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78 ÉTUDES BYZANTINES
II. Pièce originale ou faux du ixe siècle ?
Les textes, dont nous venons de déterminer les rapports, con
tiennent dans leurs diverses recensions, la syriaque mise à part,
la carte géographique du patriarcat d'Antioche telle qu'on aima
à se la figurer à la fin du xie et tout le long du xne siècle. Image
idéale d'un état de fait que l'invasion arabe du vne siècle, les
guerres byzantines de reconquête et finalement l'occupation
franque issue des Croisades avaient amoindrie dans une propor
tion que ces listes dilatées au maximum ne laissent nullement
soupçonner. Comme tant de Notitiae constantinopolitaines, l'antiochienne,
sous ces formes tardives, est plus une œuvre de compila
tion qu'un catalogue officiel scrupuleusement tenu à jour par
le maître du protocole ou quelque secrétaire de chancellerie.
Elle additionne toutes les données du passé à quelques menus
faits contemporains et ne saurait en aucune hypothèse — elle
ne le prétendait d'ailleurs aucunement — interpréter la réalité
du moment. C'était, dans la conjoncture politique qui multiplia
les recensions en cinq langues, moins un document qu'un manifeste
destiné à rappeler aux nouveaux maîtres latins l'ancienneté et
l'étendue du Patriarcat syrien. On ne savait en définitive jusqu'où
ces fougueux barons porteraient leurs armes. Certes le maintien
de la grande province d'Isaurie avec ses vingt-quatre évêchés
avait, comme la présence à cette même époque de la Sicile sur
les listes byzantines, une valeur de revendication protocolaire.
Dans l'esprit du rédacteur et de ses interprètes il y eut peut-être
plus : une tentative du, premier moment pour fixer sur le papier,
dans l'espoir de voir la nouvelle ère chrétienne qui s'ouvrait les
traduire en acte, les limites historiques de l'Église antiochienne.
fQuoi qu'il en soit, telle qu'elle s'offre à nous sous son revêtement
tardif, la Notitia est une pièce de convention dont il faut prudem
ment distinguer les parties composantes. La question essentielle
est de retrouver le noyau primitif, le rôle le plus ancien autour
duquel sont venus s'ajouter, âge par âge, les développements
ultérieurs.
Honigmann a cru pouvoir restituer à l'aide de la version syriaque
le texte original attribué au patriarche Anastase et très exactement
daté de 570 1. Le tableau ainsi obtenu ne diffère que dans des
parties secondaires de celui qu'avait déjà dressé le P. Vailhé.
S'il était authentique, il en faudrait conclure que les cadres du
Patriarcat ne subirent depuis le vie siècle qu'une addition subs-
(1) Voir ci-dessous p. 85 n. 1.