégation ethnique dans le<br />

logement social rencontrerait une<br />

série de difficultés (d’ordre juridique<br />

notamment), lesquelles doivent s’analyser<br />

d’autant plus sévèrement qu’est<br />

ici en jeu une prérogative d’essence<br />

constitutionnelle : le droit fondamental<br />

au logement. Eu égard à ces différentes<br />

incompatibilités de droit,<br />

« cette possibilité est plus théorique que<br />

réelle », résume Olivier De Schutter,<br />

qui juge le procédé pour le moins<br />

« contestable » 141 .<br />

(133) Art. 19, §3, de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

Le procédé n’a cependant pas pour<br />

vocation de constituer lui-même la preuve<br />

de la pratique discriminatoire; il se borne<br />

à enclencher le glissement <strong>du</strong> fardeau<br />

probatoire.<br />

(134) Art. 2, §1 er , de la loi <strong>du</strong> 25 février 2003.<br />

(135) Prés. Comm. Bruxelles, 7 mars 2005,<br />

Juristenkrant, 2005, n°110, p. 5, note<br />

E. MATTHIJS et J. AUBERTIN et R.D.C.,<br />

2005, p. 675, note Y. THIERY.<br />

(136) Abolir la pauvreté. Une contribution au<br />

débat et à l’action politiques, Rapport<br />

2005 <strong>du</strong> Service de lutte contre la<br />

pauvreté, la précarité et l’exclusion<br />

sociale, p. 78<br />

(137) Voy. notamment, en matière d’emploi,<br />

C.J.C.E., C-407/98, 6 juillet 2000,<br />

Abrahamson, Anderson c. Fogelqvist.<br />

(138) Ce droit, précisent cependant les deux<br />

instruments internationaux, peut souffrir<br />

des restrictions, mais dans des conditions<br />

limitatives. Voy. les articles 2.3 et 2.4 <strong>du</strong><br />

Protocole n°4 ainsi que l’article 12.3 <strong>du</strong><br />

Pacte.<br />

(139) Voy. notamment N. BERNARD,<br />

« L’effectivité <strong>du</strong> droit constitutionnel<br />

au logement », Rev. b. dr. const., 2001/2,<br />

p. 175 et s.<br />

(140) J.P. Grâce-Hollogne, 16 mai 2000, <strong>Échos</strong><br />

log., 2000, p. 157, note L. THOLOMÉ.<br />

(141) O. DE SCHUTTER et N. BOCCADORO,<br />

« Le droit au logement dans l’Union<br />

européenne », Le logement dans sa<br />

multidimensionnalité : une grande cause<br />

régionale, sous la direction de N. Bernard<br />

et Ch. Mertens, Namur, Ministère de la<br />

Région wallonne, collection Études et<br />

documents, 2005, p. 288.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 19


20<br />

Doctrine / discrimination<br />

CONCLUSION<br />

À bien y regarder, le problème de la<br />

discrimination s’enracine avant tout<br />

dans la méfiance, laquelle reflète une<br />

structure mentale nourrie à la fois par<br />

des stéréotypes socioculturels et des<br />

expériences négatives vécues dans le<br />

passé. Et pourtant, cette méfiance,<br />

irrationnelle et rationnelle à la fois,<br />

n’est pas inscrite dans les étoiles. Cette<br />

peur sourde à l’égard de la figure commune<br />

de « l’étrange étranger » n’est<br />

pas une fatalité. <strong>Les</strong> différentes appréhensions<br />

nourries par le propriétaire<br />

(non-paiement <strong>du</strong> loyer, dévaluation<br />

<strong>du</strong> bien loué <strong>du</strong>e à la sur-occupation<br />

ou à un défaut d’entretien, etc.) peuvent<br />

être levées sans trop de peine.<br />

Précisément, des instruments légaux<br />

ont été aménagés pour rasséréner les<br />

bailleurs. Qu’on songe aux agences<br />

immobilières sociales par exemple,<br />

qui font office d’interface entre le<br />

propriétaire et le locataire et dont la<br />

mission consiste notamment à couvrir<br />

financièrement les vides locatifs<br />

et autres arriérés de loyer, tout en<br />

assurant une remise en état <strong>du</strong> bien<br />

à l’expiration <strong>du</strong> bail. Doit également<br />

être saluée, dans cette même optique,<br />

la mise sur pied à titre expérimental,<br />

dans trois villes <strong>du</strong> pays (Bruxelles-<br />

Ville, Gand et Charleroi), de commissions<br />

paritaires locatives composées à<br />

parts égales de propriétaires et de locataires,<br />

chargés notamment de régler<br />

par la médiation leurs problèmes<br />

locatifs. Toutefois, <strong>du</strong> chemin reste<br />

encore à parcourir pour désamorcer<br />

totalement ces craintes et restaurer la<br />

confiance 142 .<br />

(142) On sait à cet égard tout le crédit<br />

qu’accordent les bailleurs aux assurances<br />

fournies par le C.P.A.S. dans le cadre de<br />

constitution de la garantie locative...<br />

(143) Hormis quelques exceptions comme la<br />

liberté interne de penser par exemple.<br />

(144) Une simple explication toutefois ne suffit<br />

pas; encore celle-ci doit-elle être jugée<br />

convaincante.<br />

(145) P.-A. PERROUTY, « La loi comme outil<br />

de lutte contre les discriminations... »,<br />

op. cit., p. 79.<br />

(146) 1993-2003. Dix ans de fonctionnement<br />

<strong>du</strong> Centre pour l'égalité des chances et<br />

la lutte contre le racisme, Bruxelles, 2004,<br />

p. 45.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Sur le plan <strong>du</strong> droit, les réglementations<br />

anti-discrimination ne sauraient<br />

nullement être assimilées par leurs<br />

détracteurs à des ingérences inadmissibles<br />

dans l’exercice <strong>du</strong> droit souverain<br />

à choisir son cocontractant en<br />

toute discrétion. En effet, aucune<br />

liberté n’est infinie 143 , à plus forte<br />

raison lorsqu’il existe, comme c’est<br />

le cas actuellement, un problème<br />

indéniable d’égalité de traitement<br />

dans l’accès au logement. Certes, les<br />

normes anti-discrimination rognent<br />

quelque peu les ailes de la liberté<br />

contractuelle, mais ces restrictions<br />

n’altèrent en rien la substance même<br />

de celle-ci, son noyau <strong>du</strong>r, son essence.<br />

Car les lois anti-discrimination n’obligent<br />

pas à contracter avec un interlocuteur<br />

jugé indésirable. Elles ne<br />

font rien d’autre, en définitive, que<br />

demander aux intéressés d’expliquer<br />

leurs choix, de les exposer au débat<br />

public 144 . Ni plus, ni moins. Et il est à<br />

parier que grand nombre des comportements<br />

jugés douteux de l’extérieur<br />

puissent, après analyse, exciper<br />

de motifs parfaitement admissibles.<br />

Qui pourrait ainsi faire grief au<br />

bailleur, avant de confier son bien à<br />

un « inconnu », de rechercher par<br />

priorité un locataire solvable financièrement<br />

et dont la taille de la famille<br />

est compatible avec la configuration<br />

des lieux ? Tant que ces considérations<br />

restent dans l’orbite de l’objectif<br />

et <strong>du</strong> raisonnable, elles recevront<br />

tout le crédit voulu. « Il ne s’agit donc<br />

pas de limiter a priori le choix des<br />

bailleurs, mais bien d’exercer un<br />

contrôle a posteriori sur les motifs de<br />

leur choix afin de s’assurer qu’ils ne<br />

pratiquent pas de discrimination » 145 .<br />

Autant que l’injustice effective et<br />

avérée, le sentiment d’injustice révolte<br />

ceux qui se croient, à bon droit ou<br />

non, victimes d’une discrimination.<br />

Et ce ressenti se repaît des zones d’ombre,<br />

croît dans la rumeur et fortifie<br />

dans le non-dit. Sans tomber dans le<br />

travers malsain — et illusoire — de<br />

la transparence absolue, il est temps<br />

de rendre plus lisibles les motivations<br />

de ceux qui adjugent un bien sur<br />

le marché de la location ou de l’acquisition.<br />

Et si une pratique discriminatoire<br />

devait, à la faveur de cet<br />

examen, apparaître, elle doit alors<br />

cesser.<br />

Une dernière mise en perspective s’impose<br />

pour conclure. Aussi scandaleux<br />

qu’ils soient, les refus de louer à des<br />

allochtones ne doivent pas occulter les<br />

autres formes, plus larvées, d’inégalité<br />

de traitement. À cet égard, le manque<br />

— criant — de grands logements<br />

écarte les familles immigrées <strong>du</strong> marché<br />

locatif aussi sûrement que les affichettes<br />

locatives libellées « recherche<br />

locataires belges uniquement ». Plus<br />

globalement, il semble que l’inégalité<br />

de traitement d’ordre racial ne<br />

constitue que la face la plus visible<br />

<strong>du</strong> phénomène de la discrimination<br />

sur le marché <strong>du</strong> logement. Et si la<br />

hauteur <strong>du</strong> loyer — insupportable<br />

pour les démunis, qu’ils soient d’origine<br />

étrangère ou non — représentait<br />

la première cause d’exclusion ? « La<br />

tension sur le marché des logements<br />

tant privé que public résulte de l’insuffisance<br />

(en raison notamment <strong>du</strong><br />

désinvestissement <strong>du</strong> secteur) de logements<br />

habitables à prix abordable »,<br />

observe ainsi le Centre pour l’égalité<br />

des chances et la lutte contre le<br />

racisme. « Cette contraction <strong>du</strong> marché<br />

contribue à intensifier le phénomène<br />

d’inégalité sociale dans l’accès<br />

au logement » 146 . La meilleure manière<br />

de refouler la tentation discriminatoire,<br />

c’est de rendre moins périlleux<br />

financièrement le fait de contracter<br />

avec un indivi<strong>du</strong> « défavorisé », dont<br />

il s’agit alors de renforcer la capacité<br />

contributive. Parallèlement aux efforts<br />

déployés par les particuliers pour réviser<br />

leurs schémas mentaux, il incombe<br />

véritablement aux pouvoirs publics<br />

de créer les conditions matérielles susceptibles<br />

de tendre vers une égalisation<br />

progressive des conditions de vie.


Etranger<br />

Luxueux Maroc, photo H. Lagarde © Acanthe<br />

PROBLÉMATIQUE DE LA<br />

DISCRIMINATION À L’ACCÈS<br />

AU LOGEMENT AU MAROC*<br />

Effina Driss, chercheur en habitat<br />

e logement constitue un<br />

droit fondamental, c’est l’un<br />

L des socles les plus importants<br />

de la solidarité sociale. L’égalité des<br />

chances pour l’accès au logement se<br />

pose avec acuité dans tous les pays<br />

<strong>du</strong> monde et, en particulier, dans les<br />

pays en voie de développement, dont<br />

le Maroc. Le Maroc pro<strong>du</strong>it près de<br />

120.000 logements par année, le croît<br />

démographique nécessite près de<br />

110.000 logements. Près de 18,3 %<br />

de ménages sont des locataires, et<br />

65,1 % sont des propriétaires, 11,9 %<br />

des ménages urbains sont logés en<br />

cohabitation et 4,7 % pour le milieu<br />

rural. 7,2 % des ménages habitent<br />

un logement précaire. <strong>Les</strong> ménages<br />

marocains consacrent près de 22,1 %<br />

de leur budget à l’habitation.<br />

Le déficit cumulé en logement est<br />

estimé à près de 1,25 million de logements.<br />

Pour l’état des équipements<br />

et des infrastructures de base dans le<br />

logement, les statistiques montrent<br />

que 42,5 % des logements ne sont pas<br />

raccordés à une source d’eau potable,<br />

28,4 % ne sont pas branchés au réseau<br />

d’électricité et 21 % sont privés de<br />

tout système d’assainissement. Dans<br />

l’état actuel des choses, le marché<br />

immobilier est régulé par les seuls<br />

mécanismes de l’offre et de la<br />

demande. Ce marché était déficitaire<br />

pour plusieurs années à cause de la<br />

faible pro<strong>du</strong>ction par rapport à la<br />

demande en logements.<br />

Le surplus de la demande non satisfaite<br />

dans le cadre de la pro<strong>du</strong>ction<br />

réglementaire est canalisé en général<br />

par le marché immobilier non réglementaire<br />

ou dans le cadre de la cohabitation.<br />

L’Etat intervient intensément<br />

dans la pro<strong>du</strong>ction de logements<br />

au Maroc, en particulier pour faciliter<br />

l’accès à l’habitat pour les ménages<br />

à faible revenu. De nos jours, le marché<br />

<strong>du</strong> logement constitue un marché<br />

fertile à la spéculation et au gain facile.<br />

Le Maroc ne dispose pas, aujourd’hui,<br />

d’un arsenal juridique permettant de<br />

contrôler les comportements discriminatoires<br />

en matière d’accès au logement.<br />

Même au niveau de la société<br />

civile, la question de lutte pour l’égalité<br />

des chances à l’accès au logement<br />

n’est pas encore à l’ordre <strong>du</strong> jour des<br />

ONG.<br />

La France, à titre d’exemple, dispose<br />

de deux lois qui permettent de lutter<br />

contre toutes les formes discriminatoires<br />

en matière d’accès au logement,<br />

la société civile est très active sur ce<br />

volet, l’association « Droit à l’accès<br />

au logement » est l’une des ONG les<br />

plus actives en matière de lutte pour<br />

renforcer le droit et l’égalité des<br />

chances des citoyens pour l’accès au<br />

logement. La discrimination en matière<br />

d’accès au logement au Maroc est<br />

imputable à plusieurs facteurs, les plus<br />

importants sont des facteurs d’ordre<br />

économique, spatial, réglementaire<br />

et juridique.<br />

Facteurs économiques<br />

L’offre actuelle en logements n’est pas<br />

adéquate par rapport au pouvoir<br />

d’achat des ménages, chose qui constitue<br />

un handicap majeur à l’accès au<br />

logement. Une frange importante des<br />

ménages se voit obligée de passer à<br />

l’habitat non réglementaire en particulier<br />

vers les bidonvilles. <strong>Les</strong> ménages<br />

concernés par ce handicap sont<br />

estimés à près de 400.000 selon les<br />

* Intervention faite dans le cadre <strong>du</strong> séminaire<br />

organisé par l'Institut universitaire de la recherche<br />

scientifique à Rabat sur « <strong>Les</strong> inégalités sociales au<br />

Maroc : les implications de la politique de mise à<br />

niveau »<br />

Par Effina Driss , Chercheur en habitat, LE MATIN,<br />

29 mai 2006.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 21


22<br />

Étranger / discrimination<br />

données officielles (Recensement<br />

général de la population et de l’habitat<br />

de 2004).<br />

Ce phénomène peut prendre une<br />

autre forme, celle liée à la cohabitation.<br />

Ce phénomène en général concerne<br />

les jeunes ménages dont une bonne<br />

partie refuse d’aller habiter dans des<br />

logements précaires. <strong>Les</strong> ménages<br />

concernés par ce phénomène sont<br />

estimés à 500.000 selon les données<br />

officielles (enquête relative aux dépenses<br />

des ménages 2002).<br />

Le système bancaire actuel représente<br />

un handicap discriminatoire pour<br />

l’accès au logement. Plusieurs ménages,<br />

dont les revenus ne sont pas<br />

réguliers, se voient de fait exclus de<br />

tout financement bancaire, en particulier<br />

ceux qui relèvent <strong>du</strong> secteur<br />

informel. Ces ménages doivent<br />

compter en général sur leur propre<br />

épargne pour accéder au logement<br />

décent ou sur des aides familiales.<br />

En général, ces ménages font partie<br />

des catégories de ceux qui sont en<br />

situation de cohabitation ou dans un<br />

habitat précaire.<br />

<strong>Les</strong> statistiques montrent le nombre<br />

grandissant des familles qui se voient<br />

obligées de quitter ou d’être chassées<br />

de leurs logements suite à des affaires<br />

de spéculation, à la flambée des loyers,<br />

à la rénovation urbaine ou à des<br />

démolitions pour nouvelles constructions.<br />

La réglementation en général<br />

relative à la location ne protège pas les<br />

intérêts des ménages. <strong>Les</strong> ménages<br />

pauvres au Maroc représentent près de<br />

14,2 %, soit 800.000 ménages. Ces<br />

ménages qui habitent, en général, les<br />

bidonvilles sont en situation d’attente<br />

pour accéder à des logements décents<br />

correspondant à leur pouvoir d’achat.<br />

Le rythme actuel de pro<strong>du</strong>ction de<br />

logements sociaux prive une bonne<br />

partie de ces ménages pauvres de<br />

l’accès à un logement social décent.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Facteur spatial<br />

Le milieu rural compte une population<br />

de 13,6 millions d’habitants, l’habitat<br />

non décent y représente 22 %, alors<br />

que 4,7 % des ménages se trouvent<br />

en situation de cohabitation. Ces<br />

chiffres renseignent sur les difficultés<br />

rencontrées par les habitants en milieu<br />

rural pour accéder à un logement<br />

décent. La forme discriminatoire la<br />

plus présente en milieu rural est celle<br />

liée à l’inexistence d’un habitat décent<br />

répondant aux normes reconnues en<br />

la matière, en particulier les équipements<br />

et les infrastructures de base.<br />

En milieu rural, l’intervention de<br />

l’État en matière d’habitat est très rare,<br />

et son soutien aux ménages pauvres<br />

est pratiquement inexistant. En général,<br />

les ménages qui veulent accéder<br />

au logement décent doivent compter<br />

sur leurs propres ressources financières,<br />

particulièrement les ménages<br />

pauvres. C’est ainsi, et par manque<br />

de revenus stables, que plusieurs<br />

ménages se voient obligés de quitter<br />

leur territoire d’origine à la recherche<br />

d’un habitat décent en ville. En habitant<br />

des bidonvilles, ils s’inscrivent<br />

sur la liste d’attente de ceux qui vont<br />

avoir la chance d’accéder à l’aide de<br />

l’Etat en matière de logement.<br />

Facteurs réglementaires<br />

<strong>Les</strong> documents exigés pour accéder<br />

au logement, en particulier pour la<br />

location (photographie d’identité,<br />

relevé <strong>du</strong> compte bancaire, attestation<br />

de salaire, état d’engagement),<br />

constituent des handicaps à l’accès<br />

au logement. Plusieurs personnes se<br />

voient exclues en matière d’accès au<br />

logement suite à leur appartenance<br />

à une catégorie socioprofessionnelle,<br />

leur genre. Un autre facteur, aussi<br />

important que les autres, est celui<br />

lié à la modernisation de l’arsenal<br />

juridique relatif à l’urbanisme. <strong>Les</strong><br />

nouvelles normes intro<strong>du</strong>ites contribuent<br />

à l’exclusion d’un nombre<br />

important de ménages à l’accès au<br />

logement suite aux coûts supplémentaires<br />

engendrés par les nouvelles<br />

normes d’habitat et d’urbanisme.<br />

Facteurs socioculturels<br />

<strong>Les</strong> personnes qui n’admettent pas<br />

le principe de taux d’intérêt exigé par<br />

le système bancaire, pour des raisons<br />

religieuses et culturelles, sont exclues<br />

de fait de l’accès au logement. Aussi<br />

et pour des raisons culturelles, la<br />

femme en général n’a pas l’accès facile<br />

au logement au Maroc, notamment<br />

les veuves, les divorcées et les célibataires.<br />

En conclusion, la discrimination<br />

en matière d’accès au logement<br />

au Maroc subsiste de manière criarde,<br />

pour des raisons économiques, réglementaires<br />

et socioculturelles. Il est<br />

impératif de procéder à des actions et<br />

mesures urgentes pour le court et le<br />

moyen termes. Pour le court terme, il<br />

faut mettre à niveau et harmoniser<br />

l’arsenal juridique et procé<strong>du</strong>ral afin<br />

d’éliminer tous les dysfonctionnements<br />

constatés actuellement à ce<br />

niveau.<br />

Pour le moyen terme, il y a lieu d’asseoir<br />

une politique économique réelle<br />

permettant l’augmentation <strong>du</strong> niveau<br />

de vie des citoyens afin de leur faciliter<br />

l’accès au logement, et de mener<br />

une campagne de sensibilisation et<br />

d’information contre tous les tabous<br />

socioculturels et religieux qui empêchent<br />

le recours aux opportunités<br />

offertes par le marché financier<br />

« emprunts, taux d’intérêt » et tous<br />

les handicaps d’ordre social, culturel<br />

et religieux. Une vision globale doit<br />

être mise en place pour relever et<br />

mettre en œuvre toutes les mesures<br />

visant l’éradication de toute forme de<br />

discrimination devant l’accès au<br />

logement, que ce soit dans les villes<br />

ou les campagnes, ou entre différentes<br />

couches sociales ou groupes socioprofessionnels.<br />

Ces mesures devront<br />

toucher les deux volets d'accès au<br />

logement, à savoir l'accès à la propriété<br />

et l'accès à la location.<br />

Article paru dans Le Matin, 29 mai 2006


Etranger<br />

a discrimination dont sont<br />

victimes les étrangers pour<br />

accéder au logement social<br />

est un phénomène ancien et qui a<br />

d’ailleurs longtemps revêtu un caractère<br />

beaucoup plus systématique<br />

qu’aujourd’hui1 . Jusqu’au milieu des<br />

années 1970, la majorité des étrangers<br />

étaient logés dans des foyers,<br />

des bidonvilles et autres habitats<br />

précaires. Et les grands ensembles,<br />

symboles de modernité et de promotion<br />

sociale dans les deux décennies<br />

de l’après-guerre, leur étaient, sauf<br />

de rares exceptions, pas accessibles2 L<br />

.<br />

<strong>Les</strong> étrangers n’ont accès à ce type<br />

d’habitat qu’à partir <strong>du</strong> milieu des<br />

années 1970, c’est-à-dire quand l’État<br />

s’engage dans une politique volontariste<br />

de résorption des bidonvilles<br />

et doit, par conséquent, prendre en<br />

charge le relogement de leurs habitants.<br />

C’est d’ailleurs à cette époque<br />

que les grands ensembles sont<br />

délaissés par les classes moyennes et<br />

commencent à se dégrader.<br />

LOGEMENT SOCIAL EN FRANCE :<br />

UNE DISCRIMINATION EN DOUCE<br />

Sylvie Tissot, Maîtresse de conférences en sciences<br />

politiques à l’Université Marc Bloch-Strasbourg II<br />

<strong>Les</strong> discriminations à l’œuvre dans l’accès au logement social<br />

sont loin de se ré<strong>du</strong>ire à des refus caractérisés et délibérés des<br />

candidats en fonction de l’origine ; elles résultent d’abord d’un<br />

système qui fonctionne sur la base d’une sélection et d’une<br />

répartition informelles et opaques des populations « désirables »<br />

et des populations « indésirables », le caractère « étranger »<br />

étant bien évidemment un des critères de désirabilité.<br />

Selon l’enquête <strong>Logement</strong> réalisée par<br />

l’INSEE, la part des ménages immigrés<br />

logés en HLM n’a ainsi cessé<br />

d’augmenter, pour représenter 17,3 %<br />

des locataires en 2002 contre 13,2 %<br />

en 1992. Pour autant, ces ménages<br />

continuent à subir un traitement<br />

défavorable dans les chances d’entrée<br />

dans le logement et au regard <strong>du</strong> type<br />

de logements obtenus. Pour preuve,<br />

l’ancienneté de la demande est plus<br />

importante pour les ménages immigrés<br />

que pour les autres : 28 % des<br />

ménages immigrés ont déposé leur<br />

demande depuis au moins trois ans,<br />

soit près de deux fois plus que pour<br />

l’ensemble de la population en attente.<br />

Comme le montrent les données de<br />

l’INSEE, ce décalage ne s’explique pas<br />

par le nombre d’enfants des familles<br />

immigrées et par l’insuffisance de<br />

grands logements, puisque les ménages<br />

immigrés d’une à quatre personnes<br />

sont proportionnellement aussi<br />

nombreux à attendre depuis au moins<br />

trois ans 3 . En outre, les ménages immigrés<br />

sont concentrés dans le parc<br />

ancien : les trois quarts vivent dans des<br />

immeubles construits avant 1975.<br />

Une des raisons avancées pour<br />

expliquer ces inégalités renvoie aux<br />

politiques <strong>du</strong> logement menées depuis<br />

la fin des années 1970. Depuis cette<br />

date, le retrait de l’État a freiné le<br />

rythme de construction de logements<br />

sociaux, alors que, parallèlement, la<br />

crise économique a accru le nombre<br />

de demandeurs, et que, par ailleurs,<br />

(1) Notons d’emblée que les étrangers doivent,<br />

pour se voir attribuer un logement social,<br />

être en situation régulière. <strong>Les</strong> sans-papiers<br />

peuvent toutefois être amenés à entrer dans<br />

le logement social, en cas de relogement pour<br />

cause de saturnisme. Par ailleurs, mon propos<br />

ne se limitera pas à la seule population des<br />

non-nationaux dans la mesure où la<br />

discrimination touche les personnes<br />

étrangères, mais aussi supposées telles ou<br />

considérées comme telles. Je n’utiliserai le<br />

terme « immigré » que quand les enquêtes<br />

citées utilisent cette catégorie.<br />

(2) Ainsi, en 1968, 5 % des actifs étrangers<br />

sont logés en HLM, contre 15,5 % pour<br />

les Français. Ces pourcentages passent<br />

respectivement à 12,7 et 17,7 en 1975.<br />

Michel Pinçon, <strong>Les</strong> immigrés et les HLM.<br />

Le rôle <strong>du</strong> secteur HLM dans le logement de<br />

la population immigréeen Ile-de-France. 1975,<br />

Paris, Centre de sociologie urbaine, 1981.<br />

(3) Julien Boëldieu et Suzanne Thave,<br />

« Le logement des immigrés en 1996 »,<br />

INSEE-Première, n° 730, août 2000.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 23


24<br />

Etranger / discrimination<br />

le boom immobilier a fait, depuis<br />

quelques années, exploser le prix des<br />

loyers dans les grandes agglomérations.<br />

Mais si cette situation économique<br />

contribue aussi à dégrader<br />

les conditions de logement des<br />

étrangers, elle n’explique pas pour<br />

autant le traitement différencié qu’ils<br />

subissent.<br />

UN SYSTÈME D’ATTRIBUTION<br />

TRÈS COMPLEXE<br />

L’existence d’une différence de traitement<br />

s’explique d’abord par le fonctionnement<br />

<strong>du</strong> système d’attribution.<br />

Y interviennent de nombreux acteurs,<br />

dont le rôle et les critères d’intervention<br />

sont extrêmement peu régulés<br />

et rationalisés. Un certain nombre de<br />

textes (notamment le code de la construction<br />

et de l’habitation) encadrent<br />

l’attribution des logements sociaux,<br />

qui a connu une réforme importante<br />

en 2001. Depuis cette date, en effet,<br />

aucun dossier ne peut être examiné s’il<br />

n’a pas été enregistré préalablement,<br />

et un numéro unique d’enregistrement<br />

est attribué à chaque demandeur.<br />

Tout organisme HLM doit avoir<br />

une commission d’attribution, qui<br />

examine les candidatures. Celles-ci<br />

émanent des réservataires, c’est-à-dire<br />

des préfectures, des mairies et d’organismes<br />

privés qui, en raison de leur<br />

participation financière à la construction,<br />

peuvent soumettre leurs candidats<br />

sur une fraction des logements <strong>du</strong><br />

parc social.<br />

(4) <strong>Les</strong> discriminations raciales et ethniques dans<br />

l’accès au logement social, Note <strong>du</strong> Groupe<br />

d’études et de lutte contre les discriminations<br />

(GELD), n° 3, Paris, GIP GELD-114, 2001.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Ce système fonctionne en réalité de<br />

façon beaucoup plus complexe. Si<br />

l’enregistrement des demandes est<br />

théoriquement centralisé, le type<br />

d’interlocuteur que le demandeur de<br />

logement rencontre au départ n’est<br />

pas sans conséquence. Qu’il s’agisse<br />

d’un élu, d’un adjoint, d’une assistante<br />

sociale, ou encore d’un employé<br />

municipal chargé de gérer les demandes<br />

de logement, tous ces indivi<strong>du</strong>s<br />

interviennent chacun à leur manière,<br />

suivant des critères, des moyens, des<br />

intérêts qui peuvent varier considérablement.<br />

Et ce qui va varier en conséquence,<br />

c’est à la fois l’aide indivi<strong>du</strong>elle<br />

apportée au demandeur, mais<br />

aussi le soutien apporté par la suite à<br />

la demande, au niveau de la gestion<br />

des dossiers puis de la commission<br />

d’attribution. De fait, entre le dépôt<br />

de la demande et son traitement en<br />

commission d’attribution, de multiples<br />

étapes peuvent s’ajouter, et des<br />

acteurs variés s’immiscer. Très souvent,<br />

comme le note la Mission interministérielle<br />

d’inspection <strong>du</strong> logement<br />

social (MILOS) dans son rapport 2004,<br />

les candidatures sont examinées et présélectionnées<br />

par des commissions<br />

informelles, dont la composition (et<br />

les critères qu’elles utilisent dans leur<br />

travail de sélection) ne font l’objet<br />

d’aucune règle officielle.<br />

Un tel système n’implique pas en soi<br />

l’arbitraire (ou le clientélisme), mais<br />

le rend de fait plus probable. Le secret<br />

dans lequel sont maintenues les procé<strong>du</strong>res<br />

favorise en effet l’impunité<br />

dont bénéficient certaines pratiques<br />

illégales, qui peuvent être, intentionnellement<br />

ou par voie de conséquence,<br />

discriminatoires. L’existence<br />

de refus en raison de l’origine ou de<br />

la nationalité <strong>du</strong> candidat, ou l’usage<br />

de fichiers ethniques par les organismes<br />

HLM sont connus 4 . La Milos a<br />

mentionné, quant à elle, le cas de<br />

bailleurs qui réclament aux candidats,<br />

de façon illégale, un certain nombre<br />

de pièces comme des photos d’identité<br />

ou des documents relatifs à leur<br />

vie professionnelle. Elle note aussi<br />

l’existence de refus non motivés.<br />

Cette absence de transparence a<br />

toutes les raisons de per<strong>du</strong>rer, étant<br />

donné les ressources que procure cette<br />

petite marge d’intervention, non seulement<br />

aux bailleurs désireux de gérer<br />

le « peuplement » de leur parc à leur<br />

guise, mais aussi aux élus qui considèrent<br />

l’intervention personnelle en<br />

faveur d’un électeur à la recherche<br />

d’un logement comme une prérogative<br />

légitime. Toutefois, même quand<br />

elle ne con<strong>du</strong>it pas à loger les enfants<br />

de ministres ou de maires, la faiblesse<br />

des règles et des contrôles a des conséquences<br />

énormes dans la mesure où<br />

elle ouvre la voie à une appréciation<br />

subjective des candidatures.<br />

UNE DANGEREUSE ABSENCE<br />

DE RÈGLES<br />

Et c’est au niveau de cette appréciation<br />

que les préjugés en direction des<br />

étrangers ou des indivi<strong>du</strong>s considérés<br />

comme tels sont susceptibles<br />

d’intervenir. Ainsi, un nom à consonance<br />

étrangère (ou plus exactement<br />

tra<strong>du</strong>isant des origines maghrébines<br />

ou d’Afrique noire) jouera, de manière<br />

plus ou moins consciente et rationalisée,<br />

comme un indice d’une candidature<br />

« difficile » ou « à risque », car<br />

associée à une famille nombreuse, au<br />

bruit, aux problèmes financiers et/ou<br />

aux conflits de voisinage. Le traitement<br />

indivi<strong>du</strong>el des dossiers ne<br />

con<strong>du</strong>it pas forcément à la discrimination.<br />

Ce traitement indivi<strong>du</strong>el peut<br />

même être nécessaire et utile aux<br />

candidats, souvent peu informés de<br />

leurs droits.<br />

Mais l’absence de règles n’en a pas<br />

moins un effet considérable car elle<br />

con<strong>du</strong>it à laisser fonctionner d’autres<br />

grilles d’analyse, notamment les grilles<br />

d’analyse racistes, extrêmement prégnantes<br />

dans la société française. C’est<br />

de cette manière-là, en effet, qu’il faut<br />

comprendre le lien entre racisme et<br />

discrimination. <strong>Les</strong> pratiques discriminatoires<br />

ne sont pas nécessairement<br />

des comportements motivés par<br />

des convictions racistes conscientes.<br />

Pour autant, la discrimination n’est pas<br />

non plus la simple conséquence d’un


« système », c’est-à-dire de contraintes<br />

structurelles qui con<strong>du</strong>iraient des<br />

acteurs dénués de tout préjugé raciste<br />

à mettre en œuvre ou à relayer à leur<br />

insu des pratiques discriminatoires.<br />

En réalité, ces pratiques se développent<br />

quand, dans certains contextes,<br />

des catégorisations ethniques pro<strong>du</strong>ites<br />

socialement sont intériorisées et<br />

mobilisées par des indivi<strong>du</strong>s, avec<br />

intention ou non de discriminer, et<br />

qu’elles fonctionnent au détriment<br />

des étrangers ou présumés tels.<br />

L’émergence <strong>du</strong> principe de mixité<br />

sociale a, de ce point de vue, joué un<br />

rôle considérable.<br />

La notion de mixité sociale connaît,<br />

depuis une vingtaine d’années, un<br />

engouement croissant et quasi consensuel.<br />

La notion n’est pas nouvelle,<br />

mais le débat des années 1990 marque<br />

un tournant. C’est alors que la loi<br />

Besson pose la mixité sociale comme<br />

un objectif légitime des politiques <strong>du</strong><br />

logement : les protocoles d’occupation<br />

<strong>du</strong> patrimoine social, institués<br />

par cette loi, visent notamment à<br />

assurer une meilleure répartition des<br />

populations au sein <strong>du</strong> parc social.<br />

Comme le rapport <strong>du</strong> Groupe d’étude<br />

et de lutte contre les discriminations<br />

(GELD) l’a montré, ce mot d’ordre<br />

tend à fonctionner comme une légitimation<br />

de pratiques discriminatoires.<br />

L’idée qu’il faudrait répartir plus<br />

« équitablement » les populations<br />

défavorisées dans l’espace et éviter<br />

ainsi la formation de « ghettos », renforce<br />

l’usage <strong>du</strong> critère <strong>du</strong> revenu dans<br />

la sélection des candidatures. Et alors<br />

que les deux seuls critères mentionnés<br />

par le code de la construction et de<br />

l’habitation sont la situation régulière<br />

pour les étrangers et le non dépassement<br />

d’un plafond de ressources,<br />

la volonté de faire venir des ménages<br />

plus aisés pour favoriser la « mixité<br />

sociale » con<strong>du</strong>it à sélectionner les<br />

candidats en fonction de « planchers »<br />

de revenus de plus en plus élevés.<br />

Mais surtout, de manière euphémisée,<br />

la mixité sociale (comme le mot<br />

« ghetto ») légitime la recherche d’une<br />

répartition en fonction de critères<br />

ethniques. Le regroupement spatial<br />

de populations étrangères ou supposées<br />

telles est alors posé comme un<br />

« problème » ou une source de problèmes<br />

à éviter. Des refus ont ainsi pu<br />

être adressés à des candidats étrangers,<br />

au nom de la « mixité sociale »,<br />

au motif que « trop » d’étrangers<br />

habitaient déjà dans l’immeuble ou le<br />

quartier en question. On a pu également<br />

voir se développer des politiques<br />

de « quotas », souvent dans le secret<br />

et de manière informelle (les quotas<br />

de populations désirables et indésirables<br />

pouvant varier selon les fractions<br />

<strong>du</strong> parc social), qui peuvent se<br />

tra<strong>du</strong>ire par des recommandations en<br />

termes de pourcentages de populations<br />

étrangères ou supposées telles<br />

à ne pas accepter dans certains<br />

immeubles.<br />

Le souci de répartition des populations<br />

ne participe pas nécessairement<br />

d’une volonté consciente de relégation<br />

ou de contrôle social, et l’alourdissement<br />

des budgets sociaux qu’entraîne<br />

la concentration de populations<br />

démunies dans une commune est<br />

une préoccupation légitime. On ne<br />

peut toutefois qu’insister sur les<br />

conséquences de l’institutionnalisation<br />

de la notion de mixité sociale<br />

dans la loi, et sa réappropriation par<br />

les différents acteurs <strong>du</strong> logement<br />

social : le consensus que recueille ce<br />

mot d’ordre entérine, au nom d’un<br />

certain « réalisme », l’idée que la<br />

répartition des populations dans<br />

l’espace est un objectif prioritaire et<br />

plus légitime que le principe d’égalité<br />

de traitement, pourtant inscrit<br />

dans la Constitution 5 .<br />

(5) Sur la remise en cause des droits fondamentaux<br />

au nom de la gestion publique des « réalités »<br />

économiques et sociales, voir l’édito <strong>du</strong> n° 64<br />

de la revue Plein droit, avril 2005 : « Des droits<br />

fondamentaux bien encombrants ». Pour une<br />

critique de la notion de mixité sociale, Sylvie<br />

Tissot et Pierre Tevanian, « La “mixité” contre<br />

le choix », Prochoix, n° 25, été 2003.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 25


26<br />

Etranger / discrimination<br />

Le ralliement des différents acteurs<br />

<strong>du</strong> système d’attribution à ce mot<br />

d’ordre s’explique par les relations,<br />

les enjeux et les contraintes dans<br />

lesquels ils sont engagés, et qui prennent<br />

leur source dans l’orientation<br />

nouvelle donnée à la politique <strong>du</strong><br />

logement en France au début des<br />

années 1990. Depuis la fin des années<br />

1960, le désengagement de l’État<br />

dans les politiques <strong>du</strong> logement<br />

s’accompagne d’un recentrage sur le<br />

droit au logement des plus démunis<br />

visant à contrer les effets de la crise<br />

économique. Pour mettre en œuvre<br />

cette nouvelle mission « sociale », officialisée<br />

par la loi Besson de 1990, les<br />

préfectures s’efforcent de retrouver<br />

des moyens d’action : leurs prérogatives<br />

dans les attributions de logement<br />

social, et notamment la possibilité<br />

de proposer des candidatures<br />

sur leurs contingents, deviennent<br />

alors des enjeux décisifs.<br />

(6) Sur les impératifs de chacun des acteurs,<br />

et leurs appréciations des « populations<br />

à risques », voir Patrick Simon,<br />

« Le logement social en France et la gestion<br />

des “populations à risques” », Hommes et<br />

migrations, 1246, novembre-décembre<br />

2003, p 76-91.<br />

(7) Sur la genèse de ce système de marchandage<br />

dans une commune de la région parisienne,<br />

Sylvie Tissot, « Une discrimination<br />

“informelle” » ? L’usage <strong>du</strong> concept de mixité<br />

sociale dans la gestion des attributions de<br />

logements HLM », Actes de la recherche en<br />

sciences sociales, n° 159, septembre 2005,<br />

p. 55-69.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Or, depuis plusieurs années, les organismes<br />

HLM ont progressivement<br />

« confisqué » ce contingent, de même<br />

que celui des communes, afin d’y<br />

loger les candidats de leur choix.<br />

Quant aux communes, la maîtrise des<br />

attributions devient pour elles<br />

un levier d’action décisif, dans un<br />

contexte financier difficile pour beaucoup<br />

d’entre elles 6 . Au sein de ce jeu<br />

de concurrences, dans lequel nul n’est<br />

en mesure d’imposer son autorité, un<br />

système de négociation et d’arrangements<br />

« au coup par coup » se met en<br />

place 7 . Ainsi, de nombreuses préfectures<br />

ont intégré, en amont, les critères<br />

de sélection des organismes HLM, et<br />

évitent d’envoyer « trop », ou « trop<br />

fréquemment », des candidatures<br />

étrangères ou originaires de certains<br />

pays. Ou encore certaines proposent<br />

aux organismes plusieurs candidats<br />

sur le logement qui leur est réservé :<br />

le bailleur peut choisir parmi ces candidatures,<br />

mais à condition d’accepter,<br />

de temps en temps, une candidature<br />

considérée comme « difficile ».<br />

Chacun cherche alors à faire prévaloir<br />

ses intérêts : loger un certain nombre<br />

de ménages en grande difficulté pour<br />

les préfectures (soumises aux pressions<br />

des associations et cherchant,<br />

notamment en Seine-Saint-Denis, à<br />

éviter le développement des squats),<br />

limiter l’arrivée de populations considérées<br />

comme « à risques » pour les<br />

bailleurs (en quête de rentabilité) et<br />

pour les municipalités (attentives à<br />

privilégier les ménages susceptibles<br />

de voter pour elles). Et pour faire prévaloir<br />

ses intérêts, chacun va user de<br />

l’argument de la mixité sociale, notion<br />

dont le flou autorise toutes les définitions.<br />

On mesure ainsi le double effet<br />

de ce système fondé sur le marchandage<br />

et la négociation informelle. En<br />

premier lieu, il génère directement de<br />

la discrimination en direction des<br />

populations les moins « désirables »,<br />

c’est-à-dire très souvent étrangères,<br />

supposées telles ou considérées comme<br />

telles. Il vient en outre redoubler la<br />

légitimité de l’impératif de mixité<br />

sociale, dont on a vu comment il fonctionne<br />

en concurrence directe avec<br />

le principe d’égalité des droits.<br />

DES CATÉGORIES SELON<br />

L’ORIGINE<br />

La discrimination dans le logement<br />

social résulte assurément d’infractions<br />

caractérisées à la loi. Mais on ne peut<br />

comprendre le phénomène de la discrimination,<br />

et surtout en prendre la<br />

mesure, si l’on s’en tient là. Au-delà<br />

de cas avérés relevant d’une intention<br />

raciste claire, les discriminations trouvent<br />

leur origine dans un système et<br />

des pratiques informels, fonctionnant<br />

sur la base de représentations subjectives,<br />

et notamment de représentations<br />

racistes. Par conséquent, les<br />

appels à la répression des cas patents<br />

de discrimination seraient sans doute<br />

insuffisants sans une réflexion sur des<br />

réformes susceptibles de réaffirmer,<br />

face aux pratiques au cas par cas, et<br />

donc aux traitements inégalitaires, la<br />

prévalence des règles de droit. L’enjeu<br />

est important. D’abord parce que le<br />

logement social, qui accueille 17,2 %<br />

des ménages en France, constitue un<br />

levier décisif dans la mise en œuvre <strong>du</strong><br />

droit au logement. Mais aussi parce<br />

que le secteur <strong>du</strong> logement social,<br />

étroitement lié à l’État, contribue<br />

aujourd’hui, en distinguant populations<br />

« désirables » et non « désirables<br />

» au regard de l’objectif de mixité<br />

sociale, à créer et à institutionnaliser<br />

des catégories selon l’origine. Bien<br />

loin de l’indifférence aux différences<br />

dont se prévaut le « modèle français<br />

d’intégration ».<br />

Article paru dans Plein Droit n° 68,<br />

avril 2006 : « (Dé)loger les étrangers »


Etranger<br />

France<br />

LA DISCRIMINATION DANS L’ACCÈS<br />

AU LOGEMENT LOCATIF PRIVÉ<br />

Présidée par Louis Schweitzer, la Haute autorité de lutte contre<br />

les discriminations et pour l’égalité (HALDE) a dévoilé le 5 juillet<br />

2006 les résultats des premiers testings (tests de discrimination)<br />

menés dans le domaine de l’accès au logement. Une étude qui<br />

pointe <strong>du</strong> doigt l’ampleur des discriminations dans le secteur.<br />

L<br />

es discriminations se poursuivent<br />

dans le domaine de<br />

l’accès au logement ! <strong>Les</strong><br />

résultats de testings dans le secteur,<br />

publiés mercredi par la HALDE *, sont<br />

éloquents. L’étude révèle en effet qu’à<br />

ressources et conditions d’emploi égales,<br />

les candidats au logement locatif<br />

privé ont 35 % de chances d’obtenir,<br />

par téléphone, une visite d’appartement<br />

s’ils sont blancs (candidats dits<br />

«de référence»). Un pourcentage qui<br />

tombe à 20 % s’ils sont d’origine<br />

maghrébine et à 14 % s’ils sont originaires<br />

d’Afrique noire. <strong>Les</strong> candidats<br />

d’origine maghrébine ont donc 1,75<br />

moins de chances d’obtenir une visite<br />

que le candidat de référence, tandis<br />

que les candidats d’origine noire africaine<br />

ont 2,5 fois moins de chances.<br />

À cette étape, remarque l’étude, un<br />

candidat monoparental obtient un<br />

taux équivalent de visite au candidat<br />

dit «de référence». Une fois le principe<br />

de la visite obtenu, les candidats<br />

de référence obtiennent le logement<br />

dans 75 % des cas. Un résultat qui<br />

chute à 26 % pour le candidat monoparental,<br />

à 22 % pour le candidat originaire<br />

d’Afrique noire et à 17 % pour<br />

le candidat maghrébin.<br />

L’étude révèle par ailleurs des différences<br />

de traitement selon les régions.<br />

Dans 44 % des annonces testées en<br />

Ile-de-France, au moins un des candidats<br />

a été traité de manière différente<br />

par rapport à un autre candidat,<br />

contre 32 % pour le testing effectué<br />

à Nice et 15 % dans le cas de Lille.<br />

«Toutes les affaires constatées seraient<br />

suivies sur le plan juridique», a prévenu<br />

Louis Schweitzer, président de<br />

la HALDE.<br />

Terme emprunté de l’anglais, le testing<br />

consiste à présenter des jeunes d’origine<br />

européenne, puis des jeunes<br />

d’origine maghrébine ou africaine,<br />

pour prouver la sélection opérée sur<br />

ces critères raciaux à l’entrée de discothèques,<br />

restaurants, campings,<br />

pour l’embauche dans une entreprise<br />

ou la location d’un logement.<br />

* Etude menée dans trois régions (Ile-de-France,<br />

Nord-Pas de Calais et Paca) sur 126 annonces<br />

testées auprès de 120 agences.<br />

Source : Batiactu.com<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 27


28<br />

Informations<br />

photo : F. Dor - DGATLP © MRW<br />

LES TÉMOIGNAGES<br />

ÉTRANGERS<br />

La matinée, placée sous la présidence<br />

de Bernard Hubeau, médiateur à<br />

la Communauté flamande, a permis<br />

de prendre connaissance de diverses<br />

expériences étrangères en matière<br />

de contrôle de salubrité des logements.<br />

Nicolas Bernard, après avoir dressé le<br />

bilan de la situation en Wallonie, en<br />

général et en matière de permis de<br />

location, a évoqué l’émergence de<br />

l’idée d’un contrôle technique immobilier<br />

au niveau belge, compte tenu<br />

des limites <strong>du</strong> système actuel de contrôle.<br />

L’idée a reçu déjà deux applications<br />

réglementaires en Belgique,<br />

l’une en matière de sécurité électrique,<br />

l’autre en matière de performance<br />

énergétique des bâtiments. Le professeur<br />

a dressé un bref aperçu des systèmes<br />

européens proches <strong>du</strong> contrôle<br />

technique immobilier, puis des<br />

dispositifs originaux de contrôle de<br />

qualité des biens.<br />

Deux invités français sont ensuite<br />

intervenus. Serge Contat, en sa qualité<br />

de directeur général de l’Agence<br />

nationale de l’habitat (ANAH), a<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

LE CONTRÔLE DE LA QUALITÉ DES<br />

LOGEMENTS : À LA RECHERCHE DE<br />

SOLUTIONS NOUVELLES<br />

Un colloque international a été consacré le 24<br />

novembre 2006 au problème particulièrement<br />

crucial que représente la qualité des logements<br />

pour la Wallonie. Cette journée organisée à<br />

l’initiative de Charles Mertens, Inspecteur général<br />

de la Division <strong>du</strong> <strong>Logement</strong>, et de Nicolas Bernard,<br />

professeur aux Facultés universitaires Saint-Louis,<br />

s’est tenue aux Moulins de Beez. <strong>Les</strong> actes de ce<br />

colloque feront prochainement l’objet d’une<br />

publication de l’éditeur Bruylant.<br />

témoigné des pratiques en vigueur<br />

chez nos voisins français et insisté sur<br />

l’importance de l’équilibre d’un système<br />

global plutôt que d’un contrôle<br />

en soi.<br />

Dans l’Hexagone, où l’augmentation<br />

<strong>du</strong> niveau qualitatif <strong>du</strong> parc est liée<br />

aux mécanismes de subventions diverses,<br />

les rôles en matière de salubrité<br />

publique sont partagés entre l’Etat et<br />

les maires et relèvent d’une grande<br />

complexité administrative. Un champ<br />

d’action normatif basé sur des grilles<br />

de salubrité permet d’imposer au propriétaire<br />

une obligation de réparer<br />

assortie d’un délai, au-delà <strong>du</strong>quel<br />

un régime de sanctions prévoit des<br />

amendes, puis la substitution en cas<br />

de carence, voire l’expropriation.<br />

Un second champ d’application concerne<br />

les normes de qualités techniques<br />

(électricité…), qui s’imposent<br />

via les assurances. Pour ce qui touche<br />

à la mise en location, un mécanisme<br />

progressif caractérisé par une philosophie<br />

de résultat s’est instauré qui, partant<br />

de l’obligation d’établir un état<br />

des lieux, s’est affiné en 2000 avec un<br />

décret relatif au logement décent<br />

(loi SRU). Une logique de diagnostic<br />

existe aussi au niveau de la vente.<br />

Puis Yan Maury, professeur à l’école<br />

nationale des travaux publics d’Etat de<br />

Lyon, a surpris son auditoire par une<br />

comparaison France-Italie. <strong>Les</strong> deux<br />

pays sont confrontés à une ré<strong>du</strong>ction<br />

de l’offre des logements accessibles<br />

couplée à une augmentation de la<br />

précarité sociale, et réagissent très différemment.<br />

Si la France a développé<br />

un appareillage de normes, une<br />

logique d’action de haut en bas, les<br />

habitants de Rome ont développé un<br />

mécanisme d’auto-réaction au désengagement<br />

de l’Etat italien depuis<br />

le milieu des années 90 : « l’auto recupero<br />

possible ». A Rome s’est ainsi<br />

développé un contrôle technique<br />

inventé par les habitants, une forme<br />

d’auto-réhabilitation des coopératives<br />

romaines de logement populaire.<br />

Autrement dit, un contrôle de qualité<br />

vu <strong>du</strong> côté de l’usager.<br />

La répartition des responsabilités en<br />

matière de logement au Québec a été<br />

présentée par Pierre Cliche, directeur<br />

général de la Société d’Habitation <strong>du</strong><br />

Québec, de même que l’impact des<br />

aides à la rénovation résidentielle et<br />

de la méthode de fixation des loyers<br />

sur la qualité <strong>du</strong> parc de logements.<br />

Soulignant que qualité et quantité<br />

vont de pair, l’intervenant a fait valoir


photo : F. Dor - DGATLP © MRW<br />

l’urgence pour les autorités publiques<br />

de réfléchir à de nouvelles pistes<br />

destinées à accroître un parc adapté<br />

au nombre croissant de petits ménages,<br />

et… à la capacité de payer des<br />

locataires.<br />

Karine Denizou, de l’Institut de<br />

recherche Sintef Byggforsk, a décrit<br />

la situation de l’habitat en Norvège,<br />

où le logement locatif social est quasi<br />

inexistant. <strong>Les</strong> maisons indivi<strong>du</strong>elles<br />

construites par les habitants y constituent<br />

la majorité. Un parc de bonne<br />

qualité n’a pas empêché la Norvège<br />

de développer des outils de contrôle,<br />

et de réformer en 97 son Code de l’urbanisme<br />

pour remédier aux carences<br />

des municipalités dépourvues des<br />

moyens nécessaires en cette matière.<br />

On retiendra deux axes importants<br />

de ce Code qui renforce la concertation<br />

entre tous les acteurs dès le début<br />

<strong>du</strong> projet : la responsabilisation des<br />

entrepreneurs et architectes en<br />

matière de contrôle et d’information,<br />

et l’accent mis sur les objectifs plutôt<br />

que sur des critères, afin de favoriser<br />

le développement de nouvelles solutions.<br />

Des problèmes d’interprétation<br />

en découlent néanmoins, au point<br />

que la loi sera revue en 2007 afin<br />

d’améliorer entre autres les procé<strong>du</strong>res<br />

de contrôle dans ce système basé sur<br />

la responsabilité des parties.<br />

Le dernier témoignage de la matinée<br />

était suisse. Félix Walder, de l’Office<br />

fédéral <strong>du</strong> logement, a présenté la<br />

situation <strong>du</strong> marché <strong>du</strong> logement de<br />

ce petit pays où 2/3 des habitants sont<br />

locataires, puis les conditions-cadres<br />

de contrôle de la qualité portant<br />

notamment sur les installations de<br />

chauffage et les installations électriques,<br />

et enfin le système d’évaluation<br />

de logements SEL. Cet instrument<br />

est destiné à concevoir, évaluer<br />

et comparer des logements et permet<br />

de définir une valeur d’utilisation,<br />

une échelle de qualité. Le SEL 1 est<br />

périodiquement adapté à l’évolution<br />

des besoins. Ainsi en 2000, il a été<br />

simplifié et a pris en compte les besoins<br />

des personnes handicapées et les nouvelles<br />

formes de vie en commun.<br />

<strong>Les</strong> intervenants ont ensuite répon<strong>du</strong><br />

aux questions <strong>du</strong> public.<br />

DES SOLUTIONS NOUVELLES<br />

Charles Mertens a inauguré l’aprèsmidi<br />

par des propositions à débattre<br />

en vue d’élaborer un canevas de<br />

diagnostic de la qualité de l’habitat.<br />

En Wallonie, face à l’urgence de prendre<br />

des mesures spécifiques en matière<br />

de petits logements et de logements<br />

collectifs, force est d’émettre des<br />

réserves quant à l’impact <strong>du</strong> permis<br />

de location. L’Inspecteur général a<br />

donc esquissé le mécanisme d’un diagnostic<br />

technique immobilier – qui<br />

viserait essentiellement les biens proposés<br />

à la location – auquel seraient<br />

soumis les logements construits avant<br />

une certaine date.<br />

Au terme de ce contrôle, soit le propriétaire<br />

se verrait délivrer une attestation<br />

permettant la location à un<br />

tarif libre, soit le bien serait interdit<br />

à la location et soumis à la réglementation<br />

sur le droit de gestion sociale.<br />

<strong>Les</strong> logements occupés par leur propriétaire<br />

ne seraient concernés qu’à la<br />

faveur d’une mutation.<br />

L’assujettissement au diagnostic technique<br />

immobilier serait gra<strong>du</strong>ellement<br />

éten<strong>du</strong>, sans que l’âge <strong>du</strong> bâtiment<br />

puisse être inférieur à 25 ans.<br />

<strong>Les</strong> exigences de qualité portées par le<br />

diagnostic technique immobilier<br />

seraient les mêmes que celles <strong>du</strong><br />

permis de location ; pourraient s’y<br />

ajouter des critères en terme d’environnement<br />

<strong>du</strong> logement et en terme<br />

d’occupation. Par contre, le diagnostic<br />

technique immobilier pourrait être<br />

fon<strong>du</strong> dans un certificat unique qui<br />

regrouperait, en plus des exigences<br />

propres au diagnostic technique,<br />

celles qui sont relatives à la sécurité<br />

des installations électriques, à la performance<br />

énergétique des bâtiments<br />

et à la qualité des ascenseurs, par<br />

exemple.<br />

<strong>Les</strong> logements non soumis au diagnostic<br />

technique immobilier resteraient<br />

entièrement sous l’emprise de<br />

la réglementation relative au permis<br />

de location. Des mesures spécifiques<br />

pour le propriétaire d’un logement<br />

non concerné qui soumettrait volontairement<br />

son bien à l’inspection ont<br />

été évoquées.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 29


30<br />

Informations<br />

Charles Mertens a fait valoir les avantages<br />

d’un système objectif dont l’extension<br />

gra<strong>du</strong>elle <strong>du</strong> champ d’application<br />

entraînerait une ré<strong>du</strong>ction de<br />

celui <strong>du</strong> permis de location. Système<br />

auquel les locataires gagneraient<br />

autant que le propriétaire conforté<br />

par l’attestation de conformité.<br />

La question de la détermination d’un<br />

loyer encadré, celle <strong>du</strong> relogement et<br />

celle des niveaux de pouvoir concernés<br />

ont été abordées dans un souci<br />

de cohérence <strong>du</strong> système et de ré<strong>du</strong>ction<br />

des démarches et des coûts…<br />

LES PANELS<br />

<strong>Les</strong> invités <strong>du</strong> panel scientifique ont<br />

ensuite pris la parole et insisté sur la<br />

nécessité d’une collaboration optimale<br />

entre niveaux de pouvoir face<br />

aux problèmes engendrés par la complexité<br />

de la législation. <strong>Les</strong> exigences<br />

à fixer quant au niveau de qualité <strong>du</strong><br />

logement (superficie, confort sanitaire,<br />

performance énergétique…), les<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

photo : F. Dor - DGATLP © MRW<br />

normes adaptées aux nouvelles typologies<br />

d’habitat ont alimenté leur<br />

débat. <strong>Les</strong> intervenants s’accordaient<br />

sur la nécessité d’éviter le risque de<br />

ré<strong>du</strong>ction <strong>du</strong> stock de logements<br />

existants.<br />

Quant au prix, si la difficulté d’établir<br />

une adéquation entre le loyer et<br />

l’état <strong>du</strong> logement est indéniable, ce<br />

contrôle technique pourrait offrir<br />

l’opportunité d’établir le tarif de location.<br />

Le système présente l’avantage<br />

d’une démarche intégrée ; sa concrétisation<br />

nécessiterait toutefois un<br />

accord de coopération entre l’État<br />

fédéral et la Région wallonne.<br />

Un panel politique a succédé au<br />

panel scientifique. <strong>Les</strong> intervenants<br />

de ce second débat s’accordaient également<br />

sur le fait que la répartition<br />

des compétences entre différents<br />

niveaux de pouvoir complique la<br />

tâche. Et quid des obstacles pratiques :<br />

dérogations, possibilités de recours… ?<br />

Qui assurera les frais <strong>du</strong> contrôle… ?<br />

Le caractère universel de la mesure<br />

remis en cause, plusieurs orateurs ont<br />

rappelé le manque de moyens des<br />

pouvoirs publics en matière de logement<br />

et a fortiori de relogement…<br />

Une diminution <strong>du</strong> parc locatif privé<br />

est à éviter à tout prix. Néanmoins,<br />

l’idée d’une simplification administrative<br />

rassemblant l’ensemble des attestations<br />

portant sur le logement fut<br />

accueillie favorablement.<br />

Un second tour de table a porté sur les<br />

moyens d’amélioration des dispositifs<br />

actuels. On en retiendra que le<br />

changement doit passer par la sensibilisation<br />

au concept de bien habiter,<br />

par l’augmentation des moyens donnés<br />

aux communes aussi bien qu’aux<br />

propriétaires, par le développement<br />

des partenariats publics-privés destinés<br />

à accroître l’offre de logements<br />

publics et des mesures orientées vers<br />

les nouveaux modes de création de<br />

logements à prix abordable.<br />

La journée s’est terminée tardivement<br />

sur les conclusions de Bernard Hubeau,<br />

qui a rappelé les 4 éléments-clés d’un<br />

système idéal : la responsabilité des<br />

acteurs respectifs ; la relation indissociable<br />

entre qualité et quantité ; le<br />

caractère programmable de la politique<br />

<strong>du</strong> logement, à penser à long<br />

terme ; la réflexion à poursuivre en<br />

matière de normes, pour éviter des<br />

grilles d’évaluation strictement techniques.<br />

Le débat soulevé par Charles<br />

Mertens doit s’inscrire dans la question<br />

de l’équilibre global de la politique<br />

<strong>du</strong> logement, et les nouvelles<br />

procé<strong>du</strong>res en matière d’énergie<br />

offrent une occasion de simplifier<br />

les mesures…et d’envisager plus de<br />

flexibilité des normes, au bénéfice de<br />

l’habitant.<br />

(1) Renseignements et informations sur<br />

www.bwo.admin.ch.


Informations<br />

photos : F. Dor - DGATLP © MRW<br />

Collaboration<br />

Région - Québec<br />

E<br />

n octobre 2005, à l’occasion<br />

de la Semaine européenne<br />

<strong>du</strong> logement social, une<br />

entente de collaboration était signée<br />

entre la Société d’Habitation <strong>du</strong><br />

Québec (SHQ), la Société wallonne<br />

<strong>du</strong> logement (SWL) et la Direction<br />

générale de l’Aménagement <strong>du</strong> territoire,<br />

<strong>du</strong> <strong>Logement</strong> et <strong>du</strong> Patrimoine<br />

(DGATLP).<br />

Organisme conseiller <strong>du</strong> gouvernement<br />

<strong>du</strong> Québec en matière d’élaboration<br />

et de mise en œuvre des<br />

politiques et des programmes d’habitation,<br />

la SHQ gère le plus important<br />

parc immobilier <strong>du</strong> Québec, soit<br />

65.000 logements. Elle investit chaque<br />

année plus de 600 millions de dollars<br />

dans ses programmes, et œuvre en<br />

collaboration avec 3.000 mandataires<br />

et partenaires, accordant une grande<br />

importance à la recherche. Soucieuse<br />

de répondre aux problèmes sociétaux<br />

et environnementaux qui se posent au<br />

XXI e siècle, elle ne cesse de développer<br />

des pratiques innovantes, notamment<br />

en matière de logement <strong>du</strong>rable, d’habitat<br />

communautaire et d’accompagnement<br />

social.<br />

Une délégation belge d’experts et<br />

de gestionnaires s’était ren<strong>du</strong>e au<br />

Québec au printemps 2006 dans le<br />

but d’approfondir les méthodes de<br />

gestion et en découvrir les applications<br />

sur le terrain : réseau de partenaires,<br />

gestion des programmes, audits,<br />

code d’éthique… Certaines leçons ont<br />

déjà trouvé un champ d’application ;<br />

voilà donc une entente qui devrait<br />

aider au développement des sociétés<br />

de logement de la Région.<br />

<strong>Les</strong> logeurs wallons ont eu à leur tour<br />

le plaisir d’accueillir une nouvelle<br />

délégation de logeurs québecois la<br />

dernière semaine de novembre. Intéressés<br />

par notre politique d’accession<br />

au logement, trois responsables de la<br />

Société d’Habitation <strong>du</strong> Québec ont<br />

consacré plusieurs longues journées à<br />

découvrir par le menu les activités<br />

complémentaires de nos organismes<br />

wallons : la Divion <strong>du</strong> <strong>Logement</strong>, le<br />

Fonds <strong>du</strong> logement des familles nombreuses,<br />

Whestia, la Société wallonne<br />

de crédit social et la Société wallonne<br />

<strong>du</strong> logement. Ils ont été rejoints par<br />

Pierre Cliche, directeur général de la<br />

SHQ, qui participait aux colloques<br />

des 24 et <strong>du</strong> 27 novembre, respectivement<br />

consacrés à la recherche de solutions<br />

nouvelles en matière de contrôle<br />

de qualité de l’habitat et de développement<br />

<strong>du</strong>rable (voir p. 28 et 35).<br />

L’architecte Avi Friedman a également<br />

fait tout exprès le voyage pour présenter<br />

le 27 son concept d’habitation<br />

abordable, que la SHQ développe en<br />

nombre pour la location comme pour<br />

la vente et qu’elle offre également<br />

sur les marchés d’exportation (voir<br />

p. 37).<br />

Une semaine riche en découvertes et<br />

en nouvelles rencontres pour les deux<br />

parties, bien décidées à poursuivre et<br />

développer les échanges entamés sur<br />

des bases très concrètes.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 31


photo : © VMSW<br />

32<br />

Informations<br />

STRUCTURES PLUS<br />

TRANSPARENTES ET<br />

DÉFIS NOUVEAUX<br />

Lors de l’inauguration en 2000 de<br />

l’opération « BBB – Beter Bestuurlijk<br />

Beleid » (une meilleure politique administrative),<br />

l’administration flamande<br />

était constituée d’un amalgame d’entreprises,<br />

organes, institutions, départements<br />

et autres entités. Chacune<br />

avait ses propres statut, structures,<br />

compétences, degrés d’autonomie…<br />

Le gouvernement flamand a considéré<br />

que cette constellation juridique<br />

et historique n’était plus suffisamment<br />

efficace et transparente pour<br />

répondre de façon adéquate aux<br />

exigences administratives de la société<br />

de demain. Le besoin pratique se<br />

manifestait par ailleurs de travailler<br />

d’une façon plus rapide, plus souple,<br />

adaptée à l’évolution de la société<br />

contemporaine, et cela dans divers<br />

domaines :<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

LA RÉGION FLAMANDE RESTRUCTURE<br />

SON SERVICE PUBLIC<br />

L’opération « BBB – Beter Bestuurlijk Beleid » (une meilleure politique<br />

administrative) vise à réorganiser la fonction et le service publics en<br />

Région flamande. Le présent article expose les orientations prises en la<br />

matière et leurs implications dans le domaine <strong>du</strong> logement social.<br />

– l’indivi<strong>du</strong>alisation : le citoyen d’aujourd’hui<br />

est un indivi<strong>du</strong> bien formé,<br />

qui souhaite décider lui-même et qui<br />

veut entrer en contact direct avec<br />

l’administration ;<br />

– une société de réseaux : la solution<br />

de problèmes nécessite de plus en plus<br />

d’instances spécialisées, des capacités<br />

très diverses ainsi qu’un partage des<br />

responsabilités, appelant à une révision<br />

des approches de gestion classique<br />

et centraliste ;<br />

– les technologies de communication<br />

: le citoyen exige de la part des<br />

autorités administratives qu’elles se<br />

servent des moyens de communication<br />

modernes pour permettre un<br />

accès et un échange facile, transparent,<br />

direct et interactif.<br />

L’Itinéraire de transition « BBB –<br />

Beter Bestuurlijk Beleid » constitue<br />

la réponse <strong>du</strong> gouvernement flamand<br />

à ces enjeux, réponse par laquelle il<br />

vise à réorienter les relations que<br />

l’administration entretient avec les<br />

entreprises et les citoyens, et ceci vers<br />

une approche<br />

– adaptée au client ;<br />

– visant des services efficaces ;<br />

– allant de pair avec une légitimité<br />

basée sur la transparence des structures<br />

et une attitude participative et<br />

interactive ;<br />

– dans un rapport correct vis-à-vis <strong>du</strong><br />

niveau politique, des autres autorités<br />

et des représentants de la société civile.<br />

Cet itinéraire vise effectivement à<br />

réaffirmer le primat de la politique,<br />

ce qui n’a par ailleurs rien à voir avec<br />

la notion de politisation, mais vise<br />

par contre à mettre au clair la répartition<br />

des tâches, compétences et<br />

responsabilités entre le monde politique,<br />

le domaine administratif et la<br />

société civile. Le principe directeur<br />

régissant cette distribution se fonde


sur la constatation que, par principe,<br />

la politique concrètement menée doit<br />

être déterminée par les responsables<br />

politiques à l’exclusion des autres<br />

acteurs concernés, étant donné que ces<br />

premiers seulement sont élus, c’est-àdire<br />

dotés de la légitimité démocratique<br />

qui fait défaut aux autres.<br />

Le gouvernement flamand détermine<br />

la politique à mener en dialogue avec<br />

le parlement et sous son contrôle. Le<br />

gouvernement décide quels objectifs<br />

de société il va poursuivre, quels<br />

instruments de gestion il va utiliser et<br />

quels intérêts de société il va prendre<br />

en compte. De ce fait, il doit diriger<br />

et contrôler l’exécution de la politique.<br />

L’administration flamande, à son tour,<br />

soutient le gouvernement : en contribuant<br />

à la préparation et à l’évaluation<br />

de la politique, et en assumant la mise<br />

en œuvre de cette politique. Mais elle<br />

ne décide pas : elle n’est ni apte, ni<br />

habilitée à prendre des décisions<br />

politiques.<br />

<strong>Les</strong> représentants de la société civile,<br />

à leur tour, sont activement impliqués<br />

dans la préparation, la fixation<br />

et l’exécution de la politique, bien<br />

qu’ils soient – eux aussi – dépourvus<br />

de toute compétence décisionnelle.<br />

Le mot final appartient aux responsables<br />

politiques.<br />

En vue de bien cerner le rôle de l’administration<br />

flamande dans ce contexte,<br />

il a été opté pour une restructuration<br />

globale <strong>du</strong> système administratif existant<br />

: une réorganisation systématique,<br />

sur base de quelques principes<br />

simples, pour arriver à une structure<br />

simple et claire de l’administration<br />

flamande :<br />

– autour de 13 domaines politiques<br />

homogènes. Chaque domaine politique<br />

homogène regroupe les différents<br />

domaines et matières de<br />

compétence qui, aussi bien <strong>du</strong> point<br />

de vue <strong>du</strong> citoyen que de celui de<br />

la politique, se prêtent à constituer<br />

un ensemble cohérent et reconnaissable.<br />

<strong>Les</strong> compétences qui sont logiquement<br />

assimilables sont ainsi effectivement<br />

regroupées au sein d’un seul<br />

et même domaine homogène ;<br />

– tous les domaines sont organisés<br />

sur base d’une structure identique :<br />

• les tâches relatives à l’aide à la<br />

décision politique sont confiées au<br />

département, qui travaille en collaboration<br />

étroite avec le ministre ;<br />

• les tâches relatives à la mise en<br />

œuvre de la politique sont confiées à<br />

des agences autonomisées internes<br />

ou externes lorsque les conditions<br />

cumulatives suivantes sont remplies :<br />

1° volume suffisant de tâches de mise<br />

en œuvre pour l’agence autonomisée;<br />

2° mesurabilité des pro<strong>du</strong>its ou services<br />

à fournir par l’agence autonomisée<br />

;<br />

3° possibilité réelle de diriger l’agence<br />

autonomisée sur la base de l’efficacité,<br />

des performances et de la<br />

qualité ;<br />

4° relation informationnelle réellement<br />

concrétisable.<br />

Si les conditions pour confier des<br />

tâches de mise en œuvre de la politique<br />

à une agence autonomisée<br />

ne sont pas remplies, les départements<br />

sont chargés de ces tâches.<br />

<strong>Les</strong> agences autonomisées se<br />

situent plus loin <strong>du</strong> ministre bien<br />

qu’elles soient dirigées, suivies et<br />

contrôlées par ce dernier :<br />

◆ il y a des agences autonomisées<br />

internes qui travaillent directement<br />

sous l’autorité <strong>du</strong> ministre et qui, en<br />

principe, ne disposent pas d’une personnalité<br />

juridique propre, mais bien<br />

d’une autonomie opérationnelle.<br />

Cette autonomie opérationnelle et la<br />

façon dont le Gouvernement flamand<br />

peut exercer son autorité hiérarchique<br />

à l’égard <strong>du</strong> chef de l’agence sont<br />

fixées de façon uniforme par le Gouvernement<br />

flamand. Une autonomie<br />

opérationnelle est en tout cas garantie<br />

en ce qui concerne :<br />

1° la détermination et modification<br />

de la structure d’organisation de<br />

l’agence ;<br />

2° l’organisation de processus opérationnels<br />

en vue de la réalisation<br />

des objectifs convenus ;<br />

3° l’exécution de la gestion <strong>du</strong> personnel<br />

;<br />

4° l’utilisation des moyens disponibles<br />

pour :<br />

a) le fonctionnement de l’agence ;<br />

b) la réalisation des objectifs et des<br />

tâches de l’agence ;<br />

c) la conclusion de contrats en vue<br />

de la réalisation des missions de<br />

l’agence;<br />

5° le contrôle interne au sein de l’agence<br />

autonomisée interne.<br />

L’ensemble de ces agences avec le<br />

département constitue ce qu’on<br />

appelle le ministère. Leurs obligations,<br />

tâches et missions font l’objet<br />

d’un contrat de gestion à<br />

conclure avec le Gouvernement<br />

flamand.<br />

◆ sous certaines conditions, certaines<br />

de ces agences peuvent obtenir<br />

une personnalité juridique propre :<br />

agences autonomisées externes. Une<br />

telle agence n’est créée qu’après une<br />

évaluation préalable des avantages et<br />

désavantages de l’octroi de la personnalité<br />

juridique, et lorsqu’il en résulte<br />

qu’une agence autonomisée interne<br />

sans personnalité juridique ne peut<br />

pas offrir les mêmes avantages. Elles<br />

ne font pas partie <strong>du</strong> ministère et<br />

disposent d’un organe décisionnel<br />

propre (qui est le conseil d’administration).<br />

Entre le Gouvernement flamand<br />

et une agence autonomisée<br />

externe de droit public, un contrat de<br />

gestion est conclu après négociation.<br />

Entre une agence autonomisée<br />

externe de droit privé et le Gouvernement<br />

flamand, un accord de coopération<br />

est conclu.<br />

Il va de soi que l’étude – même intro<strong>du</strong>ctive<br />

– des différentes sources<br />

d’inspiration, des différents aspects,<br />

juridiques et autres, et des différentes<br />

conséquences d’une opération de<br />

restructuration de l’ampleur indiquée<br />

ne pourrait avoir lieu dans le cadre<br />

<strong>du</strong> présent article. Nous nous sommes<br />

limités, dans la première partie,<br />

à indiquer de manière très générale<br />

et d’une façon incomplète les principaux<br />

axes d’orientation. Nous suggérons<br />

au lecteur intéressé qui<br />

souhaiterait s’informer sur le sujet de<br />

consulter les pages <strong>du</strong> site web ciaprès<br />

: http://www2.vlaanderen.be/<br />

ned/sites/bbb/index.htm. Nous concluons<br />

ici avec la présentation de<br />

quelques éléments de l’impact de cette<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 33


34<br />

Informations<br />

photo : © VMSW<br />

restructuration sur l’organisation de<br />

la politique <strong>du</strong> logement social en<br />

Région flamande.<br />

Pour le (nouveau) « domaine politique<br />

homogène RWO » - « Ruimtelijke<br />

Ordening, Wonen, Onroerend<br />

erfgoed » (cf. ATLP), la restructuration<br />

« BBB » est entrée en vigueur en<br />

date <strong>du</strong> 1 er juillet 2006 1 . Ont été créés<br />

et effectivement mis en vigueur, à par-<br />

(1) (Arrêté <strong>du</strong> Gouvernement flamand <strong>du</strong> 30 juin<br />

2006 portant opérationnalisation partielle <strong>du</strong><br />

domaine politique de l’aménagement <strong>du</strong><br />

territoire, de la politique <strong>du</strong> logement et <strong>du</strong><br />

patrimoine immobilier et adaptant la<br />

réglementation en matière de logement<br />

suite à la politique administrative –<br />

M.B. 22/08/2006, 41730)<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

tir de la même date : le (nouveau)<br />

« Departement RWO » ou « Departement<br />

Ruimtelijke Ordening, Wonen,<br />

Onroerend erfgoed » (Département<br />

de l’Aménagement <strong>du</strong> Territoire, de la<br />

Politique <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> et <strong>du</strong> Patrimoine<br />

immobilier), 4 agences autonomisées<br />

internes et une agence autonomisée<br />

externe, dont, si on se limite<br />

à la compétence de la politique <strong>du</strong><br />

logement :<br />

– une agence interne : « Wonen<br />

Vlaanderen », dont les missions principales,<br />

tout en étant limitées à la<br />

compétence <strong>du</strong> logement, consistent<br />

à (1) préparer et soutenir la concertation<br />

locale, pilotée par les villes et les<br />

communes, (2) assister les administrations<br />

locales dans le développement<br />

d’une vision et approche communale<br />

et (3) gérer les primes et<br />

allocations (subsides à la personne) ;<br />

– une agence interne : « Inspectie<br />

RWO », appelée à gérer la maintenance<br />

pour l’intégralité <strong>du</strong> domaine<br />

de compétence ;<br />

– une agence externe : « VMSW –<br />

Vlaamse Maatschappij voor Sociaal<br />

Wonen » ou « Société flamande de<br />

<strong>Logement</strong> social ». La VSMW est le<br />

successeur aux droits de la « VHM –<br />

Vlaamse Huisvestingsmaatschappij »<br />

ou « Société flamande <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> ».<br />

Il en résulte bien évidemment des<br />

transferts importants de compétences,<br />

de moyens et de personnel :<br />

• les compétences de la Division <strong>du</strong><br />

Financement de la Politique <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

de l’Administration de l’Aménagement<br />

<strong>du</strong> Territoire, <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

et des Monuments et des Sites sont<br />

confiées au (nouveau) Département<br />

RWO, à l’agence « Wonen-Vlaanderen»,<br />

à l’agence Inspectie RWO » ou<br />

à l’agence « VMSW », selon qu’elles<br />

portent sur l’aide à la décision politique,<br />

le traitement des dossiers, les<br />

différents aspects et mécanismes de<br />

contrôle, ou la facilitation de la mise<br />

en œuvre concrète ;<br />

• les compétences de la Division de la<br />

Politique <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> de la même<br />

administration, mentionnée ci-avant,<br />

sont confiées au Département RWO;<br />

les compétences de la Division provinciale<br />

de la même administration sont<br />

confiées à l’agence « Wonen-Vlaanderen<br />

» et, pour le contrôle, à l’agence<br />

« Inspectie RWO » ;<br />

• les compétences etc. de la Division<br />

de l’Infrastructure subsidiée de l’Administration<br />

des Marchés publics, des<br />

Bâtiments et de l’Infrastructure subsidiée<br />

sont confiées à la « VMSW »<br />

dans la mesure où elles portent sur<br />

les aspects techniques, juridico-administratifs<br />

et financiers, sur les procé<strong>du</strong>res<br />

en matière de marchés publics,<br />

sur l’exécution de travaux d’infrastructure<br />

en qualité de mandataire de<br />

la Région flamande ou sur l’autorisation<br />

conférée aux initiateurs d’agir<br />

comme maître d’ouvrage ;<br />

• les compétences de la même division,<br />

mentionnée ci-avant, sont<br />

confiées au Département RWO dans<br />

la mesure où elles portent sur l’engagement<br />

des crédits, la notification de<br />

la promesse de subvention et la liquidation<br />

des subventions ;<br />

• les compétences etc. de la Société<br />

flamande <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> (VHM) sont<br />

confiées au « VMSW » dans la mesure<br />

où elles portent sur son rôle d’initiateur<br />

ou sur sa qualité de conseillère en<br />

matière d’aspects techniques, juridico-administratifs<br />

et financiers ; elles<br />

sont confiées au Département RWO,<br />

à l’agence « Wonen-Vlaanderen » ou<br />

à l’agence « Inspectie RWO » selon<br />

qu’elles portent sur l’aide à la décision<br />

politique, le traitement des dossiers<br />

ou le contrôle ;<br />

• la compétence de la Société flamande<br />

<strong>du</strong> <strong>Logement</strong> et de la Division<br />

<strong>du</strong> Financement de la Politique <strong>du</strong><br />

<strong>Logement</strong> en matière de prix de vente<br />

des habitations sociales d’achat est<br />

confiée au Département.<br />

Yves Schreel<br />

Vlaamse overheid


Développement <strong>du</strong>rable<br />

Le mois de novembre fut riche en colloques et séminaires consacrés au logement. Le 27 novembre,<br />

la SWL organisait un colloque sur le logement <strong>du</strong>rable ouvert aux professionnels <strong>du</strong> logement<br />

public, communes wallonnes, architectes, entrepreneurs en construction… Une journée riche en<br />

pistes concrètes et en témoignages intéressants, inatten<strong>du</strong>s, déroutants parfois. <strong>Les</strong> documents <strong>du</strong><br />

colloque et le curriculum des intervenants sont disponibles sur le site de la SWL.<br />

photo : F. Dor - DGATLP © MRW<br />

Société wallonne<br />

<strong>du</strong> logement<br />

UNE APPROCHE<br />

DU LOGEMENT DURABLE<br />

e premier orateur de la matinée,<br />

André de Herde, profes-<br />

L seur au Département Architecture<br />

de l’Université catholique de<br />

Louvain, a captivé son auditoire par<br />

un exposé très clair consacré à l’architecture<br />

climatique, ses stratégies<br />

et ses concepts, pour en venir ensuite<br />

aux enjeux <strong>du</strong> développement <strong>du</strong>rable<br />

et expliquer, exemples à l’appui,<br />

ce qu’est l’architecture <strong>du</strong>rable.<br />

Le parcours personnel et la démarche<br />

particulièrement authentique de deux<br />

jeunes ingénieurs, Emmanuel Evrarts<br />

de Velp et Joël Coupez, ont surpris<br />

l’auditoire et suscité par la suite pas<br />

mal de questions. Un public composé<br />

de nombreux étudiants fut manifestement<br />

sensible à la force de leur détermination.<br />

Le premier, ingénieur civil<br />

des constructions, n’a pas hésité à<br />

quitter le confort d’une grande entreprise<br />

multinationale pour vivre un<br />

investissement citoyen. Fort de ses<br />

expériences, il s’est associé dans une<br />

coopérative, l’entreprise générale de<br />

construction ELICO. La recherche de<br />

l’amélioration des conditions de travail<br />

des ouvriers a con<strong>du</strong>it l’entreprise<br />

à utiliser des matériaux sains et respectueux<br />

de l’environnement. Cette<br />

volonté de construire <strong>du</strong>rable a mené<br />

au rachat d’un négoce en matériaux<br />

de construction en 2004 ; son ambition<br />

est de faire passer la part des<br />

ventes de matériaux <strong>du</strong>rables de 2 %<br />

à 20 % en 5 ans. Joël Coupez, ingénieur<br />

civil architecte, a constitué le<br />

bureau Coupez, actif dans le marché<br />

<strong>du</strong> résidentiel, centré sur les aspects<br />

<strong>du</strong> développement <strong>du</strong>rable. Tous deux<br />

ont défini les critères de choix d’un<br />

projet de construction <strong>du</strong>rable, l’impact<br />

des choix sur le confort intérieur<br />

des habitations, les difficultés<br />

et obstacles et l’impact sur le prix de<br />

l’option <strong>du</strong>rable. Leur exposé illustré<br />

d’exemples concrets a également fait<br />

connaître divers matériaux accessibles<br />

sur le marché belge.<br />

Mais les membres de l’assemblée composée<br />

de plus de trois cents personnes<br />

n’étaient pas au bout de leur surprise,<br />

ce qu’ils ont compris aux premiers<br />

mots d’un invité venu <strong>du</strong> froid pour<br />

l’occasion. Avi Friedman, dynamique<br />

professeur de l’université de Montréal,<br />

passionnant et passionné par la<br />

recherche et la conception, a exposé<br />

le principe de son habitation. Une<br />

maison évolutive et abordable pour<br />

des communautés viables, construite<br />

à plus de 10.000 exemplaires en Amérique<br />

<strong>du</strong> Nord, et adoptée maintenant<br />

par le Mexique, la Tchéquie et le<br />

Royaume-Uni. (voir en p. 37)<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 35


36<br />

Développement <strong>du</strong>rable<br />

Des maisons de bois en rangées, ré<strong>du</strong>ites<br />

en largeur et construites en hauteur,<br />

qui permettent de mo<strong>du</strong>ler<br />

l’espace intérieur par un système de<br />

cloisons agrafées…Une maison lego ;<br />

un catalogue d’options ; l’occupant<br />

modifie seul en deux temps l’espace<br />

intérieur selon ses besoins. Stupéfaction<br />

dans la salle. <strong>Les</strong> angles d’approche<br />

ne sont manifestement pas les<br />

mêmes. Et le rôle de l’architecte,<br />

alors ? La réponse est aussi claire que<br />

le sourire de l’orateur : le monde<br />

change ; l’architecte a le pouvoir de<br />

changer le monde. S’adapter, repenser<br />

les besoins, penser d’abord aux<br />

gens les plus démunis, tel est son<br />

credo. Repenser la planification des<br />

maisons isolées pour créer des collectivités,<br />

dans une approche globale de<br />

l’architecture, qui tient compte<br />

de l’environnement et des facteurs<br />

économiques. Penser autrement…<br />

c’est vite dit. Pourtant, un panneau<br />

de qualité ne serait-il pas plus facile<br />

à digérer que la brique pour bien des<br />

Belges pressés d’être au chaud et de<br />

pouvoir encore avaler parfois autre<br />

chose ?<br />

Une approche coordonnée de l'environnement,<br />

<strong>du</strong> logement <strong>du</strong>rable et<br />

de la santé a fait l'objet <strong>du</strong> premier<br />

exposé de l'après-midi par Anne<br />

Steenhout et Benoît Thielemans. La<br />

première, docteur en sciences et<br />

professeur à l'ULB, a développé de<br />

manière pionnière une méthodologie<br />

intégrée en Environnement et Santé<br />

incluant les questions des inégalités<br />

sociales et d'habitat, et les « fenêtres<br />

de vulnérabilité » notamment chez<br />

(1) www.lanaturemamaison.be ;<br />

www.mouscron.be<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

photo : F. Dor - DGATLP © MRW<br />

le jeune enfant. Le second est professeur<br />

à l'Institut supérieur d'architecture<br />

Saint-Luc. La rénovation de<br />

logements (choix de matériaux et<br />

pro<strong>du</strong>its) a servi d'exemple pour<br />

démontrer les enjeux de l'intégration<br />

de divers aspects <strong>du</strong> développement<br />

<strong>du</strong>rable dans les projets de construction.<br />

<strong>Les</strong> aspects pratiques et<br />

les aspects législatifs placés dans le<br />

contexte européen de la problématique<br />

environnement/logement/santé<br />

ont également été abordés.<br />

Deux expériences wallonnes ont ensuite<br />

été relatées. Celle de la création de la<br />

cellule « Habiter malin, charges en<br />

moins » par la SWL et ses résultats,<br />

par Marie-Thérèse Gaspart (ingénieur<br />

civil architecte) et Christophe Barbieux<br />

(coordinateur social). Ce projet porte<br />

sur une meilleure application des<br />

programmes d'efficacité énergétique<br />

dans les logements sociaux et tente<br />

d'y impliquer les locataires. Puis le<br />

projet de la cité Elea de Mouscron a<br />

été présenté par Damien Franzen,<br />

architecte et auteur de projets à très<br />

faible consommation. Le concepteur<br />

a détaillé le choix des performances<br />

énergétiques et des solutions techniques<br />

élaborées pour ce lotissement<br />

d'une soixantaine de logements visant<br />

à minimiser les impacts environnementaux,<br />

favoriser la mixité sociale,<br />

l'accessibilité et l'intégration.<br />

La journée s'est poursuivie par la<br />

présentation <strong>du</strong> concours de projets<br />

organisé en 2006 par la SWL. Il portait<br />

sur la conception de logements<br />

dits <strong>du</strong>rables à coût maîtrisé, adaptés<br />

à une population socialement défavorisée,<br />

n'exigeant pas de modification<br />

<strong>du</strong> mode de vie des occupants. Il<br />

s'agissait concrètement de construire<br />

environ 25 logements répartis sur<br />

des sites en Wallonie et accueillant<br />

chacun 5 logements.<br />

<strong>Les</strong> conclusions d'Avi Friedman ont<br />

clôturé la journée. Il a encouragé<br />

vivement les architectes à réinventer,<br />

à mener au quotidien un travail de<br />

remise en question et d'adaptation<br />

aux besoins de chacun, pour tous les<br />

âges, tous les types de ménages. Il<br />

insisté sur la nécessité d'échanger<br />

les idées, les analyser, les modifier,<br />

pour répondre à l'énorme besoin de<br />

maisons à coût abordable en Belgique<br />

mettant l'accent sur la nécessité des<br />

échanges d'idées et la nécessité de<br />

développer une autre in<strong>du</strong>strie innovante<br />

pour une construction rapide,<br />

efficace et de qualité.


A<br />

Développement <strong>du</strong>rable<br />

vi Friedman, professeur<br />

agrégé à l’École d’Architecture<br />

de l’Université McGill à<br />

Montréal, est l’un des deux concepteurs<br />

de la Maison évolutive. Cette<br />

maison en rangée à façade étroite, qui<br />

a révolutionné, au début des années<br />

1990, le marché de la construction<br />

domiciliaire au Québec, lui a valu en<br />

1998 le Prix mondial de l’habitat<br />

décerné par la Building and Social<br />

Housing Foundation. En 2000, le<br />

magazine Wallpaper l’a désigné comme<br />

une des dix personnes <strong>du</strong> monde<br />

ayant le plus de chances de changer<br />

la façon de vivre.<br />

Son principe : un habitat qui « pense<br />

sur le futur » et se base sur le cycle de<br />

vie. Comme les Japonais dans le domaine<br />

de la construction automobile,<br />

Avi Friedman utilise une structure<br />

standard à laquelle on peut ajouter<br />

des pièces préfabriquées en usine, de<br />

qualité et d’un coût ré<strong>du</strong>it. Son but<br />

est de ré<strong>du</strong>ire les frais de construction<br />

au maximum de façon à ce que les<br />

habitations puissent être louées ou<br />

ven<strong>du</strong>es à un prix modique. Elles<br />

sont destinées à des gens de la classe<br />

moyenne, à des étudiants, à de nouveaux<br />

acheteurs qui ont <strong>du</strong> mal à<br />

acquérir une première propriété dans<br />

le contexte actuel, au Québec comme<br />

ailleurs…<br />

Le professeur s’étonne <strong>du</strong> fait que la<br />

recherche soit très présente dans certains<br />

domaines comme l’électronique,<br />

les technologies de l’information mais<br />

que, dans le domaine de la construction,<br />

on continue d’utiliser des concepts<br />

qui datent de plusieurs décennies,<br />

alors qu’un besoin d’adaptation<br />

aux nouvelles réalités sociales et<br />

démographiques se fait sentir.<br />

Pragmatique, Avi Friedman collabore<br />

étroitement avec ses étudiants dans<br />

le but de résoudre les problèmes<br />

nouveaux de notre société. Une<br />

LA MAISON ÉVOLUTIVE<br />

ET ABORDABLE<br />

nouvelle discipline et un nouveau<br />

programme d’études supérieures, la<br />

Maison à coût abordable, ont vu<br />

le jour à l’École d’Architecture de<br />

l’Université McGill. L’objectif est<br />

de créer, pour des ménages dont les<br />

revenus sont de très faibles à<br />

modestes, une forme de logement<br />

abordable dont l’intérieur puisse être<br />

aménagé progressivement en fonction<br />

des besoins d’espace et des<br />

moyens financiers des propriétaires.<br />

Elle demeure la seule <strong>du</strong> genre en<br />

Amérique <strong>du</strong> Nord.<br />

photo : © Société d’Habitation <strong>du</strong> Québec<br />

« Le monde change et nous<br />

impose les mêmes défis;<br />

notre regard sur le présent<br />

et l’avenir doit changer. »<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 37


38<br />

Développement <strong>du</strong>rable<br />

La Maison évolutive est une habitation<br />

en rangée de trois étages, d’une<br />

superficie 92 m 2 et d’une largeur de<br />

4,25 m. Elle contient au départ un<br />

petit salon, une cuisine/coin-repas,<br />

une salle de bains et une ou deux<br />

chambres de petites dimensions au<br />

premier étage. Lors de l’achat, les<br />

étages supérieurs ne sont pas subdivisés.<br />

Quand les propriétaires ont besoin<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

photo : © SHQ<br />

de plus d’espace ou quand leur<br />

situation financière s’améliore, ils<br />

peuvent aménager le reste de la maison<br />

comme il leur plaît, en y installant<br />

par exemple une autre chambre,<br />

un plus grand salon ou un bureau à<br />

domicile. La Maison évolutive ne<br />

coûte que 40 000 $ (26.344 €) sans<br />

le terrain. À Montréal, ce type de logement<br />

se vend entre 65.000 $ (42.808 €)<br />

et 95.000 $ (62.655 €), soit 15.000 à<br />

45.000 $ (9.879 à 29.636 €) de moins<br />

« Il faut changer la<br />

génétique de notre<br />

façon de construire. »<br />

qu’une maison neuve de taille comparable.<br />

Des ménages qui gagnent<br />

moins que le seuil de faible revenu<br />

ont pu en faire l’achat, et leurs versements<br />

mensuels sont moins élevés<br />

que le loyer qu’ils payaient auparavant.<br />

Il existe plus de 10.000 habitations<br />

de ce type en Amérique <strong>du</strong> Nord,<br />

dont 6.000 dans la région de Montréal.<br />

La Société d’Habitation <strong>du</strong><br />

Québec (SHQ), organisme mandaté<br />

par le gouvernement <strong>du</strong> Québec pour<br />

toute question relative à l’habitation,<br />

clé de voûte de l’habitation sociale au<br />

Québec, en offre un nombre important<br />

en location à loyer modique.<br />

« Il faut penser<br />

d’abord aux gens<br />

les plus pauvres. »<br />

En densifiant l’aménagement par une<br />

urbanisation en logis étroits et en rangées,<br />

ces habitations permettent de<br />

ré<strong>du</strong>ire le coût de l’accès à la propriété<br />

puisque le prix des terrains et des<br />

infrastructures ont un impact important<br />

sur le montant global de l’acquisition.<br />

Ce concept de densification<br />

s’intègre dans une politique de développement<br />

<strong>du</strong>rable, en ré<strong>du</strong>isant la<br />

surface d’occupation au sol et la<br />

consommation d’énergie de chauffage.<br />

Monsieur Friedman diminue<br />

également le coût de ses constructions<br />

en utilisant des éléments préfabriqués<br />

en mo<strong>du</strong>lation entière, ce qui<br />

évite des découpes et déchets de matériaux<br />

inutiles. La gestion <strong>du</strong> riche<br />

patrimoine forestier canadien relève<br />

bien enten<strong>du</strong> <strong>du</strong> développement<br />

<strong>du</strong>rable : au Canada, chaque arbre est<br />

certifié, toute coupe d’arbre appelle<br />

la plantation de deux arbres.<br />

Le design de maisons <strong>du</strong> Docteur<br />

Friedman respecte l’environnement,<br />

permet de ré<strong>du</strong>ire les coûts en énergie,<br />

possède une bonne insonorisation<br />

contre les bruits extérieurs et un<br />

système de ventilation qu’on retrouve<br />

dans des résidences de luxe. Chaque<br />

ensemble de logis est localisé de<br />

manière à ré<strong>du</strong>ire la dépendance par<br />

rapport à l’automobile.


Le développement <strong>du</strong>rable doit<br />

tenir compte d’une adaptabilité face<br />

aux changements environnementaux,<br />

mais aussi aux besoins des occupants!<br />

Afin de concilier ces deux aspects, de<br />

nouveaux modes de construire doivent<br />

voir le jour. Le concept de Monsieur<br />

Friedman place l’avenir dans la<br />

«personnalisation de masse».<br />

« C’est à nous, architectes,<br />

qu’il appartient de changer<br />

le monde. »<br />

Ce type de logement permet une<br />

adaptation <strong>du</strong> lieu au rythme des<br />

changements de propriétaires ou des<br />

changements des besoins de l’occupant,<br />

à frais ré<strong>du</strong>its. Tout un chacun<br />

peut personnaliser son logement à sa<br />

guise, changer le cloisonnement et la<br />

disposition des pièces, au fil de l’évolution<br />

de la famille ou <strong>du</strong> changement<br />

des besoins inhérent à l’âge<br />

grandissant. De petites maisons qui<br />

évoluent au fur et à mesure des changements<br />

de nos vies. Le concept remporte<br />

un vif succès au Canada. Ce<br />

n’est pas un phénomène de mode,<br />

mais bien la preuve que le concept<br />

répond à un besoin réel : un logement<br />

adaptable et à prix abordable.<br />

Il est vrai aussi que le cadre juridique<br />

<strong>du</strong> Canada facilite l’accès à la propriété.<br />

<strong>Les</strong> frais d’acquisition y sont<br />

nettement inférieurs à ceux de chez<br />

nous, sans commune mesure avec les<br />

droits d’enregistrement que nous<br />

connaissons ; un obstacle de moins à<br />

la mobilité, donc. Des habitations<br />

flexibles…dans tous les sens <strong>du</strong> terme.<br />

Peu de gens peuvent encore avoir<br />

aujourd’hui la certitude de travailler<br />

une vie entière au même endroit ou<br />

de trouver <strong>du</strong> travail à proximité de<br />

leur domicile. Déménager pour aller<br />

chercher le travail là où il se présente<br />

fait partie des impératifs d’un nombre<br />

croissant d’indivi<strong>du</strong>s, comme le<br />

rappelle constamment l’actualité.<br />

Pourquoi les condamner en outre à<br />

demeurer locataires, faute de moyens,<br />

pour préserver leur disponibilité ? Ou<br />

à conserver un bien qui ne leur<br />

convient plus, pour limiter les frais<br />

en dépit des trajets? Ce type de<br />

maisons apporte une réponse aux<br />

difficultés nouvelles.<br />

La Maison redécouverte, présentée<br />

en 1996, est un autre type de construction<br />

adaptable à coût très<br />

modique qui peut être réalisée en trois<br />

versions (maison unifamiliale, <strong>du</strong>plex<br />

ou triplex) et en trois modes d’aménagement<br />

(construction isolée, jumelée<br />

ou en rangée). La technique de<br />

construction est similaire à celle d’un<br />

jeu Lego. La maison est une « boîte »<br />

ven<strong>du</strong>e avec une structure extérieure<br />

standardisée comprenant quatre<br />

murs, mais les possibilités de modifications<br />

intérieures sont infinies selon<br />

les besoins. L’assemblage est simple<br />

et ne demande aucune compétence<br />

en construction. Elle convient parfaitement<br />

pour l’habitat intergénéra-<br />

photo : © SHQ<br />

tionnel. Ces maisons permettent une<br />

adaptabilité personnalisée. Un habitant<br />

à mobilité ré<strong>du</strong>ite choisira par<br />

exemple deux mo<strong>du</strong>les en rez-dechaussée.<br />

Alors qu’un célibataire se<br />

contentera dans un premier temps<br />

d’un seul mo<strong>du</strong>le au premier étage, et<br />

ainsi de suite.<br />

L’apport d’Avi Friedman au développement<br />

de l’in<strong>du</strong>strie domiciliaire, à<br />

la création d’emplois et à l’augmentation<br />

des investissements (notamment<br />

au Mexique et au Royaume-<br />

Uni), ainsi que sa contribution à<br />

l’évolution des conditions sociales de<br />

nombreux locataires, font de ce scientifique<br />

un pionnier dans le domaine<br />

de l’architecture domiciliaire à coût<br />

abordable. L’intérêt scientifique et la<br />

popularité de son concept novateur<br />

ont amené le chercheur à donner de<br />

nombreuses conférences dans le<br />

monde. Avi Friedman a répon<strong>du</strong> à<br />

nos questions à l’occasion <strong>du</strong> colloque<br />

organisé par la SWL.<br />

« On ne peut<br />

pas avoir de<br />

changement<br />

sans changer. »<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 39


40<br />

Développement <strong>du</strong>rable<br />

Entretien avec Avi Friedman<br />

Monsieur Friedman, le concept que<br />

vous présentez ne risque-t-il pas, dans<br />

le contexte de mondialisation qui est<br />

le nôtre, d’évoluer vers une « multinationale<br />

» <strong>du</strong> logement qui effacerait<br />

les particularités vernaculaires ?<br />

Non, car il s’agit d’une structure flexible<br />

et adaptable dans tous les sens <strong>du</strong><br />

terme. Je dis toujours qu’il n’y a pas<br />

pour moi trois piliers au développement<br />

<strong>du</strong>rable (nldr : environnemental,<br />

social et économique), j’en ajoute un<br />

quatrième : la culture. Votre culture,<br />

c’est aussi votre façon d’habiter. Vos<br />

goûts en matière de maisons ne sont<br />

pas les nôtres, mais l’idée de base<br />

peut très facilement s’adapter aux<br />

particularités locales. Pourquoi ne pas<br />

prendre les avantages <strong>du</strong> principe<br />

(coût peu élevé, rapidité, qualité) et<br />

laisser ce qui ne vous convient pas,<br />

l’aspect extérieur par exemple, que<br />

vous remaniez à votre idée ? Nos<br />

problèmes sont les mêmes : il faut<br />

répondre à la demande sociologique<br />

et démographique nouvelle, bien<br />

loger des jeunes sans sécurité d’emploi,<br />

des vieillards de plus en plus<br />

nombreux… La façade n’est qu’un<br />

détail culturel face au problème social<br />

que représente actuellement le<br />

logement.<br />

Avez-vous constaté beaucoup de<br />

différences dans la façon d’habiter<br />

entre les Canadiens et les Wallons ?<br />

Oui, bien sûr ; ainsi nous avons toujours<br />

un point d’eau dans l’entrée,<br />

c’est une nécessité liée au climat, le<br />

coin toilette est important pour<br />

pouvoir se rafraîchir. Vous accordez<br />

une grande importance à l’insonorisation<br />

par exemple. Chez nous, les<br />

bruits des voisins font partie <strong>du</strong><br />

quotidien, ils ne nous dérangent pas.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Votre concept de maisons neuves<br />

nécessite des zones dégagées, des<br />

surfaces nouvelles ; ne convient-il pas<br />

mieux de s’intéresser d’abord au sol<br />

que nous occupons déjà ?<br />

Détrompez-vous. Je commence toujours<br />

par observer ce qui existe déjà<br />

pour établir une connexion entre le<br />

neuf et l’ancien, je favorise d’abord<br />

l’intégration dans l’ancien. Voici mes<br />

priorités : premièrement, je travaille<br />

sur l’extension des maisons déjà<br />

existantes quand la chose est possible ;<br />

ensuite j’insère des groupements de<br />

logements dans les communautés<br />

existantes, et ce n’est qu’en dernier<br />

lieu que nous construirons une nouvelle<br />

communauté. Nous devons<br />

construire de façon plus dense dans<br />

l’avenir afin d’éviter le gaspillage<br />

des zones vertes et de cesser la construction<br />

d’autoroutes…<br />

photo : © SHQ<br />

Comment le pouvoir politique au<br />

Canada a-t-il accueilli cette initiative ?<br />

Comme partout, face aux nouveaux<br />

défis comme le vieillissement, l’énergie,<br />

les décisions à prendre ne sont<br />

pas nécessairement populaires, il y<br />

a toujours des mécontents. Mais<br />

l’alternative, c’est… RIEN. Il ne<br />

s’agit pas de changer pour changer,<br />

mais c’est une obligation.<br />

La Wallonie possède un parc de<br />

logements vétustes. Quelles sont les<br />

solutions pour créer des logements<br />

<strong>du</strong>rables en réhabilitation ?<br />

Le problème est que la rénovation<br />

de maisons anciennes coûte beaucoup,<br />

beaucoup plus cher que ce type<br />

de construction neuve… Vous dépensez<br />

des fortunes! On peut quand<br />

même rester sur le même principe<br />

d’adaptation, penser au recyclage de<br />

composants…<br />

photo : F. Dor © MRW


Pour en revenir au principe de maison<br />

évolutive, en pratique, avez-vous pu<br />

vérifier si les gens qui se sont succédé<br />

dans vos habitations utilisaient vraiment<br />

la possibilité de mo<strong>du</strong>ler les<br />

espaces ? Ne se contentent-ils pas<br />

d’occuper l’espace tel qu’il se présente<br />

?<br />

Bien enten<strong>du</strong>, nous avons beaucoup<br />

d’études faites par nos étudiants sur<br />

le sujet. <strong>Les</strong> gens travaillent, et travaillent<br />

bien, dans leur maison. <strong>Les</strong><br />

2 e et 3 e occupants ont modifié les<br />

lieux. Tous les tuyaux sont en plastique<br />

et intégrés dans les plinthes ou<br />

les moulures, en une journée vous<br />

pouvez modifier complètement une<br />

pièce, même une cuisine ou une salle<br />

de bain. Quant aux changements<br />

minoritaires, ils sont très faciles à<br />

effectuer. Finalement, la maison<br />

évolutive, c’est une échelle grâce à<br />

laquelle vous construisez votre vie,<br />

étape par étape.<br />

Votre concept de maisons en rangées<br />

rappelle celui des petites maisons<br />

ouvrières que nous avons connu il y<br />

a un siècle…<br />

A la différence que dans notre concept<br />

l’acheteur a le choix, il dispose d’un<br />

catalogue très varié qui offre de nombreuses<br />

possibilités de changement<br />

(balcon, loggia, lucarne etc.), nos<br />

maisons ne sont pas répétitives.<br />

À partir <strong>du</strong> principe proposé, quelle<br />

différence proposez-vous entre un<br />

logement destiné à un milieu urbain<br />

ou rural ?<br />

Tout simplement, en jouant sur les<br />

étages : 3 en ville et 2 en milieu rural.<br />

Au Royaume-Uni, ils ont adopté le<br />

principe mais ils le limitent à 2 étages.<br />

Soit en rangée, la majorité, soit des<br />

groupes de 4 maisons. Ils ont adapté<br />

le concept au milieu local. En milieu<br />

rural, je construirais les maisons<br />

détachées.<br />

Comment réagit-on en Europe face<br />

à un projet aussi novateur que le<br />

vôtre ?<br />

Voyons, vous avez ici beaucoup de<br />

voitures japonaises… Vous savez que<br />

vos maisons vous coûtent une véritable<br />

fortune, et nous sommes face à<br />

une très grave crise sociale en Europe,<br />

énormément de gens n’ont aucune<br />

chance de devenir propriétaires dans<br />

ce contexte. Or il est très important que<br />

les gens puissent être propriétaires<br />

pour plusieurs raisons : les retraités<br />

qui doivent encore payer un loyer<br />

avec une petite retraite n’en sortent<br />

pas ; l’usage et l’entretien <strong>du</strong> logement<br />

seront meilleurs de la part d’un<br />

propriétaire ; le besoin de personnalisation<br />

de son lieu de vie compte<br />

beaucoup pour la personne, et c’est<br />

socialement plus valorisant de posséder<br />

son « chez-soi »… En période<br />

de crise, il faut penser d’abord aux<br />

gens les plus pauvres.<br />

Êtes-vous optimiste face à l’avenir,<br />

voyez-vous les gens sacrifier de leur<br />

confort et modifier leurs habitudes<br />

de consommation par souci de<br />

l’environnement ?<br />

C’est une question d’é<strong>du</strong>cation, mais<br />

je pense que les jeunes générations<br />

se sentent concernées. Elles sont plus<br />

sensibles aux besoins de la planète.<br />

Oui, je suis confiant, je vois que les<br />

mentalités changent…<br />

Propos recueillis par Harold NOIROT et<br />

Geneviève RULENS (DGATLP)<br />

photos : © SHQ<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 41


42<br />

Spectacle<br />

Photo © <strong>Les</strong> Nouveaux Disparus<br />

JAMAL YOUSSFI :<br />

« DU DIALOGUE AU RÊVE »<br />

Pourquoi tourner avec vos<br />

spectacles dans les cités<br />

sociales ?<br />

C’est un peu venu par hasard. Il y a<br />

quelques années, après la création<br />

de « La fiancée de l’eau » qui parlait<br />

de l’exode rural, on s’est demandé<br />

« Pourquoi pas nous aussi “s’exoder” » ?<br />

Pour la reprise on a choisi d’aller tourner<br />

dans les quartiers de Bruxelles. Ce<br />

faisant, on avait l’impression d’y<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

<strong>Les</strong> Nouveaux Disparus<br />

dans nos cités<br />

En octobre dernier, la Compagnie des Nouveaux Disparus investissait diverses<br />

cités sociales de Wallonie : Flémalle, Ath, Limelette. Au menu, un spectacle<br />

« Antigone, la quête <strong>du</strong> bonheur », mais aussi de nombreuses animations<br />

menées sous le chapiteau en partenariat avec le milieu associatif local.<br />

Au bilan, cette randonnée a permis à plus de mille personnes issues des<br />

logements sociaux en Wallonie de profiter d’un espace de culture de proximité.<br />

apporter quelque chose d’important,<br />

des clins d’yeux culturels, des couleurs<br />

dans un environnement grisâtre,<br />

de la vie. Et ça, c’est très important<br />

pour les habitants. D’un coup, on voit<br />

un chapiteau qui se monte, que le<br />

quartier change qu’il peut devenir un<br />

lieu accueillant, un lieu culturel. On<br />

a continué avec notre spectacle suivant<br />

« Sur la Plage » et on s’est ren<strong>du</strong><br />

compte que les cités étaient parfois<br />

des quartiers à elles toutes seules<br />

comme à Querelle à Bruxelles ou à La<br />

Roue à Anderlecht. On a compris que<br />

c’était vraiment important d’aller au<br />

milieu de ces cités, d’inviter les habitants<br />

des logements à nos spectacles,<br />

voire d’accueillir des activités qu’ils<br />

peuvent proposer. On a proposé une<br />

action plus structurée à la ministre<br />

<strong>du</strong> <strong>Logement</strong> à Bruxelles, et puis au<br />

ministre wallon André Antoine. Ils<br />

ont marché tous les deux. C’est super !<br />

Concrètement, qu’espérez-vous y<br />

apporter ?<br />

La culture apporte un plus dans les<br />

cités. Elle apporte le rêve, le dialogue,


Photos © <strong>Les</strong> Nouveaux Disparus<br />

<strong>du</strong> vécu. C’est le sucre de la vie. Tout<br />

le monde en a besoin. Notre présence<br />

crée <strong>du</strong> lien social. L’absence d’horizon<br />

culturel est sans doute le problème le<br />

plus dramatique de la jeunesse des<br />

quartiers.<br />

<strong>Les</strong> films violents qu’ils aiment ne<br />

peuvent que les con<strong>du</strong>ire à la violence<br />

qu’elle soit verbale ou physique. Ils<br />

n’ont plus de rêves autres que matérialistes.<br />

Alors que, parfois, le rêve<br />

peut commencer tout simplement<br />

par un dialogue après avoir vu un<br />

concert ou une pièce de théâtre…<br />

Comment cela se passe-t-il sur le<br />

terrain ?<br />

En général, nous arrivons le soir ou au<br />

petit matin. <strong>Les</strong> gens ne comprennent<br />

pas qui on est et ce qu’on fait.<br />

Quand on arrive, on ne peut pas dire<br />

qu’on intègre. En fait, on s’impose.<br />

Et puis, le chapiteau se dresse, les<br />

roulottes s’installent, notre déco<br />

orientale donne l’image de la fête et<br />

attire le regard. Alors, les gens viennent<br />

poser des questions et on discute.<br />

Souvent, ils racontent qu’il ne<br />

se passe pas souvent quelque chose<br />

chez eux. Et puis certains se souviennent<br />

que la dernière fois, tout a été<br />

cassé. C’est bon pour le moral ! Mais<br />

on ne stresse pas pour cela car on a<br />

l’habitude. L’accueil des gens est<br />

vraiment fantastique. À Anderlecht,<br />

on nous a apporté de la soupe, des<br />

crêpes, des spaghettis, un peu de tout.<br />

Et puis, il y a les enfants. Beaucoup<br />

d’enfants veulent voir le spectacle.<br />

Alors, ils doivent convaincre leurs<br />

parents ou leurs grands frères de les<br />

accompagner.<br />

Êtes-vous une compagnie<br />

professionnelle ?<br />

Oui. Tous nos spectacles sont joués<br />

par des professionnels. Mais nous<br />

animons aussi de nombreux ateliers<br />

dans les maisons de quartiers ou les<br />

centres de jeunes. Tous les ans, nous<br />

les réunissons à Bruxelles sous notre<br />

chapiteau pour le festival Mimouna<br />

où ils présentent leurs spectacles au<br />

public. C’est toujours un moment<br />

assez magique.<br />

Vos spectacles sont souvent<br />

gratuits. Comment financezvous<br />

vos activités ?<br />

Le théâtre est un service public. Il<br />

est donc subventionné. Nous avons<br />

réussi à obtenir une convention avec<br />

le Ministère de la Communauté française<br />

pour nous soutenir dans notre<br />

Jamal Youssfi<br />

démarche dans les quartiers. D’autres<br />

ministères nous soutiennent pour des<br />

projets ponctuels. On frappe aussi aux<br />

portes des communes et des centres<br />

culturels.<br />

Comptez-vous poursuivre cette<br />

action dans les logements<br />

sociaux ?<br />

Incontestablement, elle semble pertinente.<br />

Nous montons pour le moment<br />

notre nouveau spectacle qui s’appellera<br />

la Traversée de la Mort, et qui<br />

traite des traversées illégales entre<br />

l’Afrique et l’Europe. C’est une belle<br />

thématique, très actuelle, qui pose<br />

plein de questions importantes sur<br />

l’immigration, les droits humains,<br />

etc. Nous le créons à la place des<br />

Martyrs à Bruxelles, puis partons au<br />

Luxembourg et en Lorraine dans le<br />

cadre de Luxembourg 2007,<br />

Ville européenne de la Culture. Fin<br />

<strong>du</strong> printemps et en automne, nous<br />

retournerons dans des cités !<br />

Plus d’infos : La Compagnie des Nouveaux<br />

Disparus, rue de Liedekerke, 9 à 1210<br />

Bruxelles. Tél. : 02.219.11.98.<br />

E-mail : lesnouveauxdisparus@hotmail.com<br />

Site Internet : www.lesnouveauxdisparus.be<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 43


44<br />

Législation<br />

RÉGION WALLONNE<br />

Arrêté ministériel <strong>du</strong> 16 octobre<br />

2006 modifiant l’arrêté ministériel<br />

<strong>du</strong> 22 février 1999 déterminant les<br />

conditions techniques relatives aux<br />

logements faisant l’objet d’une<br />

prime à la réhabilitation, l’arrêté<br />

ministériel <strong>du</strong> 30 mars 1999 déterminant<br />

les conditions techniques<br />

relatives aux logements faisant l’objet<br />

d’une prime à la réhabilitation<br />

en faveur des locataires et l’arrêté<br />

ministériel <strong>du</strong> 30 mars 1999 déterminant<br />

les conditions techniques<br />

relatives aux logements faisant<br />

l’objet d’une prime à la création de<br />

logements conventionnés. (MB <strong>du</strong><br />

20/11/2006)<br />

L’arrêté ministériel intro<strong>du</strong>it notamment<br />

la modification suivante :<br />

Article 1 er . La remarque inscrite à la<br />

rubrique « Isolation » figurant in fine<br />

dans l’article 3 de l’arrêté ministériel<br />

<strong>du</strong> 22 février 1999 déterminant les<br />

conditions techniques relatives aux<br />

logements faisant l’objet d’une prime<br />

à la réhabilitation dans le cadre de<br />

l’arrêté <strong>du</strong> Gouvernement wallon <strong>du</strong><br />

21 janvier 1999 est remplacée par le<br />

texte suivant :<br />

« Des travaux d’isolation ne sont pris<br />

en compte que s’ils sont liés à un des<br />

ouvrages précités, admissible au bénéfice<br />

de la prime, et s’ils respectent les<br />

normes suivantes :<br />

a) l’isolant placé doit permettre<br />

d’atteindre un coefficient de transmission<br />

thermique U (W/m 2 K) inférieur<br />

ou égal à :<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Législation<br />

– 0,4 W/m 2 K pour la toiture ou le<br />

plancher <strong>du</strong> grenier. La résistance<br />

thermique de l’isolant placé doit être<br />

supérieure à 2,5 m 2 K/W ;<br />

– 0,6 W/m 2 K pour les murs extérieurs<br />

et planchers extérieurs. La résistance<br />

thermique de l’isolant placé doit être<br />

supérieure à 1 m 2 K/W;<br />

– 0,9 W/m 2 K pour les planchers sur<br />

locaux non chauffés et parois verticales<br />

contre locaux non chauffés ou<br />

contre le sol. La résistance thermique<br />

de l’isolant placé doit être supérieure<br />

à 0,8 m 2 K/W;<br />

– 1,2 W/m 2 K pour les planchers sur sol.<br />

La résistance thermique de l’isolant<br />

placé doit être supérieure à 0,8 m 2 K/W;<br />

b) en ce qui concerne les châssis avec<br />

double vitrage, visés aux postes 7,10<br />

et/ou 18 : le coefficient de transmission<br />

thermique de l’ensemble châssis<br />

+ vitrage (Uf) doit être égal ou inférieur<br />

à 2 W/m 2 K. »<br />

Le présent arrêté entre en vigueur le<br />

1 er janvier 2007.<br />

Arrêté <strong>du</strong> Gouvernement wallon <strong>du</strong><br />

26 octobre 2006 modifiant l’arrêté<br />

<strong>du</strong> Gouvernement wallon <strong>du</strong> 25<br />

février 1999 relatif aux garanties<br />

locatives pour les logements donnés<br />

en location par la Société wallonne<br />

<strong>du</strong> <strong>Logement</strong> ou par les sociétés de<br />

logement de service public. (MB <strong>du</strong><br />

06/11/2006)<br />

Par cet arrêté, la Société wallonne fixe<br />

semestriellement le taux d’intérêt visé<br />

à l’article 2, §5, et à l’article 3, §1 er . Il<br />

est égal au taux moyen d’épargne<br />

(taux de base augmenté de la prime<br />

de fidélité) appliqué par au moins<br />

vingt organismes financiers opérant<br />

sur le territoire belge. Il est revu si ce<br />

taux diffère d’au moins 10 points de<br />

base par rapport au taux en vigueur<br />

au cours <strong>du</strong> semestre précédent.<br />

Décret <strong>du</strong> 23 novembre 2006 portant<br />

modification <strong>du</strong> Code wallon<br />

<strong>du</strong> <strong>Logement</strong>. (MB <strong>du</strong> 11/12/2006)<br />

Encore une réforme qui tra<strong>du</strong>it la<br />

volonté de mettre en œuvre des principes<br />

de bonne gouvernance dans<br />

le secteur <strong>du</strong> logement social. Ce<br />

décret précise de nouvelles règles<br />

d’incompatibilité, vise à réorganiser<br />

les comités d’attribution de logements<br />

sociaux et à renforcer la Société wallonne<br />

<strong>du</strong> logement dans ses missions<br />

d’assistance, d’accompagnement et<br />

de contrôle.<br />

COMMUNAUTÉ FLAMANDE<br />

Arrêté <strong>du</strong> Gouvernement flamand<br />

<strong>du</strong> 29 septembre 2006 relatif à<br />

l’agrément et au subventionnement<br />

d’organisations de locataires. (MB<br />

<strong>du</strong> 30/11/2006)<br />

Ces organismes ont pour mission<br />

essentielle d’informer les locataires<br />

sur toute matière y compris juridique<br />

relevant de la location de logements<br />

et d’en défendre les intérêts. Chaque<br />

province disposera d’un organisme.<br />

Cet outil contribue à la réalisation <strong>du</strong><br />

droit au logement : ces organismes<br />

doivent en effet mettre un accent particulier<br />

sur la défense des intérêts des<br />

familles et personnes seules les plus<br />

mal-logées sur le marché locatif privé.


Législation<br />

Plan<br />

Intro<strong>du</strong>ction<br />

1. Origine de la loi Breyne<br />

2. Caractéristiques de la loi<br />

3. Champ d’application<br />

4. Statut légal <strong>du</strong> vendeur<br />

5. Obligation d’informer<br />

6. Prix<br />

7. Garantie de voir « l’achèvement »<br />

8. Réception provisoire et définitive<br />

9. Responsabilité décennale<br />

10. Transfert des risques et de la propriété<br />

Conclusions<br />

La loi Breyne a 35 ans<br />

La loi Breyne a 35 ans. L’ABEX 1 lui a consacré une intéressante<br />

journée d’études le 11 octobre 2006 à Louvain-la Neuve. Le présent<br />

article ne constitue pas un résumé des actes <strong>du</strong> colloque, mais un<br />

résumé de la réglementation et des difficultés d’application<br />

rencontrées. En effet, cette loi suscite actuellement davantage de<br />

questions qu’elle n’apporte de réponses au vaste marché de la<br />

promotion immobilière et de la construction de maisons indivi<strong>du</strong>elles.<br />

(1) Association belge des Experts.<br />

INTRODUCTION<br />

Si le Belge a une brique dans le ventre,<br />

nombreux sont les motifs qui<br />

l’empêchent parfois de la digérer :<br />

retards de chantier, malfaçons, factures<br />

ne correspondant pas aux<br />

travaux réalisés, absence de garantie<br />

relative à l’achèvement de la construction,<br />

descriptifs incomplets <strong>du</strong><br />

bien, cahier des charges aléatoire<br />

(exemple : matériau X ou similaire),<br />

clause de garantie d’achèvement ou<br />

de cautionnement supprimée <strong>du</strong><br />

contrat type d’entreprise à la signature,<br />

dissolution des responsabilités<br />

entre le promoteur, l’architecte et<br />

l’entrepreneur…<br />

<strong>Les</strong> conditions Batibouw (tuiles ou<br />

cuisine gratuites...) retiennent davantage<br />

l’attention que les aspects<br />

techniques, urbanistiques et réglementaires<br />

de l’acte de construire.<br />

Dès lors, en l’absence de contrôle <strong>du</strong><br />

respect de la loi censée les protéger,<br />

un certain nombre des maîtres d’ouvrage,<br />

ignorant les manœuvres dont<br />

cette loi fait l’objet, s’engagent au<br />

petit bonheur la chance dans l’aventure<br />

<strong>du</strong> « prêt à habiter ».<br />

1. ORIGINE DE LA LOI BREYNE<br />

La vente d’habitations et d’appartements<br />

sur plan, ou à construire, a<br />

débuté dans les années 50. Le Code<br />

civil n’était pas adapté à cette forme<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 45<br />

photo : F. Dor - DGATLP © MRW


46<br />

Législation<br />

de transfert de propriété. Ainsi, la<br />

réception telle qu’il la conçoit se<br />

réalise en une seule opération, alors<br />

que la construction la décompose en<br />

deux phases, provisoire et définitive.<br />

Si le législateur avait déjà donné une<br />

mission d’ordre public à l’architecte<br />

via la loi de 1939, peu de dispositifs<br />

étaient de nature à prévenir les aléas<br />

techniques et financiers de la construction.<br />

Rappelons qu’en 39, la mauvaise<br />

stabilité d’immeubles reconstruits<br />

après la première guerre était<br />

devenue une problématique de sécurité<br />

publique. Mais la hantise des<br />

écroulements d’immeubles a fait place<br />

à celle de la faillite <strong>du</strong> promoteur.<br />

En 1971, l’affaire Etrimmo (mise sous<br />

concordat judiciaire et liquidation de<br />

cette société de promotion immobilière<br />

qui avait englouti les économies<br />

de futurs ménages propriétaires) provoqua<br />

une crise sociale et politique,<br />

ainsi qu’une perte de confiance dans<br />

le secteur de la construction immobilière.<br />

La société fut liquidée alors que<br />

des constructions étaient en cours.<br />

<strong>Les</strong> acquéreurs qui avaient versé des<br />

acomptes avant qu’aucun titre de<br />

propriété authentique fût transcrit<br />

n’avaient aucun droit de propriété<br />

sur les ouvrages.<br />

Gust Breyne, Ministre <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

et de la Famille 2 à l’époque des faits,<br />

déposa au Sénat un projet de loi réglementant<br />

la construction d’habitations<br />

et la vente d’habitations à<br />

(2) Ministre socialiste dans le Gouvernement<br />

Eyskens 4 – 1968-1971.<br />

(3) Bien que la politique <strong>du</strong> logement soit<br />

régionalisée, la loi « Breyne » relève, en tant<br />

que loi de protection des consommateurs,<br />

des compétences fédérales.<br />

(4) Loi <strong>du</strong> 03 mai 1993 modifiant la loi <strong>du</strong><br />

09 juillet 1971 réglementant la construction<br />

d’habitations et la vente d’habitations à<br />

construire ou en voie de construction,<br />

M.B. <strong>du</strong> 9 juin 1993.<br />

(5) L’acte de base: description de l’ensemble<br />

de l’immeuble, différenciation des choses<br />

communes et privatives, fixation de la quotepart<br />

dans les parties communes pour chaque<br />

partie privative.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

construire ou en voie de construction<br />

: la loi <strong>du</strong> 9 juillet 1971, dite<br />

«Loi Breyne», qui visait à assurer une<br />

meilleure sécurité juridique aux<br />

acquéreurs et aux maîtres d’ouvrages<br />

d’une habitation à construire ou en<br />

voie de construction.<br />

Cette loi a été souvent qualifiée de<br />

loi « fourre-tout ». Même si elle vise<br />

la plupart des situations relatives au<br />

transfert de propriété d’un immeuble<br />

d’habitations en construction ou à<br />

construire, elle mêle des réalités<br />

parfois bien différentes. Ainsi elle<br />

traite conjointement de l’entrepreneur<br />

et <strong>du</strong> promoteur ; de l’acquéreur<br />

et <strong>du</strong> maître d’ouvrage ; <strong>du</strong> contrat<br />

d’entreprise et <strong>du</strong> contrat de vente ;<br />

de l’entrepreneur agréé et non agréé ;<br />

des situations où l’intervention <strong>du</strong><br />

notaire est requise ou pas ; des maisons<br />

unifamiliales et des immeubles à<br />

appartements…<br />

Si les protections qu’elle offre pour<br />

l’acquéreur et le maître d’ouvrage sont<br />

réelles, les possibilités de contourner<br />

la loi Breyne sont nombreuses. Ainsi<br />

l’entrepreneur général ou le promoteur<br />

a notamment l’obligation de<br />

garantir l’achèvement des travaux<br />

afin de protéger l’acheteur en cas de<br />

faillite ou d’insolvabilité éventuelle.<br />

Mais le saucissonnage des contrats,<br />

le recours à des missions de coordination<br />

ou d’études permet de se séparer<br />

des obligations, donc de diminuer les<br />

protections <strong>du</strong> « consommateur 3 ».<br />

C’est pourquoi la loi <strong>du</strong> 3 mai 1993 4<br />

(entrée en vigueur le 1er octobre 1993)<br />

a renforcé la protection des acquéreurs<br />

et des maîtres d’ouvrages d’habitations<br />

à construire ou en voie de<br />

construction. <strong>Les</strong> modifications les<br />

plus importantes apportées au texte<br />

<strong>du</strong> 09 juillet 1971 concernent le champ<br />

d’application de la loi, l’information<br />

à donner à l’acquéreur et/ou au maître<br />

d’ouvrage, les modalités de paiement,<br />

et la garantie de bon achèvement<br />

des travaux. Ainsi le champ d’application<br />

de la loi a été éten<strong>du</strong> aux<br />

projets de transformation et d’agrandissement.<br />

photo : © G. Rulens<br />

La loi Breyne s’applique également<br />

aux conventions ayant pour objet un<br />

transfert de propriété et portant engagement<br />

de transformer et d’agrandir<br />

une habitation, lorsque le prix total des<br />

travaux de transformation et d’agrandissement<br />

est d’au moins 80 %<br />

<strong>du</strong> prix de vente avec un minimum<br />

de 18.592 €) (anciennement 750.000<br />

francs. Ex : si l’immeuble est acheté<br />

75.000, les travaux devront atteindre<br />

la somme de 60.000).<br />

En synthèse, la loi prévoit différentes<br />

protections:<br />

– des échelles de paiements ;<br />

– une garantie d’achèvement à fournir<br />

par le vendeur ou l’entrepreneur ;<br />

– une information de l’acquéreur par<br />

la délivrance obligatoire de certains<br />

documents comme les plans, le permis<br />

de bâtir ou l’acte de base 5 ;<br />

– un mécanisme de réception provisoire<br />

et définitive ;<br />

– le transfert « automatique » de propriété<br />

et le transfert des risques. (Art.4<br />

et 5).<br />

Cependant, les interprétations de la<br />

loi restent divergentes, et la pluralité<br />

des situations amène de nouvelles<br />

interrogations sans réponse. On passe<br />

de protections dont les contours semblent<br />

clairs pour l’acquéreur profane<br />

à des problèmes qui relèvent bien de<br />

l’expertise juridique. Ainsi la loi étend<br />

au vendeur la responsabilité décennale,<br />

mais cette responsabilité <strong>du</strong> dit<br />

vendeur est-elle d’ordre public ?<br />

Il est probable que la protection de<br />

l’acquéreur fasse l’objet d’une directive<br />

européenne, car la manière dont<br />

la protection est assurée varie d’un


pays à l’autre, avec parfois des systèmes<br />

qui paraissent mieux aboutis,<br />

comme la loi Spinetta en France.<br />

Parmi les principes fondamentaux<br />

institués par la loi Spinetta sur l’assurance<br />

construction (janvier 1978),<br />

figure la «présomption de responsabilité<br />

des constructeurs». La simple<br />

constatation d’un dommage répondant<br />

aux critères définis par la loi<br />

in<strong>du</strong>it la responsabilité de l’entrepreneur<br />

concerné, sans que le maître<br />

d’ouvrage soit obligé de rapporter<br />

la preuve d’une faute. Ce principe<br />

connaît toutefois des limites...<br />

Augmenter la protection <strong>du</strong> consommateur<br />

ne peut se faire sans alourdir<br />

de manière linéaire les charges <strong>du</strong><br />

vendeur, ce qui revient à alourdir la<br />

note de l’acheteur. Or construire<br />

devient de plus en plus coûteux. Le<br />

marché de la construction neuve,<br />

jusqu’à présent florissant, a besoin de<br />

règles claires et incontournables pour<br />

continuer à se développer. Alors que<br />

les règles qui s’appliquent dans le<br />

secteur sont parfois détournées de<br />

leur but.<br />

Il n’y pas pas de contrôle <strong>du</strong> respect<br />

de la loi Breyne, <strong>du</strong> moins en l’absence<br />

d’intervention <strong>du</strong> notaire, ce<br />

qui correspond à la majorité des<br />

cas de construction d’unifamiliales.<br />

L’intervention <strong>du</strong> notaire ne sera pas<br />

requise si la convention concerne la<br />

construction sur un terrain qui appartient<br />

au maître d’ouvrage.<br />

2. CARACTÉRISTIQUES DE LA<br />

LOI BREYNE<br />

La loi est impérative, c’est-à-dire que<br />

les dispositions de la loi sont contraignantes.<br />

Elle assure uniquement la<br />

protection d’intérêts privés. Ces intérêts<br />

sont ceux de la collectivité des<br />

acquéreurs, évidemment limitée, même<br />

si l’acte de construire représente un<br />

marché important dans l’économie.<br />

La Cour de Cassation a décidé que la<br />

loi Breyne n’était pas d’ordre public,<br />

elle entend préserver des intérêts<br />

privés, même si certains articles de la<br />

loi ont un caractère d’ordre public 6 :<br />

– la référence à la responsabilité décennale<br />

dans l’article 6;<br />

– la peine de prison prévue à l’article<br />

14.<br />

L’article 10 relatif aux conditions de<br />

paiement est sanctionné pénalement<br />

selon les dispositions de l’article 14 ;<br />

le non-respect de ces modalités peut<br />

entraîner une mise en cause personnelle<br />

<strong>du</strong> contrevenant. En outre, il est<br />

formellement interdit d’effectuer un<br />

quelconque paiement avant la conclusion<br />

de la convention entrant dans<br />

le champ d’application de la loi.<br />

Malgré le caractère d’ordre public de<br />

ces articles, la jurisprudence et la<br />

doctrine ont dans leur très grande<br />

majorité reconnu le caractère impératif<br />

de la loi. 7<br />

En conséquence, seule la partie<br />

protégée qui subit le préjudice peut<br />

demander la nullité relative de la<br />

convention ou de la clause contraire.<br />

L’article 13 prévoit la nullité<br />

dans les cas suivants :<br />

– toute clause contraire aux dispositions<br />

des articles 3 à 6 et 8 à 11 est<br />

réputée non écrite;<br />

– l’inobservation d’une des dispositions<br />

de l’article 7 (mentions formelles<br />

obligatoires de la convention), de<br />

l’article 12 (garantie d’achèvement),<br />

ou des arrêtés royaux pris en exécution<br />

de ces articles, entraîne la<br />

nullité de la convention ou de la<br />

promesse de convention ou la nullité<br />

de la clause contraire à la loi.<br />

Lorsqu’il s’agit de la violation des<br />

règles de forme prévues à l’article 7<br />

(information obligatoire), seule la<br />

nullité de la convention non conforme<br />

peut être invoquée 8 . Sinon,<br />

l’acquéreur ou le maître d’ouvrage<br />

peut choisir entre l’annulation de la<br />

convention ou de la clause contraire.<br />

L’une ou l’autre de ces nullités peut<br />

être invoquée, au choix, par l’acquéreur<br />

ou par le maître d’ouvrage : avant<br />

la passation de l’acte authentique s’il<br />

s’agit d’un contrat de vente (appartement<br />

ou maison) ; avant la réception<br />

provisoire s’il s’agit d’un contrat<br />

d’entreprise.<br />

La loi entend donc protéger le maître<br />

d’ouvrage et l’acquéreur. En effet, ils<br />

peuvent invoquer la nullité d’une<br />

clause contraire à la loi (Art. 3 à 6 et<br />

8 à 11). Ils peuvent aussi faire annuler<br />

(mais non annuler eux-mêmes)<br />

des clauses contraires aux articles 7<br />

et 12.<br />

3. CHAMP D’APPLICATION<br />

La présente loi s’applique à toute convention<br />

ayant pour objet le transfert de la<br />

propriété d’une maison ou d’un appartement<br />

à construire ou en voie de construction<br />

ainsi qu’à toute convention<br />

portant l’engagement de construire, de<br />

faire construire ou de procurer un tel<br />

immeuble, lorsque la maison ou l’appartement<br />

est destiné à usage d’habitation<br />

ou à usage professionnel et d’habitation<br />

et que, en vertu de la convention,<br />

l’acheteur ou le maître d’ouvrage est tenu<br />

d’effectuer un ou des versements avant<br />

l’achèvement de la construction.<br />

Commentaire :<br />

☛ Le terme « construire » vise le<br />

contrat d’entreprise générale. <strong>Les</strong><br />

plans sont conçus par l’architecte <strong>du</strong><br />

maître d’ouvrage qui opte pour un<br />

entrepreneur général. La convention<br />

porte sur l’engagement de construire.<br />

☛ Le terme « faire construire » implique<br />

en général l’intervention d’un<br />

promoteur. Il s’agit <strong>du</strong> contrat clé sur<br />

porte, selon les plans que le vendeurpromoteur<br />

a établis. Celui-ci, sans<br />

pour autant se livrer personnellement<br />

(6) Une loi est d’ordre public si elle touche aux<br />

intérêts essentiels de l’Etat ou de la collectivité<br />

ou si elle fixe dans le droit privé, les bases<br />

juridiques sur lesquelles repose l’ordre<br />

économique ou moral de la société.<br />

(7) A. RENARD, P. VAN DER SMISSEN – La loi<br />

Breyne. Collection Droit et justice. Edition<br />

Nemesis 1989 – page 65.<br />

(8) Mémento de la construction, Editions Kluwer,<br />

page 55. Edition 2002.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 47


48<br />

Législation<br />

à la mise en œuvre des matériaux,<br />

s’engage à réaliser la construction en<br />

concluant, en son nom, des contrats<br />

avec divers entrepreneurs. Plusieurs<br />

contrats peuvent être signés par le<br />

promoteur. Une seule convention<br />

est passée entre le promoteur et le<br />

maître d’ouvrage.<br />

☛ Le terme « procurer un immeuble<br />

» fait référence à la situation dans<br />

laquelle un « promoteur » s’engage,<br />

non pas à mettre en œuvre lui-même<br />

des matériaux ou à conclure les<br />

contrats portant sur la réalisation<br />

matérielle de la construction, mais<br />

bien à effectuer un ensemble d’opérations<br />

nécessaires pour que la construction<br />

soit menée à bonne fin. Selon<br />

le Conseil d’Etat qui avait ren<strong>du</strong><br />

un avis sur le projet de loi, le terme<br />

« procurer » doit être pris dans un<br />

sens très large. Il signifie non seulement<br />

l’acte de faire construire mais<br />

aussi un ensemble d’autres opérations<br />

ayant le même but, à savoir conseiller<br />

ou organiser :<br />

– lors de l’intro<strong>du</strong>ction de la demande<br />

de prêt ;<br />

– en vue de l’obtention <strong>du</strong> permis de<br />

bâtir ;<br />

– dans la coordination des travaux ;<br />

– dans la répartition des fonds entre<br />

les entrepreneurs.<br />

Dans cette hypothèse, la loi devrait<br />

automatiquement s’appliquer si deux<br />

conditions sont réunies :<br />

a) le promoteur doit accomplir différents<br />

actes qui con<strong>du</strong>isent à la réalisation<br />

de l’immeuble. Son intervention<br />

limitée uniquement à un seul<br />

aspect de la construction n’entraîne<br />

pas l’application de la loi ;<br />

b) le promoteur doit coordonner<br />

le chantier, prendre l’initiative de<br />

l’affaire et conserver le contrôle des<br />

opérations.<br />

Pour que la loi Breyne s’applique à<br />

une convention, 4 conditions cumulatives<br />

doivent être remplies.<br />

(9) L’achat <strong>du</strong> terrain implique le choix de<br />

l’entrepreneur.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

a) Un seul contrat doit être signé<br />

pour le gros œuvre et le parachèvement.<br />

Le stade de finition de l’habitation<br />

suppose l’exigence d’une habitabilité<br />

selon les normes sociales en vigueur,<br />

un certain degré de confort (chauffage,<br />

installations électrique et sanitaire<br />

...). L’objet de la convention est<br />

un pro<strong>du</strong>it fini.<br />

b) La maison à construire doit<br />

être destinée à usage<br />

d’habitation ou d’habitation et<br />

professionnel.<br />

1. Concept d’habitation : le terme habitation<br />

ne vise pas les maisons de<br />

retraite, les hôpitaux, les hôtels, mais<br />

bien une seconde résidence ou une<br />

maison/appartement destiné à la location.<br />

2. Concept habitation et professionnel :<br />

il faut comprendre à usage principal<br />

d’habitation. Si la destination d’habitation<br />

s’avère purement accessoire ou<br />

occasionnelle, la loi Breyne n’est pas<br />

d’application.<br />

c) La maison doit être à<br />

construire ou en cours de<br />

construction lorsque le contrat<br />

est signé.<br />

Le contrat a pour objet des travaux<br />

nécessaires pour construire, transformer<br />

ou achever une habitation. La loi<br />

n’est pas applicable si le vendeur cède<br />

un immeuble en l’état achevé ou non.<br />

d) Un ou plusieurs versements<br />

avant l’achèvement des travaux<br />

sont prévus par la convention.<br />

Un acompte, même minime, suffit<br />

pour que la loi soit d’application.<br />

La loi s’applique aux conventions qui<br />

autorisent le promoteur à exiger au<br />

moins un versement avant l’achèvement<br />

même si dans les faits, il n’est<br />

pas fait usage de cette faculté.(voir<br />

art.1 « en vertu de la convention... »)<br />

La loi contournée<br />

En février 2006, Test-Achat a mené<br />

une enquête (sur base de l’avis de 2000<br />

acquéreurs) portant sur la satisfaction<br />

des acquéreurs de biens immobiliers<br />

qui entrent dans le champ d’application<br />

de la loi Breyne. Selon cette<br />

enquête :<br />

– 20 % des entreprises « clé sur porte »<br />

contournent la loi Breyne ;<br />

– 25 % des maîtres de l’ouvrage sont<br />

confrontés à une vente couplée 9 qu’ils<br />

ressentent comme forcée ;<br />

– 83 % des consommateurs ayant opté<br />

pour le clé sur porte n’ont pu choisir<br />

leur architecte.<br />

Comment le maître d’ouvrage peutil<br />

savoir que la loi est contournée ?<br />

Ce fait est admis lorsque :<br />

– le promoteur saucissonne les<br />

contrats ;<br />

– l’acquéreur signe une option d’achat<br />

pour un bien non construit, il<br />

ne fait aucun versement jusqu’à la<br />

signature de l’acte de vente ;<br />

– l’acquéreur signe un contrat de<br />

coordination par lequel il délègue son<br />

statut de maître d’ouvrage à un tiers<br />

(personne physique ou morale).<br />

4. LE STATUT LÉGAL DU<br />

VENDEUR<br />

La loi ne soumet pas l’activité de promoteur-vendeur<br />

à un accès à la profession.<br />

Toute personne physique ou<br />

morale qui vend un immeuble à<br />

construire ou en voie de construction<br />

peut l’exercer sans autre forme de<br />

contrôle. Chose étonnante puisque<br />

l’agent immobilier, l’architecte, l’entrepreneur<br />

sont tous soumis à un accès<br />

conditionnel à leur profession.<br />

Cette situation peut s’avérer risquée<br />

pour le maître d’ouvrage : le vendeur<br />

peut faire faillite en cours de construction.<br />

D’autre part, le lien contractuel<br />

n’existant qu’entre lui et l’acquéreur,<br />

l’entreprise qui effectue<br />

effectivement les travaux n’a pas plus<br />

de recours que l’acquéreur lésé.<br />

5. L’OBLIGATION<br />

D’INFORMER<br />

L’article 7 vise à informer clairement<br />

l’acquéreur ou le maître d’ouvrage des<br />

conditions de réalisation <strong>du</strong> marché.


L’article 7 rappelle aussi l’obligation<br />

de faire appel à un architecte. Cependant,<br />

celui-ci peut être choisi par le<br />

promoteur. Dans ce cas, l’architecte<br />

défend les intérêts de son client promoteur<br />

et non ceux <strong>du</strong> candidat propriétaire<br />

(il est néanmoins tenu de<br />

veiller aux intérêts de l’utilisateur<br />

final). Celle situation tend à diminuer<br />

la protection <strong>du</strong> candidat propriétaire,<br />

qui a intérêt, malgré un coût supérieur,<br />

à prendre un architecte conseil.<br />

Il lui serait utile lors des réunions de<br />

chantier et des réceptions des travaux,<br />

parce que faire appel à une entreprise<br />

générale ne signifie pas laisser faire<br />

l’entrepreneur.<br />

5.1. La convention<br />

En plus des annexes obligatoires (les<br />

plans précis et cahier des charges<br />

détaillé des travaux, signés par un<br />

architecte, les conditions de base<br />

afférentes aux aides publiques régionales…),<br />

la convention doit aussi<br />

contenir :<br />

– l’affirmation que les parties ont,<br />

depuis 15 jours au moins, connaissance<br />

des données et des documents<br />

obligatoires ;<br />

– la mention dans un alinéa distinct,<br />

en caractères différents et gras, que<br />

«l’acquéreur ou le maître d’ouvrage<br />

a le droit d’invoquer la nullité de la<br />

convention ou d’une clause contraire<br />

à la loi en cas de non-respect des<br />

dispositions des articles 7 et 12 ou des<br />

dispositions prises en vertu de ces articles»,<br />

dont le texte doit être repris<br />

intégralement dans le contrat.<br />

Dans le cas de vente d’un appartement,<br />

la convention doit encore<br />

contenir la description des parties privatives<br />

et des parties communes qui<br />

font l’objet de la convention, et en<br />

annexe une copie des statuts de l’immeuble<br />

(acte de base établi par acte<br />

authentique et règlement de la copropriété).<br />

5.2. L’intervention <strong>du</strong> notaire<br />

Dans le cas où le promoteur vend le<br />

futur logement avec le terrain, l’absence<br />

en annexe des plans précis et<br />

cahier des charges détaillé peut être<br />

couverte par une déclaration <strong>du</strong><br />

notaire dans l’acte authentique qui<br />

atteste que ces documents sont en<br />

possession des parties. La déclaration<br />

notariale ne peut couvrir que l’absence<br />

des annexes dans l’acte authentique,<br />

et non leur absence dans la<br />

convention sous seing privé visée par<br />

l’article 1 de la loi.<br />

Aux termes de la loi Breyne, le notaire<br />

a aussi l’obligation de renseigner les<br />

acheteurs sur les aides publiques régionales<br />

et les conditions générales permettant<br />

d’en bénéficier.<br />

Le notaire doit donc s’assurer personnellement<br />

que les parties sont bien<br />

en possession des documents requis.<br />

Cependant l’intervention <strong>du</strong> notaire<br />

n’est pas requise lorsque la convention<br />

concerne la construction sur un<br />

terrain qui appartient au maître d’ouvrage.<br />

Ce qui est le cas de la majorité<br />

des constructions de maisons indivi<strong>du</strong>elles.<br />

6. LE PRIX<br />

<strong>Les</strong> paiements sont réglementés par la<br />

loi.<br />

6.1. Avant la conclusion <strong>du</strong> contrat.<br />

La convention doit préciser le prix<br />

total de la maison ou de l’appartement.<br />

Ce prix englobe tous les<br />

travaux nécessaires à l’habitabilité<br />

normale (Art. 7).<br />

photo : © J.R. Hardy<br />

6.2. A la conclusion <strong>du</strong> contrat. Au<br />

moment de la signature de la convention<br />

(conclusion <strong>du</strong> contrat), l’acompte<br />

ou les arrhes ne peuvent pas<br />

dépasser 5 % <strong>du</strong> prix total (Art. 10).<br />

6.3. Au moment de l’acte notarié.<br />

S’il y a vente d’un terrain (habitation)<br />

ou d’une quotité de celui-ci (immeuble<br />

en copropriété), le prix ne pourra<br />

être exigé que lors de la passation de<br />

l’acte authentique, en plus de l’acompte<br />

versé pour les travaux. Ce prix<br />

est égal au prix <strong>du</strong> terrain ou de la<br />

quotité, majorée <strong>du</strong> coût des ouvrages<br />

exécutés, avec l’approbation d’un<br />

architecte autorisé à exercer cette profession<br />

en Belgique, moins l’acompte<br />

ou les arrhes déjà versés (Art. 10).<br />

6.4. Durant la réalisation des travaux.<br />

Le solde <strong>du</strong> prix des travaux est<br />

payable par tranche et ne peut pas<br />

dépasser le coût des ouvrages exécutés<br />

(Art. 10).<br />

6.5. Après la signature de la convention.<br />

La révision <strong>du</strong> prix est réglementée<br />

par la loi (Art. 8).<br />

6.6. Surévaluation <strong>du</strong> prix <strong>du</strong> terrain.<br />

La vente d’un terrain faisant<br />

l’objet d’un droit d’enregistrement<br />

de 12,5 % et la construction neuve<br />

de 21 % de TVA, des vendeurs ont<br />

tendance à surévaluer le prix <strong>du</strong><br />

terrain pour diminuer le prix total<br />

de l’immeuble à construire. L’acquéreur<br />

sera tenté de souscrire à cette<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 49


50<br />

Législation<br />

manipulation <strong>du</strong> prix. Cependant, la<br />

sous-estimation <strong>du</strong> prix de la construction<br />

peut avoir de lourdes conséquences<br />

pour l’acquéreur. En cas de<br />

difficultés en cours de construction,<br />

la somme retenue peut s’avérer insuffisante<br />

pour mener à bien le projet. Le<br />

montant prévu dans l’acte pour la<br />

construction peut donc mener à mal<br />

le constructeur, parfois jusqu’à la<br />

faillite. Ceci est particulièrement vrai<br />

dans le cadre d’une vente réalisée<br />

par deux sociétés distinctes : l’une,<br />

financière, propriétaire <strong>du</strong> terrain et<br />

l’autre, le constructeur 10 .<br />

7. LA GARANTIE DE VOIR<br />

« L’ACHÈVEMENT » (ART.12)<br />

L’article 12 vise deux types d’entrepreneurs<br />

: agréés et non agréés.<br />

Le cautionnement et la garantie<br />

d’achèvement sont deux notions<br />

différentes:<br />

– le cautionnement couvre non<br />

seulement le préjudice résultant de<br />

l’inexécution totale ou partielle <strong>du</strong><br />

contrat, mais également celui que<br />

subit le maître d’ouvrage <strong>du</strong> fait <strong>du</strong><br />

retard dans l’exécution ;<br />

– la garantie d’achèvement ne couvre<br />

pas le simple retard dans l’exécution.<br />

L’agréation des entrepreneurs (Arrêté<br />

- loi <strong>du</strong> 03.02.1947 - loi <strong>du</strong> 20.03.91<br />

et A.R. d’exécution).<br />

L’agréation est accordée par une<br />

Commission d’agréation qui dépend<br />

<strong>du</strong> ministère des Travaux publics.<br />

L’agréation est accordée si l’entreprise<br />

répond à des conditions relatives à<br />

ses capacités financières, économiques<br />

et techniques. En matière de travaux<br />

publics ou subsidiés, l’agréation est<br />

requise (c’est-à-dire lorsque le maître<br />

d’ouvrage est l’Etat, une personne de<br />

droit public ou toute autre personne<br />

dont le marché est assujetti par la loi<br />

à la législation en la matière).<br />

(10) F. De GERARDON, Vice-Président de l’ABEX –<br />

in ABEX News, N° 183, 30 septembre 2006,<br />

page 3.<br />

(11) A. RENARD, P. VAN DER SMISSEN – La loi<br />

Breyne – Édition NEMESIS Collection<br />

DROIT ET JUSTICE – 1989 – page 191.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

L’agréation est accordée par catégorie<br />

en fonction de la nature des travaux<br />

et par classe, en fonction <strong>du</strong> montant<br />

maximum <strong>du</strong> marché qui peut<br />

être attribué et <strong>du</strong> montant total des<br />

travaux publics et privés que l’entrepreneur<br />

peut avoir en charge simultanément.<br />

Elle suppose l’exercice de<br />

la profession depuis au moins 5 ans<br />

(une agréation provisoire est possible).<br />

L’entrepreneur agréé a l’obligation de<br />

constituer un cautionnement qui<br />

doit s’élever à 5 %<strong>du</strong> prix <strong>du</strong> bâtiment,<br />

le législateur ayant estimé que<br />

l’agréation était déjà une forme de<br />

garantie. Toutefois certains estiment<br />

que le cautionnement de 5 % n’est<br />

pas suffisant pour prémunir l’acquéreur<br />

en cas de défaillance <strong>du</strong> promoteur.<br />

En outre, l’agréation ne constitue<br />

nullement une certitude de<br />

solvabilité future.<br />

Le cautionnement est une convention<br />

entre l’entrepreneur et la Caisse<br />

de dépôts et consignations (ou une<br />

société agréée). Celle-ci s’engage à<br />

honorer la dette de l’entrepreneur<br />

défaillant envers le maître d’ouvrage.<br />

Il s’agit d’un gage sur une somme<br />

d’argent constitué entre les mains<br />

d’un tiers. Ce droit est propre au<br />

maître d’ouvrage et ne risque pas<br />

d’être absorbé en cas de faillite <strong>du</strong><br />

vendeur ou de l’entrepreneur. L’entrepreneur<br />

est tenu de justifier ce<br />

cautionnement auprès <strong>du</strong> maître<br />

d’ouvrage dans les 30 jours de la<br />

convention. En cas de retard, ou en<br />

cas d’inexécution totale ou partielle<br />

de la convention imputable au vendeur,<br />

ou à l’entrepreneur, le maître<br />

d’ouvrage (ou l’acquéreur) a le droit<br />

de prélever sur le montant <strong>du</strong> cautionnement<br />

les sommes représentant<br />

le préjudice subi.<br />

Ce cautionnement est libéré par moitié :<br />

la première à la réception provisoire,<br />

la seconde à la réception définitive.<br />

Si l’entrepreneur n’est pas agréé,<br />

une banque ou un organisme de crédit<br />

devra se porter caution solidaire.<br />

L’organisme de crédit doit s’engager,<br />

si l’entrepreneur reste en défaut, à<br />

payer à l’acquéreur soit les sommes<br />

nécessaires à l’achèvement de la<br />

maison ou de l’immeuble dont fait<br />

partie l’appartement, soit le remboursement<br />

des sommes versées en cas<br />

de résolution <strong>du</strong> contrat à défaut<br />

d’achèvement.<br />

Si l’acquéreur demande l’exécution<br />

<strong>du</strong> contrat à la suite de la défaillance<br />

<strong>du</strong> promoteur, il pourra faire valoir la<br />

garantie d’achèvement. S’il demande<br />

la résolution de la convention au tort<br />

<strong>du</strong> promoteur, il pourra se prévaloir<br />

de la garantie de remboursement. En<br />

principe la garantie d’achèvement<br />

porte sur l’habitabilité normale de<br />

l’immeuble. Pour d’autres, elle porterait<br />

sur l’intégralité de la convention,<br />

c’est-à-dire l’achèvement complet tel<br />

que prévu dans la convention (par<br />

exemple la cassette et la cheminée,<br />

des carrelages muraux dans la salle<br />

de bain...).<br />

La garantie doit être délivrée dans les<br />

trente jours de la conclusion <strong>du</strong><br />

contrat d’entreprise. Ce délai de trente<br />

jours est beaucoup trop long. Lorsque<br />

l’acompte est payé et le chantier commencé,<br />

demander l’annulation de la<br />

convention parce que la garantie n’est<br />

pas délivrée paraît hasardeux. Cela<br />

entraînerait des retards, des difficultés<br />

à trouver d’autres entrepreneurs, la<br />

dissolution des responsabilités lorsque<br />

deux entrepreneurs ont participé aux<br />

ouvrages…<br />

Dans les cas où le contrat fait l’objet<br />

d’un acte authentique, le notaire<br />

instrumentant a l’obligation de vérifier<br />

la réalité de la garantie. Ainsi, cette<br />

garantie d’achèvement doit être<br />

annexée à l’acte authentique de<br />

vente. Le notaire doit y veiller. Le<br />

notaire ne pourra pas passer l’acte si<br />

la garantie d’achèvement n’a pas été<br />

respectée. «Dans un arrêt <strong>du</strong> 18 mars<br />

1986, la Cour d’appel de Bruxelles<br />

retient la faute <strong>du</strong> notaire qui, se<br />

fondant sur la seule déclaration <strong>du</strong><br />

promoteur, avait accepté de passer<br />

l’acte sans réclamer la pro<strong>du</strong>ction <strong>du</strong><br />

contrat de garantie, alors que celle-ci<br />

n’avait pas été constituée.» 11 A la suite


de la faillite <strong>du</strong> promoteur et de l’absence<br />

de garantie, la Cour a condamné<br />

le notaire au paiement des sommes<br />

nécessaires pour terminer l’immeuble.<br />

Elle a estimé que si le notaire avait<br />

refusé de passer l’acte, comme il aurait<br />

dû le faire, le préjudice subi à la suite<br />

de la faillite aurait été évité.<br />

L’engagement sur la garantie d’achèvement<br />

prend fin à la réception provisoire.<br />

Elle n’est pas limitée à 5 %.<br />

Dès que l’acquéreur a fait constater<br />

l’inachèvement, il dispose d’une action<br />

contre le garant, caution solidaire <strong>du</strong><br />

promoteur.<br />

Le régime de la garantie pour celui-ci<br />

est plus lourd et plus onéreux que<br />

pour l’entrepreneur agréé. Vu parfois<br />

la difficulté d’obtenir cette garantie,<br />

certains tentent d’éviter la loi, notamment<br />

en persuadant l’acquéreur de<br />

renoncer à la garantie d’achèvement.<br />

En principe, s’il y a intervention d’un<br />

notaire celui-ci devrait refuser de<br />

passer un acte comprenant une clause<br />

de renonciation de garantie. Dans les<br />

autres cas, l’acquéreur disposerait encore<br />

de la faculté de pouvoir demander la<br />

nullité de la clause illégale ou de la<br />

convention. En effet l’article 13 de<br />

la loi dispose que l’inobservation<br />

d’une des dispositions de l’article 7,<br />

de l’article 12, ou des arrêtés royaux<br />

pris en exécution de ces articles,<br />

entraîne la nullité de la convention ou<br />

de la promesse de convention, ou la<br />

nullité de la clause contraire à la loi.<br />

Ni le cautionnement, ni la garantie<br />

d’achèvement ne couvrent la garantie<br />

décennale. Le cautionnement est<br />

limité à 5 %. Le maître d’ouvrage s’il<br />

s’agit d’une personne physique ne<br />

pourra jamais obtenir la libération de<br />

la garantie sur une simple déclaration<br />

de sa part. Sans l’accord de l’entrepreneur,<br />

il devra procéder en justice<br />

pour faire valoir ses droits.<br />

Le maître d’ouvrage peut libérer le<br />

cautionnement en donnant mainlevée<br />

à la Caisse des dépôts et consignations<br />

dans les 15 jours de la<br />

demande qui lui en est faite par le<br />

vendeur ou l’entrepreneur. S’ils estiment<br />

que le maître d’ouvrage la refuse<br />

sans motif valable, il leur appartient<br />

de saisir la justice dans le but qu’elle<br />

ordonne la mainlevée.<br />

Dans le cas d’un entrepreneur non<br />

agréé, le maître d’ouvrage peut libérer<br />

l’entièreté de la caution à la réception<br />

provisoire. La prudence s’impose car<br />

l’achèvement (c’est-à-dire l’achèvement<br />

de l’immeuble tel qu’il avait été<br />

prévu) ne signifie pas l’agréation des<br />

travaux...<br />

Une garantie d’achèvement constituée<br />

par une retenue de 5 % sur<br />

chaque facture est-elle valable ?<br />

Non, puisque chaque facture devra<br />

être acquittée à 100 %, quel que soit<br />

le sort de la réception provisoire. Dans<br />

la plupart des cas, ce type de pseudo<br />

garantie est prévue pour éviter le cautionnement<br />

(l’entreprise n’étant pas<br />

assez fiable pour la société de cautionnement)<br />

ou la garantie bancaire (trop<br />

chère pour l’entreprise). En conséquence,<br />

il est proposé de retenir 5 %<br />

<strong>du</strong> montant de chaque facture,<br />

émanant souvent de sous-traitants.<br />

Or, chaque sous-traitant pourrait se<br />

retourner directement sur le maître<br />

d’ouvrage si le promoteur devenait<br />

défaillant. Ce qu’il fera assurément<br />

si sa propre prestation ne souffre<br />

d’aucun défaut ou retard.<br />

8. RÉCEPTION PROVISOIRE ET<br />

DÉFINITIVE<br />

En droit commun, la réception constitue<br />

un acte volontaire, c’est-à-dire la<br />

reconnaissance par le créancier de la<br />

bonne exécution par le débiteur de<br />

ses obligations contractuelles. Pour<br />

les travaux de construction, l’usage a<br />

été de scinder la réception en deux<br />

phases 12 . Un arrêté définit les modalités<br />

pratiques de la réception. Seul<br />

un acte écrit et contradictoire des<br />

parties fait la preuve de la réception<br />

des ouvrages.<br />

Dans le cas d’un immeuble à appartements,<br />

la réception définitive des<br />

appartements ne peut avoir lieu<br />

qu’après la réception définitive des<br />

parties communes, y compris les<br />

accès, de telle sorte q’une habitabilité<br />

normale soit assurée (Art.9).<br />

8.1. La réception provisoire<br />

La réception provisoire a pour effet<br />

de :<br />

– constater l’achèvement des travaux ;<br />

– fixer le début <strong>du</strong> délai d’un an<br />

jusqu’à la réception définitive ;<br />

– libérer la moitié <strong>du</strong> cautionnement<br />

(entrepreneur agréé) ;<br />

– libérer la totalité de la garantie<br />

d’achèvement (entrepreneur non<br />

agréé) ;<br />

– transférer les «risques» de l’immeuble<br />

au maître d’ouvrage 13 .<br />

Lorsque l’immeuble est sur le point<br />

d’être terminé, une rencontre a lieu<br />

entre l’architecte, le maître d’ouvrage<br />

et le constructeur, à l’initiative de ce<br />

dernier. A la date convenue, chaque<br />

pièce sera visitée et toutes les imperfections<br />

et manquements constatés<br />

devront être consignés dans un procès-verbal<br />

contradictoire. Pour être<br />

valable, la réception doit faire l’objet<br />

d’un P.V. écrit et signé par chaque<br />

partie.<br />

La réception provisoire a lieu à l’achèvement<br />

de la construction qui doit<br />

correspondre à une habitabilité normale<br />

de l’immeuble. Elle n’implique<br />

pas l’agréation des travaux même en<br />

ce qui concerne les vices apparents<br />

(sauf convention contraire). Ces vices<br />

peuvent s’aggraver jusqu’à la réception<br />

définitive.<br />

(12) F. BALON et M. MOSSELMANS – Assesseurs<br />

juridiques de l’ABEW, in Abex-News,<br />

Trimestriel – N° 182 <strong>du</strong> 30 juin 2006, page 11.<br />

(13) Le transfert des risques n’accompagne pas<br />

le transfert de propriété: il n’a lieu qu’au<br />

moment de la réception provisoire.<br />

Ainsi, le vendeur restera responsable,<br />

même si l’acquéreur est déjà<br />

partiellement propriétaire.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 51


52<br />

Législation<br />

La réception provisoire est l’occasion<br />

(réglementaire et obligatoire) pour le<br />

maître d’ouvrage de faire connaître<br />

les malfaçons, les travaux à terminer,<br />

les indemnités de retard <strong>du</strong>es, le<br />

décompte des sommes <strong>du</strong>es.<br />

L’arrêté royal précise que, sauf preuve<br />

contraire, l’occupation de la maison<br />

par le maître d’ouvrage équivaut à<br />

une acceptation tacite de la réception<br />

provisoire.<br />

Ceci signifie qu’à partir <strong>du</strong> moment<br />

où le maître d’ouvrage se voit dans<br />

l’obligation d’occuper le logement<br />

terminé, en l’absence d’un accord sur<br />

la réception provisoire, il devra faire<br />

preuve de prudence. En l’occurrence,<br />

il devra préalablement faire savoir au<br />

constructeur qu’en l’absence d’accord<br />

sur la réception, il prend possession<br />

de son bien mais que l’occupation<br />

n’équivaut pas à l’acceptation de la<br />

réception.<br />

Il se peut également que le constructeur<br />

refuse de signer le P.V. de réception<br />

provisoire pour faire pression sur<br />

le maître d’ouvrage qui refuserait<br />

de liquider la dernière tranche de<br />

paiement (par exemple : en cas de<br />

malfaçons).<br />

Dans ce cas aussi, le maître d’ouvrage<br />

devra, si nécessaire faire savoir au<br />

constructeur qu’il prend légitimement<br />

possession de son bien (il lui appartient<br />

légalement) mais que l’occupation<br />

n’équivaut pas à une acceptation<br />

tacite de la réception.<br />

8.2. La réception définitive<br />

La réception définitive a pour objet :<br />

l’agréation des travaux par le maître<br />

d’ouvrage. Elle a lieu un an, jamais<br />

moins, après la réception provisoire.<br />

Le but est de permettre d’identifier<br />

(14) Cass. 24 février 1983, Pas. 1983, I, p. 716.<br />

(15) Philippe FLAMME (Avocat) in guide pratique<br />

DES DÉFAUTS DE CONSTRUCTION, KLUWER<br />

ÉDITIONS, défauts lors de la réception<br />

provisoire et définitive, A3251, page 108,<br />

JUIN 1996.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

les éventuels problèmes après l’achèvement<br />

des travaux, comme l’étanchéité<br />

<strong>du</strong> toit <strong>du</strong>rant la période des<br />

grands vents, celle des murs, le fonctionnement<br />

<strong>du</strong> chauffage, la stabilité<br />

générale <strong>du</strong> bâtiment…Ce délai équivaut<br />

à une inspection dans la <strong>du</strong>rée,<br />

à l’épreuve <strong>du</strong> temps et de l’usage.<br />

– <strong>Les</strong> modalités de cette réception (ou<br />

le refus de procéder à celle-ci) sont<br />

identiques à la réception provisoire.<br />

– Entre la réception provisoire et la<br />

réception définitive, l’entrepreneur a<br />

une obligation «d’entretien», il devra<br />

effectuer à l’ouvrage les travaux nécessaires<br />

pour le maintenir ou le<br />

remettre en bon état d’entretien et de<br />

fonctionnement. A cette obligation<br />

d’entretien s’ajoute l’obligation d’effectuer<br />

les travaux ou les réparations<br />

constatés lors de la réception provisoire<br />

et mentionnés dans son PV. <strong>Les</strong><br />

réparations ren<strong>du</strong>es nécessaires à la<br />

suite d’un cas de force majeure, ou<br />

par la faute <strong>du</strong> maître d’ouvrage ou<br />

d’un tiers ne sont pas <strong>du</strong> ressort de<br />

l’entrepreneur.<br />

– Après la réception définitive et l’agréation<br />

des travaux par le maître<br />

d’ouvrage, la responsabilité <strong>du</strong> constructeur<br />

(ou <strong>du</strong> vendeur) ne peut plus<br />

être engagée que sur base des articles<br />

1792 et 2270 <strong>du</strong> Code Civil (garantie<br />

décennale).<br />

photo : © G. Rulens<br />

– S’il néglige de relever dans le procès<br />

verbal de réception des défauts<br />

apparents ou décelables pour un<br />

homme de l’art, l’architecte engage<br />

sa responsabilité à l’égard <strong>du</strong><br />

maître d’ouvrage lorsqu’il procède<br />

à une réception.<br />

Lorsque la convention fait débuter<br />

le délai de la garantie décennale<br />

à la réception provisoire, le constructeur<br />

est avantagé, pas le maître<br />

d’ouvrage. Il est légal de faire débuter<br />

la garantie décennale à la réception<br />

des travaux, encore faut-il que<br />

la convention le mentionne et que<br />

la réception provisoire annonce<br />

l’agréation des travaux. A défaut de<br />

précision, la Cour de cassation a,<br />

dans un arrêt <strong>du</strong> 24 février 1983,<br />

décidé que seule la réception définitive<br />

avait effet d’agréation et constituait<br />

le point de départ de la<br />

responsabilité décennale 14 .<br />

« Par ailleurs, la jurisprudence belge,<br />

inspirée par un souci de protection<br />

accrue <strong>du</strong> consommateur, considère<br />

que la réception ne pouvant avoir le<br />

moindre effet d’agréation à l’égard<br />

d’un vice caché, les constructeurs<br />

demeurent après la réception (même<br />

définitive) responsables des défauts<br />

cachés mineurs, c’est-à-dire des<br />

défauts ne répondant pas aux conditions<br />

mises par la loi à la mise en jeu<br />

de la responsabilité décennale. » 15


9. LA RESPONSABILITÉ<br />

DÉCENNALE. ARTICLES<br />

1792 ET 2270 DU CODE CIVIL<br />

La responsabilité décennale couvre<br />

les vices ou les désordres qui affectent<br />

un édifice ou gros ouvrage, et<br />

qui comportent un caractère suffisamment<br />

grave en portant atteinte<br />

à la solidité de l’ouvrage ou d’une<br />

de ses parties maîtresses (défaut<br />

d’étanchéité, composition défectueuse<br />

<strong>du</strong> béton armé, défaut de stabilité<br />

susceptible d’entraîner l’effondrement<br />

des ouvrages...).<br />

– Elle est de 10 ans : la <strong>du</strong>rée d’une<br />

responsabilité contractuelle continue<br />

et le délai de prescription d’une action<br />

visant à établir cette responsabilité.<br />

L’action visant à établir la responsabilité<br />

doit donc être intro<strong>du</strong>ite avant<br />

l’expiration <strong>du</strong> délai.<br />

– C’est l’agréation des travaux (lors<br />

de la réception définitive), non l’achèvement<br />

des travaux (lors de la réception<br />

provisoire) qui constitue le point<br />

de départ de la responsabilité décennale.<br />

Sauf si la convention prévoit le<br />

contraire.<br />

– L’objet de la responsabilité est le<br />

vice grave apparent ou caché d’un<br />

gros ouvrage. Dans la jurisprudence,<br />

le vice grave dont il est question<br />

concerne la solidité/stabilité et la<br />

sécurité de l’édifice. La responsabilité<br />

décennale s’applique aussi bien aux<br />

défauts apparents qu’aux défauts<br />

cachés.<br />

<strong>Les</strong> vices apparents sont concernés<br />

car leurs conséquences négatives peuvent<br />

survenir après la réception-agréation,<br />

par exemple : le gros œuvre, le<br />

réseau d’évacuation des eaux usées,<br />

la toiture, la charpente, les hourdis<br />

en béton, l’ensemble d’une installation<br />

de chauffage, pour d’aucuns<br />

les faux plafonds, alors que pour<br />

d’autres ce sont des menus ouvrages...<br />

L’absence d’isolation peut être considérée<br />

comme un vice grave si elle<br />

entraîne de l’humidité et des moisis-<br />

sures qui menacent la solidité de<br />

l’immeuble.<br />

La loi Breyne permet à tous les<br />

propriétaires successifs d’un bien<br />

immeuble bâti ou livré dans le cadre<br />

de la loi Breyne d’exercer l’action en<br />

responsabilité décennale contre le<br />

constructeur ou le vendeur (attention<br />

à la convention de vente qui pourrait<br />

néanmoins engendrer aussi la<br />

responsabilité <strong>du</strong> vendeur ...)<br />

« La tendance de la jurisprudence à<br />

étendre le champ d’application de la<br />

responsabilité décennale a disparu<br />

depuis que la Cour de cassation a, par<br />

un arrêt <strong>du</strong> 25 octobre 1985, reconnu<br />

au maître d’ouvrage une action pour<br />

les vices cachés véniels. 16 »<br />

Dans le cas d’un vice caché véniel 17<br />

(mineurs), l’action <strong>du</strong> maître d’ouvrage<br />

doit être intentée dès qu’il a<br />

connaissance <strong>du</strong> trouble, en « temps<br />

utile », à compter de la découverte <strong>du</strong><br />

vice, et non pas tardivement. Il appartient<br />

au tribunal d’apprécier le temps<br />

de réaction.<br />

La responsabilité pour vices cachés<br />

véniels est de nature contractuelle,<br />

elle n’est pas d’ordre public, les parties<br />

peuvent y déroger. Dans le contrat<br />

type de la Confédération de la<br />

Construction, l’article 6 fixe un délai<br />

de garantie pour vices cachés véniels,<br />

qui ne sont pas couverts par les articles<br />

1792 et 2270 <strong>du</strong> Code Civil. Ils<br />

sont contractuellement couverts<br />

pendant la période d’un an à dater de<br />

la réception provisoire si l’action est<br />

intentée dans les six mois à partir de<br />

la date à laquelle le maître d’ouvrage<br />

a eu connaissance <strong>du</strong> vice. La volonté<br />

des parties peut donc organiser un<br />

régime spécial pour les vices cachés<br />

véniels. En conséquence, la jurisprudence<br />

ne s’appliquerait qu’à titre<br />

supplétif.<br />

Il est à noter que l’Association des<br />

Entrepreneurs Belges d’Etanchéité 18<br />

propose une garantie décennale<br />

conventionnelle. Cette garantie, outre<br />

la garantie légale décennale, couvre<br />

les défauts d’étanchéité <strong>du</strong> travail,<br />

résultant de vices des matériaux<br />

fournis par l’exécutant et/ou de fautes<br />

dans l’exécution <strong>du</strong> travail. L’exécutant<br />

s’oblige à faire le nécessaire pour<br />

remédier aux défauts ou pour compenser<br />

la moins-value <strong>du</strong> travail.<br />

10. TRANSFERT DES RISQUES<br />

ET DE LA PROPRIÉTÉ<br />

La propriété <strong>du</strong> terrain et des constructions<br />

existantes est transférée à<br />

l’acheteur dès la signature de la convention,<br />

et la propriété des constructions<br />

à ériger est transférée au fur<br />

et à mesure de l’incorporation des<br />

matériaux. Ce qui est construit appartient<br />

au maître d’ouvrage.<br />

L’article 5 vise le transfert des risques<br />

(c’est-à-dire la responsabilité en cas<br />

de péril) (Art.1788 et 1789 <strong>du</strong> C.C.)<br />

qui ne peut s’opérer qu’à partir de la<br />

réception provisoire des travaux ou des<br />

parties privatives d’un appartement.<br />

Art. 1788 C.C. Si, dans le cas où<br />

l’ouvrier fournit la matière, la chose<br />

vient à périr, de quelque manière que<br />

ce soit, avant d’être livrée, la perte<br />

en est pour l’ouvrier, à moins que le<br />

maître ne fût en demeure de recevoir<br />

la chose.(Voy. Civ. 1136S., 1146, 1182,<br />

1302S., 1606S., 1789.)<br />

Art.1789 C.C. Dans le cas où l’ouvrier<br />

fournit seulement son travail, ou<br />

son in<strong>du</strong>strie, si la chose vient à périr,<br />

l’ouvrier n’est tenu que de sa faute..<br />

(16) F. BALON et M. MOSSELMANS – Assesseurs<br />

juridiques de l’ABEW, in Abex-News,<br />

Trimestriel – N° 182 <strong>du</strong> 30 juin 2006, page 12.<br />

(17) Code civil article 2262bis. Responsabilité<br />

contractuelle de droit commun, le maître<br />

d’ouvrage peut la mettre en œuvre dans un<br />

délai de dix ans après la réception-agréation.<br />

(18) Association des Entrepreneurs Belges<br />

d'Etanchéité, Brusselsteenweg, 333 E 1785<br />

BRUSSEGEM-MERCHTEM. Tél. 02/461.09.15.<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 53


54<br />

Législation<br />

Cela signifie que les dégâts causés par<br />

un sinistre (tempête, incendie ou vol)<br />

seront à charge <strong>du</strong> constructeur si cet<br />

événement survient avant la réception<br />

provisoire de l’habitation. Toute<br />

clause contraire est réputée non-écrite.<br />

CONCLUSIONS<br />

La loi Breyne est objectivement une<br />

chance pour les entrepreneurs généraux<br />

: ils sont mis grâce à elle sur pied<br />

d’égalité quant aux garanties octroyées<br />

au maître d’ouvrage. Il est possible de<br />

choisir une entreprise qui respecte<br />

la loi Breyne. La Confédération des<br />

Entrepreneurs Généraux a créé la<br />

« Chartre des entrepreneurs généraux<br />

» 19 . <strong>Les</strong> entreprises signataires de<br />

cette Charte prennent un certain<br />

nombre d’engagements parmi lesquels<br />

le respect de la loi Breyne, le<br />

respect <strong>du</strong> prix et <strong>du</strong> délai convenus<br />

et le respect des principes d’éthique<br />

professionnelle. Ces engagements<br />

sont contrôlés par une commission.<br />

Faire appel à un entrepreneur membre<br />

de La Charte des Constructeurs<br />

d’Habitations Indivi<strong>du</strong>elles, c’est bénéficier<br />

d’un maximum de garanties 20 .<br />

<strong>Les</strong> membres de la Charte doivent<br />

en effet répondre à des critères de<br />

sélection :<br />

– être membre de la Fédération des<br />

Entrepreneurs Généraux de la Construction<br />

;<br />

– être enregistré au sens de l’arrêté<br />

royal <strong>du</strong> 26 décembre 1998 ;<br />

– être agréé en catégorie 2D conformément<br />

à la loi <strong>du</strong> 20 mars 1991 concernant<br />

l’agréation des entrepreneurs.<br />

L’acquéreur peut aussi choisir le promoteur<br />

en fonction de ses dispositions<br />

à respecter la loi en exigeant<br />

une convention conforme à la loi.<br />

(19) Site des entrepreneurs généraux :<br />

http://www.faba.be/fr/espaceRes/<br />

charteetsignataires.asp.<br />

(20) Idem.<br />

décembre ‘06 / <strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong><br />

Il faut savoir toutefois que certains<br />

poussent la forfaiture jusqu’à se servir<br />

<strong>du</strong> contrat type des entrepreneurs<br />

affiliés à la Charte, pour ensuite ne<br />

pas appliquer effectivement la clause<br />

de garantie d’achèvement, soit en ne<br />

demandant pas cette garantie, soit en<br />

proposant la retenue des 5 % expliquée<br />

plus haut. L’absence de garanties<br />

financières peut entraîner la nullité<br />

de la convention ; cette nullité devra<br />

être invoquée par l’acquéreur ou le<br />

maître d’ouvrage avant la passation de<br />

l’acte authentique ou avant la réception<br />

provisoire, s’il s’agit d’un contrat<br />

d’entreprise. Bien que l’acquéreur ait<br />

la possibilité de renoncer à la poursuite<br />

<strong>du</strong> contrat, il est néanmoins tenu<br />

par le fait qu’il sera encore plus pénible,<br />

voir illusoire, de trouver une autre<br />

entreprise prête à reprendre dans des<br />

délais raisonnables la suite des travaux<br />

à un prix similaire à la convention.<br />

La loi Breyne ne règle donc pas tout,<br />

et tout n’est pas régi par la loi. Ce<br />

sont davantage les manœuvres pour<br />

échapper au champ d’application de<br />

la loi qui causent un préjudice dans<br />

le chef de l’acquéreur. Dans l’attente<br />

d’une hypothétique directive européenne<br />

en la matière, ne devrait-on<br />

pas imposer une convention type et<br />

le contrôle de celle-ci par une instance<br />

neutre ?<br />

Cette convention type aurait le<br />

mérite de définir des termes essentiels<br />

comme dans le descriptif <strong>du</strong> bien<br />

(exemple, les critères d’appellation<br />

des immeubles ; standing, haut standing,<br />

standing de luxe, …). <strong>Les</strong> performances<br />

énergétiques et acoustiques<br />

devraient y figurer de manière claire<br />

et compréhensible.<br />

<strong>Les</strong> aspects financiers comme les<br />

modes de cautionnement devraient<br />

être respectés au moment <strong>du</strong> versement<br />

de l’acompte et non pas dans les<br />

trente jours. Cet acompte devrait aussi<br />

être consigné jusqu’au moment où le<br />

promoteur serait en état de fournir la<br />

preuve de la garantie d’achèvement<br />

à l’acquéreur. L’intervention des soustraitants<br />

y serait expliquée. L’interdiction<br />

de soustraire 5 % de la facture<br />

des sous-traitants en vue de constituer<br />

la garantie devrait formellement<br />

être proscrite. Le principe de la facturation<br />

directe par ceux-ci semble<br />

logique car ceux-ci ont le droit de se<br />

retourner directement sur le maître<br />

d’ouvrage.<br />

Une transparence plus grande pourrait<br />

être atteinte dans ce qui touche<br />

au prix en mentionnant ce qui n’est<br />

pas prévu, comme l’évacuation des<br />

terres. Il conviendrait d’informer<br />

l’acquéreur sur les prix des travaux<br />

nécessaires hors convention de<br />

manière à assurer l’habitabilité normale<br />

et le nivellement de terres.<br />

L’entrepreneur et l’architecte seraient<br />

incités à respecter leur devoir d’information<br />

sur ce plan.<br />

La responsabilité des différents<br />

acteurs devrait être clarifiée dans la<br />

convention sous la forme : l’architecte<br />

est responsable de, … l’entrepreneur<br />

est responsable de, … Lorsque<br />

des suppléments sont demandés au<br />

maître d’ouvrage pour des travaux<br />

supplémentaires qui ont été ren<strong>du</strong>s<br />

indispensables, la convention permettrait<br />

au moins d’indiquer la<br />

manière de régler ce problème.<br />

Il reste assurément bien des balises à<br />

poser en vue d’une protection idéale<br />

<strong>du</strong> maître d’ouvrage.<br />

Paul-Emile HERIN, DGATLP


L<br />

Agenda<br />

es qualités <strong>du</strong> bois (solidité,<br />

souplesse d’utilisation, rapidité<br />

de mise en œuvre, pouvoir<br />

isolant élevé…) ne sont plus à<br />

démontrer. <strong>Les</strong> énergies renouvelables<br />

sont davantage à la portée des<br />

ménages, aidés par la politique de<br />

primes menée par la Région, et des<br />

« maisons basse énergie » ou des<br />

« maisons passives » sont de plus en<br />

plus nombreuses à voir le jour en<br />

Wallonie.<br />

LE SALON 2007, 9 e ÉDITION<br />

Bois & habitat est devenu le plus<br />

grand salon européen consacré à la<br />

construction en bois et aux énergies<br />

nouvelles, deux thématiques en phase<br />

avec une construction <strong>du</strong>rable. <strong>Les</strong><br />

entreprises les plus pointues de ces<br />

secteurs y offrent une information<br />

complète.<br />

Pôle bois. Tous les secteurs <strong>du</strong> bois<br />

dans la maison sont représentés, de<br />

la construction à l’aménagement<br />

intérieur et extérieur, sans oublier<br />

le mobilier.<br />

Pôle énergies nouvelles. Le salon<br />

offre une visibilité à tous les systèmes<br />

et techniques qui maîtrisent et économisent<br />

l’énergie, et/ou qui utilisent<br />

des énergies renouvelables : Utilisation<br />

Rationnelle de l’Energie (URE),<br />

panneaux solaires photovoltaïques<br />

et thermiques, pompes à chaleur,<br />

énergie éolienne, électricité verte,<br />

chauffage biomasse, poêles à pellets,<br />

maisons passives, maisons basse énergie,<br />

audit énergétique, tests d’étanchéité<br />

à l’air, architecture bio-climatique…<br />

Pôle information. Partenaire <strong>du</strong><br />

salon, la Région wallonne est représentée<br />

à Bois & Habitat par trois minis-<br />

Salon Bois & Habitat 2007<br />

Namur Expo <strong>du</strong> 23 au 26 mars<br />

Energies nouvelles, construction en bois : un salon qui répond aux choix que font de plus<br />

en plus de bâtisseurs ou rénovateurs en quête d’un habitat sain, économique et <strong>du</strong>rable.<br />

<strong>Les</strong> conférences destinées aux professionnels aborderont cette année la problématique<br />

des bâtiments en bois de grandes dimensions, et un nouveau concours d’architecture<br />

« <strong>Logement</strong>s publics en bois 2006-2007 » est organisé en vue de favoriser la construction<br />

de logements publics en bois « basse énergie ».<br />

tères et administrations. <strong>Les</strong> principaux<br />

organismes environnementaux<br />

et organisations de consommateurs,<br />

tous les organismes et fédérations<br />

professionnelles sont sur place.<br />

EVÉNEMENTS 2007<br />

Outre les interventions pratiques<br />

proposées par des spécialistes à l’attention<br />

<strong>du</strong> grand public lors de conférences,<br />

le salon propose aux professionnels<br />

différentes manifestations.<br />

Colloque international « Regards<br />

croisés-le bois à grande échelle »<br />

Ce colloque -organisé dans le cadre<br />

<strong>du</strong> projet Proholz-Probois <strong>du</strong> programme<br />

européen Interreg III B ENOabordera<br />

la problématique des bâtiments<br />

en bois de grandes dimensions<br />

(bâtiments publics et de service, habitat<br />

collectif, multi-étages, logement<br />

groupé). <strong>Les</strong> architectes et bureaux<br />

d’étude intervenants viendront des<br />

quatre régions concernées par le<br />

projet (Grand-<strong>du</strong>ché de Luxembourg,<br />

Lorraine, Rhénanie-Palatinat et<br />

Wallonie). Le sujet sera abordé sous<br />

l’angle de l’urbanisme, de l’isolation<br />

phonique, de la résistance au feu et<br />

des structures et systèmes.<br />

Conférence internationale<br />

« Architecture bois : un exemple<br />

finlandais »<br />

La tradition de la construction en bois<br />

est resté vivante et s’est imposée<br />

dans l’architecture contemporaine en<br />

Finlande. Le bureau Finlandais SARC<br />

(internationalement connu pour des<br />

réalisations comme le remarquable<br />

pavillon de la Finlande à l’Exposition<br />

universelle d’Hanovre en 2000) présentera<br />

ses projets et principalement, des<br />

bâtiments bois de grandes dimensions.<br />

Journée filière bois<br />

Une journée d’étude centrée sur le<br />

thème de la certification et des garanties<br />

liées à la seconde transformation<br />

<strong>du</strong> bois réunira l’ensemble des professionnels<br />

de la filière.<br />

Conférence de la Confédération<br />

de la Construction<br />

Un cycle de conférences organisée par<br />

la Confédération de la Construction<br />

abordera la construction en bois sous<br />

plusieurs angles : construire avec<br />

l’énergie, performances acoustiques,<br />

qualité constructive.<br />

Un nouveau concours d’architecture<br />

« <strong>Logement</strong>s publics en bois<br />

2006-2007 » est organisé en vue de<br />

favoriser la construction de logements<br />

publics en bois «basse énergie». Il<br />

porte sur la conception de cinq logements<br />

sociaux témoins « basse énergie<br />

» à structure de bois, respectant la<br />

charte «Construire avec l’énergie».<br />

photos : © Bois & Habitat<br />

Namur Expo<br />

<strong>du</strong> 23 au 26 mars 2007<br />

Informations :<br />

www.bois-habitat.com<br />

Contact :<br />

info@bois-habitat.com<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> / décembre ‘06 55


Éditeur responsable<br />

Danielle Sarlet<br />

Rédactrice en chef<br />

Geneviève Rulens<br />

Secrétaire de rédaction<br />

Hildegard Jost<br />

Comité de rédaction<br />

Nicolas Bernard, M. Melih Bolca, Marie-José<br />

Chidiac, Claudine Collard, Françoise Duhaut,<br />

Sébastien Fontaine, Luc Laurent, Charles<br />

Mertens, Bernard Monnier, Yves Schreel,<br />

Luc Tholomé, Guido Van Geem, Pierre Vilain,<br />

Pol Zimmer<br />

<strong>Les</strong> <strong>Échos</strong> <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> peuvent être obtenus<br />

gratuitement sur simple demande au :<br />

Ministère de la Région wallonne<br />

Rue des Brigades d’Irlande 1<br />

5100 Jambes<br />

Hildegard Jost<br />

Tél. 081/33 23 12<br />

Fax 081/33 23 25<br />

Via Internet<br />

Site général de la DGATLP<br />

http://mrw.wallonie.be/dgatlp/dgatlp<br />

Accès direct aux Echos<br />

http://mrw.wallonie.be/dgatlp/echos<br />

Toute information que vous souhaiteriez<br />

faire paraître dans la rubrique Agenda des<br />

« Echos <strong>du</strong> <strong>Logement</strong> » est la bienvenue.<br />

Toutefois, le comité de rédaction se réserve<br />

le droit de publier ou non l’information.<br />

La repro<strong>du</strong>ction intégrale ou partielle<br />

des textes et illustrations n’est autorisée<br />

qu’après accords écrits préalables de la<br />

Rédaction et de l’auteur, moyennant<br />

citation de la source et <strong>du</strong> nom de l’auteur.<br />

En cas de litige<br />

Médiateur de la Région wallonne<br />

Rue Lucien Namèche 54<br />

5000 Namur<br />

Tél. 081/32 19 11<br />

Fax 081/32 19 00<br />

Photo couverture : F. Dor - DGATLP © MRW<br />

Sommaire<br />

Doctrine / Discrimination<br />

1 Le secteur <strong>du</strong> logement à l'épreuve des réglementations anti-discrimination,<br />

Nicolas Bernard<br />

Etranger / Discrimination<br />

Maroc<br />

21 Problématique de la discrimination dans l'accès au logement au Maroc, Effina<br />

Driss<br />

France<br />

23 <strong>Logement</strong> social : une discrimination en douce, Sylvie Tissot<br />

27 La discrimination dans l'accès au logement locatif privé, Étude de la Haute<br />

autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE)<br />

Informations<br />

28 Le contrôle de la qualité des logements : à la recherche de solutions nouvelles<br />

31 Collaboration Région-Québec<br />

32 La Région flamande restructure son service public<br />

Développement <strong>du</strong>rable<br />

35 Société wallonne <strong>du</strong> logement. Une approche <strong>du</strong> logement <strong>du</strong>rable<br />

37 La maison évolutive et abordable<br />

Spectacle<br />

42 <strong>Les</strong> nouveaux disparus dans nos cités<br />

Législation<br />

44 Région wallonne<br />

45 La loi Breyne a 35 ans, Paul-Emile Herin<br />

Agenda<br />

55 Salon Bois & Habitat 2007

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