REB -_1947_num_5_1_948.pdf - Bibliotheca Pretiosa

84 ÉTUDES BYZANTINES
pourquoi on devrait contester l'authenticité d'un document
du dernier demi-siècle avant l'islamisme, où aucun élément ne
s'oppose à cette datation ». On nous dit que l'auteur du tacticon
a inventé. Sur base de quoi ? Se représente-t-on ce que cela
signifiait pour un constantinopolitain de la fin du ixe siècle ?
Proprement un tour de force dont aucun lettré grec d'aucune
époque ne s'est montré capable. Ce que plusieurs ont su faire
c'est, comme nous le rappelons ci-dessus, coudre des textes ou
les mettre bout à bout très servilement. L'opération dont il se
fût agi ici consistant en un habile dosage ou en de légères inter
polations ne fut jamais dans leur manière et aurait du reste manqué
son but, si elle eût été à leur portée.
Que se serait en effet proposé le faussaire ? Donner une impres
sion encore plus favorable de la domination œcuménique du
patriarcat byzantin que celle laissée par la lecture de la Récapit
ulation des trônes? Mais alors pourquoi aux 129 sièges historiques,
comme on les appelle, le compilateur s'est-il donné la peine d'en
ajouter 24 autres en les distribuant dans les diverses provinces
de manière que chacune n'en reçoive que quelques unités et que
l'effet d'ensemble en soit détruit ? Où aura-t-il trouvé ces noms
obscurs que nous avons nous-mêmes tant de peine à repérer sur
la carte ? Aurait-il, comme on est porté à le penser, démarqué
l'opuscule1 de Georges de Chypre ? C'est là chose des plus invrai
semblables, car il y eût, dans ce cas, largement puisé ou plutôt
il eût substitué à la liste traditionnelle celle de cet auteur, comme
devait le faire pour Jérusalem un copiste tardif de la Recapitulatio.
Une chose est certaine qui commande le débat : les tableaux
constitués sous chaque métropole par la série des suffragants
présentent un ordre de préséance traditionnel, déjà en vigueur au
ve siècle et définitivement fixé au vie. Près des neuf dixièmes2
des sièges portés dans la Notitia s'y retrouvent au rang que leur
assignent les actes concilaires. Dans cette condition il est impossible
que l'auteur du tacticon antiochien n'ait pas reproduit le rôle
officiel en usage dans son Église. Qu'il ait puisé aux archives
mêmes du patriarcat ou qu'il en soit lui-même l'auteur, dans
l'hypothèse du patriarche Anastase, l'autorité compétente dut
intervenir pour entériner et promulguer, comme à Constantinople,
l'état de choses créé par l'usage. Dans ces deux Églises, la nécessité
(1) Mise en circulation précisément vers le milieu de ce même ixe siècle par Basile
l'arménien. Voir mon article cité ci-dessus p. 71 n. 4.
(2) On trouvera le tableau comparatif complet de la hiérarchie antiochienne dan><
l'introduction à la future édition du Tacticon. dans le Corpus Notiliarum episcopaluum
plusieurs fois -