Téléchargez le mémoire de monsieur Guilhem Penent - CESA

Mention « Science Politique » 

Parcours : Politique internationale (PI) 

2009 – 2010 

Les Etats-Unis et la dimension 

Espace en Relations internationales : 

trois discours, deux visions, une 

pratique. 

Guilhem PENENT 

Mémoire de recherche pour 

le Master 

Sous la direction de Dario Battistella 

Professeur de science politique à l’IEP de Bordeaux 

Fonction du directeur du mémoire

Sommaire 

SOMMAIRE ....................................................................................................... 2 

REMERCIEMENTS .......................................................................................... 4 

RESUME – MOTS CLES ................................................................................... 5 

ABREVIATIONS ............................................................................................... 6 

INTRODUCTION .............................................................................................. 9 

1 ERE PARTIE – COMMENT APPREHENDER L’ESPACE EN RI : DE LA 

COMPETITION THEORIQUE… ................................................................... 17 

1. LA TRADITION REALISTE : L‘ESPACE COMME CHAMP DE BATAILLE .............. 21 

1.1. La tragédie des grandes puissances et l’Espace ................................ 22 

1.2. Le Réalisme Complexe : de l’Homme, des Etats et de l’Espace ......... 26 

1.3. Le néoréalisme et l’intérêt de la (des) puissance(s) dominante(s) ...... 31 

2. LA TRADITION RATIONALISTE : L‘ESPACE COOPERATIF .............................. 36 

2.1. Les néolibéraux et la question de la coopération .............................. 37 

2.2. La théorie libérale de la politique internationale .............................. 41 

2.3. L’Ecole anglaise et « la société internationale » ............................... 46 

3. LA TRADITION REVOLUTIONNAIRE : L‘ESPACE TRANSFORME ...................... 51 

3.1. Evolutionnisme et constructivisme stato-centré ................................. 52 

3.2. Le transnationalisme et la politique mondiale ................................... 56 

3.3. Les théories marxistes en orbite ? ..................................................... 61 

2 EME PARTIE – … A LA REALPOLITIK AMERICAINE DANS L’ESPACE : 

LA PREUVE PAR LA POLITIQUE SPATIALE AMERICAINE .................. 67 

1. LES DEUX VISIONS SPATIALES AMERICAINES .............................................. 72 

1.1. Les Grotiens en orbite ...................................................................... 74 

1.2. Les Machiavéliens dans l’Espace ..................................................... 77 

1.3. « Totem et tabou » : le débat sur l’arsenalisation de l’Espace ........... 81 

PENENT Guilhem | PI | Mémoire de recherche | 2009-2010 

2

2. DE LA BIPOLARITE A L‘UNIPOLARITE : LA POLITIQUE SPATIALE AMERICAINE 

DEPUIS 1957 ................................................................................................... 87 

2.1. Les Etats-Unis, l’Espace et la Guerre froide ..................................... 88 

2.2. Les Etats-Unis à l’heure du « moment unipolaire » ........................... 93 

2.3. Espace et politique hégémonique ...................................................... 97 

3. POUR UNE REALPOLITIK SPATIAL : LES ETATS-UNIS ET L‘ESPACE APRES LA 

GUERRE FROIDE ............................................................................................ 102 

3.1. Le réalisme néoclassique ................................................................ 103 

3.2. L’administration Clinton ................................................................ 107 

3.3. L’administration Bush .................................................................... 112 

CONCLUSION ............................................................................................... 119 

BIBLIOGRAPHIE ......................................................................................... 120 

TABLE DES ANNEXES ................................................................................ 143 

TABLE DES MATIERES .............................................................................. 273 


3

Remerciements 

Je tiens à remercier tout d‘abord monsieur Dario Battistella d‘avoir accepté de diriger ce 

mémoire. Ses conseils et son aide m‘ont été des plus utiles pour délimiter mon objet 

d‘étude et conduire dans les meilleures conditions ce travail de recherche. 

Ma reconnaissance s‘adresse aussi à mesdames Agnès Lerr et Anne Serfass-Denis du 

Centre national d‘études spatiales pour m‘avoir permis de consulter leur documentation. 

Enfin, un grand merci à mes parents et à mon frère, ainsi qu‘à Laura qui, par leur 

soutien, leurs conseils et leurs relectures attentives, m‘ont apporté une aide 

précieuse. 


4

Résumé – mots clés 

Résumé : 

Avec ce mémoire de recherche, nous avons voulu interroger le sens de la politique 

spatiale américaine. Notre hypothèse s‘inscrit dans un cadre théorique réaliste 

hégémonique dans lequel nous traitons d‘une doctrine de « space dominance ». Nous 

tentons d‘expliquer pourquoi cette Realpolitik a été appliquée aux Etats-Unis, et de 

discerner les grandes tendances et enjeux de l‘Espace en général depuis 1957. En partant 

du postulat selon lequel ce dernier est comparable aux autres dimensions, nous lui 

appliquons trois discours classiques en RI : le Réalisme, le Rationalisme et le 

Révolutionnisme. Par la suite, nous introduisons dans notre exposé une lecture duale 

plus à même d‘être adaptée à la politique spatiale américaine. Celle-ci nous permet en 

effet d‘identifier les variables domestiques qui viennent filtrer l‘impact de la structure 

internationale. Avec ce cadre réaliste néoclassique nous pouvons percevoir d‘autant plus 

facilement l‘origine de cette « space dominance ». Ayant montré pourquoi une telle 

politique s‘était mise en place aux Etats-Unis à partir des années 1990, nous espérons 

par la même occasion avoir montré tout l‘intérêt qu‘il y avait à utiliser les théories de 

relations internationales pour appréhender la dimension Espace. 

Mots clés : ◊ espace extra-atmosphérique ◊ théories des relations 

internationales ◊ politique étrangère ◊ Etats-Unis ◊ 


5

Abréviations 

ABM Anti-ballistic missile 

AGI Année géophysique internationale 

AGNU Assemblée générale des Nations Unies 

ASAT Anti-satellite weapon 

BMD Balistic Missile Defense 

C 4 ISTAR Command, Control, Communications, Computers, Intelligence, 

Surveillance, Target Acquisition, and Reconnaissance 

CNES Centre national d‘études spatiales 

COPUOS Committee on the Peaceful Uses of Outer Space 

DEW Directed energy weapon 

DI Droit international 

DoD Department of Defense (Pentagone) 

ESA European Space Agency 

GEO Geostationary Earth Orbit 

GNSS Global Navigation Satellite System 

GPS Global Positioning System 

HEO Highly Eccentric Orbit 

ICBM Intercontinental Ballistic Missile 

IDS/SDI Initiative de Défense Stratégique/Strategic Defense Initiative 

IEM impulsions électromagnétiques 

IGA Intergovernmental Agreement 

ISR/MCG/Comm intelligence, surveillance, and reconnaissance/mapping, charting, and 

geodesy/communications 

ISS International Space Station 

ITAR International Traffic in Arms Regulations 

LEO Low-Earth Orbit 

MAD Mutual assured destruction 

MBps Mégabytes par seconde 

MEO Medium Earth Orbit 

MIRACL Mid-Range Advanced Chemical Laser 

MoUs Memoranda of Understandings 

NASA National Aeronautics and Space Administration 

OVNI Objet Volant Non Identifié 

NSP National Space Policy 


6

OST Outer Space Treaty 

PGS Prompt Global Strike 

RI Théories des relations internationales 

RMA Révolution dans les Affaires Militaires 

SF Science Fiction 

STEW Space-to-Earth Weapons 

STS Space Transportation System 

UE Union européenne 

UFO Unidentified flying object 

URSS Union des Républiques socialistes soviétiques 

USA United States of America 

USAF United States Air Force 

USN United States Navy 


7

Les Etats-Unis et la dimension Espace 

en Relations internationales : 

trois discours, 

deux visions, 

une pratique. 


8

Introduction 

Ceci ne doit étonner personne. Les Yankees, ces premiers mécaniciens du monde, 

sont ingénieurs, comme les Italiens sont musiciens et les Allemands 

métaphysiciens – de naissance. Rien de plus naturel, dès lors, que de les voir 

apporter dans la science et la balistique leur audacieuse ingéniosité. 


Jules Verne, De la Terre à la Lune, 1865. 

Les Etats-Unis occupent une position très enviable en tant que puissance spatiale 

dominante en ce début du XXI e siècle. De nombreux facteurs y ont contribué, « some of 

them involving foresight and hard work, and some of them involving luck and 

circumstances 1 ». Or les Américains devront montrer encore davantage de virtù s‘ils 

veulent maintenir cette suprématie que la fortuna semble pour le moment favoriser 2 . 

Quelle politique adopter dans un monde contraignant peuplé d‘incertitude ? C‘est 

certainement ce que cherche à savoir l‘Amérique… 

La politique spatiale aux Etats-Unis 

Car celle-ci semble aujourd‘hui à l‘heure du choix. La crise économique contraint 

encore un peu plus ses marges de manœuvre, alors que le contexte budgétaire est depuis 

longtemps à la crispation 3 . Quant à son « audacieuse ingéniosité », elle est remise en 

question du fait d‘une autre tendance : l‘ascension des pays émergents. Oubliées en effet 

la Russie ou l‘Union européenne (UE), l‘Espace 4 de demain sera aussi bien chinois, 

indien et brésilien. Ces puissances-là n‘hésitent plus à afficher des programmes à la 

mesure de leurs ambitions 5 au risque de lancer une nouvelle « course à l‘Espace 6 ». Au 

1 James E. OBERG, Space Power Theory, Colorado Springs, US Air Force Academy, 1999, p. 43. 

2 Pour paraphraser Bismarck, les puissances naviguent sur le « fleuve du temps » ; elles ne peuvent « ni 

le créer ni le diriger », mais elles peuvent « naviguer dessus avec plus ou moins d‘habilité et 

d‘expérience », cité par Paul KENNEDY, Naissance et déclin des grandes puissances. Transformations 

économiques et conflits militaires entre 1500 et 2000, Paris, Payot & Rivages, 2004, p. 843-844. 

3 Avec une dette publique de plus de 13 000 milliards de dollars, les Etats-Unis peuvent-ils toujours 

soutenir leur politique actuelle de sécurité nationale ? Y a-t-il risque de « surexpansion » à trop dépenser 

pour les « canons » au détriment du « beurre » et surtout de la croissance ? Ibid., p. 695-698. 

4 Afin de ne pas prêter à confusion, l‘Espace extra-atmosphérique (ou « Outer Space »), délimité et 

spécifique, sera désigné par l‘Espace (avec un « E » majuscule) ; l‘espace (avec un « e » minuscule), 

quant à lui, renverra au sens commun, soit l‘étendue indéfinie, le lieu, le milieu ou l‘environnement (lat. 

spatium, proprement « l‘arène, le champ de course »). 

5 Ian SAMPLE, « Lunar eclipse: US retreat leaves China leading way in race to return to moon », The 

Guardian, 2 février 2010. 

6 « [T]here is a compelling evidence for an impending space race between China and the US. Driven by 

ambitions to place astronauts on the Moon and driven by fears about national security, the new space 

race will undoubtedly be fought on two fronts, the first being in the manned spaceflight arena and the 

second in the strategic dimension », Erik SEEDHOUSE, The New Space Race. China vs. the United 

States, New York, Springer, 2009, p. xii. 

9

moment où leur unique programme de vol spatial habité prend fin 7 , les Etats-Unis ne 

peuvent donc que s‘interroger sur l‘avenir de leur leadership 8 . 

Or « […s‘]‘il peut être vrai que la fortune soit maîtresse de la moitié de nos 

œuvres, […] étiam elle nous en laisse gouverner à peu près l‘autre moitié 9 ». C‘est peut- 

être ce qui a traversé l‘esprit du Président américain Barack Obama lorsqu‘il a annoncé 

en février dernier sa fameuse « révolution spatiale 10 » et l‘annulation parallèle du 

programme Constellation de son prédécesseur 11 . Mais si la virtù que prône Machiavel 

est certes la capacité d‘imposer sa volonté face aux événements 12 , elle est aussi patience 

et lucidité. Et il en faudra au Président Obama car, conséquence à la fois du « global 

reaching » et du « divided institutional sharing power » décrit par la Constitution, la 

politique spatiale américaine est éternellement tiraillée entre les deux contraintes de la 

« space policy » et des « space politics ». La première doit répondre à des événements 

politiques souvent extérieurs, tel le lancement de Spoutnik par les Soviétiques, tout en 

étant soumise à l‘ensemble des aléas de l‘âge spatial. Les secondes font partie intégrante 

des processus de politique publique aux Etats-Unis 13 . Obama devra en tenir compte alors 

que son premier mandat arrive au moment où la doctrine de « space dominance », qui a 

dominé les deux dernières décennies en cherchant à étendre agressivement la pax 

americana aux confins des étoiles, semble perdre sa consistance. 

De l’Espace et des Espaces : quelle définition, pour quelle utilité ? 

L‘Espace est pluriel. C‘est du moins la réponse que donne Serge Grouard à la 

question de savoir s‘il est possible de « disséquer l‘espace, a priori homogène, en 

plusieurs espaces présentant chacun des caractéristiques et des utilités différentes pour 

les sociétés humaines 14 ». L‘auteur distingue ainsi quatre espaces différents, ou sous- 

7 Les navettes spatiales américaines seront en principe mises hors service à la fin de l‘année 2010. 

8 Charles KRAUTHAMMER, « Closing the new frontier », The Washington Post, 12 février 2010. 

9 Nicolas MACHIAVEL, Le Prince, Gallimard, 1962, p. 171. 

10 Jérôme FENOGLIO, « La révolution spatiale de Barack Obama », Le Monde, 11 février 2010. 

11 NASA, FY 2011 Budget Overview, février 2010 [en ligne] 

http://www.nasa.gov/pdf/420990main_FY_201_%20Budget_Overview_1_Feb_2010.pdf 

12 Tel est le sens de la métaphore de la rivière : « [e]t bien qu‘elles soient furieuses en quelque saison, 

pourtant les hommes, quand le temps est paisible, ne laissent pas d‘avoir la liberté d‘y pourvoir et par 

remparts et par levées, de sorte que, si elles croissent une autre fois, ou elles se dégorgeraient par un 

canal, ou leur fureur n‘aurait point si grande licence et ne serait pas si ruineuse. Ainsi en est -il de la 

fortune, laquelle démontre sa puissance aux endroits où il n‘y a point de force dressée pour lui résister, et 

tourne ses assauts au lieu où elle sait bien qu‘il n‘y a point remparts ni levées pour lui tenir tête », 

MACHIAVEL, op. cit., p. 172. 

13 Eligar SADEH, « Space Politics and Policy: An Evolutionary Perspective », in Eligar SADEH (ed.), 

Space Politics and Policy: An Evolutionary Perspective, New York Springer, 2003, p. xiv. Voir aussi 

Xavier PASCO, La politique spatiale des Etats-Unis, 1958-1995. Technologie, intérêt national et débat 

public, Paris, L‘Harmattan, 1997. 

14 Serge GROUARD, La guerre en orbite. Essai de politique et de stratégie spatiales, Paris, Economica, 

1994, p. 18. Voir Annexe 1. 


10

ensembles spatiaux, dont les propriétés physiques différentes vont déterminer l‘intensité 

des relations que les sociétés humaines vont entretenir avec chacun d‘eux, de même que 

la portée des enjeux dont ils seront les dépositaires. 

L’Espace proche. L‘attraction de la Terre y est dominante ; pour cette raison, deux 

régions peuvent être distinguées. 1) Tout d‘abord, il y a la Terre ou Terra : cette région 

inclut l‘atmosphère – cette enveloppe gazeuse retenue par gravité autour de notre 

planète – et s‘étend de la surface du sol jusqu‘au point le plus bas capable de soutenir 

une orbite libre sans force ajoutée, également appelé ligne de Kármán 15 . Cette ligne, 

située par convention au niveau des 100 km, définit donc une zone basse, appelée 

homosphère, comprenant la troposphère (15 km), la stratosphère (15 à 50 km) et la 

mésosphère (50 à 80 km). Elle est par définition essentielle puisque tout objet entrant ou 

sortant de l‘orbite terrestre doit passer à travers elle. Ainsi, pour Everett Dolman, 

« Terra […] is the transition region between geopolitics and astropolitics 16 ». 2) Puis, 

vient l‘Espace terrestre, dit aussi circumterrestre, soit « notre proche espace, la banlieue 

terrestre, une petite couronne en quelque sorte. Il s‘étend depuis ses orbites basses à 

quelques centaines de kilomètres d‘altitude jusqu‘aux orbites géostationnaires, à 36 000 

km d‘altitude, et elliptiques dont l‘apogée peut atteindre près de 40 000 km d‘altitude 17 ». 

Nous sortons ici de l‘homosphère, pour pénétrer dans l‘hétérosphère, c'est-à-dire l‘orbite 

terrestre basse (« Low-Earth Orbit », dite LEO) des satellites d‘observation défilant au 

dessus de la surface terrestre, voire quittons l‘atmosphère pour entrer dans les régions 

supérieures (ionosphère et plasmasphère) jusqu‘à la ceinture géostationnaire, où les 

satellites, notamment de télécommunications, se trouvent immobiles par rapport à la 

Terre (« Geostationary Earth Orbit », dite GEO) 18 . Au-delà, nous nous situons dans le 

milieu interplanétaire. 

L’Espace lunaire, situé entre l’Espace terrestre et la Lune. L‘Espace lunaire commence 

au-delà de l‘Espace proche, il englobe la Lune placée à 385 000 km de la Terre. Cet 

15 Selon le nom du mathématicien, Theodore von Kármán (1881-1963), qui le premier définit l'altitude à 

partir de laquelle l'atmosphère devenait trop ténue pour des applications aéronautiques. Egalement 

appelée « edge of space » ou « boundary of space », cette limite donnée à l‘Espace est semble-t-il 

raisonnable, car à cette hauteur beaucoup de paramètres atmosphériques changent effectivement. 

16 Everett DOLMAN, Astropolitik: Classical Geopolitics in the Space Age, Londres, Routledge, 2002, p. 

60. Dolman est professeur d‘études militaires comparées à l‘U.S. Air Force‘s School of Advanced Air 

and Space studies. 

17 GROUARD, op. cit., p. 22. 

18 Fernand VERGER (dir.), Atlas de géographie de l’espace, Paris, Belin, 1997, p. 10-11. Existe aussi la 

distinction entre les orbites (quasi-)circulaires (de type LEO, GEO et MEO intermédiaire, c'est-à-dire, les 

orbites moyenne ou « Medium Earth Orbit ») et les orbites elliptiques, généralement qualifiées d‘orbites 

de transfert géostationnaires (GTO, pour « Geostationary Transfer Orbit ») ou encore d‘orbites très 

excentrées (HEO, pour « Highly Eccentric Orbit ») utilisées par les pays de latitudes élevés. 


11

environnement a déjà été conquis par l‘homme, et cela depuis le 21 juillet 1969 lorsque 

Neil Armstrong foula du pied la surface lunaire. A noter que certains s‘interrogent sur la 

pertinence d‘une conquête sans présence humaine permanente. L‘Espace lunaire ne se 

résume toutefois pas qu‘à la présence de la Lune, nous notons aussi l‘importance des 

« Points de Lagrange 19 », soit cinq points spécifiques fonctionnant comme autant 

d‘anomalies gravitationnelles et fixant un objet de façon permanente sans que celui-ci 

nécessite d‘efforts particuliers pour se maintenir (consommation d‘énergie). 

L’Espace solaire, soit le « deep space » ou Espace profond. Il s‘agit de cet espace 

composé du Soleil et des planètes gravitant autour de lui. Nous comptons neuf « astres 

errants » classés en deux groupes, opposant les planètes telluriques (Mercure, Vénus, la 

Terre et Mars), petites et dotées d‘une surface solide et d‘une atmosphère, aux planètes 

géantes gazeuses (Jupiter, Saturne, Uranus et Neptune), mais reliées entre elles par 

l‘originalité de Pluton, à la fois petit et peu dense. A cela s‘ajoutent les différents 

satellites et anneaux de planètes, de même que les astéroïdes. Cet Espace profond a 

récemment été mis à l‘honneur suite au « Nouveau Programme Spatial » proposé par 

l‘Administration Obama à la nation américaine 20 . 

L’Espace lointain. Enfin, il y a l‘Espace lointain, au-delà des limites d‘accessibilité des 

sondes actuelles, et dont les mesures ne sont ni kilométriques ni astronomiques, mais 

doivent s‘exprimer en années-lumière ou en parsecs. Selon Serge Grouard, cet « espace 

lointain nous est définitivement interdit. […] On ne peut donc traiter de cet espace hors 

d‘atteinte de l‘action humaine 21 . » 

Dès lors, si l‘Espace est pluriel, c‘est avant tout parce qu‘il se définit par rapport 

à la Terre et aux possibilités technologiques humaines. Dans ces conditions, notre 

perspective ne peut devenir qu‘explicitement géocentrique. A la façon d‘Aristote, 

l‘Univers semble donc ici se séparer en deux espaces, l‘un sublunaire, centré sur la Terre 

et ses habitants, l‘autre supralunaire et extra-terrestre au sens plein du terme. Et en effet, 

étant donné les développements potentiels futurs, le système Terre-Lune éveille notre 

19 Selon le nom du mathématicien français Joseph-Louis Lagrange (1736-1813), qui, le premier, postula 

l‘existence des ces cinq points de libration. 

20 Le « flexible path » étudié par le Président, sur la base des travaux de la Commission Augustine, 

propose une posture d‘exploration réactive et diversifiée, comprenant plusieurs étapes préalables avant 

d‘entamer la descente (technologiquement difficile) vers la surface de Mars. Il s‘agit de « premières » 

rentables et pragmatiques comme visiter des astéroïdes, les satellites naturels de Mars ou, plus proche de 

nous, la Lune. Voir Review of U.S. Human Spaceflight Plans Committee, Seeking a Human Spaceflight 

Program Worthy of a Great Nation, octobre 2009, p. 42. 

21 GROUARD, op. cit., p. 26. Dolman ne s‘embarrasse d‘ailleurs pas de cette nouvelle distinction. Les 

règles de la géopolitique ne peuvent s‘appliquer qu‘à l‘Espace connu ; il est difficile de dessiner une 

astropolitik hors du système solaire, sinon pour en parler en termes très généraux, proches de la sciencefiction. 


12

attention particulière. Encore qu‘hic et nunc, ce soit surtout l‘Espace proche qui 

préoccupe les relations internationales, et nous-mêmes par la même occasion. Mais 

l‘Espace est aussi un lieu de contraintes particulièrement fortes 22 . 

De ce point de vue, l‘Espace est tout d‘abord un milieu hostile pour l‘homme. L‘Espace 

obéit à des effets physiques particuliers sur les personnes comme sur les équipements 

embarqués (originalité du déplacement, etc.), alors même que l‘absence d‘atmosphère 

est par ailleurs synonyme d‘absence de protection aux radiations nocives. Il est en outre 

relativement nouveau. Cela fait à peine un peu plus d‘un demi-siècle que l‘homme a 

réussi à arracher un objet à la pesanteur terrestre. Ces deux logiques combinées l‘une à 

l‘autre font du risque spatial un élément très important, inacceptable pour l‘homme qui 

cherche à s‘en prémunir, mais toujours présent puisque l‘Espace est par nature 

surprenant 23 . De ce point de vue, l‘Espace demeure cette frontière à la fois physique et 

terrestre, mais aussi mentale que l‘homme cherche encore et toujours à dépasser 24 . 

Mais si l‘Espace est grand voire infini, il est aussi périphérique. L‘Espace proche est à 

peine 100 km au dessus de nos têtes. Cette caractéristique est à la base de l‘intérêt que 

nous lui portons. En effet, la logique veut qu‘un objet situé là-haut possède un avantage 

certain pour ce qui est de l‘observation ici-bas : l‘Espace sert alors tant aux larges et 

permanentes prises de vue (orbite géostationnaire) qu‘aux petites photographies, 

déroulantes et moins générales, mais plus précises (orbite basse). La difficulté majeure 

reste toutefois celle de l‘accès à l‘Espace. Le vol spatial est toujours coûteux et difficile, 

utile certes, mais plutôt rare aussi, et limité à quelques puissances. Les flux depuis la 

Terre, forcément réduits, se plient ainsi à une politique de long terme qui doit faire la 

part du nombre de vecteurs en orbite, celle de leur durée de vie, de même que celle de la 

capacité à assurer leur remplacement, car « l‘espace suppose certes l‘existence de 

moyens, mais en outre, la capacité de les rendre opérationnels, sans corrélation 

automatique entre les deux 25 ». Contrairement à ce qui se passe sur terre, sur mer ou 

dans les airs, le rythme spatial très rigide est différent : la spécificité ne tient plus 

seulement au milieu, mais à l‘utilisation qui en est faite. 

Cela étant dit, l‘Espace est également global. Nous pouvons voir se dessiner à travers 

l‘Espace un nouveau « bien commun global », « apanage de l‘humanité », car intégré au 

22 Ibid., p. 34-38 et OBERG, op. cit., p. 3-7. 

23 « Space activity remains a continual learning experience », Roger HANDBERG, « Rationales of the 

Space Program », in SADEH, op. cit., p. 29. 

24 Pour une histoire de la conquête de l‘Espace, voir Annexe 2. 

25 GROUARD, op. cit., p. 36. 


13

droit international (DI) et susceptible de faire l‘objet d‘une coopération étendue. En 

effet, les « communs » sont ces domaines de ressources dans lesquels jouent, à force 

égale, bien que de façon indépendante, les propriétés de non-excludabilité 26 (la difficulté 

d‘écarter quiconque de l‘utilisation) et de rivalité (le degré élevé d‘indisponibilité lors 

de l‘utilisation). Quant au « global », il renvoie aux domaines de ressources auxquels 

toutes les nations ont accès 27 . Ces deux notions conduisent à la définition des « common 

pool resources », soit ces « substractable resources managed under a property regime in 

which a legally defined user pool cannot be efficiently excluded from the resource 

domain 28 . » 

Questionnement et axe de recherche 

Ce constat empirique établi, il nous faut poser la question du sens. Plus que de 

connaître le « comment 29 », notre objectif consiste à demander « pourquoi » la politique 

spatiale a pris un tournant agressif après la fin de la Guerre froide. Dans cette 

perspective, nous ne pouvons que nous interroger sur l‘Espace lui-même afin d‘en mieux 

comprendre l‘évolution et d‘en discerner les logiques depuis 1957. Cet exposé tente 

donc d‘expliquer les rapports de l‘Homme à l‘Espace en s‘interrogeant sur la nature de 

ce dernier, pour ensuite mieux comprendre le comportement de la puissance spatiale 

dominante. 

Différentes approches sont possibles. Nous en présentons deux, parmi les plus 

anciennes comme les plus influentes. 1) Le libéralisme (ou l‘idéalisme) est sans doute 

l‘une de celles qui vient en premier à l‘esprit. Ses versions sont multiples. Qu‘elles 

26 Cette propriété est qualifiée le plus souvent par le terme de « non-exclusion » et non par celui de 

« non-excludabilité ». Pour autant, nous choisirons ici de suivre François Lévêque pour qui « ce 

néologisme, formé sur le latin excludere, est en effet plus parlant car il renvoie à la possibilité 

d‘exclusion plutôt qu‘à son état », Economie de la réglementation, Paris, La Découverte, 2004, p. 8-9. 

27 Les « global commons » s‘opposent aux « international commons » dont les domaines de ressources 

sont partagés entre seulement quelques nations, comme la mer Méditerranée (voire l‘Antarctique, selon 

certains pays, mais contre l‘avis des Nations Unies), Susan J. BECK., The Global Commons : An 

Introduction, Island Press, 1998, p. 6. 

28 Ibid., p. 5. La notion de « common pool resources » beaucoup utilisé par les auteurs anglo-saxons 

depuis Elinor Ostrom, dans Governing the Commons, est traduite par le terme de « bien en commun », 

LEVEQUE, op. cit., p. 85. 

29 La « politique spatiale américaine » peut difficilement être conçue comme une politique autonome. 

Pour les auteurs, elle ne peut que délivrer un contenu incrémental (« incrementalism »), fruit 

d‘adaptations à la marge, car soumise à la fois à un héritage politique (« policy legacy ») prééminent et à 

une dépendance au sentier relative (« path dependency »). En un mot, elle est évolutive, PASCO, op. 

cit., p. 7-8. Pour cette raison, selon John M. Logsdon, « subtitling this book An Evolutionary Perspective 

seems particularly appropriate and useful to advancing the analysis of space politics and policy », 

« Conclusion : Space politics and policy : facing the future», in SADEH (ed.), op. cit., p. 393. Nous 

remarquerons que la plupart des notions susmentionnées sont issues du vocabulaire de politique 

publique, voir Marie-Christine KESSLER, « La politique étrangère comme politique publique », in 

Frédéric CHARILLON (dir.), Politique étrangère, nouveaux regards, Paris, Presses de Sciences Po, 

2002, p. 167-191. 


14

soient pluraliste ou plus progressiste, elles mettent avant tout l‘accent sur la coopération. 

Si cette dernière est vue comme possible, c‘est parce que les Etats eux-mêmes désirent 

réguler leurs relations par le biais des intérêts partagés plutôt que par celui des 

différences. 2) Le réalisme, à l‘opposé, prétend voir le monde tel qu‘il est, et non tel que 

nous voudrions qu‘il soit. Les logiques conflictuelles entre Etats sont, selon lui, celles 

qui prédominent de façon immuable. La paix ou la coopération ne sont que des façades. 

Dans ces conditions, les principes de survie et de self-help sont privilégiés pour 

expliquer les comportements des unités dont le nombre détermine la nature du système 

international. 

Pour critiquable qu‘elle soit 30 , cette présentation duale s‘inscrit dans une longue 

lignée d‘auteurs pour qui les relations internationales sont ce Janus dont les deux faces 

s‘ignorent constamment, chacune prétendant voir dans le paysage s‘étalant sous ses yeux 

la réalité vraie du monde. Ainsi du conflit entre pensée réaliste et pensée utopique pour 

les uns, censées « belong to two different planes that can never meet 31 », réalisme et 

idéalisme pour les autres, puisque « the history of modern political though is the story of 

a contest between two schools that differ fundamentally in their conceptions of the 

nature of man, society and politics 32 ». Ce dualisme ne cache pas les tensions qui 

traversent chacune de ces deux dispositions. Mais cette rapide introduction a en tout cas 

le mérite de poser le postulat auquel nous nous tiendrons tout au long de nos réflexions, 

soit l‘idée selon laquelle l‘Espace n‘est qu‘une dimension parmi d‘autres des relations 

internationales. Dès lors, nous soutenons qu‘il peut être abordé par les théories 

existantes en Relations internationales (RI) 33 . Pour nous, l‘Espace n‘offre qu‘une 

différence de degré, non de nature. 

Dans une perspective hypothético-déductive, nous chercherons à démontrer que 

l‘Espace, sous l‘apparence de « l‘état de coopération » et de « l‘apanage de 

30 Michael C. WILLIAMS, The Realist Tradition and the Limits of International Relations, Cambridge, 

Cambridge University Press, 2005, p. 129-145. 

31 Edward H. Carr, The Twenty Years’ Crisis, 1919–1939 (1946), cité dans Martin GRIFFITHS, Steven C. 

ROACH et M. Scott SOLOMON, Fifty Key Thinkers in International Relations, New York, Routledge, 2009, p. 

11. 

32 Hans J. MORGENTHAU, Politics Among Nations. The Struggle for Power and Peace (1948), New 

York, McGraw-Hill, 2006, p. 3. 

33 Nous pensons que les internationalistes ont énormément de choses à dire à propos des politiques 

spatiales, en tout cas autant que les autres disciplines généralement sollicitées. « Political scientists, 

historians, economists, lawyers, sociologists, philosophers and others have much to offer in terms of 

increasing our understanding of space policy », SADEH, « Introduction », in SADEH, op. cit., p. 15. 

Paradoxalement, il semblerait que seules les théories critiques partagent notre opinion, voir Natalie 

BORMANN et Michael SHEEHAN (eds.), Securing Outer Space, New York, Routledge, 2009 et Jutta 

WELDES (ed.), To Seek Out New World : Science Fiction and World Politics, New York, Palgrave 

Macmillan, 2003. 


15

l‘humanité », confirme la pertinence de la thèse réaliste selon laquelle les relations 

internationales se déroulent « à l‘ombre des batailles passées et dans la crainte ou 

l‘attente des batailles futures 34 ». Certes l‘Espace « propriété de tous » se classe parmi 

les biens communs. Mais, selon l‘angle sous lequel nous l‘abordons, nous pouvons aussi 

bien définir l‘Espace comme un bien de club, à la fois excludable et non-rival. En effet, 

très peu de pays maîtrisent pour le moment les techniques spatiales et peuvent avoir 

accès aux étoiles. D‘autant plus que les Etats-Unis, forts de leur position privilégiée, ont 

tout intérêt à faire perdurer cette situation… 

Ainsi, loin de nous en remettre à une seule lecture duale, dans l‘espoir de mieux 

saisir la structure globale de l‘Espace, ses enjeux et ses tensions, nous déciderons 

d‘adopter une triple grille d‘interprétation. Sur la base des travaux de Martin Wight 35 , le 

Réalisme, le Rationalisme et le Révolutionnisme, tels vont être pour nous les trois 

discours philosophiques applicables à l‘Espace, révélateurs potentiels d‘un triple horizon 

(Partie I). Il nous semblera alors possible de trouver un axe directeur donnant un sens à 

la politique spatiale américaine et expliquant son évolution depuis l‘apparition de 

Spoutnik dans le ciel étoilé. Un tel principe, nous pensons le trouver dans ce que Barry 

R. Posen appelle « la maîtrise des espaces communs 36 » et que nous traduirons par la 

notion de « space dominance ». Cette perspective hégémoniste, typique d‘une 

Realpolitik, voire d‘une Astropolitik 37 , sera le fruit d‘une double tradition américaine se 

concentrant autour de deux visions, l‘une libérale, l‘autre réaliste (Partie II). Trois 

discours, deux visions, une pratique : ainsi s‘articulera notre réflexion le long de cet 

exposé. 

34 Raymond ARON, Paix et guerre entre les nations (1962), Paris, Calmann-Lévy, 2004, p. 158. 

35 Martin WIGHT, International Theory. The Three Traditions, Leicester, Leicester University Press, 

1992. Martin Wight fut un membre éminent de l‘Ecole anglaise en RI. Son influence est toujours 

reconnue aujourd‘hui. Sur les trois traditions, voir Annexe 3. 

36 Barry R. POSEN, « La maîtrise des espaces, fondement de l‘hégémonie militaire des Etats-Unis », 

Politique étrangère, 1, 2003, p. 41-56. Cet article est une première version d‘une publication plus 

complète, parue quelques mois plus tard aux Etats-Unis : « Command of the Commons : The Military 

Foundations of U.S. Hegemony », International Security, 28 (1), été 2003, p. 5-46. Posen est professeur 

de Science Politique et directeur du programme d‘études de sécurité au Massachusetts Institute of 

Technology (MIT). 

37 DOLMAN, op. cit. 


16

1 ère Partie – Comment appréhender l’Espace en RI : de 

la compétition théorique… 

Il est incroyable combien de systèmes de morale et de politique ont été 

successivement trouvés, oubliés, retrouvés, oubliés encore pour reparaître un peu 

plus tard, toujours charmant ou surprenant le monde comme s'ils étaient 

nouveaux, et attestant l'ignorance des hommes, et non la fécondité de l'esprit 

humain. 

Tocqueville, Discours à l’Académie des Sciences morales et politiques, 1852 38 

Dans l‘Espace comme ici-bas, nous distinguons divers courants de pensée 

politique, dont les philosophies distinctes sont porteuses d‘implications opposées. En 

introduction, nous en avions présenté deux, s‘opposant l‘une à l‘autre selon les analyses 

qui en étaient faites. Nous gardons à l‘esprit cette présentation binaire, car lorsque nous 

levons les yeux vers le ciel, nous percevons bien deux tendances palpables, deux 

potentialités toujours présentes : harmonie contre discorde ou, traduits en termes 

spatiaux, « sanctuary » contre « starwars », « mer de paix » contre « théâtre de guerre ». 

Toutefois les tensions qui habitent chacune de ces deux approches nous font pencher en 

faveur d‘une interprétation à la fois subtile et plus complexe. Contrebalançant ce qui a 

été déjà dit, il existe aussi un relatif consensus autour de l‘adoption d‘un classement 

ternaire 39 . 

Martin Wight offre à ce sujet l‘exemple le plus parlant. Ainsi, dans son ouvrage 

posthume, justement intitulé International Theory. The Three Traditions, l‘auteur établit 

une distinction entre la tradition Réaliste, la tradition Rationaliste et la tradition 

Révolutionnaire 40 (les « trois R »), chacune étant définie selon une approche distincte 

des relations internationales, tant du point de vue de la nature de celles-ci, que par 

rapport aux conduites à adopter en leur sein. Car la théorie rejoint ici la pratique pour 

finalement en arriver à poser la question suivante : « what […] should the philosopher 

do, as he is caught in the middle of this virtual or real battlefield of the international 

environment ? 41 » La vérité est qu‘il entrevoit trois directions possibles, très différentes 

38 [en ligne] http://www.asmp.fr/travaux/solennelles/president/1852_tocqueville.pdf. Ce passage est cité 

en introduction à International Theory par WIGHT, op. cit., p. 5. 

39 Voir annexe 3. 

40 Afin de distinguer les courants philosophiques des approches théoriques, les premiers seront désignés 

par une majuscule, les secondes, par une minuscule. 

41 Pierre HASSNER, « Beyond the Three Traditions: The Philosophy of War and Peace in Historical 

Perspective », International Affairs, 70 (4), octobre 1994, p. 737-756. 


17

les unes des autres. 1) La première consiste à s‘asseoir, pour ainsi dire, au milieu de la 

bataille, afin non plus de penser à la paix, à la guerre ou à l‘idée que nous nous faisons 

d‘une bonne société, mais plutôt dans le but d‘observer le monde tel qu‘il est, ce qui 

revient à constater la réalité des luttes de puissances. 2) Une seconde solution peut 

chercher à embellir le champ de bataille, en espérant transformer la bataille elle-même 

en « a rite, a game or a sport, by submitting it to rules and to limits through law and 

through voluntary and reciprocal cooperation between states 42 ». 3) Enfin, une dernière 

possibilité existe. Le philosophe peut toujours s‘en remettre à ce « brave ami Robin 

Goodfellow, la vieille taupe qui sait si vite travailler sous la terre 43 », elle qui, incarnant 

l‘histoire, peut creuser un tunnel sous le champ de bataille, afin de dépasser les conflits 

entre les Etats, non en modifiant leur nombre ou même en changeant les règles, mais 

davantage « by shifting the ground of their rivalry through social, technological, cultural 

or even anthropological change 44 . » 

Ce philosophe prenant des décisions aussi cruciales, il a un nom. Ou plutôt des 

noms – selon le chemin qu‘il se décide à emprunter. Ces trois traditions philosophiques 

renvoient, en effet, à divers auteurs. Les Réalistes sont ainsi également appelés 

« Machiavéliens », soit, pour reprendre Hedley Bull, « the blood and iron and 

immorality men », les Rationalistes sont les « Grotiens », « the law and order and keep 

your word men », et les Révolutionnaires, enfin, sont quant à eux des « Kantiens », soit 

« the subversion and liberation and missionary men 45 ». Ainsi, les Machiavéliens, 

incluant les figures de Thucydide, Machiavel, Bodin, Hobbes, Hume, Frédéric le Grand, 

Clausewitz, Clemenceau, ou encore les Réalistes du XX e siècle que sont Edward Carr et 

Hans Morgenthau, voient les relations internationales sous la forme, pour revenir à 

Martin Wight, d‘une « international anarchy », c'est-à-dire la guerre de tous contre tous, 

ou au mieux, une relation conflictuelle entre Etats indépendants et souverains ne 

reconnaissant aucune autorité politique supérieure. Les Grotiens, parmi lesquels nous 

retrouvons Grotius, Locke, Montesquieu, Bentham, Burke, Stuart Mill, Castlereagh, 

Gladstone, Franklin Roosevelt ou encore Churchill, décrivent notre monde sous la forme 

d‘un « international intercourse » entre Etats souverains dont les relations sont 

institutionnalisées, continues et organisées, soumises certes au conflit, mais aussi et 

42 

Ibid. 

43 

Cité dans Karl MARX, Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1853), Paris, GF Flammarion, 2007, p. 

187 n. 326. 

44 

HASSNER, art. cité. 


18

surtout à la coopération. Les Kantiens s‘opposent aux deux précédents groupes. Pour 

eux, ces derniers ne font que s‘intéresser à la superstructure des relations 

internationales, soit les Etats, alors qu‘il faudrait au contraire appréhender les êtres 

humains directement – ce que font les partisans de la Réforme et de la Contre-Réforme, 

les Jacobins, Kant, les marxistes et les anarchistes, pour ne citer qu‘eux. Cette vision 

dessine donc une réalité distincte, organisée autour d‘une « society of states, or family 

of nations », qui existe en puissance si ce n‘est en acte autour de certaines obligations 

éthiques, psychologiques voire légales, si ce n‘est politiques 46 . 

Ces « trois R » peuvent toutefois être appréhendés différemment, et cela en 

prenant pour référence la structure anarchique des relations internationales, soit 

l‘absence d‘autorité centrale au-dessus des unités politiques ; car comme le souligne 

Dario Battistella : « ce n‘est pas tellement l‘affirmation de l‘existence de l‘anarchie 

internationale qui fait la spécificité de la tradition réaliste, mais la conception que les 

réalistes se font de cette anarchie, eu égard à la conception qu‘ont de cette même 

anarchie les autres traditions 47 ». C‘est en effet autour des interprétations qui en sont 

données que se distinguent les différents courants des Relations internationales. 1) Pour 

les réalistes, l‘anarchie devient dans ces conditions une donnée constante, « une 

structure déterminant objectivement le comportement des Etats ». Dans cette logique, la 

vision projetée là-haut ne serait aucunement différente de la réalité bassement terrestre, 

à savoir un état de guerre permanent structurant le comportement des Etats. 2) La 

tradition libérale voit au contraire l‘anarchie comme une variable évolutive, « le produit 

des préférences subjectives des sociétés civiles ». Celles-ci ne sont pas univoques, mais 

nous devinerions que cela laisserait plus de place à la coopération qu‘au conflit même si 

celui-ci persisterait. 3) Enfin, la tradition globaliste perçoit l‘anarchie comme un 

moment dialectique, « une étape historique dans le processus d‘émergence d‘une 

communauté mondiale 48 ». Dans cette perspective, l‘Espace deviendrait, ici, le lieu 

ultime par définition, dont la fonction serait de réconcilier l‘espèce humaine avec elle- 

même : via l‘Espace, l‘humanité atteindrait un niveau supérieur dans son évolution, non 

seulement en devenant un tout homogène, mais aussi en participant à une colonisation 

spatiale fondatrice. 

45 Hedley BULL, « Martin Wight and the Theory of International Relations: The Second Martin Wight 

Memorial Lecture », International Studies, 2, 1976, p. 101-116. 

46 WIGHT, op. cit., p. 7-8. 

47 BATTISTELLA, Théories des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2006, p. 51-52. 

48 Ibid., p. 54 


19

Malgré leurs caractères artificiel, simplificateur et codificateur, nous devons 

remarquer combien ces trois catégories sont importantes et toujours d‘actualité 49 . Ce que 

Tocqueville nous dit, nous le retrouvons à l‘œuvre chez la plupart des théoriciens actuels 

de la discipline des Relations internationales qui s‘inscrivent bel et bien dans la 

continuité des courants philosophiques plus anciens 50 . Les différentes traditions existent 

donc toujours. Y compris dans le monde de l‘après Guerre froide et de l‘après 11- 

septembre, le champ disciplinaire n‘a guère changé et reste divisé en trois catégories : 

les Réalistes, de même que les Rationalistes sont toujours là, et les Révolutionnistes qui 

« ont successivement inspiré les transnationalistes et les marxistes dans un premier 

temps, et certains post-positivistes et certains constructivistes de nos jours 51 » font 

toujours parler d‘eux. C‘est du moins l‘analyse que nous pouvons faire au vu de 

l‘évolution récente des théories des relations internationales 52 . 

Dans ces conditions, n‘est-il pas légitime de tenter d‘appliquer ces trois traditions 

philosophiques concurrentes à notre objet ? Comment ces approches nous permettent- 

elles d‘aborder l‘Espace ? Pouvons-nous privilégier l‘apport donné par l‘une au 

détriment des autres ? Autant de questions qui seront désormais les nôtres 53 . Nous 

étudierons donc les traditions Réaliste (section 1), Rationaliste (section 2) et 

Révolutionnaire (section 3) à la faveur des écoles théoriques et paradigmes s‘inscrivant 

en leur sein et que nous percevons comme représentatifs, tout en cherchant de manière 

inductive à leur appliquer certaines problématiques liées à l‘Espace. 

49 Steve Smith parle à leur propos de l‘une des dix plus influentes « self-images » de la discipline n‘ayant 

jamais été pensées au XX e siècle, cité dans GRIFFITHS, ROACH et SOLOMON, Fifty Key Thinkers in 

International Relations, op. cit., p. 244. 

50 Ainsi, Robert Gilpin voit dans le réalisme « a philosophical disposition », « The Richness of the 

Tradition of Political Realism », International Organization, 38, (2), printemps 1984, p. 287-304, de 

même, le libéral Stanley Hoffmann prétend que le libéralisme international est à peine plus qu‘une 

« projection of domestic liberalism on a world scale », « The Crisis of Liberal Internationalism », 

Foreign Policy, 98, Printemps 1995, p. 159-177, de même encore le constructiviste Alexander Wendt 

dont l‘ouvrage « is written from a philosopher's point of view », Social Theory of International Politics, 

Cambridge, Cambridge University Press, 1999, p. 32. 

51 BATTISTELLA, op. cit., p. 70. 

52 « The study of international affairs is best understood as a protracted competition between the realist, 

liberal, and radical traditions », Stephen WALT, « International relations: One world, many theories », 

Foreign Policy, 110, printemps 1998, p. 29-46. « [N]one of the three theoretical traditions has a strong 

ability to explain change », pour autant, les catégories ont tendance à rester les mêmes, Jack SNYDER, 

« World, Rival Theories », Foreign Policy, 145, novembre-décembre 2004, p. 52-62. Mais Michael W. 

Doyle, quant à lui, prétend que « there is no reason other than either convention or convenience to stop at 

three », Ways of War and Peace : Realism, Liberalism, and Socialism, New York, W. W. Norton & 

Company, 1997, p. 36. 

53 Notre projet n‘est guère différent de celui que Graham Allison a conduit vis-à-vis de la crise des 

missiles de Cuba en 1962. Tant du point de vue de la forme que du fond, nous aussi essayons de voir 

notre objet à travers trois « lentilles » présentées d‘abord de manière théorique, puis de manière pratique. 

Graham ALLISON et Philip ZELIKOW, Essence of Decision : Explaining the Cuban Missile Crisis, 

New York, Longman, 1999. 


20

1. La tradition Réaliste : l’Espace comme champ de 

bataille 

Si nous nous fions à l‘histoire de la pensée internationale, l‘approche 

machiavélienne apparaît comme la première, de même que certainement la plus 

représentée étant donné le nombre d‘auteurs qui se réclament d‘elle. Parmi les plus 

importants, sont ainsi associés à cette longue tradition, Thucydide, Hobbes, Rousseau 

mais aussi Clausewitz et bien évidemment Machiavel. A cela, il faut encore ajouter que 

depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, le réalisme domine la discipline des RI. 

Certains mettent l‘accent sur la « richesse 54 » du réalisme pour expliquer ce succès. 

D‘autres encore parlent de « sagesse 55 ». La plupart s‘essayent en tout cas à mettre en 

avant les éléments récurrents qui constituent sa force et son originalité 56 . 

Laissons-nous donc guider par la présentation qu‘en fait Dario Battistella 57 . Il 

existe quatre propositions principales, de même que quatre propositions secondaires du 

réalisme : 1) l‘état d‘anarchie des relations internationales est synonyme d‘état de guerre 

; 2) les acteurs principaux des relations internationales sont les groupes de conflit, 

principalement, depuis les Traités de Westphalie, les Etats-nations organisés 

territorialement ; 3) les Etats-nations sont des acteurs rationnels cherchant à maximiser 

leur intérêt national défini en termes de puissance ; 4) l‘équilibre des puissances est le 

seul mode de régulation susceptible d‘assurer une stabilité et un ordre internationaux 

précaires. En découlent quatre idées secondaires : 1‘) le recours à la guerre est un moyen 

légitime de la politique extérieure, qui ne peut pas être jugée selon les critères éthiques 

applicables aux comportements des individus ; 2‘) les organisations interétatiques et les 

entités non étatiques ne sont pas des acteurs autonomes ; 3‘) la politique extérieure, 

synonyme de high politics, prime sur la politique intérieure, présentée comme de la low 

politics, 4‘) l‘existence et l‘effectivité du droit international et des institutions de 

54 GILPIN, art. cité. 

55 Barry BUZAN, « The Timeless Wisdom of Realism », in Steve SMITH, Ken BOOTH et Marysia 

ZALEWSKI, International Theory: Positivism and Beyond, Cambridge, Cambridge University Press, 

1996, p. 47-65. 

56 Cela n‘empêche pas les critiques. En témoignent les propos de Michael C. Williams : « [t]he claim that 

there exists an identifiable "Realist tradition" stretching across the ages and illustratin g the "timeless 

wisdom" of a vision of world politics international anarchy is one of the central aspects of International 

Relations theory. Renditions of this tale pervade the study of International Relations, informing 

everything from standard introductions to Realism for new students of the subject, to sophisticated 

scholarly and popular discussions of theoretical alternatives currently on offer », The Realist Tradition 

and the Limits of International Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 2-3. Bien 

que nous-mêmes puissions prêter le flanc à de telles accusations, nous croyons qu‘une telle approche 

reste sensée étant donné le projet que nous nous sommes donné. Mais cela ne nous empêchera pas de 

rester nuancé et attentif. 

57 BATTISTELLA, op. cit., p. 113-115. 


21

coopération dépendent de leur conformité aux intérêts des Etats les plus puissants. 

Autant d‘éléments constitutifs d‘une tradition 58 . 

Cette tradition est toutefois diverse : plusieurs écoles existent, la distinction se 

faisant alors selon leur attachement au « noyau central » (la façon de décliner les 

postulats), et fonction du courant dans lesquelles elles décident de s‘inscrire 

(l‘orientation paradigmatique) 59 . Un dualisme, notamment, opposant Hobbes et 

Rousseau et porté par des présupposés divergents, reste aujourd‘hui encore porteur de 

sens. Au sein du réalisme, nous distinguons ainsi une tension entre une variante 

défensive et une autre plus offensive 60 . C‘est autour de cet axe que prendra corps notre 

discussion de la tradition Réaliste. Nous analyserons ainsi ces deux structuro-réalismes 

que sont le réalisme offensif (1) et le réalisme défensif (3), auxquels nous joindrons une 

réflexion sur le réalisme classique (2). 

1.1. La tragédie des grandes puissances et l’Espace 

Celui qui renouvelle aujourd‘hui la variante offensive de la tradition réaliste est 

John J. Mearsheimer 61 . Celui-ci, dans son ouvrage de 2001, The Tragedy of Great Power 

Politics, opère en effet un certain retour à la philosophie de Hobbes, tant vis-à-vis des 

effets structurels liés à l‘anarchie, qu‘en relation avec les conclusions pessimistes 

portées, pour une grande part, par la thèse anthropologique extrême de l‘Anglais alors 

témoin de la guerre civile dans son pays 62 . 

58 Cette présentation n‘est pas tant une définition au sens strict, qu‘une photographie de famille. Il est, en 

effet, très difficile d‘établir un consensus autour des propositions sur lesquelles tous les réalistes 

pourraient s‘entendre. Plus généralement, nous pouvons diviser les tentatives de définir les concepts 

fondamentaux du réalisme entre celles offrant une interprétation minimaliste et celles proposant une 

vision plus étendue, parmi lesquelles celle de Dario Battistella, Alex MACLEOD, « Le réalisme 

classique », in Alex MACLEOD et Dan O‘MEARA (dir.), Théories des relations internationales : 

Contestations et résistances, Outremont, Athéna éditions, 2007, op. cit., p. 40. Parmi les auteurs les plus 

importants, nous pouvons aussi citer Hans Morgenthau et ses six principes de politiques internationales, 

op. cit., p. 4-10, Kenneth Waltz et ses quatre éléments de Realpolitik, Theory of International Politics, 

Reading, Addison-Wesley Pub. Co, 1979, p. 117, ou encore Robert Gilpin et ses trois postulats, « The 

Richness of the Tradition of Political Realism », art. cité., p. 7-8. Pour un échantillon des diverses 

versions des principes fondamentaux, voir plus généralement le tableau proposé par Jack DONNELY, 

Realism and International Relations, Cambridge, Cambridge University Press, 2005, p. 7-8, voir 

également MACLEOD, « Le réalisme classique », op. cit., p. 40-41. En tout cas, la plupart des 

commentateurs s‘accordent à dire que le style intellectuel du réalisme est sans ambiguïté. Car il est du 

réalisme, comme de la pornographie, « we may not be able to define it, but we know it when we see it », 

DONNELY, op. cit., p. 9. 

59 Ibid., p. 9-31. 

60 Martin Wight décrit deux subdivisions au sein de la tradition machiavélienne, la première qu‘il tradu it 

par le terme « aggressive », la seconde qu‘il juge « defensive », International Theory, op. cit., p. 158- 

162. Il oppose également le pessimisme de Hobbes à l‘optimisme (certes paradoxal) de Rousseau, p. 25 - 

29. Voir Annexe 3. 

61 « My theory, which I label "offensive realism", is essentially realist in nature », John J. 

MEARSHEIMER, The Tragedy of Great Power Politics, New York, W. W. Norton & Company, 2001, p. 

xii. 

62 Cette lignée n‘est pas revendiquée par l‘auteur. C‘est nous qui identifions cette filiatio n. 


22

1.1.1. De la théorie réaliste offensive… 

Cinq prémisses 63 , ou « bedrocks assumptions », forment la base théorique du 

monde réaliste tel que l‘entend Mearsheimer. 

L‘accent mis sur le principe de survie est d‘inspiration waltzienne en ce qu‘il 

montre la contrainte que joue la structure anarchique sur la politique internationale. 

Mais si le point de départ est structurel, le point d‘arrivée rappelle davantage 

Morgenthau puisque Mearsheimer conclut sur trois prémisses secondaires, à savoir : 1‘) 

la crainte, caractéristique de cet état d‘anarchie et qui provoque la suspicion entre Etats, 

2‘) créant en réaction, en l‘absence d‘un « 911 », le « chacun pour soi », 3‘) et, 

finalement, non pas l‘optimisation, mais la maximisation de la puissance relative comme 

la meilleure stratégie permettant de dominer autrui 64 . Pour l‘auteur, en effet, le but de 

toute puissance est de devenir « the most powerful state in the system », autrement dit, 

« the ideal situation is to be the hegemon in the system », car alors, « survival would 

[…] be almost guaranteed 65 ». Or ce « presque » est ici primordial. L‘argument est 

empirique 66 . Selon Mearsheimer, « the principal impediment to world domination is the 

difficulty of projecting power across the world‘s oceans onto the territory of a rival great 

power 67 ». Ce que l‘auteur appelle par la suite le « stopping power of water » empêche 

ainsi tout hegemon de dominer le monde, et le contraint au contraire à n‘exercer son 

63 Ces cinq postulats sont censés incarner cet héritage dont nous parlions ci-dessus : 1) La politique 

internationale est définie par l‘anarchie, au sens où il n‘y a aucune autorité centrale régulatrice au -dessus 

des Etats. 2) Les grandes puissances possèdent une capacité militaire offensive. 3) Chaque Etat vit dans 

l‘incertitude : il ne peut jamais être certain des intentions des autres puissances à son égard. 4) Les Etats 

cherchent d‘abord à survivre, soit a minima maintenir leur intégrité territoriale et leur autonomie 

politique interne, préalable logique leur permettant d‘assurer dans un second temps la poursuite de 

motivations d‘ordre plus secondaire. 5) Enfin, les Etats agissent selon une rationalité instrumentale, 

ibid., p. 30-31. 

64 « As with defensive realism, my theory sees great powers as concerned mainly with figuring out how 

to survive in a world where there is no agency to protect them from each other; they quickly realize that 

power is the key to their survival. Offensive realism parts company with defensive realism over the 

question of how much power states want. [… However] [g]reat powers behave aggressively not because 

they want to or because they possess some inner drive to dominate, but because they have to seek more 

power if they want to maximize their odds of survival », ibid., p. 21. Les apports des deux auteurs dont 

John Mearsheimer se réclame sont ici clairement exprimés. Mearsheimer rejette l‘animus dominandi cher 

à Morgenthau au bénéfice de la contrainte exercée par la structure anarchique, mais il s‘approprie 

également l‘idée que les Etats sont guidés par le désir de maximiser leur puissance au détriment de la 

recherche d‘une sécurité optimale que Waltz défendait, ibid., p. 22. 

65 Ibid., p. 33-34. C‘est nous qui soulignons. 

66 Mearsheimer parle aussi d‘un argument logique : dans un système supposé anarchique – c'est-à-dire 

non-hiérarchique – l‘hégémonie pratiquée par la plus grande puissance ne peut être que régionale et non 

globale. Dans le contexte actuel alors que l‘anarchie semble avoir encore de beaux jours devant elle, le 

réalisme reste d‘actualité, ibid., p. xii. 

67 Ibid., p. 41. L‘auteur s‘inspire explicitement de la géopolitique. Toutefois, contrairement à Alfred 

Mahan, Mearsheimer ne fait pas des océans les fondations d‘une puissance navale indépendante qui 

permettrait aux grandes puissances maritimes de dominer le monde. Ce qu‘il cherche à souligner, c‘est 

plutôt l‘importance déterminante de la conquête territoriale et de la composante terrestre des forces 

armées (« the primacy of Land power ») dans la course à l‘hégémonie, ibid., p. 83-137. Il se rapproche 

peut-être davantage des analyses de Halford Mackinder et Nicholas Spykman, voire aujourd‘hui 


23

autorité que sur une zone géographique plus restreinte qui constitue alors sa chasse 

gardée – à l‘image de l‘hegemon régional américain, centré sur l‘hémisphère occidental 

des Amériques 68 . L‘hegemon régional n‘est toutefois pas à l‘abri d‘une tentative de 

déstabilisation provoquée par un ennemi situé par delà les mers. Toujours désireux 

d‘assurer sa sécurité, cette deuxième raison pousse alors l‘hegemon régional à empêcher 

l‘émergence de tout rival potentiel (peer competitor), ce qui l‘amène à adopter tant une 

stratégie d‘offshore balancer vis-à-vis des autres continents qu‘il ne peut dominer mais 

dont il cherche à assurer la stabilité, qu‘une politique authentiquement révisionniste le 

conduisant à pousser son avantage partout là où la possibilité existe 69 . 

Cette thèse est pour le moins originale. Toutefois, en décidant d‘en appeler 

explicitement aux facteurs géopolitiques pour montrer que le seul hegemon susceptible 

de voir le jour est l‘hegemon régional, tout en nuançant ces mêmes facteurs pour 

expliquer l‘engagement de l‘hegemon vis-à-vis des autres régions du globe, l‘auteur est 

coupable d‘une certaine inconséquence 70 . Il fait surtout apparaître une nouvelle division 

au sein même du réalisme offensif. Tel est du moins l‘avis de Christopher Layne dont la 

dénonciation ne fait que déporter un peu plus la ligne de démarcation entre les variantes 

offensive et défensive du réalisme : 

By ruling out the possibility of global hegemony, Mearsheimer transforms 

offensive realism into diet offensive realism. Robust offensive realism, on the 

other hand, follows the theory to its logical conclusion: for a great power, "being 

all that you can be" means thrusting for global primacy. Diet offensive realism 

Zbigniew Brzezinski et Henry Kissinger. L‘influence est également stratégique en lien avec le principe 

de la projection des forces : plus un Etat se projette loin, moins ses forces militaires auront d‘impact. 

68 Si Mearsheimer soutient que « [e]very great power would like to dominate the world but none has ever 

had or is likely to have the military capability to become a global hegemon », ibid., p. 236, il note aussi 

que les Etats-Unis sont le seul hegemon régional que l‘histoire internationale ait jamais connu, ibid., p. 

41. Ainsi, pour lui, « l‘hégémonie » qui sert parfois à qualifier l‘empire Britannique au XIX e siècle n‘est 

pas rigoureuse, ibid., p. 40. 

69 Ibid., p. 236-237. La préférence de l‘hegemon va aux stratégies les moins coûteuses : de celles 

consistant à accroître sa puissance au détriment des autres tout en s‘engageant le moins possible 

(chantage, « bait and bleed » voire dans le meilleur des cas, « bloodletting » consistant à laisser les 

rivaux se « saigner à blanc », ibid., p.152-154) à celles cherchant à empêcher les autres de gagner de la 

puissance à ses dépens, certes parfois sans vouloir en supporter les coûts (telle est la stratégie de 

passager clandestin du « buck-passing », que nous pouvons traduire par « jeu de la patate chaude », et 

qui est une alternative à l‘équilibrage plus classique – le choix dépend de la structure et la géographie, 

ibid., p. 155-162, p. 267 et suiv.). Nous en revenons au postulat de la rationalité : « [i]n short, great 

powers are not mindless aggressors so bent on gaining powers that they charge headlong into losing wars 

or pursue Pyrrhic victories », ibid., p. 37, au contraire, « a sophisticated power maximizer reaches 

regional hegemony by using a combination of brains and brawn », Colin ELMAN, « Realism », in Martin 

GRIFFITHS (ed.), International Relations Theory for the Twenty-First Century, New York, Routledge, 

2007, p. 19. 

70 Voir BATTISTELLA, op. cit., p. 145-146. Voir aussi Christopher LAYNE, « The "Poster Child for 

offensive realism": America as a global hegemon », Security Studies, 12 (2), hiver 2002-2003, p. 120- 

164, Brian C. SCHMIDT, « Realism as Tragedy », Review of International Studies, 30 (3), juillet 2004, 


24

and robust offensive realism part company on the question of whether great 

powers "max out" when they attain primacy, or take it to the next level and seek 

global dominance 71 . 

Nous pouvons donc être plus mearsheimien que Mearsheimer lui-même en 

conduisant jusqu‘au bout son raisonnement réaliste offensif. 

1.1.2. … à la poursuite de l’hégémonie dans l’Espace 

L‘Espace nous semble fournir à ce propos un excellent exemple. En effet, si nous 

gardons à l‘esprit la définition que Mearsheimer donne de l‘hégémonie – c'est-à-dire 

matérialiste, donc militaire – nous retrouvons des éléments propres à la politique 

spatiale américaine que nous qualifierons alors d‘hégémoniste 72 . 

Néanmoins, au niveau de la politique internationale, en ouvrant la boîte de 

Pandore de la géopolitique, Mearsheimer nous donne aussi le moyen de remettre en 

question sa prise de position vis-à-vis de l‘hegemon global, tant en relation avec le 

supposé pouvoir paralysant des eaux 73 que, pour ce qui nous concerne, en fonction de 

l‘espace extra-atmosphérique, certes technologiquement encore immature, mais aussi sur 

le point d‘amener de profonds changements. Il est techniquement plus facile de nier 

l‘accès à l‘Espace que d‘obtenir aujourd‘hui la maîtrise des océans. Le modèle 

astropolitique que fournit Everett Dolman en témoigne tout particulièrement. 

L‘Espace offre en effet des caractéristiques telles qu‘il est possible tant de prévoir une 

trajectoire de sortie de l‘atmosphère depuis des bases de lancement fixes (orbite de 

transfert de Hohmann) que d‘anticiper le passage de satellites dans l‘Espace proche 

(prévisibilité et inflexibilité), que de contrôler une partie de l‘Univers à la façon des 

goulets d‘étranglement décrits par Alfred Thayer Mahan au XIX e siècle (points de 

p. 427-441, et Glenn H. SNYDER, « Mearsheimer's World-Offensive Realism and the Struggle for 

Security: A Review Essay », International Security, 27 (1), été 2002, p. 149-173. 

71 LAYNE, art. cité. 

72 John Mearsheimer affirme que sa théorie du réalisme offensif peut servir tant aux analyses de politique 

étrangère liée à un Etat pris individuellement, qu‘à la politique internationale au niveau du système, op. 

cit., p. 422, n. 60. Sur ce point, voir Partie II. 

73 Measheimer note notamment que « [w]ater‘s stopping power would have little effect on the distant 

hegemon‘s power-projection capability, because it would not have to launch an amphibious attack across 

the sea, but could instead transport troops and supplies across the water to the friendly territory of its ally 

in the rival hegemon‘s backyard », ibid., p. 142, mais oublie d‘appliquer cet exemple aux Etats-Unis 

(pourtant la figure emblématique du réalisme offensif). Pour Layne, à l‘opposé, l‘hegemon américain, 

compte tenu de sa position géographique insulaire, est certainement le mieux doté, qu‘il s‘agisse de 

mener des opérations amphibies en dehors de sa sphère d‘influence régionale (capacité), et/ou d‘atteindre 

le Saint-Graal des grandes puissances (but), soit l‘hégémonie globale. Tout en restant dans le cadre du 

réalisme offensif, nous pouvons donc affirmer que « regional hegemons cannot be status quo powers », 

art. cité. 


25

Lagrange) 74 . En s‘assurant la suprématie spatiale, l‘hegemon terrestre, qu‘il soit régional 

ou global, gagnerait par définition en puissance et en atouts. 

La conquête de l‘Espace participe en effet de la recherche de l‘arme ultime 

censée rendre obsolète la bombe nucléaire et qui va certainement s‘avérer être l‘enjeu 

décisif du XXI e siècle. Si l‘Espace incarne l‘alternative la plus prometteuse, c‘est parce 

que, selon Everett Dolman, quiconque domine l‘orbite terrestre basse domine le monde. 

En ayant la capacité de supprimer les capacités de seconde frappe de ses adversaires, la 

puissance spatiale dominante pourrait renverser l‘actuelle donne nucléaire 75 . Or pour 

Mearsheimer, « in the unlikely event that a single great power achieves nuclear 

superiority, it becomes a hegemon, which effectively means that it has no great-power 

rivals with which to compete for security 76 ». Dès lors, sur la base de cette 

argumentation, tant un monopole qu‘une supériorité spatiale mettrait la puissance 

utilisatrice à l‘abri de n‘importe quels rivaux du fait de la nouvelle dissuasion qui serait 

créée. Dominer l‘Espace constituerait alors le premier pas vers l‘hégémonie globale, si 

ce n‘est en mettant un terme à l‘opposition entre conquête et coercition 77 , au moins, en 

lui permettant d‘utiliser unilatéralement sa nouvelle puissance mortelle et inégalée au 

service d‘objectifs militaires. 

N‘en demeure pas moins que Mearsheimer nous offre ici une image 

particulièrement pessimiste des relations internationales. La tragédie est-elle inscrite à 

l‘encre indélébile 78 ? Est-elle la seule perspective envisageable au sein de la tradition 

réaliste ? 

1.2. Le Réalisme Complexe : de l’Homme, des Etats et de 

l’Espace 

La tradition réaliste offre un visage plus contrasté. C‘est notamment le cas 

lorsque nous nous intéressons au réalisme dit « classique », que nous choisirons 

74 DOLMAN, op. cit., p. 52-74. Voir Annexe 1. 

75 Sur les armes spatiales, voir Annexe 6. 

76 MEASHEIMER, op. cit., p. 129. 

77 Mearsheimer soutient que les composantes navales et aériennes des forces militaires ne peuvent avoir 

qu‘un rôle auxiliaire lors d‘une guerre. Seules comptent les forces armées terrestres dont l‘importance est 

décisive pour conquérir et contrôler un territoire, l‘objectif politique suprême dans un monde (réaliste 

offensif) constitué d‘Etats organisés territorialement, ibid., p. 85-87. 

78 Outre John Mearsheimer qui en fait le thème central de son ouvrage ; nous pouvons citer Richard Ned 

LEBOW, The Tragic Vision of Politics. Ethics, interests and orders, Cambridge, Cambridge University 

Press, 2003, qui fait justement de la redécouverte des auteurs classiques (Thucydide, Clausewitz et 

Morgenthau) un préalable à toute analyse de la politique étrangère américaine (notamment sa tendance à 

l‘hubris) voire une nouvelle façon d‘interpréter les relations internationales. 


26

d‘étudier au travers du Réalisme Complexe au sens de Michael Doyle 79 . En 

l‘occurrence, il peut même illustrer une dualité classique opposant l‘école de la tragédie 

(tragedy), mettant l‘accent sur la distribution de la puissance entre les Etats, soit la 

structure internationale 80 , à la tradition du mal (evil) concentrant son attention sur les 

acteurs et les unités du système 81 . 

1.2.1. Un réalisme complexe… 

Cette dernière, dite approche de la « pomme pourrie », est l‘héritière d‘une 

longue tradition – qu‘il faille citer Saint-Augustin, Spinoza ou Malthus, soit ceux que 

Kenneth Waltz appelle les « first-image pessimists 82 . » 

Hans Morgenthau n‘y échappe pas, lui qui rappelle que « political realism 

believes that politics, like society in general, is governed by objective laws that have 

their roots in human nature 83 ». Le will to power de l‘homme, conséquence d‘une 

« nature » que nous ne pouvons pas fuir, devient toutefois dans son esprit un élément 

déterminant de l‘ensemble des associations dans lesquelles s‘agrègent les êtres humains. 

79 Comme le rappelle Jack Donnely, op. cit., p. 11, le réalisme classique est une catégorie résiduelle 

rassemblant les auteurs qui ne sont pas des néoréalistes. Cette approche peut convenir à la présentation 

que nous faisons de la tradition réaliste, puisque nous avons choisi de commencer par le réalisme 

offensif et de finir par le réalisme défensif. Notre volonté, toutefois, est de traiter d‘une catégorie 

substantielle existant à part entière. En outre, en rejetant ce label, nous essayons d‘opter pour une 

désignation plus large : le réalisme classique est en effet souvent identifié au réalisme biologique centré 

sur la nature humaine. Le Réalisme Complexe que nous offre Michael W. Doyle répond plus 

efficacement à ces deux attentes. L‘analyse délivrée par Thucydide s‘avère en effet suffisamment riche et 

subtile pour intégrer une vision à la fois souple et continue du réalisme. Thucydide offre ainsi un 

héritage que se partagent tant le réalisme fondamentaliste (Machiavel), que le réalisme structuraliste 

(Hobbes) et le réalisme constitutionnaliste (Rousseau), Ways of War and Peace, op. cit., p. 41-48. 

80 Cette tradition remonte aux grandes tragédies grecques et garde donc les mêmes caractéristiques 

transposées dans la logique propre aux Relations internationales. Celle-ci évoque dès lors les dangers liés 

aux conséquences de l‘anarchie, mais aussi l‘importance des effets émergents, ces conséquences 

inattendues sur lesquelles les hommes n‘ont aucun contrôle (le dilemme de sécurité en est un bon 

exemple). Plus largement, voir LEBOW, op. cit. 

81 Cette distinction entre ces deux écoles, soit les relations internationales vues comme « tragedy » (et 

hantées par ces « hysterical Caesar ») ou vues comme « evil » (et soumises à ces « mad Caesar »), est 

attribuée à Arnold Wolfers, Discord and Collaboration : Essays on International Politics, Baltimore, 

Johns Hopkins University Press, 1962, p. 83-84. Voir aussi Michael SPIRTAS, « A house divided : 

Tragedy and evil in realist theory », Security Studies, 5 (3), 1996, p. 385-423 et Karen RASLER et 

William R. THOMPSON, « Malign Autocracies and Major Power Warfare: Evil, Tragedy, and 

International Relations Theory », Security Studies, 10 (3), 2001, p. 46-79. Plus largement, elle participe 

aux réflexions sur les différents niveaux d‘analyse en Relations internationales. Nous y trouvons aussi 

les trois images de Kenneth N. WALTZ, Man, the State, and War. A Theoretical Analysis, New York, 

Columbia University Press, 2001, sur lesquelles est fondée l‘analyse du Réalisme Complexe étudié par 

Doyle, op. cit., p. 28-30. 

82 « According to the first image of international relations, the locus of the important causes of war is 

found in the nature and behavior of man. Wars result from selfishness, from misdirected aggressive 

impulses, from stupidity… », WALTZ, op. cit., p. 16. Cette idée-là n‘est pas étrangère au constat selon 

lequel la grande majorité des sociétés humaines à travers l‘histoire a connu la guerre : selon le Human 

Relations Area Files, sur 360 cultures recensées, elles seraient 90% à avoir connu la guerre, cité par 

Bruno Tertrais, La Guerre, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, p. 21. De notre point de vue 

d‘internationaliste, Reinhold Niebuhr est certainement la référence. Son ouvrage de 1932, Moral Man 

and Immoral Society, en fait, selon George Kennan, « le père de tous les réalistes américains », cité par 

BATTISTELLA, op. cit., p. 117. 

83 MORGENTHAU, op. cit., p. 4. 


27

L‘Etat-nation, le « dieu mortel » dont parlait Hobbes, va ainsi exporter cet animus 

dominandi sur la scène internationale et agir de manière décuplée vis-à-vis des autres 

unités du système en se comportant à la manière de l‘homme de l‘état de nature poussé 

par l‘instinct de vie, de reproduction et de domination 84 . En politique étrangère, un Etat 

ne connaît dès lors que le « concept of interest defined in terms of power 85 ». Ce faisant, 

bien que reproduisant avec succès l‘analogie entre l‘individu et l‘Etat, Morgenthau est 

toutefois coupable. Son analyse se trouve en effet enfermée dans son anthropologie. 

Celle-ci est trop restrictive pour correctement percevoir que la nature humaine, 

hautement plus complexe 86 , ne peut être autre chose qu‘une variable, et non une donnée 

fixée pour l‘éternité 87 . 

Il est difficile de faire mieux que les philosophes classiques lorsqu‘il s‘agit de 

traduire de manière exhaustive l‘ensemble des motivations touchant au cœur humain ou 

aux Etats. Comme le rappelle Jack Donnely, certes l‘accent est mis sur la rivalité et la 

méfiance, mais dans quelle case faire alors entrer l‘honneur, le prestige et la gloire 88 ? 

Car tel est le véritable héritage de Thucydide, ce dernier ayant en effet mis ces mots 

dans la bouche des représentants athéniens envoyés à Sparte afin de justifier l‘empire à 

la tête duquel se trouvait leur cité : « Notre conduite n‘a […] rien qui puisse surprendre, 

rien qui ne soit dans l‘ordre des choses humaines. Nous avons accepté un empire qu‘on 

nous offrait et nous n‘avons pas permis qu‘il se défît, car les motifs les plus impérieux, 

c'est-à-dire l‘honneur, la crainte et l‘intérêt, nous en ôtaient toute possibilité 89 » (I.76). 

Mais Hobbes lui-même, dans son Léviathan, ne dit pas autre chose : « […] on trouve 

dans la nature humaine trois causes principales de conflit : premièrement, la 

compétition ; deuxièmement, la défiance ; troisièmement, la gloire 90 ». Enfin Machiavel 

parle de ces hommes conduits par « les honneurs et la richesse 91 » tout en reconnaissant 

84 

Ce faisant, il est membre à part entière de l‘école de « la pomme pourrie » telle que définie a 

posteriori par Arnold Wolfers : « […] human nature is such that men, as individuals and as nations, act 

like beasts of prey, driven by an insatiable lust for power or animus dominandi. Their will to power, 

moreover, when transferred from small and frustrated individuals to the collectivity of the state, takes on 

greater dimensions and generates an all-round struggle for survival », op. cit., p. 84. 

85 

MORGENTHAU, op. cit., p. 5. 

86 

« Human nature is so complex that it can justify every hypothesis we may entertain », WALTZ, op. 

cit., p. 40. 

87 

Selon Morgenthau, la nature humaine est en effet constante et facilement saisissable. « Human nature, 

in which the laws of politics have their roots, has not changed since the classical philosophers of China, 

India, and Greece endeavored to discover these laws », op. cit., p. 4. 

88 

DONNELY, op. cit., p. 65. Cette lacune est constatée et deplorée par d‘autres, voir Daniel MARKEY, 

« Prestige and the origins of war : Returning to realism‘s roots », Security Studies, 8 (4), p. 126-172. 

89 

THUCYDIDE, La Guerre du Péloponnèse (411 av. J.-C.), Paris, Gallimard, 2007, p. 83. 

90 

Thomas HOBBES, Léviathan ou Matière, forme et puissance de l’Etat chrétien et civil (1751), Paris, 

Gallimard, 2000, p. 224. 

91 

MACHIAVEL, op. cit., p. 173. 


28

que « il est beaucoup plus sûr de se faire craindre qu‘aimer 92 » 93 . Contre Morgenthau, 

Raymond Aron avançait donc de vieilles idées lorsqu‘il écrivait : « [s]écurité, puissance, 

gloire, idée, sont des objectifs essentiellement hétérogènes que l‘on ne ramènerait à un 

terme unique qu‘en faussant la signification humaine de l‘action diplomatico- 

stratégique 94 . » 

La conclusion est dès lors inévitable : « il n‘y a pas de théorie générale des 

relations internationales, comparable à la théorie générale de l‘économie 95 . » 

1.2.2. … pour un Espace lié à la recherche du prestige ? 

Dans ces conditions, le prestige nous semble être « an important, perhaps 

essential, ingredient […] frequently missing from the work of today‘s international 

relations scholars 96 ». La question n‘est alors pas tant celle de savoir si le prestige est 

l‘unique motif à l‘origine des relations humaines, mais de reconnaître la place 

essentielle qu‘il tient au sein de ces dernières. 

L‘Espace peut certainement servir de test à cette proposition. Après tout, le 

prestige est une des premières motivations qui vient à l‘esprit lorsque nous évoquons 

cette dimension. La course à l‘Espace pratiquée par les Américains et les Soviétiques 

durant la Guerre froide en est une illustration assez évidente. Il s‘agissait alors 

d‘exploits ou encore de « premières » censées montrer la supériorité tant technologique 

que politique, économique et sociale, voire idéologique d‘un pays sur un autre. De ce 

point de vue, le prestige témoigne d‘une position relative : ce que gagna l‘URSS avec le 

lancement de Spoutnik en 1957 le fut au détriment des Etats-Unis 97 , et inversement 

lorsque les astronautes américains de 1969 arrivèrent sur la Lune pour y planter leur 

92 Ibid., p. 118. 

93 Ces trois éléments sont aussi présents chez Rousseau, MARKEY, art. cité. 

94 Raymond ARON, Paix et guerre, op. cit., p. 100. Son analyse se veut donc sociologique. Pour ce qui 

nous concerne, cela passe par l‘étude extrêmement détaillée des moyens de la politique extérieure, et in 

fine l‘inscription dans la filiation de Thucydide. Aron distingue ainsi trois types d‘objectifs, ou buts 

typiques : une trinité abstraite (la sécurité, la puissance et la gloire), une trinité concrète (l‘espace, les 

hommes et les âmes), et une série abstraite/concrète inspirée par « le modèle platonicien » (le corps, le 

cœur et l‘esprit), ibid., p. 82-87. Aron illustre bien la variante du Réalisme Constitutionnaliste cher à 

Rousseau qui met l‘accent sur les caractéristiques des Etats et des sociétés composant le système, 

DOYLE, op. cit., p. 151-152. Pour Aron, il y a pluralité d‘objectifs, fonction tant des régimes que des 

valeurs. 

95 Ibid., p. 102. Son scepticisme ne touche cependant pas à l‘objet des relations internationales qu‘il veut 

spécifique, voir ARON, « Qu‘est-ce qu‘une théorie des relations internationales ? », Revue française de 

science politique, 17 (5), 1967, p. 837-861. 

96 MARKEY, art. cité. 

97 Cela est d‘autant plus marquant que, dans le cas de l‘URSS, cette première eut lieu un an après les 

événements de Hongrie. Elle a donc doublement servi les desseins soviétiques de propagande. 

L‘étymologie illustre bien ce dernier point. Le mot prestige renvoie au latin praestigium, mot pour 

désigner l‘artifice ou l‘illusion. Nous savons ce que la supériorité technologique scientifique et spatiale 

cachait de la réalité sociale et économique de l‘URSS (notamment à partir des années 1970). 


29

drapeau, « not unlike the Spanish flag planted by Columbus in America 98 ». Le prestige 

est également irrationnel. Du point de vue strictement matériel, aller sur la Lune ou 

envoyer des sondes sur Mars ou Vénus peut difficilement être justifié 99 . En outre, cette 

irrationalité est disproportionnée si nous nous situons toujours dans un rapport 

avantages/coûts. La navette spatiale américaine illustre parfaitement ce point là 100 . Mais 

les autres pays et les autres époques ne sont pas à l‘abri de l‘impérieuse tyrannie de la 

gloire, ce qui revient à dire que le prestige est aussi socialement et historiquement 

conditionné 101 . 

Mais le prestige n‘est pas toujours recherché pour lui-même. Il est facile de lui 

donner une définition instrumentale à l‘image de ce que fait Morgenthau 102 . De ce point 

de vue, le prestige est une démonstration de puissance. La conquête de l‘Espace est une 

manifestation ostentatoire : il incarne un bien coûteux qui doit être mérité. L‘Espace 

distingue. Il est un critère facile pour opposer les Have aux Have Not, les puissances 

riches aux puissances prolétaires, les puissances spatiales à ces autres Etats qui, pour 

toujours, sont voués au rôle de spectateur et de subalterne. Mais être une puissance 

spatiale ne suffit pas. Les membres du « club » se discriminent aussi les uns des autres 

en fonction des capacités spatiales réelles dont ils disposent 103 . Dans cette optique, les 

programmes spatiaux sont d‘autant plus capitaux que les Etats sont souvent en quête 

d‘une influence régionale, voire globale ; c‘est notamment le cas des pays émergents, 

98 Fort pertinemment, l‘auteur cité ajoute: « [t]he irony of planting that flag, coupled with the statement 

that "we came in peace for all mankind," was not lost on the leaders of the Soviet Union who realized 

that they were not considered in this context a part of the "all mankind" mentioned », Roger LAUNIUS, 

« Historical Dimensions of the Space Age », in SADEH, op. cit., p. 16. Voir notre couverture. 

99 Quel intérêt y avait-il en effet à envoyer des hommes sur la Lune ? Sans installation permanente, à 

vocation stratégique ou économique, la conclusion est évidente : le programme Apollo a été entièrement 

fondé sur une politique de prestige. Ted Sorensen, conseiller de Kennedy, a raison de remarquer que « le 

prestige [est] un facteur réel des relations internationales et non pas seulement un élément de relations 

publiques », cité par PASCO, op. cit., p. 85. 

100 Cela est d‘autant plus vrai qu‘en réaction les Soviétiques ont tout essayé pour constr uire eux aussi 

leur propre vaisseau spatial réutilisable, dit « Bourane ». Sur la navette spatiale américaine, voir PASCO, 

op. cit., p. 160-172 et Sylvain DELASSUS, Stratégies spatiales américaines. Histoire politique et 

stratégies militaires américaines dans le domaine de l’utilisation de l’espace extra-atmosphérique de 

1945 à 2009, Paris, Editions Velours, 2009, p. 38-40. 

101 Daniel Markey appuie d‘autant plus ce dernier point qu‘aujourd‘hui, globalisation aidant, les objectifs 

concrets liés au prestige se sont universalisés, art. cité. 

102 Pour Morgenthau, le prestige est rarement recherché pour lui-même en politique internationale : 

«[w]hatever the ultimate objectives of a nation‘s foreign policy, its prestige – its reputation for power – 

is always an important and sometimes decisive factor in determining success or failure of its foreign 

policy », op. cit., p. 95. En réalité, le prestige est un outil psychologique. Aron explique pareillement que 

la gloire peut être un second nom donné à la puissance, étant la puissance reconnue par les autres et dont 

la renommée se répand à travers le monde (notamment depuis l‘invention et la diffusion de la télévision , 

voir les conséquences d‘un alunissage chinois à l‘heure de l‘image couleur haute -qualité, SAMPLE, art. 

cité.), Paix et guerre, op. cit., p. 83. Mais après l‘Evangile, Aron, rejoignant Rousseau, note aussi que 

« l‘homme ne vit pas que de pain » et que les unités politiques ont leur amour-propre et cherchent à être 

reconnues, quitte à opter pour cela un comportement que des réalistes matérialistes jugeraient irrationnel, 

ibid., p. 84-86. 

103 A propos des puissances spatiales et des motivations de chacune, voir Annexe 5. 


30

dont les besoins à cet endroit sont supérieurs aux puissances déjà installées et reconnues. 

L‘Espace participe au statut et à l‘image d‘une grande puissance. En cela, il est devenu 

une étape obligatoire recherchée par (presque) tous, au premier rang desquels la Chine, 

l‘Inde et le Brésil. 

Intégrer le prestige au répertoire de RI est donc une nécessité, mais réconcilier les 

deux exigences de précision et de parcimonie ne semble guère envisageable 104 . Entre le 

renard et le hérisson : il faut choisir 105 . 

1.3. Le néoréalisme et l’intérêt de la (des) puissance(s) 

dominante(s) 

Le néoréalisme a fait son choix en décidant de recourir à un niveau d‘abstraction 

élevé. Après avoir examiné la théorie offensive de Mearsheimer, au tour donc du 

pendant défensif 106 . La philosophie de Rousseau peut déjà nous en donner un aperçu 107 ; 

la pensée de Kenneth Waltz est encore plus affirmée de ce point de vue là et fait 

contraste avec le réalisme offensif. 

1.3.1. La théorie de la politique internationale et la 

préférence pour la bipolarité 

En 1979, sur la base des conclusions portées par Man, the State and War, 

Kenneth N. Waltz attribue l‘état de guerre à la structure anarchique du système 

international 108 . Theory of International Politics refuse ainsi les « théories 

réductionnistes » qui cherchent à expliquer la politique internationale du point de vue de 

la première image et/ou du deuxième niveau d‘analyse. 

104 Tout comme les analyses en termes de structure (tragedy) et d‘unité (evil) qu‘il semblait pouvoir 

réconcilier, le Réalisme Complexe présente les défauts de ses avantages. Comme l‘explique Doyle, 

« Thucydide dit not seek to reduce world politics to some causal essence », op. cit., p. 52, en examinant 

tous les niveaux d‘analyse sans avouer sa préférence pour aucun, il fait preuve d‘une grande vertu 

descriptive, mais d‘un vice théorique grave, ibid., p. 46. Pour une tentative de réconciliation, voir 

SPIRTAS, art. cité. 

105 Nous nous inspirons des analyses d‘Isaiah Berlin à propos d‘une parabole grecque : « [t]he fox knows 

many things, but the hedgehog knows one big thing ». Ainsi, les renards envisagent le monde dans toute 

sa complexité. Les hérissons, au contraire, simplifient un monde complexe en une idée organisationnelle 

unique. Les hérissons voient l‘essentiel et oublient le reste, The Hedgehog and the Fox: An Essay on 

Tolstoy’s View of History, 1953 [en ligne] http://berlin.wolf.ox.ac.uk/published_works/rt/HF.pdf 

106 Nous traitons du néoréalisme de Kenneth Waltz, non du réalisme structuraliste défensif porté 

notamment par Stephen Walt. La filiation est directe, mais les deux théories sont toutefois distinctes 

(« équilibre des puissances vs. « équilibre des menaces »). Nous gardons toutefois cette opposition 

puisque Mearsheimer lui-même la relève à travers le « status-quo bias » de Waltz, op. cit., p. 20. Ce 

faisant, il rejoint aussi le débat opposant théorie statique de l‘équilibre et théorie dynamique des cycles 

unipolaires, voir BATTISTELLA, op. cit., p. 144, n. 93. 

107 Voir Annexe 3. 

108 WALTZ, Man, the State and War, p. 167-171, s‘appuie sur le célèbre texte de Rousseau chez qui le 

chasseur préhistorique préfère son intérêt égoïste à l‘intérêt collectif, non en raison de sa nature 

mauvaise (evil), mais parce que l‘état de nature dans lequel il se trouve le pousse à agir de cette 


31

Dans ces conditions, nous voyons bien que le néoréalisme de Waltz est davantage 

un structuralisme qu‘une théorie systémique 109 . La théorie doit avoir l‘avantage de la 

parcimonie et éviter la prolifération des variables. Avec un tel principe, Waltz contruit 

une théorie élégante 110 . Ainsi, Waltz s‘en tient à trois principes censés définir la 

structure internationale : 1) le principe ordonnateur (anarchique ou hiérarchique), 2) le 

principe de différenciation selon les caractéristiques des unités, et 3) le principe de 

distribution, soit la répartition des capacités entre les unités (multipolarité ou bipolarité). 

Or vis-à-vis du deuxième élément, Waltz considère qu‘il n‘y a aucune différence 

fonctionnelle entre les unités agissant dans le système international : le principe du self- 

help conduit chaque Etat à se conduire comme des like-units. En outre, il écarte aussi le 

premier élément qu‘il suppose constant, car du fait de l‘absence de toute autorité 

supérieure aux Etats, l‘anarchie est ce qui caractérise le système politique international. 

Dès lors, la seule variable structurelle qui importe est la distribution des capacités 111 . 

Bien que like-units, les Etats ne sont pas semblables en tous points : ils se 

distinguent en fait par « their great or lesser capabilities for performing similar 

tasks 112 ». La structure d‘un système international dépend du nombre de grandes 

puissances existant en son sein 113 car, in fine, toute politique internationale « can be 

studied in terms of the logic of small-number systems 114 ». Ne manque plus que la 

réponse à la question de savoir lequel, du système multipolaire ou du système bipolaire, 

est le plus stable. La préférence de Waltz va à la structure bipolaire dominée par deux 

grandes puissances seulement. L‘énorme inégalité entre les deux superpuissances et le 

reste des Etats fait que « [b]ipolarity encourages each giant to focus upon crises, while 

façon (tragedy). Le chasseur ne peut jamais être certain du comportement d‘autrui, car aucune autorité 

supérieure ne vient sanctionner les tricheurs. 

109 

« Theories of international politics that concentrate causes at the individual or national level are 

reductionist ; theories that conceive of causes operating at the international level as well are systemic », 

Theory of International Politics, op. cit., p. 18. C‘est nous qui soulignons. Pour être systémique, une 

théorie doit inclure une référence tant vis-à-vis de l‘unité que de la structure. Ainsi, pour ce qui est des 

niveaux d‘analyse, si Waltz en fixe trois en 1957, nous voyons ici qu‘il ne distingue plus que de ux 

niveaux (pour finalement, s‘en tenir à un seul). A noter que James Rosenau suggère, lui, cinq préthéories, 

« Pre-Theories and Theories of Foreign Policy », in James N. ROSENAU (ed.), The Scientific 

Study of Foreign Policy, New York, Nichols, 1979, p. 115-136. Ce qui montre bien que les niveaux 

d‘analyse sont avant tout des outils heuristiques : il s‘agit de constructions arbitraires dont nous nous 

servons pour mieux comprendre le monde. 

110 

Cette qualité explique la popularité et l‘influence de Theory of International Politics. 

111 

WALTZ, Theory of International Politics, op. cit., p. 88-101. 

112 

Ibid., p. 97. 

113 

Ibid. 

114 

Ibid., p. 131. Voir Annexe 5. 


32

endering most of them of relative inconsequence 115 » car tous les deux ont intérêt à 

maintenir le système tel qu‘il est 116 . 

Cette conclusion a été confirmée a posteriori par l‘évolution de la Guerre froide. 

La préférence pour le statu quo a semblé l‘emporter. L‘Espace n‘échappe pas à cette 

analyse. 

1.3.2. La naissance du régime de l’Espace durant la 

Guerre froide 

La Guerre froide a bien montré qu‘un système bipolaire était davantage 

synonyme de stabilité entre security seekers défensifs plutôt que struggle for power 

offensif. Dès lors, de notre point de vue, une analyse waltzienne de l‘évolution du 

régime international de l‘Espace à partir de la fin des années 1960 semble pertinente 117 . 

Les Etats voient le monde comme un jeu à somme nulle dans lequel ce qu‘ils 

gagnent ou ce qu‘ils perdent se fait au détriment ou à l‘avantage des autres Etats, amis 

ou rivaux. Les Etats sont des calculateurs, comme le montrait déjà Rousseau à propos 

des individus avec sa métaphore de la chasse au cerf. Or, dans le domaine de la guerre et 

de la paix, le risque d‘être dépassé et menacé est pris très au sérieux. Aussi les Etats 

restent soucieux des gains relatifs que la coopération est susceptible de leur apporter ou 

non et doivent être perçus avant tout comme des defensive positionalists. Pour Kenneth 

Waltz, la question se pose très clairement : 

When faced with possibility of cooperating for mutual gain, states that feel 

insecure must ask how the gain will be divided. They are compelled to ask not 

"Will both of us gain?" but "Who will gain more?" If an expected gain is to be 

divided, say, in the ratio of two to one, one state may use its disproportionate 

gain to implement a policy intended to damage or destroy the other 118 . 

115 Kenneth N. WALTZ, « The Stability of a Bipolar World », Daedalus, 93 (3), été 1964, p. 881-909. 

116 Le structure multipolaire, à l‘inverse, dominée par trois Etats ou plus, dépend des systèmes 

d‘alliances. Ce qui en fait naturellement une structure instable compte tenu des risques de défections 

et/ou des mauvais calculs qui peuvent survenir. Waltz en veut pour preuve la comparaison entre la crise 

de Suez et l‘éclatement de la Première Guerre mondiale, ibid. Kenneth Waltz n‘est pas le seul réaliste à 

défendre la plus grande stabilité du système bipolaire. Certes Robert Gilpin (unipolarité), Raymond Aron 

(homogénéité) et Henry Kissinger et Hans Morgenthau (multipolarité) ont des opinions différentes, mais 

nous avons pu voir que John Mearsheimer partage cette analyse, bien que la faisant aussi dépendre de 

l‘existence d‘un potentiel hegemon régional, op. cit., p. 346-347 et p. 380-381. La vertu bipolaire est en 

outre renforcée par le fait nucléaire. Il est toutefois difficile d‘évaluer l‘impact de ce facteur nonstructurel 

sur le comportement des deux superpuissances, ibid., p. 358-359. 

117 S‘il n‘y a pas formellement participé, Kenneth Waltz a en effet beaucoup influencé le débat dit « néonéo 

» sur les possibilités de la coopération dans un monde anarchique. Cette partie se veut être une 

illustration de la thèse néoréaliste. 

118 WALTZ, Theory of International Politics, op. cit., p. 105. 


33

Toute coopération devient dès lors beaucoup plus difficile que dans le monde néolibéral 

dominé par la recherche des gains absolus. Pour les néoréalistes, la solution consiste à 

faire intervenir un Etat hégémonique (ou deux Grands) désireux de reproduire le statu 

quo et moins sensible à ces calculs. Dit autrement, « [r]ealists maintain that institutions 

are basically a reflection of the distribution of power in the world. They are based on the 

self-interested calculations of the great powers, and they have no independent effect on 

state behavior 119 . » 

Le Traité de l‘espace extra-atmosphérique de 1967 120 n‘échappe pas à cette 

description, bien au contraire. Comme l‘écrivent Everett Dolman et John Hickman : 

Despite an ongoing effort to make the cosmos an international commons (the so– 

called ‗province of mankind‘), expansion into near–Earth space came […] as an 

integral component of an overall strategy applied by wary superpowers 

attempting to ensure their political survival. The technique chosen was to 

establish an international regime ensuring that no state could achieve an 

unanticipated advantage in space […] 121 . 

Alors qu‘aucune des deux superpuissances n‘était bien certaine des capacités de l‘autre 

– qu‘elles soient réelles ou à venir – les dirigeants américains et soviétiques ont jugé 

plus prudent de geler la situation. Outre les économies réalisées, cette mécanique s‘est 

traduite par le fait de déclarer unilatéralement l‘Espace, « bien commun de 

l‘Humanité ». Cela n‘a bien sûr pas empêché la compétition spatiale – tant 

technologique que légale – de se poursuivre car, en réalité, « [t]he rhetoric of space 

cooperation became a cover to buy time 122 ». Mais cela a aussi très certainement permis 

aux deux superpuissances de maintenir leur suprématie dans le domaine spatial, tout en 

développant une bonne image à l‘étranger 123 . Il semblerait donc que la rivalité bipolaire 

ait imprégné la coopération spatiale. La même logique est à l‘œuvre pour le régime des 

missiles-antimissiles 124 . 

119 John J. MEARSHEIMER, « The False Promise of International Institutions », International Security, 

19 (3), hiver 1994-1995, p. 5-49 

120 Pour une étude du DI et du régime de l‘Espace, voir Annexe 4. 

121 John HICKMAN et Everett DOLMAN, « Resurrecting the Space Age: A State-Centered Commentary 

on the Outer Space Regime », Comparative Strategy, 21 (1), 2002, p. 1-20. 

122 DOLMAN, Astropolitik, op. cit., p. 166. 

123 Cette ouverture participe des politiques de prestige dont nous avons parlé un plus haut. Le s Etats-Unis 

pensaient pouvoir bénéficier des fruits de la coopération au moins à deux égards : d‘une part, geler la 

situation avec l‘URSS et ainsi garder le contrôle (y compris conjoint) de l‘Espace ; d‘autre part, coopérer 

avec les autres Etats afin de profiter de leurs ressources (scientifiques et économiques), mieux contrôler 

la concurrence qu‘ils contribuaient à créer, et les maintenir sous dépendance américaine, voir DOLMAN, 

op. cit., p. 167 et DELASSUS, op. cit., p. 31-33. 

124 BATTISTELLA, op. cit., p. 419-420. La détente a en effet ouvert la possibilité de mettre un terme 

tant à la course à l‘Espace qu‘à la course aux armements. 


34

Nous retrouvons une thèse classique consistant à voir dans le droit international 

l‘émanation d‘une prédominance politique 125 . Cette même raison conduit aussi à corréler 

les doctrines juridiques défendues par les Etats avec leurs positions relatives au sein du 

système international 126 . 

Selon l‘aveu même de Martin Wight, « [e]veryone is a Realist nowadays 127 ». 

Stanley Hoffmann se montre, lui, plus sceptique : « […] we are all realists, but there are 

not two realists who agree either in their analysis of what is, or on what ought to be, or 

on how to get from here to here 128 ». Or l‘approche que nous avons choisie nous semble 

au contraire montrer qu‘une unité philosophique Réaliste existe toujours. Ce n‘est peut- 

être pas le cas si nous nous référons à la tradition Grotienne… 

125 Telle est l‘approche défendue par Wilhelm Grewe, The Epochs of International Law, New York, de 

Gruyter, 2000. Il défend l‘idée selon laquelle l‘évolution du droit international a été influencée par les 

différentes puissances hégémoniques qui se sont succédées au rang suprême, précisément : « [t]he 

stronger the leading position of the particular predominant power, the more tha t State marked the 

spiritual vision of the age, the more its ideas and concepts prevailed, the more it conferred general and 

absolute validity on expressions of its national expansionist ideology », p. 23. L‘auteur parle d‘Ages 

« Espagnol », « Français » et « Britannique ». Nous retrouvons cette perspective chez Thucydide, de 

même que, plus largement, chez tous les réalistes. En témoignerait la quatrième proposition secondaire 

définie par Dario Battistella, op. cit., p. 115. 

126 L‘exemple classique est celui de l‘Angleterre, notamment dans sa rivalité avec les Provinces-Unies 

tout au long du XVII e siècle. A l‘origine des guerres anglo-hollandaises, nous trouvons de nombreuses 

raisons, voir Jack S. LEVY, « The Rise and Decline of the Anglo-Dutch Rivalry », 1609-1689, in 

William R. THOMPSON (ed), Great Powers Rivalries, Columbia, University of South Carolina, 1999, p. 

173. L‘intérêt, pour nous, repose toutefois sur la transformation de cette rivalité en querelle à la fois 

juridique et idéologique. Il est ainsi remarquable de voir les efforts déployés sur le terrain du droit. Alors 

que les Hollandais s‘emparaient de la thèse de la liberté des mers, les Anglais soutenaient la position 

inverse en appelant à la souveraineté des mers ; alors que Grotius publiait son Mare Liberum en 1609, un 

contre-traité était commandé par la couronne anglaise, en 1635, à John Selden, sous le titre de Mare 

clausum. Pour cela, le déclin de la couronne espagnol a été déterminant, GREWE, op. cit., p. 273. Certes, 

la querelle ne concernait que l‘Oceanus Britannicus, mais cette politique anglaise suffisait à menacer le 

commerce hollandais géographiquement désavantagé, KENNEDY, op. cit., p. 164-165. Pour résumer, en 

paraphrasant un amiral hollandais de l‘époque, les Provinces-Unies avaient tous simplement trop de 

commerce, et les Anglais étaient résolus à leur en enlever une partie. Et lorsque la menace française 

prendra le dessus sur les divergences entre les deux pays, l‘Angleterre, victorieuse, pourra alors 

reprendre la thèse qui fera, au XIX e siècle, sa fortune. A noter que les Actes de Navigation, dont les 

premières esquisses apparaissent sous Cromwell en 1651, sont une illustration directe des enjeux du 

débat « néo-néo » : en termes absolus, tant l‘Angleterre que les Provinces-Unies ont souffert de ces 

mesures, mais grâce à eux, les Anglais ont gagné un avantage relatif significatif sur leurs rivaux. Ce qui 

explique d‘ailleurs pourquoi, malgré ses préjugés libéraux, Adam Smith était si admiratif de cette 

époque, voir MEARSHEIMER, The Tragedy of Great Power Politics, op. cit., p. 48 et p. 419-420 n. 43 

et BATTISTELLA, op. cit., p. 414-415, n. 54. 

127 WIGHT, op. cit., p. 15. 

128 Cité par DOYLE, op. cit., p. 43 n. 8. 


35

2. La tradition Rationaliste : l’Espace coopératif 

La tradition Rationaliste possède une certaine audience. Les auteurs qui 

l‘incarnent sont aussi célèbres que ceux qui sont traditionnellement cités à propos du 

Réalisme. Nous pensons à Grotius, Locke, Jeremy Bentham ou Adam Smith, mais 

également aux idéalistes de l‘entre-deux-guerres contre lesquels le réalisme 

contemporain s‘est construit. Il est vrai que les deux courants s‘opposent frontalement : 

si le monde que nous décrivent les réalistes ressemble à un « état de guerre » dont seul 

l‘avènement d‘un Léviathan mondial pourrait remettre la logique en cause, de leur côté, 

les libéraux nous annoncent la possibilité d‘un « état de paix » entre Etats indépendants. 

Pour faire court, les libéraux s‘opposent au pessimisme conservateur des réalistes. 

Aussi, tout cela conduit à ce que « le libéralisme est volontiers considéré comme la 

deuxième approche générale principale en Relations internationales 129 . » 

Contrairement au réalisme cependant, « liberalism is not committed to an 

ambitious and parsimonious structural theory 130 », ou pour reprendre les mots de 

Michael Doyle, « [t]here is no canonical description of Liberalism 131 ». Ce que nous 

définissons comme appartenant au camp Rationaliste libéral rassemble « a family 

portrait of principles and institutions, recognizable by certain characteristics 132 ». Il 

s‘agit surtout d‘une « attitude mentale 133 » qui est redevable au fait que « the 

international dimension of liberalism was little more than the projection of domestic 

liberalism on a world scale 134 ». Cette constellation libérale, nous pouvons la définir de 

manière très éclectique par l‘attachement à autant de principes comme la liberté, la 

démocratie représentative, la primauté du droit, la propriété privée, la libre compétition 

économique et le règlement pacifique des différends. Dès lors, est définie comme 

« libérale » toute théorie respectant la majorité de ces postulats 135 . Pour autant, il faut 

aussi noter la grande part de politiques contradictoires que peut inspirer une telle base de 

valeurs. Certainement beaucoup plus que les autres approches, la tradition Rationaliste 

est parcourue de nombreuses tensions. 

129 


130 

Robert KEOHANE, « International liberalism reconsidered », in Robert KEOHANE, Power and 

Governance in a Partially Globalized World, New York, Routledge, 2002, p. 44. 

131 

DOYLE, op. cit., p. 206. 

132 

Ibid. 

133 


134 

HOFFMANN, « The Crisis of Liberal Internationalism », art. cité. 

135 

Stéphane ROUSSEL et Dan O‘MEARA, « Le libéralisme classique : une constellation de théories », 

in MACLEOD et O‘MEARA (dir.), op. cit., p. 92-93. 


36

Le clivage entre un courant réaliste (au sens anglo-saxon de « realistic ») incarné 

par John Locke et une tendance idéaliste représentée par Grotius peut en témoigner. 

Cette tension n‘est toutefois pas la seule. Certes le libéralisme est en grande partie issu 

de ces deux contractualistes qui, à la différence de Hobbes et de Rousseau, imaginent 

l‘homme de l‘état de nature menant déjà une vie sociale, paisible, et dont la dépendance 

à l‘égard de l‘Etat est donc minorée. Pour autant, l‘accent mis sur l‘Etat est souvent plus 

important que ce que la philosophie défend. Nous percevrons donc une autre opposition 

verticale au sein de notre tradition mettant aux prises des stato-centrismes plus ou moins 

affirmés. Nous commencerons par là en distinguant les néolibéraux (1) du libéralisme 

incarné par Andrew Moravcsik (2). L‘Ecole anglaise (3) nous donnera l‘occasion de 

conclure sur une transition commode avec notre prochaine section. 

2.1. Les néolibéraux et la question de la coopération 

Le néolibéralisme est-il libéral ? La proximité théorique avec l‘approche 

néoréaliste et la synthèse « néo-néo » qui en découle soulèvent quelques questions. Le 

point de vue de Robert Keohane ne va pas non plus sans prêter à confusion : cette figure 

éminente de l‘approche néolibérale se refuse à choisir entre les filiations et préfère se 

qualifier lui-même d‘« institutionnaliste 136 ». Pour autant, « [l]‘approche néolibérale 

puise ses racines intellectuelles dans la longue tradition philosophique libérale 137 . » 

2.1.1. Coopération et discorde dans un monde soumis 

au « dilemme du prisonnier » 

Par rapport au néoréalisme, le néolibéralisme estime que la coopération 

internationale est possible et même fréquente. Il fonde son propos sur la théorie des 

136 Robert KEOHANE, After Hegemony : Cooperation and Discord in the World Political Economy, 

Princeton, Princeton University Press, 1984, p. 7. S‘il se dit institutionnaliste libéral, c‘est parce que 

Keohane estime devoir tant aux préceptes réalistes que libéraux, tout en revendiquant d‘autres 

précurseurs, ibid., p. 7-8. Nous pensons surtout au fonctionnalisme qui prédisait la prise en charge 

graduelle par les organisations internationales des fonctions non politiques assumées par les Etats, et 

enfin le dépassement de ces derniers et l‘établissement d‘une paix durable. Ce courant identifié à David 

Mitrany dans les années 1940 connaît un renouveau dans les années 1950 et 1960 sous la forme du 

néofonctionnalisme incarné surtout par Ernst Haas. Robert Keohane et Joseph Nye s‘en inspireront dans 

les années 1970 lorsqu‘ils formuleront leurs nouvelles hypothèses fondées sur le concept de 

transnationalisme et d‘interdépendance, Justin MASSIE et Marie-Eve DESROSIERS, « Le 

néolibéralisme et la synthèse "néo-néo" », in MACLEOD et O‘MEARA (dir.), op. cit., p. 112-113. 

137 Ibid., p. 112. Il est vrai que le néolibéralisme fait preuve d‘un certain optimisme à l‘égard de la nature 

humaine, en particulier dans sa capacité à surmonter les conflits. Partant, leur vision de l‘histoire est plus 

progressive que cyclique ou a-historique à l‘image des réalistes. A cela, il faut ajouter le fait qu‘ils 

accordent une grande valeur aux institutions et aux échanges comme facteurs de stabilité et que, pour 

eux, n‘existent aucune distinction entre high politics et low politics, ibid., p. 114-115. Ces éléments 

suffisent, pour nous, à justifier la place du néolibéralisme au sein de la tradition Rationaliste. Mais ils ne 

masquent pas les points communs existant par ailleurs avec le néoréalisme. En fait, l‘approche 


37

jeux, plus particulièrement le principal modèle des jeux mixtes, le dilemme du 

prisonnier – ainsi nommé depuis l‘histoire qui lui est attachée et qui illustre si 

brillamment la logique que nous cherchons ici à analyser 138 . 

Dans ce modèle 139 , deux voleurs présumés coupables sont arrêtés par la police et 

incarcérés dans des cellules différentes pour être interrogés. A chacun des deux 

prisonniers, le juge offre astucieusement la possibilité d‘être libéré sur le champ. En 

échange, il demande des aveux complets et un témoignage à charge contre l‘autre qui 

recevrait alors une peine maximale de cinq années. Si les deux complices avouent, le 

juge obtient sa preuve de culpabilité et commue la peine à un an. Sans aveux aucun, 

toutefois, les autorités ne peuvent poursuivre la détention et doivent libérer les deux 

hommes. Le dilemme réside en ce que les prisonniers ont le choix de poursuivre une 

stratégie ou compétitive (avouer) ou coopérative (ne pas avouer et rester silencieux). 

S‘ils coopèrent, tous les deux obtiennent leur « second best » et sont libérés (reward). 

Mais en coopérant, ils prennent aussi le risque de perdre au change et d‘être victime l‘un 

de l‘autre (sucker), car du point de vue de la rationalité strictement individuelle, chaque 

prisonnier a une stratégie dominante : avouer le crime qu‘il a commis. En supposant une 

certaine aversion au risque, les théoriciens prétendent que chacun va plutôt choisir de 

faire défection – bien qu‘en faisant cela, chacun sait aussi qu‘il se prive d‘un résultat 

plus favorable. Les deux prisonniers sont donc jugés coupables et incarcérés (penalty). 

De ce point de vue, la défection mutuelle apparaît comme la solution la plus évidente au 

dilemme ; pour autant, les complices, s‘ils avaient tous les deux nié, auraient été libérés. 

Le résultat est collectivement irrationnel, ou dit autrement, sous-optimal. 

Or malgré les apparences, ce résultat est loin d‘être favorable aux néoréalistes 140 . 

Pour les néolibéraux, il montre au contraire qu‘il existe des situations dans lesquelles les 

néolibérale peut être perçue comme une via media dont l‘intérêt premier est d‘illustrer le chevauchement 

entre les traditions Réaliste et Rationaliste en mettant en avant la continuité plutôt que l‘opposition. 

138 La prise en compte de la théorie des jeux définie par Thomas Schelling en Relations internationales 

caractérise bien cet entre-deux dont nous venons de parler. La combinaison de dépendance mutuelle et de 

conflit, de partenariat et de compétition est très révélatrice. En réalité, à propos de la coopération, le 

néolibéralisme s‘inscrit autant contre les libéraux classiques – dont la « main invisible » d‘Adam Smith, 

synonyme d‘harmonie spontanée, ne peut que laisser la coopération sans objet – que contre les réalistes 

qui pensent que la coopération est impossible. Le monde dessiné par Robert Keohane est différent : il 

n‘est pas harmonieux, car la discorde est possible ; il n‘est pas davantage un « état de guerre », car cette 

discorde peut être dépassée et la coopération peut émerger en son sein, voir KEOHANE, op. cit., p. 51- 

55. L‘intitulé de l‘ouvrage montre bien cet état d‘esprit. 

139 Ibid., p. 67 et suiv., DONNELY, op. cit., p. 19-23 et BATTISTELLA, op. cit., p. 404-407. 

140 « Single-play Prisoners' Dilemma is often taken as a paradigm for international politics, showing why 

discord is prevalent and cooperation rare. It is sometimes used also to support arguments that 

international institutions are doomed to futility. Such is not my argument », KEOHANE, op. cit., p. 69- 

70. En effet, le résultat semble confirmer l‘opinion des néoréalistes qui mettent l‘accent sur la troisième 

image, voir DONNELY, op. cit., p. 21-23. En niant cette conclusion, Keohane prête le flanc aux 

critiques. Ce modèle, bien que le plus évident, est peut-être aussi le plus simple. La complexité du 


38

acteurs peuvent être incités de manière égoïste à préférer des actions coopératives. Bien 

entendu, à l‘inverse, il montre aussi que « ce n‘est pas parce qu‘un Etat a un intérêt 

objectif à ne pas agir unilatéralement qu‘il va automatiquement coopérer 141 ». En fait, le 

problème que ce dilemme illustre est celui de l‘incertitude subjective dans laquelle 

chacun des acteurs est plongé. Sans dialogue possible, sans confiance pré-établie, le self- 

help reste la stratégie la plus rationnelle. Pour reprendre Keohane : ce modèle « draw 

our attention to ways in which barriers to information and communication in world 

politics can impede cooperation and create discord even when common interests 

exist 142 ». Mais il s‘agit d‘une solution par défaut. Après tout, si la structure des 

interactions est modifiée, le dilemme peut être dépassé et le self-help abandonné. Pour 

cela, les néolibéraux proposent la création d‘institutions internationales, car 

« international regimes can facilitate cooperation by reducing uncertainty 143 ». Et cela 

pour au moins une raison oubliée des réalistes : si les régimes diminuent l‘apparition de 

l‘aléa moral et du passager clandestin (le problème du monitoring et du sanctioning), 

c‘est surtout parce qu‘ils se basent sur une logique « gagnant-gagnant » que les joueurs 

et les Etats sont tenus de respecter dès lors que le jeu est itératif et que leurs 

comportements sont susceptibles de créer un précédent dangereux pour eux 144 . 

Le régime de l‘Espace offre de ce point de vue divers exemples. Toutefois, il est 

un cas qui suscite tout particulièrement notre intérêt, celui de la Station Spatiale 

Internationale (ISS). 

monde serait peut-être mieux rendue par d‘autres jeux : nous pensons au chasseur de cerf (« Stag Hunt ») 

ou au jeu de « la poule mouillée » (« Chicken »), voir Robert JERVIS, « Cooperation under the 

Security Dilemma », World Politics, 30 (2), janvier 1978, p. 167-214. Au sujet de cette diversité, voir 

aussi DOYLE, op. cit., p. 119-123. Pour une critique réaliste du néolibéralisme, voir MEARSHEIMER, 

«The False Promise of International Institutions », art. cité. 

141 


142 

KEOHANE, op. cit., p. 69. 

143 

Ibid., p. 97. 

144 

Cette stratégie gagnante, dite « donnant-donnant » (« tit-for-tat »), repose sur trois attitudes : ne 

jamais faire cavalier seul le premier (règle de bienveillance), appliquer une punition (règle de 

susceptibilité), et coopérer de nouveau après l‘application de la punition (règle de l‘indulgence), 

BATTISTELLA, op. cit., p. 410-411, n. 42. Dans cette perspective, les régimes internationaux « […] are 

important […] because they can facilitate agreements, and decentralized enforcement of agreements, 

among governments. They enhance the likelihood of cooperation by reducing the costs of making 

transactions […]. They create the conditions for orderly multilateral negotiations, legitimate and 

delegitimate different types of state action, and facilitate linkages among issues within regimes and 

between regimes. They increase the symmetry and improve the quality of the information that 

governments receive. By clustering issues together in the same forums over a long period of time, they 

help to bring governments into continuing interaction with one another, reducing i ncentives to cheat and 

enhancing the value of reputation. By establishing legitimate standards of behavior for states to follow 

and by providing ways to monitor compliance, they create the basis for decentralized enforcement 

founded on the principle of reciprocity », KEOHANE, op. cit., p. 244-245. 


39

2.1.2. Le cas de l’ISS : une vision optimiste pour 

l’Espace ? 

La Station Spatiale Internationale semble dégager une vision optimiste de la 

coopération internationale dans l‘Espace. C‘est du moins ce que nous pouvons penser en 

examinant son histoire. 

L‘ISS, produit de plus de trente ans de négociations et autres tergiversations, 

véhicule symbolique de la coopération internationale retrouvée après la fin de la Guerre 

froide, entamé en 1998 avec la participation de près de seize nations, devrait être 

opérationnelle d‘ici la fin de l‘année et durer au moins jusqu‘en 2020. L‘ISS est un 

enfant de la Guerre froide, mais elle est aussi révélatrice du nouveau climat né de 

l‘effondrement de l‘URSS 145 . Le nom même est révélateur : la « Station Spatiale 

Internationale » est avant tout une entreprise de coopération internationale. Trois 

périodes peuvent être distinguées selon le degré de coopération engagée : 1) de 1982 à 

1983, il s‘agit surtout de coordonner les efforts entre les différentes agences 

occidentales ; 2) de 1984 à 1988, les accords prennent une tournure plus politique et 

officielle avec la signature d‘accords tant multilatéraux que bilatéraux, témoignant des 

relations de dépendance existant entre la NASA et ses partenaires ; 3) après l‘éclatement 

de l‘URSS, à partir de 1991-1992, l‘incorporation de la Russie au projet tend à rendre la 

coopération moins asymétrique : désormais l‘ISS est composée de deux « cœurs », l‘un 

américain, l‘autre russe 146 . Cette réalisation géante est ainsi principalement le fruit de 

deux formes d‘accords : le premier est multilatéral, il s‘organise autour de l‘IGA (« The 

International Space Station Intergovernmental Agreement ») signé en 1998 ; le second, 

d‘ordre bilatéral, dépend de quatre MoUs (« Memoranda of Understandings ») signés 

entre la NASA, gérante de l‘ISS, et chacune des agences partenaires 147 . 

De notre point de vue, le cas de l‘ISS illustre bien la théorie néolibérale. Et ce 

d‘autant plus que nous observons chez Robert Keohane la tentative de montrer la 

complémentarité entre la théorie néolibérale des régimes et la théorie réaliste de la 

stabilité hégémonique 148 . La convergence « néo-néo » à l‘œuvre ici est perceptible à 

travers la coopération hégémonique américaine. Certes, l‘ISS met en avant l‘intérêt des 

gains absolus dans un domaine a priori scientifique et neutre dans lequel chaque 


146 Eligar SADEH, « International Space Cooperation », in SADEH, op. cit., p. 297-299 

147 « International Space Station Legal Framework », International Space Station, site de l‘Agence 

spatiale européenne/European Space Agency (ESA), 24 octobre 2008 [en ligne] 

http://www.esa.int/export/esaHS/ESAH7O0VMOC_iss_0.html, consulté le 13 juillet 2010. 

148 « Hegemonic cooperation is not a contradiction in terms », KEOHANE, op. cit., p. 55 


40

participant peut gagner sans crainte. Néanmoins, l‘importance des coûts engagés, de 

même que la forte mixité technologique entre Etats résultant de cette coopération 

étendue 149 dans l‘Espace montrent qu‘aucun des partenaires n‘oublie où sont ses intérêts 

et en quelles mains il peut les placer sans prendre de risque. L‘impulsion américaine a 

donc été décisive. Elle peut même sembler dominante encore aujourd‘hui à l‘heure où 

certains Etats participants semblent vouloir en appeler à de nouveaux membres. Alors 

que la Chine montre régulièrement l‘intérêt que l‘ISS représente pour elle, les Etats- 

Unis continuent de lui exprimer leur refus 150 . Ainsi, en examinant au plus près le 

problème de la coopération dans l‘Espace, nous nous rendons compte que 

«[i]nternational space cooperation is a reflection of foreign policy and functional policy 

preferences related to economics, technology, and science 151 . » 

Cette interprétation laisse une large part de responsabilité aux acteurs et aux 

préférences qu‘ils incarnent. L‘impact grandissant des forces liées au marché ne peut 

qu‘inviter à creuser un peu plus cette analyse. 

2.2. La théorie libérale de la politique internationale 

Le stato-centrisme assumé du néolibéralisme institutionnel n‘est pas pour plaire 

aux tenants d‘un libéralisme plus authentique – au premier rang desquels se trouve 

149 Eligar Sadeh classe les différents cas de coopération spatiale internationale selon leurs résultats, 

pouvant inclure : 1) la coordination, qui implique des programmes séparés mais partagés – en fait des 

rapprochements uniquement techniques et scientifiques (comme le régime international du droit spatial) ; 

2) l‘augmentation, qui suggère la mise en valeur commune de certaines capacités, sans pour autant 

entraîner d‘amélioration technologique évidente (à l‘image des rapprochements américano-soviétique 

lors de la Guerre froide) ; 3) l‘interdépendance, elle est une augmentation large servant un projet de 

coopération spécifique ; et 4) l‘intégration, plus générale que l‘interdépendance, elle illustre un 

regroupement des ressources, non pas seulement des infrastructures ou des technologies (par exemple, 

l‘Agence spatiale européenne de 1975). La Station Spatiale Internationale présente les caractéristiques à 

la fois de l‘augmentation (1988) et de l‘interdépendance (depuis 1998), « International Space 

Cooperation », in SADEH, op. cit., p. 309 et p. 312. 

150 Si la Chine désire intégrer le club, c‘est pour des raisons liées au prestige international et au statut 

qu‘elle réclame. Sur les intérêts de la Chine vis-à-vis de la coopération, voir Wu CHUNSI, « China‘s 

Outer Space Activities: Motivations, Goals, and Policy », Strategic Analysis, 32 (4), juillet 2008, p. 621- 

635. Les Etats-Unis s‘inquiètent, eux, des transferts de technologies dont la Chine pourrait bénéficier, 

James OBERG, « China takes aim at the space station », MSNBC, 26 octobre 2001, et The Associated 

Press, « China wants role in space station », 16 octobre 2007. Les Américains soulignent aussi la nature 

démocratique des pays-partenaires opposée au régime communiste autoritaire chinois. Sur ce point, 

certains préfèrent se montrer plus optimistes en mettant en avant le caractère multi -civilisationnel (au 

sens de Samuel P. Huntington) de l‘ISS rassemblant d‘ores et déjà l‘Occident (Europe et Etats -Unis), 

avec le Japon, le monde slave (Russie) et l‘Amérique Latine (Brésil). L‘entrée de la Chine et de l‘Inde 

rassemblerait alors l‘humanité au sein d‘un projet commun, voir Roger D. LAUNIUS, « United States 

Space Cooperation and Competition: Historical Reflections », Astropolitics, 7 (2), 2009, p. 89-100. 

151 Eligar SADEH, op. cit., p. 283 et p. 308-309. En témoigne tout particulièrement la participation, à 

l‘invitation de la NASA, du Brésil, voir Darly Henriques DA SILVA, « Brazilian participation in the 

International Space Station (ISS) program: commitment or bargain struck? », Space Policy, 21, 2005, p. 

55-63 


41

Andrew Moravcsik 152 , auteur d‘un texte remarqué, « Taking Preferences Seriously ». 

Rappelons en effet que pour les libéraux, l‘acteur de référence est supposé être 

l‘individu 153 . Sur cette base, une théorie libérale de la politique internationale peut être 

envisagée « in a nonideological and nonutopian form appropriate to empirical social 

science 154 . » 

2.2.1. Un libéralisme non idéologique… 

Le programme que Moravcsik propose est ambitieux 155 . Selon lui, le libéralisme 

doit être considéré « sérieusement ». Et ce d‘autant plus que, en se basant sur trois 

postulats, Moravcsik revendique une supériorité par rapport aux autres théories. 

Tout d‘abord, 1) Moravcsik préconise la primauté des acteurs sociétaux, soit ces 

« individuals and private groups 156 » rationnels et répugnant au risque, et rejette la 

moindre notion d‘harmonie automatique pouvant exister entre eux. Ainsi, loin d‘être un 

acteur unique, l‘Etat n‘est pas même un acteur unitaire : à cause de la rareté des 

ressources et de l‘accès inégal au pouvoir politique, les individus qui ont des croyances 

et des intérêts opposés vont entrer en concurrence et générer des conditions sociales qui 

vont favoriser soit le conflit, soit la coopération. L‘action internationale de chaque Etat 

va donc dépendre du jeu des acteurs internes plutôt que de l‘existence d‘un « intérêt 

national » défini selon la configuration internationale du rapport des puissances 157 . 2) 

D‘où notre deuxième postulat : l‘Etat n‘est pas un acteur autonome, mais le représentant 

sur la scène internationale des intérêts et des préférences des individus ayant pu 

s‘imposer. Dit autrement, la politique étrangère est le résultat des actions des acteurs 

152 D‘après Moravcsik, le néolibéralisme de Keohane n‘a de libéral que le nom. Sur la base du 

programme scientifique de Lakatos, il faut davantage le considérer comme un « modified structural 

realism » partageant avec son homologue « néo » un noyau théorique dur stato-centré. Cette synthèse 

« néo-néo » ne prend en compte que l‘environnement international dans lequel évolue un Etat et préfère 

se concentrer sur les conséquences sous-optimales à laquelle l‘anarchie conduit, plutôt que d‘analyser le 

contexte sociétal, Andrew MORAVCSIK, « Taking Preferences Seriously: A Liberal Theory of 

International Politics », International Organization, 51 (4), automne 1997, p. 513-553. 

153 Conformément aux principes de John Locke, l‘Etat n‘est pas ce Léviathan transcendant décrit par 

Hobbes. Il est une courroie de transmission au service des individus qui le chargent de protéger plus 

efficacement les droits imprescriptibles (les droits de propriété) que la nature leur a antérieurement 

donnés (droit à la vie, droit à la liberté, droit à la santé et droit aux biens matériels), BATTISTELLA, op. 

cit., p. 62-63 et p. 174-175. Moravcsik suit cette ligne implicite lorsqu‘il évoque une conception « présocial 

» des individus, art. cité. 

154 Ibid. Ce faisant, l‘auteur cherche à se démarquer du courant idéaliste de l‘entre-deux guerres. 

155 L‘auteur s‘oppose aux critiques tant réalistes qu‘institutionnalistes qui ne voient dans le libéralisme 

qu‘une théorie normative, voire, dans le pire des cas, utopique et idéologique. Il refuse d‘autant plus ce 

point de vue que les théoriciens libéraux, eux-mêmes, semblent l‘avoir intériorisé : « [l]eading liberal IR 

theorists freely concede the absence of coherent microfoundational assumptions but conclude thereform 

that a liberal IR theory in the social scientific sense cannot exist », ibid. Témoigneraient de cela, Robert 

Keohane, Michael W. Doyle ou encore Stanley Hoffmann, voir les citations infra. 

156 Ibid. 

157 Sur les différentes conceptions de l‘intérêt national, Dario BATTISTELLA, « L‘intérêt national. Une 

notion, trois discours », in CHARILLON, op. cit., p. 139-165. 


42

internes qui, sans cesse, vont s‘opposer ou se coaliser afin d‘en déterminer les contours 

et tenter ainsi de la rendre compatible avec leurs préférences. Cela implique que la 

forme et la nature de l‘Etat vont déterminer le comportement de celui-ci. A l‘opposé de 

Kenneth Waltz, Moravcsik prétend que les Etats sont « functionally differentiated 158 » 

car les conceptions « nationales » qu‘ils défendent vis-à-vis des autres Etats ne sont pas 

fixes mais dépendent au contraire des interprétations et des combinaisons – que ce soit 

en termes de sécurité, de bien-être ou de valeurs – de leurs groupes dominants. 3) Le 

troisième postulat porte sur la nature du système international. Pour l‘auteur, certes le 

système international contraint le comportement de chaque Etat, mais cette contrainte 

découle en fait de l‘action réciproque des préférences de l‘ensemble des Etats et rend 

davantage compte d‘une situation d‘interdépendance plutôt que d‘anarchie. En 

combinant les deuxième et troisième niveaux d‘analyse, Moravcsik en déduit que « each 

state seeks to realize its distinctive preferences under varying constraints imposed by the 

preferences of other states 159 . » 

La capacité dont dispose un Etat pour réaliser ses préférences dépend donc de la 

configuration des préférences interdépendantes de l‘ensemble des Etats. Cette logique 

aboutit à trois formes de « strategic situation 160 », c'est-à-dire, autant d‘externalités qui 

vont déterminer l‘état des relations interétatiques. 1) Lorsque les externalités sont 

négatives (les membres dominants d‘une société civile expriment des préférences 

incompatibles avec celles choisies par une autre, révélant un jeu à somme nulle), les 

relations sont tendues et conflictuelles et peuvent même déboucher sur le recours à la 

force. C‘est notamment le cas lorsqu‘un Etat révisionniste cherche à imposer ses 

préférences contre un autre Etat, satisfait quant à lui, du statu quo, ou un Etat pour 

lequel ces nouvelles exigences représentent des coûts trop élevés et qui refusera donc de 

s‘y soumettre 161 . 2) Lorsque les externalités sont mixtes (chaque Etat subit les coûts de 

l‘action de l‘autre), les relations sont conflictuelles mais peuvent être réglées par la 

coopération. 3) Lorsque les externalités entre deux Etats sont positives (deux Etats ont 

les mêmes préférences ou aucun n‘est concerné par les préférences de l‘autre), leurs 

relations sont pacifiques. Une telle conception est novatrice. Moravcsik fait dépendre la 

158 Ibid. 

159 Ibid. 

160 Ibid. 

161 Ainsi, alors que les réalistes plaident en faveur de la configuration des puissances et que les libéraux 

institutionnalistes mettent en avant l‘incertitude chronique liée à l‘anarchie, Moravcsik montre que la 

configuration opposée des préférences est ce qui prime. 


43

coopération non pas des gains relatifs, ni même des gains absolus, mais du rapport 

coûts/bénéfices qu‘elle représente pour la société civile. 

Pour résumer, « l‘anarchie est une variable, fonction de ce que les sociétés civiles 

veulent que les Etats en fassent 162 . » 

2.2.2. … pour une vision pluraliste de l’Espace 

Ce pluralisme délivre une image assez complète de l‘Espace. Au sein des Etats, 

de nombreux acteurs sont intéressés par l‘activité spatiale. Celle-ci peut se définir par le 

biais d‘une typologie des acteurs 163 . 

Les « Explorers » sont ceux qui cherchent des réponses à leurs questions. La 

science les intéresse tout d‘abord, et l‘histoire du système solaire, la quête de la vie 

extra-terrestre ou la découverte de nouveaux environnements aux processus physiques 

originaux sont leurs thèmes de prédilection. Scientifiques, ces individus-là sont aussi 

curieux. Viennent ensuite les « Adventurers », ceux qui sont attirés par l‘inconnu. Ces 

derniers entendent participer à de grandes aventures humaines comme aller sur la Lune 

ou explorer le sol martien. Les « Colonizers », quant à eux, sont à part. Ils ne se 

caractérisent ni par la curiosité ni par le sens de l‘aventure, mais par la croyance selon 

laquelle les avantages cumulés des vols spatiaux habités permettront à l‘espèce humaine 

d‘assurer sa survie en conquérant de nouveaux mondes. Ils méritent ainsi d‘être 

présentés comme des « Dreamers » dans le sens tant positif que négatif du terme. Les 

trois groupes suivants sont plus pragmatiques que les précédents. Nous les appelons les 

« Technologists », ces « néo-positivistes » attentifs aux solutions technologiques les plus 

avancées pour résoudre les problèmes auxquels l‘humanité doit faire face ; les 

« Merchants », soit ceux qui mettent l‘accent sur les applications utiles de l‘Espace dans 

les autres secteurs de la vie terrestre ; et les « Vendors », soit les individus qui 

recherchent le profit immédiat avant toute chose, proches en cela de la situation actuelle 

pour ce qui concerne l‘exploitation de l‘espace extra-atmosphérique par les 

gouvernements et autres groupes industriels et commerciaux. Les Etats obéissent à des 

comportements qui sont en partie le résultat des luttes d‘influence entre les groupes que 

nous venons de citer 164 . 

162 BATTISTELLA, Théories des relations internationales, op. cit., p. 182. 

163 OBERG, Space Power Theory, op. cit., p. 12-13. 

164 D‘une manière générale, nous avons tendance à surestimer l‘importance du premier groupe – dont son 

noyau principal, les « communautés épistémiques », voir supra. L‘actuelle réforme américaine ne nous 

contredira pas alors qu‘elle renvoie l‘exploration de la Lune ou de Mars à plus tard. C‘est donc bel et 

bien la dernière catégorie qui nous semble à cet égard devoir mériter le plus d‘attention. Ainsi en va-t-il 


44

C‘est ainsi que nous pouvons définir certaines priorités « nationales » 

déterminant l‘intérêt d‘une nation vis-à-vis de l‘Espace, c'est-à-dire, influençant son 

investissement dans un ou plusieurs domaines liés à celui-ci, et qui constituent dès lors 

autant de préférences et de combinaisons pouvant, certes, se modifier avec le temps, 

mais aussi heurter les intérêts des autres Etats 165 . En témoigne la question des systèmes 

de géolocalisation (ou GNSS, pour « Global Navigation Satellite System »). Le 

programme européo-centré Galileo est ici central : outre sa focalisation sur un terrain 

familier à Moravcsik, ses objectifs de départ et son évolution chaotique depuis 2003 ne 

peuvent que nous intéresser 166 . A l‘origine du programme, il y a la volonté européenne 

de s‘émanciper du GPS américain pour des raisons liées à la sécurité et à l‘indépendance 

militaire mais aussi au souci de lancer un système commercialement profitable 

concurrençant directement les Etats-Unis. Les externalités entre l‘Union européenne et 

les Etats-Unis se sont alors révélées mixtes 167 . Toutefois la crainte américaine de voir 

son monopole se dissoudre a pu être dépassée du fait de la volonté de part et d‘autre de 

l‘Atlantique de trouver un compromis. Les Américains et les Européens n‘ont guère 

tardé pour signer un accord satisfaisant les deux parties 168 . La variable chinoise illustre 

également la thèse libérale compte tenu de l‘évolution des Européens à son endroit. Les 

externalités, jugées positives de 2003 à 2007, alors que les deux entités partageaient un 

intérêt commun (chacune entendait bénéficier de la coopération), se sont avérées devenir 

plus mélangées au fur et à mesure que les Européens se rendaient compte des coûts 

des « Vendors » nationalistes pour qui l‘Espace est avant tout question de prestige et de statut. De ce 

point de vue, la nouvelle Russie est un exemple frappant, elle dont l‘intérêt vis-à-vis de l‘Espace a 

drastiquement diminué une fois la Guerre froide perdue et le régime soviétique effondré, et alors que 

l‘espoir de maintenir une position de superpuissance avait disparu. Le cas de la Chine semble montrer 

une évolution inverse alors même que les éléments nationalistes semblent se renfor cer au sein de son 

gouvernement. 


166 Andrew Moravcsik a commencé à développer sa théorie à partir de sa lecture intergouvernementale de 

l‘intégration européenne, voir « Preferences and Power in the European Community : A Liberal 

Intergovernmentalist Approach », Journal of Common Market Studies, 31 (4), décembre 1993, p. 473- 

524. Le « two-levels game », Robert D. PUTNAM, « Diplomacy and Domestic Politics: The Logic of 

Two-Level Games », International Organization, 42, été 1988, p. 427-460, auquel il est fait référence 

établit une passerelle intéressante entre les « space politics » et la « space policy ». Il montre notamment 

l‘importance des institutions et plus largement de la coopération internationale pour rendre obligatoire ou 

crédible certains engagements entre Etats, qu‘il s‘agisse des Etats-Unis (politique évolutive et 

incrémentale, voir PASCO, op. cit. et SADEH, op. cit.) ou des Européens (lutter contre les forces 

centrifuges). Sur Galileo et les autres systèmes GNSS, voir Annexe 8. 

167 Il est vrai que « the United States has a lot a stake », Scott W. BEIDLEMAN, « GPS vs. Galileo: 

Balancing for Position in Space », Astropolitics, 3 (2), 2005, p. 117-161. 

168 Malgré la complexité des enjeux, les Etats-Unis et l‘UE ont trouvé un terrain d‘entente et semblent 

vouloir faire évoluer le dossier vers « a common standard for satellite navigation as a framework for 

cooperation and competition », ibid. Il est vrai que les Américains y voient l‘opportunité de moderniser 

leur système GPS, afin de « cooperating where it can and competing where it must », ibid. 


45

qu‘une telle coopération entraînait 169 . Elles le sont d‘autant plus aujourd‘hui à l‘heure où 

le contentieux s‘est déporté sur l‘attribution des fréquences et l‘existence même de 

Galileo 170 . 

Galileo illustre bien la théorie libérale compte tenu des intérêts qu‘il oppose sur 

le plan domestique et international 171 . La théorie peut toutefois être utilisée pour 

d‘autres cas 172 . Plus largement, le cas Galileo montre les enjeux que sous-tend ce bien 

commun qu‘est l‘Espace. 

2.3. L’Ecole anglaise et « la société internationale » 

L‘Ecole anglaise est, selon Barry Buzan, « an underexploited resource 173 ». 

D‘autres, au contraire, soutiennent que l‘Ecole anglaise est « a case for closure 174 ». 

Nous retiendrons la première thèse en partant du principe selon lequel « the time is ripe 

to develop and apply its historicist, constructivist, and methodologically pluralist 

approach to IR 175 ». Un point de vue distinct et original tant au niveau des RI que sur 

l‘Espace nous semble ainsi possible. 

2.3.1. Entre pluralisme et solidarisme… 

Cela est d‘autant plus vrai que l‘Ecole anglaise a toujours défendu un certain 

pluralisme, voire un éclectisme. En témoigne le « noyau dur » de l‘Ecole constitué par 

les « trois R » – dont nous nous inspirons – et qui l‘amène à distinguer trois concepts 

clés. 

169 

Les considérations européennes sont en effet passées de l‘intérêt commercial bien senti à l‘entreprise 

sécuritaire intégralement européenne : la Chine, utile lorsque Galileo dépendait d‘un partenariat publicprivé, 

d‘un financement ouvert et de l‘ouverture de futurs marchés à l‘étranger, est devenu dangereuse, 

dès lors qu‘un financement exclusivement public – avec ses corollaires, que sont ses règles publiques et 

de sécurité – a vu le jour en Europe et alors même que l‘UE commence à s‘inquiéter du développement 

régional puis global du système chinois Beidou/Compass. 

170 

Bernard DEFLESSELLES, « La Chine pourrait brouiller les fréquences de Galileo », Les Echos, 8 

janvier 2010. 

171 

« Galileo peut être vu comme une longue suite de négociations », mêlant des intérêts commerciaux 

privés (capitalisme), des institutions européennes et des Etats-membres autour d‘enjeux et de 

conceptions différentes (Europe politique et militaire), avec d‘autres Etats comme les Etats -Unis et la 

Chine, Laurence NARDON, « Galileo et le profit. Comment maximiser la rentabilité du futur système 

européen de navigation par satellite ? », Note de l’IFRI, mai 2007. 

172 

Ainsi en est-il du cas ITAR (« International Traffic in Arms Regulations ») aux Etats-Unis. Le débat 

oppose les partisans de la sécurité, qui veulent des règles d‘exportation toujours plus strictes afin de 

limiter le risque de prolifération des technologies sensibles (département d‘Etat), et les tenants du 

développement de l‘industrie américaine par l‘exportation (département du Commerce). D‘autres acteurs 

internationaux sont impliqués, à l‘image de l‘UE, de la Chine ou de l‘Iran. Voir Partie II. 

173 

Barry BUZAN, « The English School: An Underexploited Resource in IR », Review of International 

Studies, 27 (3), juillet 2001, p. 471-488. 

174 

Roy E. JONES, « The English School of International Relations: A Case for Closure », Review of 

International Studies, 7 (1), janvier 1981, p. 1-13. L‘auteur est le premier à avoir utilisé le label. 

175 

BUZAN, « The English School », art. cité. 


46

Il s‘agit de ceux de « système international », « société internationale » et 

« société mondiale » 176 . Selon Barry Buzan : 

International system (Hobbes/Machiavelli/realism) is about power politics 

amongst states, and puts the structure and process of international anarchy at the 

centre of IR theory. […] International society (Grotius/rationalism) is about the 

institutionalization of shared interest and identity amongst states, and puts the 

creation and maintenance of shared norms, rules and institutions at the centre of 

IR theory. […] World society (Kant/revolutionism) takes individuals, non-state 

organizations and ultimately the global population as a whole as the focus of 

global societal identities and arrangements, and puts transcendence of the states- 

system at the centre of IR theory 177 . 

Un système d‘Etats caractérise ainsi une situation dans laquelle deux ou plusieurs Etats 

entretiennent des contacts entre eux de façon à ce que chacun fasse partie des calculs de 

l‘autre. De cette façon, le système international est un préalable nécessaire à 

l‘édification de la société internationale. La notion de société mondiale met, quant à elle, 

l‘accent non plus sur les Etats, mais sur les individus. Quant à la notion intermédiaire de 

société internationale, son intérêt est surtout de servir de liant. Avec elle, l‘accent est 

mis sur le continuum plutôt que sur l‘opposition, la simultanéité plutôt que 

l‘exclusivité 178 . Ainsi, l‘Ecole anglaise donne cette image de via media dans les RI : elle 

prend en compte chaque approche – car pour elle, toutes contiennent un aperçu de la 

politique internationale – mais elle en montre aussi les faiblesses – car chaque 

perspective ne peut être que partielle 179 . Cette souplesse se retrouve dans la définition 

complète de la notion de société internationale, telle qu‘énoncée par Hedley Bull et 

Adam Watson, et qui caractérise : 

a group of states (or, more generally, a group of independent political 

communities) which not merely form a system, in the sense that the behaviour of 

each is a necessary factor in the calculations of the others, but also have 

established by dialogue and consent common rules and institutions for the 

176 Martin Wight tient un propos très similaire : « The theory of international society, can be summed up 

in three Latin tags, answering the question, "What is international society?". For the Realist it is " bellum 

omnium contra omnes" (Hobbes) ; for the Rationalist, "societas quasi politica et moralis" (Suarez) ; and 

for the Revolutionist, "civitas maxima" (Wolff) ; or, in short : 1. It is not a society, rather an arena. 2. It 

is not a society but different from the state. 3. It is a state (or ought to be) », op. cit., p. 48. 

177 Barry BUZAN, From International to World Society? English School Theory and the Social Structure 

of Globalisation, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, p. 7-8. 

178 BUZAN, « The English School », art. cité. 


47

conduct of their relations, and recognize their common interest in maintaining 

these arrangements 180 . 

Deux conceptions distinctes s‘affrontent en son sein. 1) La première est dite 

« Grotienne » ou solidariste et penche en direction du « Kantian side of rationalism 181 ». 

Elle part du postulat selon lequel il existe une société internationale fondée sur la 

solidarité entre les membres de la communauté internationale en termes d‘application de 

la loi, de même qu‘une certaine homogénéité idéologique. C‘est ainsi que 

Grotius distingue les guerres justes et injustes. C‘est également la position éthique 

défendue par Kant qui veut que la violation ou le mal ressenti par l‘un le soit par tous. 

Pour faire bref, il y a un droit naturel commun à tous les êtres humains. 2) La deuxième 

conception, dite pluraliste, s‘inspire, elle, de Vattel, mais également du « realist side of 

rationalism 182 ». Elle place les Etats au cœur de l‘analyse et considère qu‘il n‘existe 

aucun consensus sur l‘idée de justice et de morale. Cette conception se veut procédurale 

ou contractualiste : les Etats peuvent s‘entendre sur la nécessité de maintenir l‘ordre 

international ; de même, ils peuvent reconnaître qu‘ils sont moralement et légalement 

tenus par un code commun de coexistence ; et tout cela, sans pour autant partager une 

culture homogène. La société internationale prend ici sa forme minimale : elle s‘en tient 

aux règles de base d‘un droit positif 183 . Ainsi, la structure anarchique n‘empêche pas les 

Etats de former, selon Hedley Bull, une « société anarchique ». La philosophie sous- 

jacente est, bien sûr, éminemment libérale. 

Dans un tel monde, opposé à la description hobbesienne de l‘état de nature, les 

acteurs sociaux rationnels sont capables d‘émettre et de respecter des règles sans 

nécessiter d‘autorité supérieure. 

2.3.2. … et entre res communis et res nullius 

L‘Espace a lui aussi bénéficié de cette prise de conscience de l‘intérêt commun. 

Pour autant, l‘épée de Damoclès de la « tragédie des biens communs 184 » menace. 

L‘Espace dessine, dans ce cadre là, un nouveau « bien commun global » dont la 

société internationale viendrait « tout juste » de faire la découverte et qui serait 

179 

Andrew LINKLATER, « The English School », in Scott BURCHIL (et al.), Theories of International 

Relations, New York, Palgrave Macmillan, 2005, p. 85. 

180 

Cité par BUZAN, From International to World Society, op. cit., p. 9. 

181 

Ibid., p. 47. 

182 

Ibid., p. 46. 

183 

Evelyne DUFAUTL, « L‘Ecole anglaise : Via Media entre ordre et anarchie dans les relations 

internationales », in MACLEOD et O‘MEARA (dir.), op. cit., p. 162-167 et LINKLATER, op. cit., p. 93. 


48

susceptible de faire l‘objet d‘une coopération étendue entre les Etats 185 . En effet, les 

« communs » sont ces domaines de ressources dans lesquels jouent, à force égale, bien 

que de façon indépendante, les propriétés de non-excludabilité et de rivalité. Quant au 

« global », il renvoie aux domaines de ressources auxquels toutes les nations ont accès. 

Mises bout à bout, ces deux notions conduisent à la notion de biens en commun. Le 

Traité de 1967 traduit bien cette idée. L‘Espace a ici pris le statut de res communis, 

c'est-à-dire qu‘il est soumis aux règles de non appropriation et de liberté d‘utilisation. 

Ce statut a d‘ailleurs pris une tournure particulière avec en 1979 l‘émergence de la 

notion de « patrimoine commun de l‘humanité » qui comporte l‘obligation pour les Etats 

d‘utiliser les ressources spatiales dans le bénéfice de tous. Or cette dénomination 

typiquement solidariste (justice, droit naturel) ne fait pas figure de monopole. De 

propriété de tout le monde, l‘Espace ne doit être la propriété de personne, ou res nullius. 

Si l‘Espace a été conçu comme un sanctuaire, « apanage de l‘humanité », il reste 

aussi en partie gouverné par le système des Etats (ordre, droit positif). Malgré la 

rhétorique idéaliste, les principales puissances spatiales continuent d‘exprimer des 

revendications territoriales traditionnelles. Or, « [u]nder international law the strongest 

claims are always based on effective occupation 186 ». Dès lors, l‘Espace a été le témoin 

de nombreux projets (tant humains que robotiques) fonctionnant sur ce principe. 

L‘orbite terrestre a constitué naturellement le premier lieu d‘entraînement pour ce genre 

de mission d‘occupation permanente (stations orbitales russes). D‘autres revendications 

(découverte et occupation) ont également eu lieu : dès 1967, les Américains et les 

Soviétiques plantaient leurs drapeaux sur la Lune, sur Vénus (URSS) et sur Mars (Etats- 

Unis). Les puissances « rampantes » pauvres, quant à elles, ont évoqué la géographie 

pour réclamer la souveraineté sur l‘orbite géostationnaire (circulaire équatoriale) comme 

en 1976 avec la Déclaration de Bogota 187 . Outre de rappeler la persistance du modèle de 

l‘Etat-nation dans l‘Espace 188 , ce dernier exemple illustre aussi l‘émergence de 

184 L‘expression est de Garret Hardin, un économiste à l‘origine d‘un article devenu fameux depuis, 

« The Tragedy of the Commons », Science, 162, 1968, p. 1243-1248. 


186 HICKMAN et DOLMAN, « Resurrecting the Space Age », art. cité. 

187 Le Brésil, le Colombie, le Congo-Brazzaville, l‘Equateur, l‘Indonésie, le Kenya, l‘Ouganda et le 

Congo-Kinshasa ont revendiqué leur souveraineté sur les orbites géostationnaires situées au-dessus de 

leurs territoires, en évoquant le fait que celles-ci étaient des ressources naturelles liées à l‘effet de 

gravitation exercé depuis leurs pays. Les Etats non-équatoriaux ont contre-attaqué en rappelant les autres 

facteurs qui jouaient. Cette déclaration était de toute manière contraire au droit de l‘Espace. BECK, op. 

cit., p. 159. 

188 Voir HICKMAN et DOLMAN, art. cité., John HICKMAN, « Viewpoint : Extraterrestrial National 

Territory and the International System », Astropolitics, 8 (1), 2010, p. 62-71 et plus largement, 

DOLMAN, Astropolitik, op. cit. 


49

véritables biens de club (excludables et non-rivaux) à la seule disponibilité des 

puissances les plus riches (lanceurs, satellites, etc.). La principale crainte des pays en 

développement était de voir l‘orbite géostationnaire saturée avant même qu‘ils n‘aient 

eux-mêmes pu y accéder. L‘Espace peut donc être aussi perçu comme un bien sujet à 

engorgement (non-excludable et rival), qu‘il s‘agisse des orbites de toutes sortes ou du 

spectre électromagnétique dont la bande des fréquences utilisables n‘est pas extensible 

en plus d‘être sujette à pollution 189 . En résumé, tout cela montre combien l‘Espace est 

propice à la « tragédie des biens communs ». Ce phénomène décrit une compétition pour 

l‘accès à une ressource limitée, menant à un conflit entre intérêt individuel et bien 

commun dont la conséquence est la surexploitation de la ressource. L‘enjeu des débris 

spatiaux rejoint cette problématique 190 . 

L‘approche en termes de « société internationale » présente l‘Espace plutôt sous 

l‘influence d‘une « anarchie mature » que comme « anarchie immature 191 » encore que 

certains traits de cette dernière soit bien présents. 

La raison est simple : le Rationalisme, que nous avons identifié en grande partie 

ici au libéralisme en RI, est, selon Martin Wight, une tradition intermédiaire entre les 

Réalistes et les Révolutionnaires. L‘Ecole anglaise en témoigne tout particulièrement, 

elle qui distingue une variante pluraliste, d‘une variante solidariste. Ainsi, Wight, 

malgré son désir de dépasser l‘opposition binaire, ne peut que se heurter lui aussi à cette 

tension majeure en RI, opposant réalisme et idéalisme. Il est temps de nous intéresser à 

ce dernier 192 . 

189 De là découle la règlementation de l‘UIT (Union internationales des télécommunications) qui établit 

un compromis entre la « règle du premier arrivé » et une planification souple des services via la remise 

en cause des situations acquises fondées sur les occupations unilatérales. Toutefois, il est difficile de dire 

si ce système peut être identifié à un bien public pur (non-excludable et non rival). 


191 Cette distinction est établie par Barry Buzan dans People, States and Fear (1983). L‘anarchie 

immature renvoie à l‘état de nature de Hobbes et à l‘instabilité chronique que celui -ci véhicule. 

L‘anarchie mature, quant à elle, situe les Etats au sein d‘une réalité sécurisée dans laquelle leurs 

relations mutuelles sont stabilisées. Sur une utilisation de cette distinction vis-à-vis de l‘Espace, voir 

Evelyne GRENECHE, L'espace extra atmosphérique en relations internationales : un milieu 

intrinsèquement coopératif, Mémoire de master 2, Bordeaux, Institut d‘études politiques de Bordeaux, 

2005. 

192 Malgré cette opposition pluralisme/solidarisme, l‘Ecole anglaise s‘avère incapable de correctement 

saisir le concept de « world society ». Pour Buzan, « [i]t is hard to escape the conclusion that the concept 

of world society has served as a residual category for many in the English school », From International 

to World Society?, op. cit., p. 28. L‘objectif de l‘ouvrage se concentre en grande partie « on trying to 

clarify world society », ibid., p. 2. 


50

3. La tradition Révolutionnaire : l’Espace transformé 

La tradition Révolutionnaire constitue la troisième et dernière image élaborée par 

Martin Wight. Etant donné la richesse du Réalisme et sa prédominance sur les RI, de 

même que la souplesse du Rationalisme et la puissance de l‘alternative qu‘il incarne, les 

Kantiens pourraient être perçus comme les parents pauvres des « trois R ». Ce serait un 

tort. Pour Martin Wight, il existe au moins deux raisons pour lesquelles les 

Révolutionnaires devraient avoir la prééminence. La première raison est historique. Elle 

s‘appuie sur le précédent de la Respublica Christiana, qui, pendant près de 500 ans, a 

incarné une société mondiale portée par l‘Eglise catholique médiévale et le Saint-Empire 

romain germanique et qui ne s‘est brisé que pour provoquer l‘émergence du système 

international, dit westphalien 193 . Mais si la tradition Révolutionnaire garde une certaine 

actualité, c‘est aussi pour une seconde raison : sa centralité exprimée dans le vif de 

l‘histoire européenne et occidentale 194 . Martin Wight cite ainsi les révolutionnaires 

religieux des XVI e et XVII e siècles, tant ceux de la Réforme protestante que de la 

Contre-réforme catholique, les révolutionnaires français, notamment les Jacobins, et les 

révolutionnaires totalitaires du XX e siècle. Cette grande diversité ne va sans poser 

quelques difficultés 195 . Certains mettent aussi l‘accent sur l‘effet repoussoir que ne peut 

que provoquer la lecture qui est faite de ces Révolutionnaires 196 . 

Or, s‘il est certain que cette tradition est certainement la moins cohérente des 

trois – Martin Wight en convient facilement, lui qui note que « [t]he Revolutionist 

193 Le passage de la féodalité à l‘Etat monarchique, en cause ici, a pris deux formes : 1) l‘interdiction de 

la guerre privée ; 2) le transfert de la potentas (la puissance souveraine) pontificale au profit du pouvoir 

temporel des rois, soit la création d‘un droit de la guerre inhérent à la souveraineté étatique qui ne se 

reconnaît pas de supérieur (le pape ou l‘empereur). Témoignent de ce changement les débats 

philosophiques de l‘époque entre doctrinaires impériaux (Dante, Marsile de Padoue) ou pontificaux et 

auteurs monarchiques (surtout Bodin) autour de la question de l‘exercice légitime de la guerre, Frédéric 

RAMEL, Philosophie des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, p. 12-13, voir 

aussi J. L. HOLZGREFE, « The Origins of Modern International Relations Theory », Review of 

International Studies, 15 (1), janvier, 1989, p. 11-26. 

194 « The historical precedence of the Revolutionist society of states is one reason for considering 

Revolutionism first ; a second reason is that it is in a special way representative of Western civilization. 

It exemplifies its moral dynamism and energy », WIGHT, op. cit., p. 9. 

195 Ce qui fait dire à David Boucher que cette troisième catégorie est davantage résiduelle que 

substantielle, outre d‘être victime, elle-aussi, de ce qui ressemble à une « pre-Darwinian biology » plutôt 

qu‘à de la philosophie étant donné les multiples découpages en sous-catégories auxquels son créateur la 

soumet, Political Theories of International Relations, New York, Oxford University Press, 1998 p. 5. 

Voir Annexe 3. 

196 Il est vrai que le tableau que nous dessine Martin Wight n‘est pas très louangeur. Les révolutionnaires 

n‘ont pas l‘habitude d‘interroger les moyens pour atteindre leurs fins, ou, plus justement, ils font en sorte 

que cela devienne une question de principe (voire un devoir). De ce point de vue, la « théorie de la 

dépopulation » (p. 28), également appelée « principe d‘extermination » (p. 225) est un paradoxe 

intéressant de nombreuses fois préconisé dans l‘histoire (nous ne citerons que le tristement célèbre 

« Tuez les tous, Dieu reconnaitra les siens » lancé au cours du sac de Béziers en 1209 par le légat du 

pape, préalable à la « ré-éducation » du Sud de la France). Nous ne pouvons qu‘approuver l‘auteur : 


51

tradition is less a stream than a series of waves 197 », moins un héritage assumé que 

l‘habitude prise de toujours tuer le père et d‘oublier le passé pour faire « table rase » et 

tout recommencer – les sous-catégories auxquelles Wight aboutit sont, selon nous, un 

élément de souplesse, c'est-à-dire une force pouvant illustrer tant la complexité 198 d‘une 

tradition que sa proximité intellectuelle avec ses deux voisines. L‘interprétation 

dialectique de l‘histoire faite par les révolutionnaires établit une distinction cruciale : 

pour cette tradition, « it was only at a superficial and transient level that international 

politics was about relations among states at all 199 » ; dès lors, la réalité ultime et 

téléologique doit être incarnée par l‘humanité dans son intégralité, individus compris. 

Telle sera la leçon que nous dresserons lorsque nous étudierons le constructivisme (1), le 

transnationalisme (2) et le structuralisme (3) 200 . Mieux : cela ne peut que laisser filtrer 

les principales tensions traversant le courant Kantien, dont nous nous efforcerons de 

suivre les méandres. Martin Wight distingue très nettement une tendance évolutionnaire 

au sein de la tradition 201 . Cette perspective kantienne sera l‘objet de nos première et 

deuxième parties. 

3.1. Evolutionnisme et constructivisme stato-centré 

« [Baptisé] d‘après une thèse partagée par toutes les approches critiques, selon 

laquelle "la réalité" des relations internationales est socialement construite 202 », le 

constructivisme a réussi à convaincre, y compris parmi ceux qu‘il critiquait 203 . 

« [i]t is really an extreme form of optimism to believe that by decimating the human race you can make 

the residue virtuous, and that such methods will not affect the results », op. cit., p. 28. 

197 Ibid., p. 12. 

198 Nous pensons surtout à cette quatrième catégorie qui n‘a finalement pas vu le jour, celle que Martin 

Wight appelle « Inverted Revolutionism » et qui rassemble cette tradition pacifiste inspirée par la pensée 

hindoue et l‘histoire des premiers chrétiens, en fait les Quakers, Tolstoï et Gandhi, ibid., p. 108-110. 

L‘auteur précise que : « [i]t is "inverted" because it repudiates the use of power altogether ; it is 

"Revolutionist" because it sees this repudiation as a principle of universal validity, and energetically 

promotes its acceptance. It has a missionary character », ibid., p. 108. 

199 BULL, art. cité. 

200 Nous croyons, en effet, que la tradition révolutionnaire a plus ou moins directement inspiré ces 

différentes approches. 

201 « Hard Revolutionists believe in creating the brotherhood of mankind, or civitas maxima, in which 

international politics will be assimilated to the condition of domestic politics, by violence. Soft 

Revolutionists aim at this through yearning and talk », WIGHT, op. cit., p. 47 

202 Dan O‘MEARA, « Le constructivisme. Sa place, son rôle, sa contribution et ses débats », in 

MACLEOD et O‘MEARA, op. cit., p. 181. 

203 Les approches dominantes ont essayé d‘en récupérer le message. Nous en voulons pour preuve 

l‘incorporation d‘un certain constructivisme au sein du « paradigme hégémonique en Relations 

internationales », Alex MACLEOD, « Emergence d‘un paradigme hégémonique », in MACLEOD et 

O‘MEARA, op. cit., p. 27-30. Celui-ci serait constitué d‘au moins trois approches dominantes en RI : le 

réalisme, le libéralisme et le constructivisme (ou idéalisme), voir WALT, « International relations: One 

world, many theories », art. cité. et SNYDER, « World, Rival Theories », art. cité. 


52

Différentes variantes se sont alors constituées 204 . Nous n‘en retiendrons ici qu‘une seule, 

mais non des moindres 205 , celle, « middle ground » et stato-centrée, que propose 

Alexander Wendt. 

3.1.1. La théorie sociale de la politique internationale 

Dans son article de 1992 – « Anarchy is what States Make of it » –, puis dans son 

livre de 1999 – Social Theory of International Politics 206 –, Alexander Wendt présente 

un point de vue constructiviste « thin. » 

Cela est surtout vrai pour ce qui est de l‘épistémologie 207 , mais aussi au niveau 

ontologique. Ainsi, ce constructivisme tient à la fois de l‘idéalisme, en opposition au 

matérialisme, étant donné que les structures sociales sont constituées en priorité par les 

idées que partagent les agents plutôt que par les rapports matériels, et du holisme contre 

l‘individualisme, puisque les intérêts et les identités des acteurs sociaux sont façonnés 

par les idées partagées plutôt que données une fois pour toutes. Pour résumer, 

«[c]onstructivism could therefore be seen as a kind of "structural idealism" 208 ». Enfin, 

cela reste vrai pour l‘anthropomorphisme stato-centré qui caractérise ses réflexions. Dès 

lors, ces éléments une fois réunis, ce qui va intéresser Wendt, c‘est l‘analyse de la 

construction sociale des Etats au niveau du système international, soit, l‘étude de 

l‘impact des idées internationalement partagées sur la définition des intérêts nationaux et 

des comportements qui s‘ensuivent. 

204 Dan O‘Meara identifie trois approches : 1) une variante conventionnelle (Wendt) qui cherche à 

dresser une passerelle entre les approches rationalistes et constructivistes, 2) une variante axée sur les 

règles (Onuf) pour laquelle toute action et tout comportement se comprennent en fonction des règles et 

des pratiques linguistiques sous-jacentes, et 3) une variante critique qui interroge les pratiques du savoir 

comme moyen de légitimer des rôles de pouvoir (Weldes) et d‘intérêts (McSweeney), op. cit., p. 197. 

Christian Reus-Smit élabore, lui, une distinction tripartite sur la base des niveaux d‘analyse employés : 

1) un constructivisme systémique se concentrant sur la « troisième image » (Wendt), 2) un 

constructivisme « unit-level » porté sur les déterminants internes (Katzenstein), et 3) un constructivisme 

holiste cherchant à rapprocher les analyses internationales et domestiques (Ruggie/Kratochwil), 

« Constructivism », in Scott BURCHILL (et al.), Theories of International Relations, New York, 

Palgrave Macmillan, 2005, p. 199-201. 

205 Ecoutons à ce propos Dario Battistella : « [f]aire d‘A. Wendt le représentant central du 

constructivisme ne va pas de soi. Reste qu‘on ne prête qu‘aux riches : Social Theory of International 

Politics constitue sans aucun doute le chef-d‘œuvre de la perspective constructiviste, et la discipline 

continuera à se positionner pendant de longues années encore par rapport aux thèses qui y sont émises », 

op. cit., p. 290, n. 20. 

206 Alexander WENDT, « Anarchy is what States Make of it : The Social Construction of Power 

Politics», International Organization, 46 (2), printemps 1992, p. 391-425 et Social Theory of 

International Politics, op. cit. 

207 Rappelons qu‘au niveau épistémologique, Wendt adopte une via media le conduisant à prendre tant 

chez les positivistes que chez les post-positivistes. In fine, il n‘hésite toutefois pas à affirmer : « I am a 

"positivist" », p. 39. Voir aussi BATTISTELLA, op. cit., p. 291, n. 21. 

208 WENDT, op. cit., p. 1. Wendt prend ainsi position au sein d‘un double débat ontologique opposant 1) 

la conscience à l‘être : qui de l‘un ou de l‘autre détermine la réalité sociale ?, et 2) la structure à l‘agent : 

qui détermine l‘autre ? Ce qui lui permet de classer les différentes théories de RI au sein d‘une matrice 

2x2, ibid., p. 32. 


53

Ainsi, « […] the meaning of power and the content of interests are largely a 

function of ideas […] only after the ideational conditions of possibility for power and 

interest explanations have been exposed and stripped can we assess the effects of 

materiality as such 209 ». Dans la seconde moitié de son livre (chapitre 6), Wendt 

applique cette thèse pour formuler trois modes de socialisation, qui constituent les Etats 

via autant de degrés d‘intériorisation culturelle : la force, l‘intérêt et la légitimité 210 . Ces 

modes sont dérivés de trois cultures anarchiques ou degrés de société : Hobbesienne, 

Lockienne et Kantienne 211 . 1) Pour la première, les Etats s‘y conçoivent les uns les 

autres comme ennemis. 2) Pour la seconde, les Etats s‘y conçoivent comme rivaux. 3) 

Enfin, pour la troisième culture, les Etats s‘y conçoivent comme amis 212 . Il rappelle ainsi 

que « anarchy does not have a single logic 213 » : elle reste un vaisseau vide qui 

n‘acquiert de sens que grâce au système de significations partagées, ou « culture », que 

nous y mettons. Autrement dit, « Anarchy is what states make of it ». Ce faisant, Wendt 

attire notre attention, non sur la diagonale, mais sur les neuf possibilités que laisse 

émerger une matrice 3x3 et qui sont « in play in international theory 214 . » 

Il laisse toutefois percer une vision téléologique notamment parce que si « there 

is no guarantee that international time will move forward toward a Kantian culture, at 

least it is unlikely to move backward 215 . » 

3.1.2. Vers l’Etat mondial dans l’Espace ? 

Cette vision finaliste, bien que logique, n‘est pas pour déplaire à la tendance 

évolutionnaire dont nous essayons ici de traiter – notamment depuis que Alexander 

Wendt a clarifié son point en vue en annonçant l‘inévitabilité de l‘Etat mondial 216 . 

209 Ibid., p. 96. 

210 Au premier degré, un Etat ne partage une culture que parce qu‘il est contraint de le faire (la force, soit 

l‘hypothèse traditionnelle des réalistes). Au second degré, un Etat partage une culture parce qu‘il est 

dans son intérêt d‘agir ainsi (intérêt éclairé, soit l‘hypothèse privilégiée des libéraux). Au troisième 

degré, un Etat partage une culture parce qu‘il la perçoit comme légitime ( seul ce dernier cas est 

véritablement constructiviste, au sens où les acteurs sont « construits » par la culture dans laquelle il 

évolue). 

211 La référence à l‘Ecole anglaise est directe. Ces trois cultures sont des idéaux-types qui renseignent sur 

les logiques et tendances que chacune renferme. Mais Wendt les applique aussi aux structures du monde 

réel. Ce qui le rapproche de Hedley Bull (sa façon d‘utiliser les notions de « système » et de « société ») 

plutôt que de Martin Wight (pour qui ces labels sont des traditions). 

212 Ces positions subjectives s‘appuient sur la posture prise par Ego à l‘endroit d‘Alter eu égard à 

l‘utilisation de la violence et en rapport avec l‘émergence d‘un effet miroir : ce que Wendt identifie 

comme des interactions réciproques, « Anarchy is what States Make of it », art. cité. 

213 Ibid., p. 248. 

214 Ibid., p. 254. 

215 Ibid., p. 251, et « […] even if there is no guarantee that the future of the international system will be 

better than its past, at least there is reason to think it will not be worse », p. 312. 

216 Alexander WENDT, « Why a World State is Inevitable », European Journal of International 

Relations, 9 (4), décembre 2003, p. 491-542. Wendt donne deux raisons. Le premier argument est 

matériel : à cause des développements technologiques, empêcher l‘émergence de l‘Etat mondial va 


54

De notre point de vue, la question reste de savoir si l‘introduction de la 

dimension Espace provoque un changement de nature, ou seulement de degré. Ainsi, 

depuis 1648, il semble que nous dépendions d‘une anarchie Lockienne. Le faible taux de 

mortalité parmi les Etats, presque égal à zéro, tendrait à prouver que le statu quo 

l‘emporte : « [t]he kill or be killed logic of Hobbesian state of nature has been replaced 

by the live and let live logic of Lockean anarchical society 217 ». Ce dont témoigneraient 

l‘émergence du principe de souveraineté et son intronisation en institution partagée par 

tous les Etats, autrement dit son intériorisation au troisième degré. L‘évolution de 

l‘Espace depuis le survol de notre planète par Spoutnik semble confirmer ces thèses. Là- 

haut, les Etats ne songent pas plus qu‘ici-bas à remettre en cause la vie d‘Alter 218 . Ils 

continuent au contraire à percevoir ce dernier comme un rival susceptible d‘être attaqué 

mais dans des limites raisonnables. Mieux, le recours, même limité, à la force étant lui - 

même de moins en moins fréquent parmi les Etats, nous pouvons penser que certains 

pays parviennent à dépasser la logique Lockienne en se concevant comme des amis au 

sens de la culture anarchique Kantienne. C‘est certainement vrai du point de vue de ces 

groupes d‘Etats regroupés en « pluralistic security community » et « collective security 

states » dont parle Wendt – à propos de l‘OTAN notamment. Cela l‘est encore 

davantage si nous considérons toutes ces variables, telles que l‘interdépendance que la 

mondialisation favorise, la communauté de destin vis-à-vis des défis globaux ou 

l‘homogénéisation des régimes socio-économiques et politiques incitant les Etats à se 

comporter en amis. L‘Espace fait lui-aussi partie intégrante de cette évolution 219 . 

Néanmoins, l‘opposition entre les logiques Hobbesienne et Lockienne rappelle 

aussi les différences entre réalisme offensif et réalisme défensif 220 dont nous avons déjà 

parlé. D‘autant plus que l‘Espace pourrait exacerber les pulsions d‘un Etat révisionniste 

étant donné les conclusions auxquelles nous avons déjà abouti en rapport avec les armes 

apparaître de plus en plus coûteux (impact négatif), mais l‘envers du décor, c‘est que ces mêmes 

développements permettent l‘organisation possible d‘un Etat à l‘échelle mondial (impact positif). Ce qui 

rend compte d‘un second argument. Si seule une entité mondiale est à même d‘assurer aux individus la 

reconnaissance et le respect de leurs droits, alors « there is no good normative argument against a world 

state » même si « it will take a long time », Peer SCHOUTEN, « Theory Talk #3: Alexander Wendt on 

UFO‘s, Black Swans and Constructivist International Relations Theory », Theory Talks, 25 avril 2008 

[en ligne] http://www.theory-talks.org/2008/04/theory-talk-3.html Cette argumentation est à comparer 

avec l‘approche choisie par Morgenthau sur la possibilité de fonder la paix sur la « transformation », voir 

les deux dernières parties de son Politics Among Nations, op. cit., p. 503-568. 

217 WENDT, Social Theory of International Politics, op. cit., p. 279. 



220 « These tendencies suggest that the anarchy portrayed by Waltz is actually a Lockean rather than 

Hobbesian system », ibid., p. 285. En outre, cela peut aussi rappeler tant l‘opposition entre anarchie 

mature et anarchie immature dont fait cas Barry Buzan, que la distinction entre système homogène et 

système hétérogène citée par Raymond Aron. 


55

spatiales. Dans le cas d‘une intériorisation au premier degré qui ne serait maintenue que 

par la dissuasion nucléaire et qui obligerait les Etats, non seulement à respecter la vie 

d‘autrui, mais aussi à ne pas attaquer, nous pourrions craindre le retour de ces 

« temporary regressions to a Hobbesian condition 221 » qu‘ont déjà été les guerres 

napoléoniennes et la Deuxième Guerre mondiale, et qui ont contraint les autres Etats du 

système international à adopter un comportement compatible. Dans ce cas, nous 

observons en fait la prééminence des forces matérielles sur les idées partagées, car, bien 

que connue, l‘institution de la souveraineté n‘est pas acceptée par ces Etats 

révisionnistes ; partant, à l‘extrême, si une majorité d‘Etats accepte d‘y voir un 

précédent, une « parenthèse hobbesienne » pourrait bien dégénérer 222 . Dans ce cas là, la 

perspective de voir émerger un Etat mondial apparaîtrait d‘autant plus lointaine que la 

société Kantienne serait inaccessible. 

La perspective de l‘Etat mondial reste toutefois intéressante appliquée au cas de 

l‘Espace. Même en présence de chocs exogènes, à l‘image d‘une « rencontre du 

troisième type », nous pensons que les Etats ne pourraient qu‘être poussés à se 

regrouper 223 . Encore qu‘ils ne soient pas les seuls acteurs pertinents. 

3.2. Le transnationalisme et la politique mondiale 

A cause des affinités qui le lient au libéralisme, le transnationalisme n‘est pas 

toujours considéré comme un paradigme à part entière. Or à l‘évidence, tant sa 

conception de l‘individu et de la société civile, que son refus du stato-centrisme et son 

emphase sur la politique mondiale plutôt que sur la politique internationale, invitent à 

considérer le transnationalisme séparément 224 , voire à lui ouvrir définitivement les 

portes de la tradition Révolutionnaire. 

221 WENDT, op. cit., p. 270. 

222 Ibid., p. 286-287. 

223 Cette conclusion, nous pouvons la tirer d‘un article écrit par Alexander Wendt, en collaboration avec 

Raymond Duvall, cherchant à donner une « epistemology of UFO ignorance ». Ainsi, outre la menace 

physique que les OVNI feraient peser sur la Terre et ses différents Etats, existe une menace ontologique, 

car « even if the ETs were benign, their confirmed presence would create tremendous pressure for a 

unified human response, or world government », « Sovereignty and the UFO », Political Theory, 36 (4), 

août 2008, p. 607-633. Il existe aussi la possibilité d‘une conquête de l‘Espace déconnectée des réalités 

terrestres, de l‘ordre de ces « lignes des amitiés et alliances » qui obéissaient, au XVII e siècle, à la 

logique du « No peace beyond the line ». Toutefois, notre sujet ne concerne, ici, que l‘Espace proche, par 

définition relié à la Terre. En outre, à l‘image du problème précédent, la conquête spatiale ne pourra 

semble-t-il se faire que par le biais de vastes programmes de coopération. Sur la question des 

annexations extra-terrestres et la probabilité d‘une guerre, voir John HICKMAN, « Viewpoint : 

Extraterrestrial National Territory », art. cité. 

224 En témoigne, par exemple, BATTISTELLA, « La perspective transnationaliste », in Théories des 

relations internationales, op. cit., p.187-218 dont nous nous inspirons ici. Il semblerait que cette 

démarche soit spécifique aux manuels français, ROUSSEL et O‘MEARA, « Le libéralisme classique », 


56

3.2.1. Vers la « world society » ? 

Avec le transnationalisme, nous quittons la politique internationale, privilégiée 

par Waltz, mais également Moravcsik ou encore Wendt. 

Nous entrons dans le « world politics paradigm ». Ce dernier, introduit par Robert 

Keohane et Joseph Nye lors du fameux colloque « Transnational Relations and World 

Politics » de 1971, prend pour acquise l‘idée selon laquelle « the state-centric paradigm 

provides an inadequate basis for the study of changing world politics 225 ». L‘opposition 

entre « high » et « low politics » est en effet rendue caduque par l‘émergence de ces 

« contacts, coalitions, and interactions across state boundaries that are not controlled by 

the central foreign policy organs of governements 226 », autant dire par l‘apparition de ces 

relations transnationales nourries par l‘augmentation du nombre des acteurs (qu‘ils 

soient liés aux Etats ou infra-étatiques et non-étatiques) et par l‘étendue des relations 

aujourd‘hui existantes (qu‘elles soient gouvernementales ou intergouvernementales et 

non-gouvernementales 227 ). Mais, pour pertinentes qu‘elles soient, les analyses de 

Keohane et Nye ne sont pas véritablement Révolutionnaires 228 . C‘est ainsi qu‘une 

lecture, à la fois plus critique du stato-centrisme et plus engagée du côté du 

cosmopolitisme, peut être poursuivie avec la « world society 229 » définie par John 

Burton. Ce dernier pousse en effet la logique transnationaliste jusqu‘au bout et prône un 

« cobweb model » qui serait davantage en adéquation avec notre monde : 

In practice, there are so many direct communications, or systems, that a world 

map which represented them would look like a mass of cobwebs superimposed on 

one another, strands converging at some points more than others and being 

op. cit., p. 100. Sur la façon dont l‘approche transnationale ou pluraliste est considérée en RI, voir 

BATTISTELLA, op. cit., p. 188-189 et la réception des auteurs qui l‘incarnent, p. 206 n. 44. 

225 

Robert O. KEOHANE et Joseph S. NYE, « Transnational Relations and World Politics : A 

Conclusion », numéro spécial, International Organization, 25 (3), été 1971, p. 736. 

226 

KEOHANE et NYE, « Transnational Relations and World Politics : An Introduction », ibid., p. 331. 

227 

Ibid., p. 229. 

228 

Robert Keohane et Joseph Nye semblent depuis avoir abandonné le transnationalisme, pour, 

respectivement, le néo-institutionnalisme libéral (voir infra) et l‘étude du « soft power ». Entre temps, ce 

constat avait encore été accentué par la notion de « complex interdependence » formulée pour rendre 

compte de la sensibilité et de la vulnérabilité croissante des acteurs de tous bords et des Etats en 

particulier. Par exemple, Nye s‘interrogent aujourd‘hui sur les conséquences de la nouvelle distribution 

de la puissance « in the global information age » sur les Etats-Unis, voir Joseph S. NYE, The Paradox of 

American Power : Why the World’ Only Superpower Can’t Go It Alone, New York, Oxford University 

Press, 2002, p. 38-40 et suiv. 

229 

John BURTON, World Society, Cambridge, Cambridge University Press, 1972. A propos de John 

Burton, voir Martin GRIFFITHS, Fifty Key Thinkers in International Relations, New York, Routledge, 

1999, p. 109-113. La définition transnationaliste proposée par John Burton n‘a évidemment rien à voir 

avec l‘approche constructiviste adoptée par Barry Buzan de l‘Ecole anglaise, From International to 

World Society?, op. cit., p. 66-67 et suiv. 


57

concentrated between some points more than between others. The boundaries of 

states would be hidden from view 230 . 

Ainsi, tant la fin de la séparation entre interne et externe, que l‘existence d‘un monde 

« globalisé » dans lequel un événement peut entraîner des répercussions illimitées, à 

l‘image d‘une vibration courant le long d‘une immense toile d‘araignée, invitent à une 

conception véritablement Révolutionnaire du monde fondée sur les individus, leurs 

besoins et leurs valeurs 231 . 

En consacrant la fin du modèle des boules de billard décrit par Arnold Wolfers 232 , 

John Burton fournit un contexte fertile : la variante transnationaliste de James Rosenau 

peut lui en savoir gré. Celui-ci, connu pour son livre de 1990, Turbulence in World 

Politics, décrit : 

[…] un monde nouveau, imprévu et chaotique, qui se caractériserait notamment 

par le développement de l‘interdépendance et de la spécialisation, par la 

prolifération des acteurs hors souveraineté (sovereignty-free), par l‘altération des 

identités sous les effets contradictoires de la centralisation et de la fragmentation, 

et, plus encore, par la réorientation des liens d‘autorité et des loyautés qui 

attachent les individus. Dans son état actuel, la politique "post-internationale" 

serait durablement condamnée aux turbulences, parce que ses structures de base 

montreraient une véritable scission (bifurcation) entre les logiques compétitives 

d‘un monde étatique et d‘un monde multicentrique, qui s‘influenceraient l‘un 

l‘autre sans jamais pouvoir véritablement se réconcilier 233 . 

Bien que concentrant toujours son attention sur les individus, Rosenau coupe ainsi les 

ponts avec la pensée réformiste et évolutionnaire de John Burton. Il contribue à dessiner 

les contours d‘un monde de l‘après-Guerre froide cerné par les risques de troubles et de 

« turbulences » et porteur d‘un nouveau « moment Grotien 234 ». Il incorpore enfin au 

sein du transnationalisme une tension dont nous pressentons tout l‘intérêt. 

230 BURTON, op. cit., p. 43. 

231 « There is now a world society to be described, analysed and understood. Then, hopefully, it can be 

modified and regulated to meet the needs and aspirations of the human race », ibid., p. 18. 

232 Ce modèle décrit les interactions entre Etats, définis comme des entités souveraines, indépendantes et 

imperméables entre elles, à l‘image de ces boules de billard de différentes tailles et couleurs dont 

« [o]nly the hard exteriors touch, and heavier or faster moving ones push others out of the way. The 

points of contact are governments: it is only governments that are interacting », BURTON, op. cit., p. 

28-29. Pour autant, bien que coupable, Arnold Wolfers n‘hésite pas à critiquer cette « state-as-actors 

theory » dont il reconnaît les limites, « The Actors in International Politics », in Discord and 

Collaboration, op. cit., p. 3-24. 

233 Michel GIRARD, « Turbulence dans la théorie politique international ou James Rosenau, inventeur », 

Revue française de science politique, 42 (4), 1992, p. 636-646. 

234 La notion de « moment grotien » sert à caractériser ces moments historiques décisifs où se met en 

place un lien entre une époque et une autre, et où la convergence de circonstances conduit à un saut 


58

L‘image d‘un « monde sans souveraineté 235 » produit un renversement qui nous 

rapproche un peu plus de la tradition Révolutionnaire. L‘affaiblissement de la société 

des Etats dessine deux potentialités dans l‘Espace. Reste à savoir si elles sont 

compatibles ou exclusives. 

3.2.2. L’Espace, néo-médiévalisme et/ou 

cosmopolitisme ? 

Le transnationalisme nous semble, ici, représenter une occasion favorable pour un 

retour aux racines de la tradition Révolutionnaire 236 . Ce qui est en jeu avec la notion 

d‘un « moment Grotien » peut se résumer au « néo-médiévalisme 237 . » 

Il s‘agit moins de la formation d‘un nouvel objet souverain, que l‘articulation, au 

sein d‘une communauté, de multiples niveaux d‘autorité et de loyauté co-existant entre 

eux et se chevauchant les uns les autres, pour dépasser le discours habituel en RI sur les 

effets de la « globalisation » et de la « fragmentation », voire en résoudre le dilemme 238 . 

A priori, étant donné l‘imaginaire sous-jacent, une telle analogie semble correspondre à 

l‘étude de l‘Espace 239 . La tendance actuelle paraît en témoigner 240 , tout comme le 

développement du tourisme spatial. Après tout, celui-ci incarne à la fois l‘ouverture d‘un 

nouveau domaine à la commercialisation, avec l‘émergence de compagnies privées très 

qualitatif dans la manière dont les rapports internationaux sont organisés et, partant, à l‘émergence d‘un 

nouvel ordre « international ». Dans un sens plus strict, l‘analogie est aussi une i nvitation à réaliser un 

geste équivalent à celui proposé par Grotius, soit participer à une renaissance du droit international. 

235 

Bertrand BADIE, Un monde sans souveraineté. Les Etats entre ruse et responsabilité, Paris, Fayard, 

1999. 

236 

Selon les révolutionnaires, « the whole of international society transcends its parts; they are 

cosmopolitan rather than "internationalist", and their international theory and policy has " a missionary 

character" […] » censées apporter un monde « meilleur », WIGHT, op. cit., p. 8. 

237 

Introduite par Arnold Wolfers, op. cit., p. 241-242, la notion de « néo-médiévalisme » a été étudiée 

par Hedley Bull dans The Anarchical Society, mais n‘a véritablement été considérée qu‘après la fin de la 

Guerre froide. 

238 

Jörg Friedrichs parle du « triple dilemma of current International Relations theory » tenant à la fois du 

supplice de Tantale et de celui de l‘âne de Buridan, soit choisir entre la globalisation et ses effets 

intégrateurs, la fragmentation aux logiques opposées et l‘existence des Etats-nations qui, loin de 

péricliter, continuent de monopoliser la plus grande part de légitimité. Le néo-médiévalisme embrasse 

tout cela à la fois. Il se définit comme un « system of overlapping authority and multiple loyalty, held 

together by a duality competing universalistic claims », Jörg FRIEDRICHS, « The Meaning of New 

Medievalism », European Journal of International Relations, 7, 2001, p. 475-501. 

239 

Nous ne comptons plus les références médiévales liés à l‘Espace, que ce soit pour le cinéma ou la 

Science fiction en générale. La double trilogie Starwars (1977-2005) vient tout de suite à l‘esprit. Quant 

à Avatar (2009) ou la saga Alien (1979-1997), eux-mêmes ne sont pas sans évoquer des sujets à la mode, 

tels l‘émergence du néo-mercenariat ou le pouvoir sans contrôle des grandes multinationales. Ce 

rapprochement entre la fiction et la réalité ne doit pas nous étonner, intertextualité aidant, il est facile de 

discerner des « similarities in the way SF tells stories, the way world politics is officially and popularly 

narrated, and the way analysts of world politics represent "international relations" », Jutta WELDES, 

«Popular Culture, Science Fiction, and World Politics : Exploring Intertextual Relations », in WELDES 

(ed.), To Seek Out New World, op. cit., p. 13-14. 

240 

Ainsi des spéculations à propos d‘un « troisième âge » de l‘Espace dominé tant par des consortia 

multinationaux et quelques rares Etats, que par des intérêts surtout commerciaux, voir Charles LUTES, 

Towards a Theory of Spacepower, symposium organisé par l‘Institute for National Strategic Studies, 

avril 2007. 


59

influentes (comme Space Adventure ou Virgin Galactic de Richard Branson), et le 

premier pas vers le cosmopolitisme et l‘idée selon laquelle les individus pourraient se 

réapproprier ce qui leur appartient et qui leur avait été ôté par la société des Etats 241 . 

Même si la plupart des projets n‘ont pas dépassé le cadre expérimental, des études de 

marché sont là pour prouver que la demande existe 242 : se faire touriste de l‘Espace et 

devenir « citoyen du monde » est un rêve universel. L‘Espace, « apanage de 

l‘humanité », gagnerait ainsi en puissance voire influencerait la Terre devenue « si belle 

depuis qu‘[auraient] disparu les cicatrices des frontières nationales » pour reprendre les 

mots du spationaute syrien Mohammed Ahmed Faris 243 . Ce faisant, nous pourrions nous 

demander si le touriste spatial resterait aussi soucieux de l‘autorité et de la légitimité de 

l‘Etat ou s‘il pourrait être tenté de la court-circuiter une fois revenu au sol 244 . 

En réalité, le tourisme spatial rappelle qu‘il est difficile de parler d‘une exclusion 

du rôle des Etats alors que les coûts technologiques restent importants et que leur 

développement continue d‘être hautement sensible. Les considérations légales freinent 

l‘émergence d‘un Espace ouvert à tous, qu‘il s‘agisse du principe de précaution ou de 

l‘attention portée au contrôle des exportations de haute-technologie. Cette vision 

241 L‘exemple de la Lune est à cet égard significatif. Ainsi, dans le silence juridique du Traité de 

l‘Espace vis-à-vis des individus, se sont engouffrées plusieurs sociétés de droit privé proposant la vente 

de terrains lunaires (voire d‘actes de propriété sur Vénus et Mars) à des particuliers ; par exemple, 

http://www.lunarembassy.com/ ou http://www.moonestates.com/. S‘il est vrai qu‘en 1967, seuls les Etats 

avaient la réelle capacité tant technologique que financière d‘aller dans l‘Espace et qu‘il était donc 

absurde de parler des individus, toujours est-il que ces titres ne sont bien sûr pas valides, voir Sabine 

AKBAR, « La lune, patrimoine commun de l‘humanité ? Comment exploiter les ressources lunaires dans 

le respect du droit international », Notes de l’IFRI, décembre 2006. 

242 Voir Annexe 10. Sur la base d‘études, le potentiel du tourisme spatial est reconnu. Jusqu‘à présent, 

seuls sept touristes millionnaires se sont offerts les services de Space Adventures pour des séjours allant 

de 9 à 15 jours : Dennis Tito (2001), Mark Shuttleworth (2002), Gregory Olsen (2005), Anousheh Ansari 

(2006), Charles Simonyi (2007 et 2009), Richard Garriott (2008) et Guy Laliberté (2009). La firme 

Virgin Galactic, quant à elle, désire vendre des vols suborbitaux à bord d'avions spatiaux, issus de 

l‘emblématique SpaceShipOne, pour un prix « modeste » situé aux environs des 200 000 dollars. C‘est 

surtout ce second modèle, celui proposé par Virgin Galactic, qui incarne l‘avenir, voir Roger D. 

LAUNIUS et Dennis R. JENKINS, « Is It Finally Time for Space Tourism ? » Astropolitics, 4 (3), 2006, 

p. 253-280. 

243 Cité par Collectif, La Grande Encyclopédie Fleurus Espace, Paris, Fleurus, 2002, p. 254. Le 

cosmopolitisme, ou "cosmopolis", soit cité universelle, est une idée ancienne, ayant ses racines tant chez 

les philosophes stoïciens de l‘Antiquité, que dans le Christianisme ou encore le globalisme de Kant. Pour 

nous, il offre à la fois une idéologie dite « cosmopolite » (être « citoyen du monde ») opposé au 

communautarisme philosophique, et un projet politique de « démocratie cosmopolite » potentiellement 

incarné par l‘ONU ou l‘UE, « Cosmopolitanism », in Martin GRIFFITHS, Terry O‘CALLAGHAN et 

Steven C. ROACH, International Relations: The Key Concepts, New York, Routledge, 2008, p. 55-57. 

Cette vision est partagée par les trois premiers groupes que nous avions identifiés infra. Le rôle des 

« communautés épistémiques » est à cet égard remarquable, Peter HAAS, « Epistemic Communities and 

International Policy Coordination », International Organization, 46 (1), hiver 1992, p. 1-35. Leur 

implication dans le programme spatial européen en témoigne : il fallait, selon M. Bignier, alors directeur 

général du CNES, « get rid of any kind of political hegemony and to admit that national interests are 

secondary to humanity‘s well being », cité dans Xavier PASCO et Laurence JOURDAIN, « Comparative 

Space Policy : The space policy crisis in the American, European, and French space programs », in 

SADEH, op. cit, p. 323. Sur les liens entre les individus, les Etats et l‘Espace, voir Annexe 11. 

244 Sur les rôles transnationaux, voir James ROSENAU, « Le touriste et le terroriste ou les deux extrêmes 

du continuum transnational », Etudes Internationales, 10 (2), 1979, p. 219-252. 


60

toujours stato-centrée était d‘ailleurs proposée par Edward Miles, en 1971, lors du 

colloque proposé par Keohane et Nye 245 . Depuis, ce modèle est certes concurrencé ; pour 

autant, il reste pertinent. En résumé, le néo-médiévalisme tel que proposé est loin 

d‘offrir un retour aux « Dark Ages 246 ». Ce que nous voyons, c‘est un équilibre se 

former entre les forces sociétales – en lien avec « la prolifération de rôle transnationaux 

[qui] a facilité la renonciation au rôle d‘honnête citoyen 247 » – le politique et finalement 

le marché. 

Or, ce dernier a peut-être tendance à s‘autonomiser. Telle est du moins la thèse 

Révolutionnaire « hard » que nous allons maintenant étudier. 

3.3. Les théories marxistes en orbite ? 

Selon Martin Wight, « [n]either Marx, Lenin nor Stalin made any systemic 

contribution to international theory 248 ». Tandis que, pour Kenneth Waltz, le marxisme 

incarne, par excellence, la théorie de la « seconde image » réductionniste 249 . Nous 

pensons au contraire que « the very central tenets of Marxism have a direct, though 

implicit, reference to the relations between horizontal groups such as nations 250 ». En 

outre, la théorie générale de la lutte des classes de Marx est bel et bien, par définition, 

une théorie internationale. 

245 Edward MILES, « Transnationalism in Space: Inner and Outer », in Robert KEOHANE et Joseph 

NYE, « Transnational Relations and World Politics », art. cité, p. 602-625. 

246 Au fond, ce n‘est pas forcément la résolution du « triple dilemme » qui fait l‘originalité du « néomédiévalisme 

». Après tout, l‘analyse de la « bifurcation » du monde essayait déjà de tenir compte de 

l‘ensemble de ces logiques contradictoires mais co-existantes, voire inter-agissantes, et l‘ajout au 

vocabulaire de Rosenau de la notion de « fragmégration » ne fait qu‘aller dans ce sens. De même, 

Bertrand Badie faisait lui aussi le constat d‘un « détriplement » de la scène mondiale, appelant la 

formation d‘un « jeu triangulaire » entre les différentes allégeances, voir BADIE, op. cit., p. 288-293 et 

BATTISTELLA, op. cit., p. 212-214. Le véritable intérêt du « néo-médiévalisme » est de rappeler qu‘il 

n‘y pas de « Coming Anarchy » (1994) à venir à l‘inverse de ce que croit Robert Kaplan. Jörg Friedrichs 

prétend que, à l‘image du Moyen Age occidental organisé et ordonné autour des deux pôles 

universalistes de la Respublica Christiana, soit l‘Imperium et le Sacerdotium, l‘époque actuelle pourrait 

être caractérisée par « a duality of competing universalistic claims », le système des Etats-nations 

(« l‘Empire ») et l‘économie globale de marché (« an avatar of Catholic medieval universalism »), art. 

cité. 

247 ROSENAU, art. cité. 

248 Martin WIGHT, « Why Is There No International Theory? », in Andrew LINKLATER (ed.), 

International relations: critical concepts in political science (vol. 1), New York, Routledge, 2000, p. 33. 

En témoigne d‘ailleurs le fait que, ni Wight ni Bull, n‘imaginent de catégorie « Marxienne ». De même, 

Frédéric Ramel choisit de « ne pas intégrer Marx […] en raison de l‘absence de textes consacrés 

spécialement aux relations internationales dans son œuvre », op. cit., p. 32 n.1. 

249 WALTZ, Man, the State and War, op. cit., p. 125. 

250 R. N. BERKI, « On Marxian Thought and the Problem of International Relations », World Politics, 24 

(1), 1971, p. 80-105. La question de la contribution de Marx et du marxisme aux RI peut être d‘ailleurs 

discutée en détail, voir DOYLE, op. cit., p. 319-321 et suiv., Andrew LINKLATER, « Marxism », in 

BURCHILL (et al.), op. cit., p. 110-112 et suiv. et BATTISTELLA, op. cit., p. 221-226 et suiv. 


61

3.3.1. Le marxisme et son avatar gramscien 

La plupart des manuels de Relations internationales en conviennent facilement, 

eux qui ne manquent pas de faire figurer le (néo)marxisme en bonne position derrière le 

réalisme et le libéralisme. Et pour cause, les marxistes ont énormément de choses à dire 

concernant les relations internationales 251 . 

En réalité, c‘est de façon indirecte qu‘il faut aborder la théorie internationale 

marxiste conventionnelle. Pour Marx, la dynamique des sociétés humaines est 

déterminée par les contradictions entre le développement des forces productives et les 

changements au sein des rapports de production. Celles-ci prennent alors la forme d‘une 

lutte entre groupes sociaux, ou classes, définis par leurs relations avec les moyens de 

production 252 . Le « présent », dominé par la société capitaliste, oppose la bourgeoisie, 

aux mains desquelles se trouve la propriété privée des moyens de production, au 

prolétariat, exploité et aliéné, ne possédant que sa seule force de travail. Mais le 

capitalisme n‘incarne pas, pour autant, la fin de l‘histoire. Au contraire, puisque ce sont 

les logiques sous-entendant cette dernière qui le condamnent d‘avance à l‘effondrement. 

Cette perspective permet toutefois à Marx de voir dans l‘expansionnisme du capitalisme 

euro-centré mondial un mécanisme, certes brutal, mais aussi utile 253 , car seul capable 

d‘amener la réconciliation de l‘humanité toute entière en mettant un terme aux 

séparations artificielles 254 . En reconnaissant au colonialisme un rôle civilisateur, Marx et 

Engels, sont toutefois coupables. Lénine va, de ce point de vue, opérer un renversement 

majeur en écrivant L’impérialisme, stade suprême du capitalisme. Lénine montre en 

effet que le capitalisme concurrentiel décrit par Marx n‘est plus d‘actualité au début du 

251 Ce ne sont ni la remise en cause du père fondateur, ni l‘apparition puis la chute de l‘URSS qui ne 

peuvent empêcher une « continuing relevance », Stephen HOBDEN et Richard WYN JONES, « Marxist 

theories of International Relations », in John BAYLIS et Steve SMITH (eds), The Globalization of World 

Politics. An introduction to international relations, Oxford, Oxford University Press, 2001, p. 200. 

252 Ainsi, les classes, et non les Etats ou les individus, sont les unités de référence. Pour Marx, il existe 

un mouvement unidirectionnel de l‘histoire constitué par autant d‘étapes successives qu‘il y a de sociétés 

différenciées par leur mode de production : le communisme primitif, le mode antique, asiatique, féodal, 

le capitalisme, et finalement, dans un futur plus ou moins proche, le socialisme (société non -conflictuelle 

harmonieuse et altruiste, mais toujours basée sur la production) et le communisme (société d‘abondance). 

253 « Imperialism did constitute one of the two great engines of progress that, together with the domestic 

development of capitalism in the industrial countries, would drag mankind inexorably, though u nevenly 

(country by country), toward its Socialist "destiny". It spread capitalism – precursor to Socialism – 

across the globe, ripping Asia and Africa from the stagnation of precapitalist modes of production […] », 

DOYLE, op. cit., p. 333. Le capitalisme, en créant le monde à sa propre image, est clairement 

d‘inspiration Révolutionnaire. 

254 En réalité, ce point là peut être nuancé. Du fait de la persistance des identités nationales, avec 

lesquelles le marxisme doit nécessairement composer, survient un dilemme, puisque « […] the Marxian 

ideal of socialism appears either in the shape of hegemony, as the domination of strong nations over 

weak ones ; in this case it is no longer tinged with the features of capitalism, but neither is it the 

realization of a higher human freedom. Or, it appears in the shape of a community of independent 

nations, in which case it may come to represent freedom and progress over capitalism proper, but 

remains a system still visibly bearing the birthmarks of capitalism », R. N. BERKI, art. cité. 


62

XX e siècle, depuis qu‘il a été remplacé par un capitalisme financier monopolistique 

expansionniste et agressif, à la fois bien installé en métropole, puisqu‘il contrôle l‘Etat 

et qu‘il s‘est assuré la paix sociale, et sur le point d‘asseoir son autorité économique et 

politique sur le reste du monde 255 . L‘avenir de la révolution dépend donc des pays les 

moins développés – dont la Russie que Marx méprisait. 

C‘est dans cette lancée qu‘apparaissent les réflexions d‘Antonio Gramsci. 

Pourquoi, contrairement à ce que l‘analyse marxiste conventionnelle décrivait comme 

acquis, la révolution n‘a-t-elle pas éclaté dans les pays d‘Europe occidentale les plus 

avancés ? Pour répondre, Gramsci, « regarded by many as the most creative Marxist 

thinker of the twentieth century 256 », utilise le concept nouveau d‘« hégémonie ». Cette 

notion épouse certes les contours de la puissance, à la façon des réalistes, mais ces 

contours-là ont changé. La puissance est, ici, perçue de manière duale sous la forme du 

centaure, mi-bête, mi-homme, mélange à la fois de coercition et de consentement. Ainsi, 

alors que les marxistes classiques concentraient leurs attentions sur les pratiques et les 

capacités coercitives de l‘Etat – dont une classe doit s‘emparer si elle veut dominer – 

Gramsci explique que les pays les plus développés illustrent un cas plus complexe que 

celui de la Russie arriérée. Le consentement créé et recréé par l‘hégémonie de la classe 

dominante permet l‘acceptation des valeurs tant morales que politiques ou culturelles de 

cette classe par le reste de la société. L‘idéologie ainsi fondée devient « sens commun » 

pour la société civile qui se charge de l‘intégrer en son sein et de la diffuser. Avec 

Gramsci, nous pouvons dépasser l‘« économisme historique » des marxistes qui ne 

prennent pas la superstructure suffisamment au sérieux ; car la société, avec ces 

pratiques politiques et culturelles (superstructure), loin de refléter de manière inerte les 

relations socio-économiques (base), interagit avec elle, via l‘existence d‘un « bloc 

historique ». C‘est cet ensemble qui fonde tout ordre donné 257 . Or cet ordre peut 

également être mondial. Une hégémonie nationale, établie par une classe sociale 

dominante, associée à des institutions économiques et sociales, une culture et une 

255 DOYLE, op. cit., p. 355. 

256 HOBDEN et WYN JONES, op. cit., p. 210. 

257 L‘importance donnée aux pratiques politiques met en avant l‘émergence nécessaire d‘une « contrehégémonie 

» permettant de conquérir le pouvoir de manière durable. C‘est ici que peut intervenir l‘avantgarde 

révolutionnaire prônée par Lénine. Toutefois, mener une guerre de mouvement à l‘image de la 

guerre civile russe n‘est pas la solution : il faut conduire une véritable guerre de position, seule à même 

de renverser l‘hégémonie bourgeoise des pays les plus avancés. 


63

technologie précises, peut s‘expatrier vers les pays périphériques sous la forme d‘« une 

révolution passive 258 ». 

Tel fut le cas de la Pax Britannica, tel est encore le cas de la Pax Americana, 

d‘autant que celle-ci s‘est ouverte à une nouvelle dimension. 

3.3.2. Le néogramscisme appliqué à l’Espace 

Selon Robert Cox, à l‘origine de la plupart des travaux sur Gramsci en RI, 

l‘hégémonie n‘est pas une relation impériale ou politique exercée par un Etat sur un 

autre, mais davantage une domination non ressentie. 

Un ordre hégémonique se manifeste en fait sous la forme de normes légitimées et 

reproduites par les organisations internationales, elles-mêmes reflet de l‘ordre existant. 

Clairement, « [h]egemony at the international level is […] an order within a world 

economy with a dominant mode of production which penetrates into all countries and 

links other subordinate modes of production. It is also a complex of international social 

relationships which connect the social classes of the different countries 259 ». Ainsi, pour 

évoquer la puissance hégémonique des Etats-Unis, nous ne voyons pas de meilleur 

exemple que le succès, depuis les années 1980, des politiques néolibérales, au sens 

économique du terme, acceptées tant aux Etats-Unis que dans le monde entier, à 

l‘avantage surtout des premiers 260 . Or la domination globale de l‘idéologie néolibérale, 

devenue « sens commun », s‘est aussi développée là-haut comme en témoignent les 

processus successifs de commercialisation et privatisation 261 , d‘abord entamés aux Etats- 

Unis, puis exportés au reste du monde. La chute de l‘URSS et l‘accélération de la 

mondialisation n‘ont fait que confirmer cette tendance. Le fait est que « the Post-Cold 

War hegemony of US power and the dominance of free market ideology is shaping 

international institutions and their ability to facilitate consent to and endorsement of free 

market ideology within other states and within US society 262 . » 

258 La révolution passive caractérise ces pays qui n‘ont pas totalement achevé leurs transitions 

industrielles et dans lesquels l‘hégémonie bourgeoise est incomplète. Pour survivre, celle -ci a en fait dû 

pactiser avec les anciennes classes dominantes. 

259 Robert W. COX, « Gramsci, Hegemony and International Relations : An Essay in Method », 

Millennium, 12 (2), 1983, p. 162-175. Nous retrouvons finalement ce qui fait la marque de fabrique du 

(néo)marxisme, soit l‘étude des relations centre-périphérie. Celles-ci dessinent une analyse verticale de 

la puissance à la fois interne et mondiale. Les réalistes privilégient, eux, la dimension horizontale en 

mettant l‘accent sur la rivalité entre les grandes puissances. 

260 HOBDEN et WYN JONES, op. cit., p. 213. 

261 La commercialisation désigne un transfert partiel ou total des profits vers des entreprises privées ou 

publiques. La privatisation va plus loin puisqu‘elle se définit par le passage des activités 

gouvernementales spatiales civiles aux opérations strictement privées. 

262 Edythe E. WEEKS, « Applying International Relations Theory to the Current Politics of Outer Space 

Development », Article présenté à la conférence annuelle de International Studies Association, Town & 


64

L‘évolution de l‘industrie de satellites de communication est particulièrement 

significative. Après avoir, en 1962, créé, via le « Communications Satellite Act », la 

COMSAT (« Communication Satellite Corporation »), les Etats-Unis, sur la base d‘un 

appel lancé deux ans auparavant par Kennedy à toutes les nations de la Terre, usent de 

leur influence et parviennent à créer, au niveau international, une émulation autour des 

projets de commercialisation des télécommunications satellitaires. INTELSAT 

(«International Telecommunications Satellite Organization ») est le résultat direct de ce 

processus international. Qui plus est, il permet aux pays participants d‘intégrer les 

logique du marché, car, « [c]ountries were allowed to own a piece of INTELSAT in 

proportion of their investment. This provided an incentive for various governments to 

consent to the free market hegemony of wanting INTELSAT to succeed ». INMARSAT 

(« International Maritime Satellite Organization »), en 1979, obéit aux mêmes principes. 

La commercialisation, déjà à l‘œuvre au sein des deux organisations, devient 

privatisation dans les années 1990 et 2000 après qu‘un lobbying intense eut pris forme 

aux Etats-Unis et que le « ORBIT Act » (« Open Market Reorganization for the 

Betterment of International Telecommunications ») eut été passé. Sous le prétexte de 

concurrence déloyale, tant INTELSAT que INMARSAT sont privatisés pour devenir 

Intelsat LLC et INMARSAT Ventures, Ldt. 

L‘actuelle réforme Obama renforce encore cette tendance néolibérale dominante, 

et par extension l‘hégémonie américaine 263 . Nous retrouvons donc l‘idée marxienne 

selon laquelle le marché capitaliste n‘est ni apolitique ni neutre. 

L‘avantage d‘achever la présentation de cette tradition Révolutionnaire avec 

Robert Cox est de rappeler combien il est important de voir que « [t]heory is always for 

someone and for some purpose 264 ». Dans ces conditions, la logique émancipatoire, voire 

Révolutionnaire, n‘est jamais très loin, car une « critical theory […] contains an element 

of utopianism in the sense that it can represent a coherent picture for an alternative 

order 265 . » 

Country Resort and Convention Center, San Diego, California, USA, 2006. Dans cette optique 

hégémonique, le transnationalisme peut contribuer à mettre l‘accent sur le rôle de ces entrepreneurs 

cooptés afin de diffuser la bonne parole et d‘absorber les idées contre-hégémoniques. 

263 Il est devenu « sens commun » que « [t]he only way that humans will develop a space-faring 

civilization is if the private sector […] lead the way », Edward HUDGINS, The Private Sector Road to a 

Space-faring Civilization, IFRI, juin 2004. Certains rappellent à ce propos que seuls les Etats-Unis sont à 

même de rassembler l‘humanité, voir DOLMAN, op. cit. 

264 Robert W. COX, « Social Forces, States and World Orders : Beyond International Relations Theory », 

Millennium, 10 (2), juin 1981, p. 126-155. 

265 Ibid. Dans ce sens, l‘apport des théories critiques vis-à-vis des politiques dans l‘Espace est essentiel. 


65

L‘Espace est un objet mouvant. Ses facettes sont multiples, ses logiques variées 

et ses acteurs nombreux. Trois lentilles (« trois R ») nous ont permis d‘analyser et 

d‘organiser le plus exhaustivement possible l‘évolution de l‘Espace. Garantis de la 

souplesse à laquelle nous avons voulu rester fidèle, cette tripartition ne s‘est pas avérée 

être une contrainte. Tout au contraire, comme nous avons essayé de le montrer à 

plusieurs reprises : chaque tradition a révélé en son sein de nombreuses tensions, tout en 

incorporant des traits communs aux autres discours. Plutôt qu‘un tableau figé, ces trois 

traditions ont présenté les caractéristiques d‘un « spectrum, within which at some points 

one pattern of thought merged with another, as infra-red becomes ultra-violet 266 . » 

L‘intérêt d‘une telle présentation relève aussi de la méthode employée. Chaque 

philosophie incorpore à la fois des théoriciens et des praticiens des relations 

internationales. La transition avec notre deuxième partie est dès lors d‘autant plus aisée. 

Etudier la politique spatiale d‘un pays équivaut en effet à prendre conscience de la 

structure spatiale globale dans laquelle cet Etat s‘insère, tout en cherchant à comprendre 

comment les agents de l‘Etat en question perçoivent eux-mêmes cet ensemble et 

comment ils cherchent à s‘y mouvoir. Dans cette perspective, il nous faut réduire le 

nombre de discours à partir desquels la politique spatiale américaine peut être pensée. 

L‘Espace, hic et nunc, semble après tout rester l‘apanage des Etats, de même qu‘il paraît 

être toujours lié à un « état de guerre », conséquence de l‘anarchie internationale, sans 

être pour autant synonyme d‘un « état de nature » 267 . Dans ces conditions, l‘opposition 

binaire que nous introduisions en introduction peut être renouvelée avec plus de 

certitude : harmonie et conflit, telles sont les notions au cœur de cette partie I. 

266 BULL, art. cité. Wight reconnaît que « [t]here has been a confluence, a convergence, if not to say 

confusion of traditions », op. cit., p. 265 

267 De ce point de vue, la distinction entre pluralisme et solidarisme nous semble toujours pertinente. Elle 

l‘est d‘autant plus si, pour en revenir à l‘ouvrage de Barry Buzan, nous partons du constat que l‘Espace 

ne peut pour le moment accueillir qu‘une société des Etats centrée sur les questions de coexistence et de 

coopération. La société transnationale et la société « interhumaine » ne sont représentés là-haut que 

potentiellement. Voir BUZAN, From International to World Society ?, op. cit., p. 139-160 et notamment 

la figure 5, p. 159. 


66

2 ème Partie – … à la Realpolitik américaine dans 

l’Espace : la preuve par la politique spatiale 

américaine 

Who controls low-Earth orbit controls near-Earth space. Who controls near-Earth 

space dominates Terra. Who dominates Terra determines the destiny of 

humankind. 


Everett Dolman 268 

Le triptyque composé par Martin Wight à partir du Réalisme, du Rationalisme et 

du Révolutionnisme est-il susceptible de perdre un « R » en passant de la théorie à la 

pratique ? C‘est en partie ce que nous soutenons. La vérité est qu‘il est possible de 

transformer ce trio en duo tout en conservant ses déclinaisons philosophiques comme 

nous le montre en partie l‘opposition entre pluralisme et solidarisme étudiée par l‘Ecole 

anglaise. Pour nous, l‘évolution de l‘Espace depuis le lancement de Spoutnik évoque un 

contraste entre le conflit et l‘harmonie. Ainsi, l‘orientation que semble prendre l‘Espace, 

compte tenu des différents enjeux (technologique, militaire et politique, mais aussi 

économique et commercial) qui le constituent, paraît obéir à deux tendances 

accompagnant le couple réaliste/idéaliste. Il est vrai que les spécificités de cette 

nouvelle dimension font que, dans le court-moyen terme au moins, les acteurs non- 

étatiques n‘auront pas les moyens d‘aller seuls dans l‘Espace. L‘Etat reste l‘acteur de 

prédilection pour quiconque veut étudier cette dimension 269 . Dans cette continuité, une 

grande place est laissée aux politiques de puissance et de Realpolitik manifestées par ces 

entités. Dès lors, si le réalisme semble se prêter davantage au jeu, nous avons rappelé 

dans notre première partie combien ces trois focales différentes sont nécessaires pour 

obtenir les avantages des uns sans les inconvénients des autres et cela sans perdre en 

cohérence. Pour reprendre des termes satellitaires, cela a permis d‘obtenir le grand 

champ et la précision. 

Le fait est qu‘une analyse duale se prête bien à l‘étude que nous comptons mener 

vis-à-vis de la politique étrangère des Etats-Unis. Le style national américain témoigne 

en effet tout particulièrement de cette opposition binaire, lui qui incarne « une 

268 DOLMAN, Astropolitik, op. cit., p. 6-7. 

269 A l‘opposé, le cyber-espace obéit à des logiques autres qui laissent beaucoup plus de place aux acteurs 

non-étatiques – organisations ou individus. Voir Joseph S. NYE, « Cyber Power », mai 2010, in The 

Future of Power in the 21st Century, à paraître [en ligne] http://belfercenter.ksg.harvard.edu/files/cyberpower.pdf 

et Colin S. GRAY, La Guerre au XXI e siècle, Un nouveau siècle de feu et de sang, Paris, 

Economica, 2007, p. 297-314. 

67

perception, une façon de voir le monde particulière aux Américains, qui est susceptible 

d‘affecter les choix des décideurs et les orientations de la politique étrangère 270 ». En 

effet, malgré des contours flous et l‘existence de nombreuses tendances 271 , il est possible 

de prendre pour point de départ de notre réflexion l‘opposition, demeurée fameuse, entre 

les wilsoniens (exceptionnalisme) et les réalistes (politique de puissance), encore 

dominante aujourd‘hui. Henry Kissinger dans Diplomatie évoque ainsi cette période 

charnière du début du XX e siècle durant laquelle l‘Amérique eût à déterminer sa 

politique étrangère lorsqu‘il lui fallut expliquer l‘abandon de l‘isolement 272 . Les 

portraits croisés de Theodore Roosevelt et de Woodrow Wilson sont très évocateurs. Le 

résultat de ce débat l‘est d‘autant plus ; car si la doctrine Wilson finit par incarner la 

nouvelle politique étrangère américaine, dans les faits, le rôle que l‘Amérique s‘attribua 

rejoignît les intentions de Roosevelt. Finalement, le résultat ne peut qu‘être 

« schizophrénique 273 ». Les batailles entre unilatéralistes et multilatéralismes l‘ont 

montré à de multiples reprises. A cet égard, l‘Espace va être particulièrement parlant. 

En outre, si les Etats-Unis nous paraissent dignes d‘être présentés de manière 

plus approfondie, c‘est parce que leur influence depuis la fin de la Guerre froide et la 

chute de l‘alter ego soviétique, apparaît disproportionnée par rapport aux autres 

puissances 274 . Jugeons-en un peu. Les Etats-Unis, au premier rang mondial, tant du point 

de vue économique que militaire 275 , sont aussi le leader dans l‘Espace. Le gouvernement 

270 Charles-Philippe DAVID, Louis BALTHASAR et Justin VAISSE, La politique étrangère des Etats- 

Unis. Fondements, acteurs, formulation, Paris, Presses de Sciences Po, 2008, p. 55. Rappelons que 

« [c]omme tout modèle explicatif, il comporte des simplifications et des généralisations commodes », 

ibid., p. 56. 

271 Sur la base des principaux objectifs de politique étrangère (paix, puissance, prospérité, principe), il est 

possible de dénombrer l‘existence de plusieurs courants de pensées politiques : l‘isolationnisme, 

l‘idéalisme, le réalisme et l‘internationalisme libéral, ibid., p. 107-133. Il existe autant d‘approches 

académiques, ibid., p. 136-188. 

272 Henry KISSINGER, Diplomatie, Paris, Fayard, 1996, p. 21-45. 

273 Selon l‘expression de Joseph N. Nye, The Paradox of American Power, op. cit., p. 156. Ainsi, « [l]a 

doctrine Wilson incarne le drame de l‘Amérique sur la scène mondiale : tandis qu‘elle affirme une 

idéologie en un sens révolutionnaire, les Américains se satisfont finalement du statu quo », KISSINGER, 

op. cit., p. 45. Au fond, en effet, « Americans do not like to think of themselves as practicing realpolitik 

[…] they do like being number one », Stephen WALT, « Two Cheers for Clinton's Foreign Policy », 

Foreign Affairs, 79 (2), mars-avril 2000, p. 63-79. Le résultat logique est que « American foreign policy 

has usually been guided by realist logic, although the public pronouncements of its leaders might lead 

one to think otherwise », MEARSHEIMER, op. cit., p. 26. Voir aussi MEARSHEIMER, « The False 

Promise of International Institutions », art. cité. Cela explique le traitement qui est généralement fait par 

les spécialistes, voir notamment Pierre HASSNER et Justin VAISSE, Washington et le monde : dilemmes 

d'une superpuissance, Paris, Autrement, 2003. A noter que Richard Ned Lebow partage l‘idée selon 

laquelle les Etats-Unis mènent une Realpolitik, mais propose un point de vue différent. Pour lui, depuis 

la fin de la Guerre froide, « self-interest had become a publicly acceptable goal », The tragic vision of 

politics, op. cit., p. 17. 

274 « The United States is the dominant power in space, and so its policies will impact on all other 

spacefaring states », DOLMAN, op. cit., p. 151. 

275 En témoigne un PIB de l‘ordre de 14,266 milliards de dollars selon le FMI [en ligne] 

http://www.imf.org/ et des dépenses militaires équivalant à près de 661 milliards en 2009 selon le SIPRI 

[en ligne] http://www.sipri.org/ 


68

américain est à la fois le plus grand consommateur spatial et celui qui lui accorde le plus 

gros budget 276 . Ce constat est renforcé par la place occupée par l‘Espace au sein du 

débat public aux Etats-Unis. Bien que relativement récent et malgré sa complexité 277 , il 

n‘a cessé de gagner en importance. La publication du rapport Rumsfeld en 2001 278 y est 

certainement pour beaucoup ; depuis lors, nous ne comptons plus les séminaires ou les 

programmes de réflexion ayant pour sujet la militarisation de l‘Espace. Citons tout de 

même, parmi les think tanks les plus connus, le Stimson Center, le Space Policy Institute 

de l'université George Washington, le Council on Foreign Relations ou encore le Center 

for Strategic and International Studies qui constituent autant d‘arènes dans lesquelles 

défenseurs de l‘« arm control » et partisans d‘un déploiement d‘armements dans 

l‘Espace aiguisent leurs arguments, qu‘ils soient moraux, juridiques, politiques ou 

stratégiques 279 . 

La politique spatiale américaine est à l‘intersection de ces deux logiques. Elle est 

le fruit d‘une expérience américaine par excellence. Avec elle, la « destinée manifeste » 

touche aux étoiles en se voyant confirmée par le rôle extraordinaire joué par la 

technologie dans l‘univers américain et l‘immense confiance qu‘elle inspire 280 . La place 

prise par le mythe Apollo dans le discours américain en témoigne. Il en est de même du 

crédit que les Américains placent en la NASA 281 . Quant à la « nouvelle frontière », les 

Américains n‘ont de cesse de l‘invoquer alors que, privatisation aidant, les Etats tendent 

à laisser un peu plus de marges de manœuvre aux autres acteurs 282 . Déterminer les 

destinées de l‘humanité, pour reprendre la citation de Dolman, reste une constante qui à 

276 Voir Annexe 5. Selon le Space Report 2010, les Etats-Unis dominent le monde du haut d‘un budget de 

64,42 milliards de dollars, contre 21,75 pour le reste des Etats [en ligne] http://www.thespacereport.org/ 

277 Pour une excellente présentation de cette complexité, voir Everett DOLMAN, Peter HAYS et Karl P. 

MUELLER, « Toward a U.S. Grand Strategy in Space », Roundtable on Science & Public Policy, The 

George Marshall Institute, 10 mars 2006. 

278 Commission to Assess United States National Security Space Management and Organization, Report 

of the Commission to Assess United States National Security Space Management and Organisation , 

janvier 2001 [en ligne] http://www.dod.gov/pubs/space20010111.html. Nous parlerons désormais de 

Rapport Rumsfeld. 

279 Laurence NARDON, « L‘administration Bush et l‘espace : Militarisation, gestion et coopération », 

Document de travail, IFRI, avril 2002. 

280 Le rôle joué par la culture populaire peut être souligné : la SF aide les dirigeants à définir, représenter 

et construire la politique internationale. En témoignent la croyance développée par Truman et Reagan 

vis-à-vis de l‘arme ultime (nucléaire ou spatial), de même que les récents discours liés à la 

Transformation militaire en lien avec le tout-technologique et les « Visions » récurrentes de l‘U.S. Space 

Command et autres, voir WELDES, « Popular Culture, Science Fiction, and World Politics », op. cit., p. 

2-3 et p. 7. 

281 La NASA bénéficie d‘une opinion très favorable parmi la population américaine. Le syndrome du 

quick fix, soit la conviction que, technologie aidant, tout problème peut et doit être résolu rapidement, y 

est beaucoup plus prégnant qu‘ailleurs. Voir Annexe 11. Sur le quick fix, voir DAVID, BALTHASAR et 

VAISSE, op. cit., p. 86-88. 

282 Le mythe de la « nouvelle frontière » est d‘autant plus fort aux Etats-Unis qu‘il s‘est constitué à 

l‘ombre de l‘Etat fédéral, que ce dernier soit britannique à l‘époque des treize colonies (barrière des 

Appalaches) ou américain au moment de la poussée vers l‘Ouest (Farwest). 


69

ses adeptes, y compris dans l‘Espace alors que ce dernier constitue l‘ultime terra 

incognita. Mais, la politique spatiale est aussi un élément de la puissance américaine et 

de sa politique étrangère. Nous pouvons alors affirmer que la « politique spatiale » 

n‘existe pas, au sens où elle n‘est pas constituée en domaine autonome. Sans cesse 

instrumentalisée, elle est, à l‘inverse, soumise au pouvoir politique, qu‘il s‘agisse de la 

Présidence ou du Congrès, et aux intérêts bureaucratiques jouant à l‘arrière-salle. 

Tiraillée entre « space politics » et « space policy », nul ne peut donc comprendre 

l‘évolution de la politique spatiale des Etats-Unis sans faire une référence conjointe à la 

structure internationale et aux enjeux domestiques, qu‘ils soient idéologiques et culturels 

ou bureaucratiques. 

Dès lors, notre hypothèse est que la politique spatiale américaine a obéi depuis le 

début de l‘âge spatial à une logique systémique en relation avec l‘évolution générale de 

l‘Espace. Ce qui a joué dans le choix d‘une « grande stratégie » importe aussi pour 

l‘Espace américain : alors que, tout au long de la Guerre froide, durant l‘ère bipolaire, a 

primé la doctrine du sanctuaire et la volonté de maintenir un statu quo dans les étoiles 

entre les deux Grands, depuis le début des années 1990 et l‘émergence de l‘unipolarité, 

nous assistons à un effacement de cette politique au profit d‘une doctrine plus agressive, 

voire hégémonique, liée à la « space dominance » et au désir consensuel de voir se 

poursuivre la suprématie américaine tant militaire qu‘économique et commerciale. 

Néanmoins, cela ne suffit pas : la prise en compte des variables domestiques nous 

semble à même d‘expliquer pourquoi les discours spatiaux se sont modifiés et pourquoi 

tel choix a été appliqué. Particulièrement symptomatique de cela est l‘époque de l‘après- 

Guerre froide, alors que l‘Amérique se cherche un rôle et des points de repère dans un 

nouveau moment charnière 283 . Cette période fera donc l‘objet d‘une attention 

particulière. 

Toutefois, compte tenu des spécificités du spatial aux Etats-Unis, il nous faudra 

partir des idées présentes au cœur de la société civile organisée dans le but de mieux 

comprendre les termes du débat et les enjeux que l‘Espace constitue pour chaque 

groupe, qu‘ils soient porteurs de visions réaliste ou idéaliste (section 1). L‘incarnation 

de ces idées au cours de l‘histoire spatiale américaine et la réorientation du débat au gré 

283 « Now America is entering another century, and, for many of the same reasons that the debate 

between Roosevelt and Wilson broke out at the beginning of the twentieth century, a new debate over 

America's role in the world is taking place », Charles W. MAYNES, « Contending Schools », The 

National Interest, 63, printemps 2001, p. 49-58. Participent à ce débat trois écoles constituées par les 

controllers, les shapers et les abstainers. 


70

des changements de la structure internationale constituera notre second point (section 2). 

Nous focaliserons ensuite sur l‘époque de l‘après-Guerre froide en tentant de 

comprendre les perceptions différenciées de l‘unipolarité et les réponses spatiales 

apportées par les administrations Clinton et Bush fils (section 3). 


71

1. Les deux visions spatiales américaines 

A l‘image de la politique étrangère, la politique spatiale est, aux Etats-Unis, une 

réalité d‘une grande complexité. Tant l‘exécutif que le législatif ont leur mot à dire, 

mais tous les deux ne sont pas toujours convaincus de l‘intérêt de l‘espace extra- 

atmosphérique. Etant donné le rôle souvent négligeable que tient ce dernier dans le 

programme d‘une administration 284 ou d‘un représentant du Congrès 285 , une grande 

latitude est donc offerte aux coalitions d‘intérêts formées par les « advocacy 

coalitions », les conseillers ou les différentes bureaucraties spatiales, tant civiles que 

militaires. Dans ces conditions, l‘intérêt qu‘offre une distinction entre « space policy » 

et « space politics » est plus que descriptif : aux Etats-Unis, peut-être plus qu‘ailleurs, 

l‘Espace est un enjeu considérable. Certains groupes, qui cherchent à vendre leurs 

préférences en plus haut lieu, l‘ont très bien compris 286 . D‘où la présentation proposée, 

celle de la « société civile organisée » en rapport avec l‘Espace. Quelles sont les 

opinions en présence ? 

Ces opinions, que nous qualifions de visions, c'est-à-dire de manières de voir, de 

concevoir, de comprendre un même problème selon différents angles ou points de vue, 

sont d‘abord et avant tout des doctrines militaires opposant les différents « defense 

thinkers » depuis que la fin de la Guerre froide et de la prééminence du fait nucléaire 

dans les grands débats stratégiques a ouvert les discussions 287 . Aussi, ici-bas comme là- 

haut, deux philosophies peuvent être distinguées selon les individus et les organisations : 

284 En témoigne le nombre de références à l‘Espace présentes dans les mémoires de Dwight Eisenhower, 

Lyndon Johnson, Richard Nixon ou Bill Clinton, voir Dwayne A. DAY, « Lost in space: Bill Clinton‘s 

memoirs and the non-importance of space », Space Review, 28 juin 2004 [en ligne] 

http://www.thespacereview.com/article/171/1. 

285 Sauf si ceux-ci proviennent d‘Etats dépendant de l‘industrie spatiale (Floride, Californie). 

286 En témoigne la publication maintes fois repoussée par le Pentagone de la « Space Posture Review » 

(SPR), Vago MURADIAN et John T. BENNETT, « Sources : DoD To Delay Space Posture Review », 

Defense News, 15 janvier 2010 [en ligne] 

http://www.defensenews.com/story.php?i=4456129&c=AME&s=TOP. (A savoir que la « Quadrennial 

Defense Review », la « Nuclear Posture Review » et la « Ballistic Missile Defense Review » sont toutes 

les trois sorties dans les temps.) Ce retard s‘explique par l‘existence de quatre camps opposés les uns aux 

autres : 1) les « autruches », ceux pour qui le changement de politique n‘est pas justifié, 2) les 

« amateurs de stéroïdes », ceux qui croient qu‘il faut continuer l‘action des Etats-Unis dans l‘Espace, 

mais en l‘amplifiant, 3) les partisans du « soft power », pour qui les Etats-Unis doivent s‘engager plus 

ouvertement dans la voie de la coopération internationale et des partenariats commerciaux, et enfin 4) les 

partisans extrêmes du « hard power », soit ceux qui veulent protéger les intérêts américains dans 

l‘Espace par la manière forte. Clairement, un consensus sera difficile à trouver, Jeff FOUST, « On 

posture and policy », Space Politics, 23 janvier 2010 [en ligne] 

http://www.spacepolitics.com/2010/01/23/on-posture-and-policy/. Au moment où nous écrivons ces 

lignes, les négociations se poursuivent toujours, et même si entretemps l‘administr ation Obama a publié 

sa « National Space Policy », il est peu probable que la SPR soit énoncée cette année – à noter que la 

dernière date de 2007, site du DoD [en ligne] http://www.defense.gov/spr/. Pour une analyse plus 

détaillée de la politique spatiale menée par Obama, voir Annexe 14. 

287 Laurence NARDON, « L‘Arsenalisation de l‘espace: les projets américains », Note de l’IFRI, 

décembre 2006. 


72

harmonie vs. conflit, idéalisme vs. réalisme. Tels peuvent être les idéaux-types à partir 

desquels nous pouvons entamer notre réflexion. Or, ces analyses là seraient gratuites s‘il 

n‘y avait derrière des enjeux plus concrets. Les doctrines que nous allons étudier, bien 

que militaires à l‘origine, ont une implication, selon nous, beaucoup plus large. Il s‘agit 

en réalité de préférences politiques « in relation to the continuum of space 

weaponization 288 ». Bien que simple objet de recherche, l‘arsenalisation 289 est d‘une 

importance majeure compte tenu des implications qu‘elle sous-entend 290 . 

Malgré le caractère forcément simplificateur de notre démarche, nous croyons 

percevoir au moins deux camps s‘affrontant le long d‘un continuum comparable à celui 

présenté par David Lupton (USAF) dans son On Space Warfare 291 . Alors que 1) l‘école 

du sanctuaire (ou « sanctuary school ») « attempts to maintain space as a war-free zone» 

et que 2) l‘école de la « survivabilité » (ou « survivability doctrine ») « sees space wars 

as tit-for-tat affairs », ont beaucoup de choses en commun, tant 1) l‘école du point-haut 

(ou « high-ground doctrine ») selon laquelle « wars will be won or lost in space », que 

2) l‘école du « contrôle » (ou « control school ») pour qui « [t]he primary function of 

space war is to ensure that friendly terrestrial forces have the benefits derived from the 

space environment and that enemy forces are denied those benefits 292 », sont plus 

agressives 293 . Ces visions sont évidemment incarnées par des hommes 294 … 

Reprenant Martin Wight et Hedley Bull 295 , nous avons décidé de les nommer 

selon leurs philosophies respectives : les Grotiens (1) seront ainsi opposés aux 

Machiavéliens (2). Le débat sur l‘arsenalisation ne fera que confirmer ce constat (3). 

288 Peter L. HAYS, « Space and the Military », in SADEH, op. cit., p. 341. 

289 Cette « arsenalisation » de l‘Espace désigne le déploiement en orbite de véritables armes et non plus 

de simples systèmes de soutien des opérations armées au sol comme auparavant, NARDON, 

« L‘Arsenalisation de l‘espace… », art. cité. Pour résumer les termes du débat, l‘arsenalisation de 

l‘Espace réfère à tout ce qui augmenterait le niveau des capacités militaires spatiales actuelles, voir 

Annexe 12. L‘arsenalisation de l‘Espace (« weaponization »), en projet pour le moment, doit donc être 

distinguée de la militarisation (« militarization »), bien réelle et existant depuis le début des années 1960. 

290 « What should be the U.S. strategy for the military use of space […]? Should space be a demilitarized 

sanctuary, a place for enhancement of our terrestrial military forces, or a new military mission in its own 

right? », Joseph E. JUSTIN, « Space : a sanctuary, the high ground, or a military mission », RAND 

paper, avril 1982. 

291 David E. LUPTON, On Space Warfare : A Space Power Doctrine, Maxwell Air Force Base, Air 

University Press, 1988 [en ligne] http://aupress.maxwell.af.mil/Books/Lupton/lupton.pdf. 

292 Ibid., p. 23-24. 

293 Cette lecture des quatre écoles selon une grille 2x2 est d‘autant plus légitime que David Lupton luimême 

en fait état, ibid., p. 24. Voir Annexe 12. 

294 A noter que « [n]ot all the participants could be neatly classified as belonging to one of the schools », 

LUPTON, op. cit. p. 28. 

295 En choisissant de rester fidèle à la taxinomie de Martin Wight, nous croyons pouvoir percevoir 

d‘autant mieux les tensions qui émergent le long de ce continuum de l‘arsenalisation. L‘intérêt des 

« trois R », après tout, est de s‘appliquer aussi bien aux théoriciens des relations internationales qu‘aux 

praticiens de la politique au quotidien. En outre, « examining view about certain key ideas involved in 

these traditions could form part of analyses of the thinking and attitudes – the "operational code" or 

"strategic personality" – of specific decision-makers or groups of policy-makers, and could furnish 


73

1.1. Les Grotiens en orbite 

La première catégorie que nous identifions rappelle étroitement certaines 

conclusions auxquelles nous étions parvenus plus haut. Elle peut être identifiée au camp 

idéaliste, non parce qu‘elle reflète une certaine candeur – quoique l‘accusation soit 

toujours présente – mais parce qu‘elle incarne un groupe de notions normatives et 

d‘idéaux. Ces partisans d‘une moindre arsenalisation de l‘Espace, nous les appellerons 

les Grotiens ou, selon Hedley Bull, « the law and order and keep your word men. » 

1.1.1. L’Espace comme « sanctuaire » 

Selon les partisans de cette école, l‘Espace ne doit permettre qu‘une seule 

utilisation militaire, celle, limitée, de l‘observation stratégique à l‘intérieur des 

frontières des Etats. 

Deux qualités lui sont attachées : d‘une part, il facilite le contrôle des 

armements ; d‘autre part, il renforce la stabilité stratégique dans un monde nucléarisé : 

Proponents of sanctuary doctrine argue that past arms limitations treaties could 

not have been consummated without space systems that serve as a "national 

technical means of treaty verification". […] Thus, space systems have had a 

tremendous stabilizing influence on relations between the two superpowers. 

[…Hence] overflight is a granted right that nations have not attempted to deny 

and that any proposed military use of space must be weighed against the possible 

loss of peaceful overflight 296 . 

Protéger cette doctrine devient une évidence : « space should not be used as a military 

instrument of policy », à l‘opposé, l‘Espace doit favoriser la poursuite de « peaceful 

objectives and mutual efforts with other countries 297 ». Dit autrement, l‘Espace doit 

rester ce sanctuaire démilitarisé (en réalité, dé-arsenalisé) entièrement dévolu à 

l‘exploration spatiale au nom de l‘humanité, et non devenir la cinquième dimension 

prônée par les militaires – au risque, dans le cas contraire, de transformer ces vertus 

stabilisantes en vices, pour un coût supérieur au bénéfice. 

insights about probable decisions regarding strategy, arms control and other matters. The traditions also 

offer a matrix of great analytical and pedagogical value to place current debates about foreign and 

security policy and international order into historical and philosophical perspective », David S. YOST, « 

Political Philosophy and the Theory of International Relations », International Affairs, 70 (2), avril 1994, 

p. 263-290. Nous estimons ainsi que notre opposition est plus complexe que celle relevée par Jim Oberg 

entre « military pragmatists against idealistic futurists », « the idealists versus realists, the political 

hawks versus the doves », même si elle en recoupe certains points, op. cit., p. 146-147. 

296 LUPTON, op. cit., p. 22. 

297 JUSTIN, art. cité. 


74

Les propositions faites par les tenants de cette école sont, il est vrai, 

historiquement fondées. En témoigne par exemple le projet « Ciel ouvert » défendu par 

le président Dwight Eisenhower au début des années 1950, refusé par les dirigeants 

soviétiques de l‘époque 298 , mais dont l‘esprit est resté à travers la reconnaissance tacite 

du survol des territoires par des satellites d‘observation et la stabilisation des relations 

entre les deux superpuissances tout au long de la Guerre froide 299 . Toutefois, ce courant 

a vécu, comme l‘indique le qualificatif de « fallen star 300 » que David Lupton lui prête. 

Une raison explique cela : si « the sanctuary doctrine is passe 301 », c‘est parce que 

l‘usage tactique, c'est-à-dire déstabilisant, de l‘Espace s‘est accru. La rapidité de 

l‘observation et des moyens de traitement de l‘information dont la prolifération a profité 

du statut « war-free » de l‘Espace et l‘existence d‘armes anti-satellites (ASAT) censées 

contrer ces améliorations technologiques, ont rendu le maintien d‘un Espace sanctuarisé 

impossible. David Lupton prévient : « [t]he sanctuary doctrine is gone and cannot come 

back 302 ». Bien que développée par de « reasonable peace-loving men who saw the 

deterrent value of the space systems in an era in which the awful nightmare of a nuclear 

war was no longer just a bad dream 303 », cette stratégie n‘est pas appropriée maintenant 

que les temps ont changé. Les Etats-Unis, les premiers, doivent comprendre ce 

changement et abandonner sans émoi leurs « rose-colored glasses 304 ». 

Lupton montre que ce groupe, très pacifiste, est également idéaliste, voire à la 

limite de la naïveté 305 . Pour nous, il s‘agit de montrer combien les tensions, que nous 

298 

Cette politique vise à défendre la possibilité pour chacun des deux pays de photographier l‘autre et 

d‘organiser une « observation aérienne mutuelle ». Le traité « Ciel ouvert » n‘a finalement été signé 

qu‘en 1992, après la Guerre froide ; il n‘est entré en vigueur que dix ans plus tard, après que la Russie 

l‘eut ratifié, voir André DUMOULIN, « Ciel ouvert : la fin de l‘attente », Annuaire français de relations 

internationales (AFRI), 4, 2003. 

299 

Durant la Guerre froide et aujourd‘hui encore, les satellites incarnent un moyen de voir par delà les 

frontières des Etats. La surveillance spatiale a rendu la guerre nucléaire moins probable. L‘Espace 

répond idéalement aux dilemmes des théoriciens du nucléaire pour qui le problème est celui des 

représailles et de la capacité de dissuasion. L‘Espace confère à un Etat qui peut le dompter la possibilité 

de contrôler (« monitoring ») et de veiller (« attack-warning purposes »). 

300 

LUPTON, op. cit., p. 31. 

301 

Ibid. 

302 

Ibid., p. 37. 

303 

Ibid. 

304 

Ibid. 

305 

Si nous préférons parler d‘idéalisme, plutôt que de naïveté, c‘est parce que les individus exprimant ce 

genre de positions sont parfaitement au courant de ce qui se passe dans la banlieue de la Terre : loin de 

voir la « vie en rose », ils devinent au contraire combien les risques d‘instabilité augmenteraient si 

l‘Espace perdait son caractère de sanctuaire, voir Bruce M. DEBLOIS (USAF), « Space Sanctuary : A 

Viable National Strategy », Airpower Journal, hiver 1998, p. 41-57. A noter qu‘il existe toujours de 

fervents défenseurs de cette école ; il s‘agit généralement de scientifiques ou d‘individus engagés , 

comme « The Union of Concerned Scientists » (UCS) dont l‘un des membres décrit ainsi leur 

engagement : « [a]s scientists, while we commemorate the great achievements of the past, we should also 

look forward to the next 50 years of the space age, advocate for the peaceful and sustainable use of 

space, and use our expertise to explain to the public just how dangerous and short -sighted it would be to 

weaponize space. We should encourage our leaders to take these next steps to safeguard our common 


75

avons révélées au sein de chaque tradition, sont prégnantes. Aux côtés du « sanctuaire », 

nous trouvons donc une variante « réaliste », celle de la « survivabilité. 

1.1.2. L’Espace comme « survivabilité » 

L‘école de la « survivabilité » prétend que « space forces are more 

vulnerable than forces in other environments 306 ». 

Plusieurs raisons fondent cette croyance. Ainsi, des armes placées dans l‘Espace 

sont hautement vulnérables face à des attaques de missiles de longue portée lancées 

depuis le sol (ASAT), de même qu‘elles sont à la merci d‘une explosion nucléaire. En 

outre, tout véhicule spatial est contraint par une capacité de manœuvrabilité minimale 

faisant de sa position en orbite un élément plus ou moins fixe, en tout cas prévisible 

pour un quelconque agresseur. Enfin, il y a une incertitude quant aux implications 

politiques d‘une attaque dans l‘Espace : les Etats iront-ils jusqu‘à déclarer la guerre ? 

L‘idée suivante résume bien le dilemme : l‘Espace offre des contraintes telles que 

l‘offensive prend forcément l‘avantage sur la défensive 307 . L‘école de la « survivabilité » 

considère, dès lors, que les armes spatiales sont trop vulnérables pour constituer une 

option crédible : 

Advocates of the survivability school have serious reservations as to the military 

value of space forces. They agree that military forces can do certain military 

functions (e.g., communication and weather data gathering) more economically 

and efficiently in peacetime than other forces. They believe, however, that space 

forces must not be depended on for these functions in wartime because they will 

not survive 308 . 

Compte tenu des éléments précédents, toute agression ne peut que s‘achever sur 

une destruction des forces de chacun. Dit autrement, nous retrouvons le principe du 

heritage in space and security on Earth », Laura GREGO, « Keeping space in check », Physics World, 

octobre 2007, p. 16-17. Peuvent aussi témoigner l‘acteur Martin Sheen ou encore Noam Chomski qui 

déclare : « [s]i nous arsenalisons l'espace, nous pouvons dire adieu à la planète. Nos chances de survie 

sont extrêmement minces », cité par Denis DELESTRAC, « PAX AMERICANA ou la conquête militaire 

de l'espace », documentaire ARTE, 2009, diffusé le jeudi 11 mars 2010. 

306 LUPTON, op. cit., p. 46. A noter que l‘utilisation du terme « vulnérabilité » semble plus appropriée ; 

mais si les partisans de cette école privilégient l‘autre formulation, c‘est parce qu‘ils partent de l‘idée 

selon laquelle il est mieux d‘améliorer la « survivabilité » que de réduire la « vulnérabilité. » 

307 Cette école prétend donc voir dans l‘Espace un environnement éminemment spécifique. Le résultat 

logique est que l‘attaque constitue la meilleure défense. L‘idée n‘est pas évoquée mais nous retrouvons 

la théorie de l‘offensive et de la défensive appliquée à l‘Espace. Telle qu‘explicitée par Robert Jervis, 

cette théorie note que « when defensive weapons differ from offensive ones, it is possible for a state to 

make itself more secure without making others less secure. And when the defense has the advantage over 

the offense, a large increase in one state‘s security only slightly decreases the security of the others, and 

status-quo powers call all enjoy a high level of security and largely escape from the state of nature », 

« Cooperation under the Security Dilemma », art. cité. Les conclusions seront tirées plus loin. 


76

MAD, mais appliqué à l‘Espace, l‘idée que la destruction mutuelle des arsenaux 

spatiaux est inévitable en cas de conflit. Pour ces Grotiens réalistes, la conclusion est 

donc celle-ci : il faut privilégier le non-armement de l‘Espace et laisser libre cours à la 

vulnérabilité. Ce faisant, les membres de l‘école de « survivabilité » prônent une espèce 

de via media entre la nécessité d‘un Espace-sanctuaire stable et l‘émergence d‘une 

arsenalisation « soft » inévitable, à la limite de ce que nous pouvons encore appeler une 

militarisation 309 . Mais David Lupton ne partage pas cette analyse : pour lui, elle est 

encore trop proche 310 des thèses du « sanctuaire » selon lesquelles toute guerre dans 

l‘Espace est par essence totale ; or, tant la « retaliation-in-kind strategy » que le « space- 

denial strategy » n‘indiquent la pertinence d‘une application du MAD au théâtre 

spatial 311 . 

Les partisans d‘une telle école restent avant tout des Grotiens au sens où tout 

usage militaire de l‘Espace ne doit être basé que sur une légitime défense de type 

passive. Toutefois, en remarquant combien les systèmes spatiaux sont vulnérables, cette 

doctrine souligne combien il est facile de s‘écarter du scénario idéaliste du 

« sanctuaire. » 

1.2. Les Machiavéliens dans l’Espace 

Les deux écoles suivantes opposent aux premières une logique plus extrême. 

Dans cette perspective, ils évoquent les Machiavéliens, ou selon Bull, les « blood and 

iron and immorality men ». Si jamais l‘Espace peut techniquement être arsenalisé, alors 

il le sera forcément un jour ou l‘autre. Là encore, une perspective « offensive » s‘oppose 

à une approche plus « défensive » sans être aussi tranchée : les différences sont moins 

substantielles qu‘elles n‘y paraissent. Ce qui reste à savoir, c‘est ce que peuvent et 

doivent faire les Etats-Unis. 

308 LUPTON, op. cit., p. 22-23. 

309 Voir les tableaux, Annexe 12. 

310 Cette hérédité est soulignée négativement par l‘auteur qui parle de « misbegotten offspring », 

LUPTON, op. cit., p. 41. 

311 La dissuasion n‘est crédible que si chacun affirme qu‘il est prêt à aller jusqu‘au bout. Or, dans 

l‘Espace comme ici-bas, « [t]his belief in catastrophic space wars runs counter to our experience in the 

other environments where limited wars are fought for limited political objectives », ibid., p. 51. Quant à 

empêcher l‘adversaire d‘accéder à l‘Espace une fois un conflit engagé, cela n‘a d‘intérêt que s‘il existe 

une capacité défensive réelle, c'est-à-dire active, davantage liée à l‘existence d‘un « space control. » 


77

1.2.1. L’Espace comme « point-haut » 

Reprenant à son compte la logique de ces « positions qui commandent », cette 

école considère que celui qui contrôle le point géographiquement le plus haut remporte 

la bataille 312 . 

Si telle est sa marque de fabrique, c‘est parce que « [s]pace is the latest variant of 

the high ground that doctrine often advises military commanders to seize and hold », à la 

différence que « the high ground of space is both global and of all but infinite military 

depth » en plus d‘être défini par la présence de « satellites globally available as a 

regularly repeating, overhead presence 313 ». Les armes spatiales représentent donc 

l‘étape ultime de l‘évolution de l‘art de la guerre. L‘arsenalisation de l‘Espace est, de ce 

point de vue, pensée comme indispensable. Contrairement aux groupes précédents, cette 

école prétend que : 

[…] space-based defensive forces can reverse the current stalemate caused by the 

preeminence of the offense and create either an offensive-defensive balance or a 

preferred defensive stalemate. This rebalancing would allow replacement of the 

flawed strategy of assured destruction with one of assured survival. The high- 

ground school believes space forces will have a dominant influence 314 . 

Ainsi, l‘Espace vu comme « point haut » remet directement en cause la croyance en la 

dissuasion. Aussi bien militairement que moralement, l‘équilibre nucléaire du MAD, 

offrant les populations en otage aux frappes nucléaires de l‘adversaire et interdisant aux 

Etats de se protéger par des systèmes anti-missiles, sous peine d‘être accusés de vouloir 

déstabiliser les relations internationales, est caduque. 

Cette école prône donc la mise en place d‘une technologie BMD (« ballistic 

missile defense ») de type « Star wars » comme le réclamait l‘administration Reagan en 

1983. Il s‘agit d‘une nécessité : il faut que les Etats-Unis disposent d‘options politiques 

312 S‘emparer de la « position culminante » est un vieux poncif de l‘art de la guerre. Les lectures de 

Xénophon, César et autres peuvent en témoigner, voir Gérard CHALIAND, Anthologie mondiale de la 

stratégie : des origines au nucléaire, Paris, Robert Laffont, 1990. Mais citer les deux maîtres constitue 

peut-être la meilleure preuve. Ainsi, Sun Tzu a dit : « Une armée doit préférer les terrains élevés aux 

terrains bas ; elle prise l‘adret et dédaigne l‘ubac. Quand une armée a de quoi se nourrir et occupe des 

positions solides, elle se trouve à l‘abri des maladies et peut être assurée de remporter la victoire », L’art 

de la guerre, Paris, Hachette Littératures, 2000, p. 75, voir aussi p. 71, 74 et 78. De même, Carl von 

Clausewitz note que « [t]oute manifestation de force physique est plus difficile de bas en haut que de 

haut en bas, et par conséquent, il doit en être de même du combat ». Et ce qui est vrai de la tactique l‘est 

aussi au niveau de la stratégie où nous retrouvons les trois avantages liés à la position haute : la force 

tactique supérieure, la difficulté de l‘accès et l‘étendue de vue, De la guerre (1832), Paris, Flammarion, 

2010, p. 203-204. 

313 Colin S. GRAY, « The Influence of Space Power upon History », Comparative Strategy, 15 (4), 1996, 

p. 293-308. Voir Annexe 1. 



78

et militaires vis-à-vis de leurs adversaires. Or, selon David Lupton, c‘est ici que le bât 

blesse : cette école, si elle a raison sur le fond, a tort sur les moyens. A l‘âge nucléaire, 

nous ne pouvons nous permettre d‘oublier que : « no matter what happens in the space 

theater preceding a nuclear war, the issue of who wins or loses will be determined by the 

absence or presence of nuclear clouds over the homeland 315 ». Certes, des guerres dans 

l‘Espace auront forcément lieu – compte tenu des avantages que celui-ci procure – mais 

les guerres de l‘Espace ne sont pas pour demain. Dit autrement, l‘Espace ne constitue 

pas une « military mission » influant sur les événements terrestres de manière 

décisive 316 . 

L‘Espace n‘offre en effet un intérêt que comparé à ce qui se passe ici-bas. Or, 

pour Lupton, l‘élément terrestre reste primordial dans la guerre de demain. Dans ce sens, 

cette doctrine est sans cesse confrontée à un dilemme : « strategic foresight or 

illusion 317 » ? La réponse dépendra de qui pourra s‘approprier le contrôle de l‘Espace. 

1.2.2. Le contrôle de l’Espace 

Cette doctrine accepte certaines des prémisses de l‘école du « point haut ». 

Néanmoins, elle ne croit pas qu‘il soit possible de placer tous ses œufs dans le même 

panier : l‘Espace offre certes beaucoup, mais il ne permet pas tout. 

Elle est donc beaucoup moins extrémiste. Sauf que pour ce groupe, si l‘Espace 

est un théâtre d‘opérations parmi d‘autres, il constitue aussi la cinquième dimension : 

pas davantage, mais pas moins non plus. Dans cette logique, les Etats-Unis doivent donc 

chercher à le contrôler au même titre que les autres théâtres d‘opérations, comme 

l‘espace aérien (« air control ») et les océans (« sea control »). Plus précisément, Lupton 

s‘inspire des thèses de l‘Armée de l‘Air américaine : 

[…] "Whoever has the capacity to control space will likewise possess the 

capacity to exert control over the surface of the earth". Others argue that there are 

space lanes of communications like sea lanes of communications that must be 

315 Ibid., p. 61. Encore que, à l‘heure où l‘URSS n‘est plus et alors que la technologie s‘améliore, cette 

école a aujourd‘hui le vent en poupe. 

316 C‘est sur ce point que nos deux dernières écoles s‘opposent. L‘école du « space control » soutient en 

effet que les forces spatiales et terrestres (terre, mer, air) sont égales. A ce sujet, la typo logie proposée 

par Lupton est quelque peu différente de celle présentée par Justin. Pour ce dernier, « the "High Ground" 

group believes space should to be used for the enhancement of our terrestrial forces », JUSTIN, art. cité, 

alors que pour Lupton, ce qui fait la spécificité de ce groupe, c‘est de croire que des guerres de l‘Espace 

sont possibles et même dominantes. Ce que Justin appelle « space as a military mission » évoque donc ce 

que Lupton nomme l‘école du « point-haut ». Quant à la doctrine du « space control », elle n‘a pas de 

véritable équivalent chez Justin, même si nous en retrouvons le principe éparpillé entre le second (« the 

High Ground group ») et le troisième groupe (« Space as a military mission »). 



79

controlled if a war is to be won in the terrestrial theaters. Control school 

advocates argue that the capability to deter war is enhanced by the ability to 

control space and that, in future wars, space control will be coequal with air and 

sea control 318 . 

Compte tenu des avantages que l‘Espace promeut, la question est de savoir quelle 

théorie est susceptible de s‘appliquer à l‘Espace. Qui devons-nous mettre en orbite : 

Mahan, Douhet et/ou Clausewitz 319 ? 

Lupton n‘apporte pas de réponses définitives, mais il estime qu‘il est possible de 

formuler une théorie de la puissance spatiale à partir de l‘exemple donné par Alfred 

Thayer Mahan. La méthode utilisée par ce dernier lors de la rédaction de The Influence 

of Sea Power upon History, 1660-1783 semble en effet offrir d‘intéressantes 

perspectives 320 . Aussi pouvons-nous dire que le contrôle des terres (« landmass 

control ») est certainement seul capable d‘apporter la victoire militaire définitive. Le 

contrôle de l‘espace aérien est certes très important pour y parvenir, mais il ne suffit pas 

à lui tout seul. De même, le contrôle des mers est utile, mais encore moins décisif en vue 

d‘une victoire rapide 321 . L‘Espace, par analogie, avec les océans, permet le même type 

de contrôle, à savoir celui des lignes de communications immatérielles. Il n‘est donc pas 

forcément un théâtre plus important que les autres, mais il demeure nécessaire pour un 

Etat de s‘en assurer le contrôle si jamais il veut remporter une guerre. Dès lors, pour 

David Lupton, « [a]nalysis of the sanctuary, survivability, and high-ground doctrines has 

318 Ibid., p. 23. Nous pouvons évoquer le général Thomas A. White (USAF) pour qui les environnements 

aérien et spatial forment un tout inséparable, défini par le néologisme d‘aerospace. Selon cette thèse, 

l‘air et l‘Espace ont beaucoup trop en commun pour être distingués : un statut commun comme le flanc 

aérien inférieur et supérieur de l‘action terrestre ; une forme de terrain surélevé et encore plus surélevé ; 

une ubiquité universelle ; et un voisinage – même si dans le futur, il risque d‘en être autrement. Pour le 

général Alton D. Slay (USAF) : « It is a place – an environment, an arena of considerable operational 

mission import, but certainly not a "mission", per se, any more than the atmosphere, or the ocean, or the 

land is a mission », cité par JUSTIN, art. cité. 

319 A propos de Clausewitz, voir « Clausewitz en orbite », GRAY, La Guerre au XXI e siècle, op. cit., 

2007, p. 278-297. Au sujet de l‘analogie navale ou maritime, voir GRAY, « The Influence of Space 

Power upon History », art. cité. et John J. KLEIN (USN) « Corbett in Orbit : A Maritime Model for 

Strategic Space Theory », Naval War College Review, 57 (1), hiver 2004, p. 59-74. Pour des réflexions 

plus larges et une étude de l‘ensemble des analogies, voir Judson J. JUSELL (USAF), Space Power 

Theory : A Rising Star, Maxwell Air Force Base, Alabama, avril 1998 et John W. WAGNER (USAF), 

Spacepower Theory : Lessons from the Masters, Maxwell Air Force Base, Alabama, avril 2005. 

320 C‘est en partant de ce même constat que Colin S. Gray écrit : « [t]he Influence of space power 

upon history is already substantial and growing, and has the potential to yield decisive advantage. Where 

is the theory of space power? Where is the Mahan for the final frontier », « The Influence of Space 

Power upon History », art. cité. La méthode utilisée par Mahan est la suivante : « [while] it is wise to 

observe the things that are alike, it is also wise to look for things that differ, for when the imagination is 

carried away by the detection of points of resemblance […] it is apt to be impatient of any divergence in 

its new-found parallels and so may overlook or refuse to recognize such », cité par LUPTON, op. cit., p. 

64. 

321 Nous retrouvons ici l‘argument central utilisé par John Mearsheimer pour expliquer pourquoi un 

hegemon mondial ne peut émerger, voir Partie I. Sur les limites d‘une puissance navale indépendante, les 


80

led to the conclusion that the best way to employ space forces is according to a control 

doctrine 322 . » 

Par conséquent, si David Lupton rejette catégoriquement les deux premières 

écoles, son idéal de « space power » opère une synthèse entre la troisième et la dernière 

doctrine. L‘Espace est un théâtre d‘opération que les Etats-Unis doivent absolument 

contrôler. Il faut donc armer ce nouveau territoire car les guerres du futur en dépendront 

inévitablement. A terme, il s‘agit d‘arsenaliser complètement l‘Espace. 

1.3. « Totem et tabou » : le débat sur l’arsenalisation de 

l’Espace 

Pour Karl Mueller, « [t]he US policy debate about space weaponization is often 

portrayed as a fight pitting idealistic arms control enthusiasts who oppose all weapons 

against warmongering militarists who never saw a weapon they did not like », tabou 

pour les uns, l‘arsenalisation est totem pour les autres 323 . Ainsi, les Grotiens 

s‘opposeront toujours aux Machiavéliens. Toutefois, alors que la typologie de Lutpon 

était centrée sur les effets militaires de la Guerre froide vis-à-vis de l‘Espace, celle de 

Mueller s‘avère à la fois plus large et plus détaillée, en plus de nous rapprocher de notre 

opposition philosophique de départ 324 : l‘arsenalisation de l‘Espace est-elle inévitable? 

1.3.1. Espace-sanctuaire : Les partisans d’une 

sanctuarisation de l’Espace 

Trois groupes sont contre l‘arsenalisation de l‘Espace : proches des principes 

réclamés par l‘idéalisme de l‘entre-deux-guerres en RI 325 , il y a d‘abord les Idéalistes 

(« Sanctuary Idealists ») et les Internationalistes (« Sanctuary Internationalists »). 

limites de la puissance aérienne stratégique et l‘influence dominante des Armées, voir MEARSHEIMER, 

The Tragedy of Great Power Politics, op. cit., p. 83-137. 


323 Karl P. MUELLER, « Totem and Taboo: Depolarizing the Space Weaponization Debate », 

Astropolitics, 1 (1), printemps 2003, p. 4-28. 

324 A l‘image de Lutpon, Mueller se veut prudent. « Each of these schools of thought is at least internally 

consistent, although they are not of equal intellectual merit. However, it is important to note that these 

categories are ideal types, and are not mutually exclusive : it is entirely possible, and even common, for 

individuals in the real world to hold beliefs that fall into more than one of these camps […] », ibid. Sur 

cette typologie, voir Annexe 12. 

325 Comme nous l‘avons déjà fait remarquer plus haut, ce label n‘est pas utilisé de manière péjorative. 

Cela mérite d‘être rappelé étant donné la caricature qui en est souvent faite, y compris (et surtout) en RI. 

Rappelons en effet que « les internationalistes libéraux voient dans l‘histoire moins un progrès linéaire 

qu‘un processus, et plus précisément un processus d‘apprentissage ». En soulignant « l‘évolution inégale 

des relations internationales […] et la capacité de faire prévaloir les tendances coopératives […] sur 

leurs tendances conflictuelles », il exprime une croyance non pas tant téléologique que fondée sur la 

possibilité d‘un progrès cumulatif, BATTISTELLA, op. cit., p. 168-169. Sur l‘idéalisme de l‘entre-deuxguerres 

et son héritage, voir Andreas OSIANDER, « Rereading Early Twentieth-Century IR Theory : 

Idealism Revisited », International Studies Quaterly, 42 (3), septembre 1998, p. 409-432 et Charles W. 


81

Viennent ensuite les Nationalistes (« Sanctuary Nationalists »), plus proches, quant à 

eux, du réalisme classique en RI étant donné l‘accent mis sur l‘intérêt national des Etats - 

Unis. 

Les Idéalistes constituent le premier groupe. Ils s‘opposent catégoriquement à 

toute arme (y compris, a posteriori, nouvelle) spatiale pour des raisons morales et 

philosophiques qui dépassent les considérations de politique de défense et de sécurité. 

De leur point de vue en effet, l‘Espace constitue un lieu que la présence humaine n‘a pas 

encore totalement pollué et qu‘il s‘agit de préserver de toute manipulation, surtout 

militaire. Proche des Kantiens – peut-être même, par moment, de la tradition 

Gandhienne – au sens de Wight, leur position est double : 1) elle est pacifiste, car, pour 

eux, quelle que soit l‘arme installée dans l‘Espace, celle-ci appelle la guerre ; en 

conséquence, l‘absence d‘arme prévient toute forme de guerre dans l‘Espace ; 2) elle est 

activiste et générale, car s‘ils pensent avoir quelques chances de parvenir à une réelle 

interdiction des armes spatiales, c‘est parce que ces dernières ne sont pas encore 

totalement déployées : pour eux, il vaut mieux prévenir que guérir. Ils espèrent donc que 

le gouvernement américain cherchera à négocier un accord international d‘interdiction 

avec les autres pays – notamment, la Chine et la Russie – ou, si jamais le contexte ne s‘y 

prête pas, montrera unilatéralement par son exemple et son « self-restraint » politique et 

moral qu‘il n‘est pas avantageux d‘arsenaliser l‘Espace. Cette prise de position n‘est 

toutefois nullement naïve ou utopique puisque les Idéalistes plaident aussi en faveur 

d‘un renforcement des capacités (défensives, de surveillance et de durcissement) 

spatiales des Etats-Unis. 

Le tabou des Idéalistes concerne aussi les Internationalistes, mais différemment. 

Ces derniers s‘opposent aux armes spatiales en particulier, et cela parce qu‘elles 

engendreraient une instabilité accrue dans le monde entier. Dès lors, c‘est en tant que 

tenants de la stabilité internationale qu‘il faut les considérer. Du fait de la supériorité de 

l‘offensive sur la défensive, l‘Espace se prête tout particulièrement, selon eux, aux 

attaques préemptives et aux guerres préventives. Dès lors, à mesure que l‘Espace 

s‘arsenalise, la stabilité internationale se détériore. Plus spécifiquement, l‘arsenalisation 

est ici synonyme d‘affaiblissement de la dissuasion nucléaire : 1) les capacités ASAT 

permettraient à un pays de frapper les satellites d‘observation et d‘alerte avancée de ses 

adversaires, c'est-à-dire ces mêmes satellites qui renforcent les possibilités de défense 

KEGLEY, « The Neoidealist Moment in International Studies ? Realist Myths and the New International 


82

anti-missiles et de seconde frappe en cas d‘attaque nucléaire ; 2) des armes spatiales 

conventionnelles placées en orbite 326 pourraient priver un pays de ses capacités 

nucléaires ; et 3) les pays les plus vulnérables à ces nouvelles menaces venues de 

l‘Espace, c'est-à-dire ceux qui ne pourraient pas neutraliser ces armes, seraient forcés de 

compter sur l‘arme nucléaire, synonyme sur le plan global, d‘une prolifération par 

définition déstabilisante. Il est facile de voir que « [l]es écoles du sanctuaire et de la 

vulnérabilité de Lupton se retrouvent ici 327 . » 

Les Nationalistes ne s‘appuient pas sur une quelconque remise en cause de la 

stabilité internationale ; ce qui les préoccupe, c‘est davantage le paradoxe selon lequel 

l‘arsenalisation de l‘Espace réduirait la sécurité des Etats-Unis vis-à-vis de ses 

adversaires potentiels alors même qu‘elle aurait été conçue comme un moyen d‘en 

accroître la puissance en termes absolus. Ces tenants de la sécurité nationale prétendent 

ainsi que les Etats-Unis gagnent plus aujourd‘hui à maintenir le statu quo vis-à-vis de 

l‘Espace-sanctuaire qu‘ils ne le feraient demain en réduisant celui-ci à néant. Pire, en 

tant que puissance dominante, les Etats-Unis pourraient perdre leur rang si jamais ils 

déployaient des armes dans l‘Espace, enjoignant alors les autres pays à faire de même 328 : 

1) si plusieurs Etats disposent d‘ASAT, les Etats-Unis, très dépendants à la fois 

commercialement et militairement de leurs systèmes spatiaux, y perdraient beaucoup 

plus que les autres en cas de conflit ; 2) cela est aussi vrai pour la mise en place de 

systèmes STEW, alors même que les Etats-Unis disposent déjà d‘arsenaux gigantesques 

dans tous les domaines, et qui plus est d‘une domination militaire globale dont le 

moindre risque serait qu‘elle devienne obsolète. Dans ces conditions, « [t]he 

prescription that emerges from nationalist sanctuary theory is that the United States 

should avoid taking actions that will motivate or facilitate adversaries‘ development of 

space weapons, or cause other effects that would tend to reduce US military advantages 

over other states 329 ». Ces réalistes en appellent ainsi aux leçons de l‘histoire et aux 

effets paradoxaux classiques du « dilemme de sécurité » pour expliquer le cas des 

Realities », International Studies Quaterly, 37 (2), juin 1993, p. 131-146. 

326 Ces armes sont de type STEW (« space-to-earth-weapons »). 

327 NARDON, « L‘Arsenalisation de l‘espace: les projets américains », art. cité. 

328 Il faut noter que « sanctuary nationalists are likely to doubt that US restraint in space weaponization 

would set a compelling moral example for other states to follow, or that arms control argreements would 

be a powerful barrier to weaponization […] », MUELLER, « Totem and Taboo », art. cité. En revanche, 

si les Etats-Unis font le premier pas en direction de l‘arsenalisation, les autres Etats y seraient 

encouragés à plus d‘un titre : moralement d‘une part (force de l‘exemple et du précédent), 

technologiquement et économiquement d‘autre part (« avantages of backwardness »). 

329 Ibid. 


83

courses aux armements dont l‘Espace pourrait être le nouveau champ 

d‘expérimentation 330 . 

1.3.2. Espace-bataille : Les partisans d’une 

arsenalisation de l’Espace 

Or justement, le premier groupe partisan d‘une arsenalisation de l‘Espace, 

également le moins extrême parmi ceux-ci, n‘en est pas moins constitué par les tenants 

d‘une course aux armements (« Space Racers »). Quant aux deux autres, il s‘agit des 

partisans du « space control » (« Space Controllers ») et des hégémonistes (« Space 

Hegemonists »). 

Les tenants d‘une course aux armements ne sont pas des partisans « chauds » de 

l‘arsenalisation de l‘Espace. Ce qu‘ils constatent, par contre, c‘est que celle-ci est 

inévitable. Par conséquent, il est impératif que les Etats-Unis préemptent cette menace 

en prenant des dispositions dès maintenant. L‘idée même que les Américains pourraient 

être en retard vis-à-vis des autres puissances ne peut être acceptée : 

The logic essentially boils down to the belief that weapons in space are an 

inevitability. Since weaponization of space is inevitable, the United States, as the 

country with the historical opportunity to be the first to field them, would be 

foolish not to do so. And, should it not afford itself of the opportunity, it will 

likely find itself held hostage to the state that does 331 . 

Pour nous, la question de l‘inévitabilité du déploiement d‘armes dans l‘espace est trop 

centrale pour être écartée 332 . Selon Mueller, ceux qui soutiennent cette thèse font état 

principalement de quatre arguments : 1) la nature humaine, car « people are warlike : 

weapons and warfare abhor a vacuum, and will spread wherever humanity goes 333 » ; 2) 

l‘expérience historique selon laquelle « the evolution of sea and airpower reveal 

a striking historical pattern leading inexorably in this direction, which the exploitation 

330 « Should the next chapter of military history include the weaponization of space, the United States 

could strike an opponent anywhere in the world – on the ground, in the air, or in space – in a matter of 

seconds. This would be a remarkable advancement, a true revolution in military affairs. It would also be 

a mistake of historic proportions », Charles S. ROBB, « Star wars II », The Washington Quarterly, 22 

(1), hiver 1999, p. 81-86. 

331 OBERG, op. cit., p. 147. 

332 Certains vont même plus loin et se demandent s‘il n‘est pas déjà trop tard : « Les belligérants seront 

incapables de s‘offrir le luxe d‘accorder à l‘orbite terrestre un statut de sanctuaire géographiquement 

unique, parce que l‘espace est déjà énormément militarisé », GRAY, La Guerre au XXI e siècle, op. cit., 

p. 289. De même, pour Frank Gaffney, secrétaire adjoint à la défense sous R. Reagan, «L‘arsenalisation 

de l‘espace a commencé il y a bien longtemps. L'idée que l'espace est un environnement immaculé, qu‘il 

suffirait d‘arrêter nos activités là-haut pour que tout rentre dans l‘ordre, n'a tout simplement aucun sens. 

Il est encore plus innocent de croire que nous pouvons faire machine arrière », cité par DESLESTRAC. 

Harmonie ou conflit : le choix est-il déjà tranché ? 

333 MUELLER, art. cité. 


84

of space is also following 334 » ; 3) l‘argument économique, quant à lui, part du constat 

selon lequel « as space systems become more and more economically important to the 

United States, these assets will naturally become attractive targets of attack for rival 

states, terrorist and other enemies, and therefore it will be necessary to place weapons in 

space in order to protect them 335 » ; enfin, 4) l‘argument militaire, certainement le plus 

convaincant, soutient que « the military utility of space weapons will soon be so great 

that even if the United States chooses not to build them, other countries will certainly do 

so 336 ». Les deux premiers points expriment un fatalisme plus philosophique que fondé 

sur des faits réels. En cela, la grille interprétative en RI étudié en première partie est 

certainement utile. Quant à l‘intérêt économique et militaire d‘une attaque sur les 

systèmes américains, il est certes puissant, mais il existe des moyens peut-être plus 

efficaces et plus aisés à mettre en pratique pour qui chercherait à atteindre le talon 

d‘Achille du géant américain 337 . L‘annonce comme inévitable de l‘arsenalisation de 

l‘Espace présente le risque d‘être transformée en prophétie auto-réalisatrice. Toutefois, 

détruire des segments spatiaux américains dans le monde de l‘après 11 septembre n‘est 

pas dépourvu d‘intérêt et pourrait justifier un investissement coûteux : l‘impact 

psychologique serait immense – les Américains en conviennent facilement, eux qui 

parlent de « Space Pearl Harbor 338 . » 

Alors que les « Space Racers » préconisent une R&D active, afin que les Etats- 

Unis préservent leur primauté – laquelle leur permet d‘exercer une surveillance de 

certains Etats suspects, sans toutefois provoquer une course de vitesse avec les autres 

pays – les partisans du « space control » sont plus agressifs. Ce groupe, aujourd‘hui 

dominant aux Etats-Unis, est avant tout utilitariste. L‘arsenalisation doit être prônée 

dans la mesure où elle accroît (« Force Enhancement ») utilement les capacités militaires 

américaines, c'est-à-dire compte tenu du rapport coûts-bénéfices. A l‘image de l‘école 

étudiée par David Lupton, ces individus estiment que tout système spatial (ASAT, 

STEW, BMD) constitue un avantage certain sur le théâtre d‘opération majeur qu‘est 

334 Ibid. Sur les limites du raisonnement par analogies, voir Yuen FOONG KHONG, « Seduction by 

Analogy in Vietnam: the Malaya and Korea Analogies », in John G. IKENBERRY (ed.), American 

Foreign Policy : Theoretical Essays, New York, Pearson Longman, 2005, p. 501-511. 


336 Ibid. Telle est la thèse soutenue par Everett Dolman. 

337 « […] la vulnérabilité des capacités spatiales à une action ennemie n‘est pas seulement une affaire de 

comportement hostile vis-à-vis des véhicules en orbite ou en route vers celle-ci. Un système spatial peut 

être neutralisé bien aussi efficacement par un "meurtre électronique en douceur", par le brouill age de ses 

transmissions ou par la destruction de ses stations terrestres de répartition des données ou de contrôle », 

GRAY, La guerre au XXI e siècle, op. cit., p. 295. 

338 L‘expression est citée par la Commission Rumsfeld, op. cit., p. 22. 


85

l‘Espace. Dans cette optique, le plus important n‘est pas tant ce que comptent faire les 

autres Etats par rapport au potentiel militaire spatial présent des Etats-Unis, mais plutôt 

la comparaison entre les capacités militaires futures des Etats-Unis avec ou sans ces 

armements spatiaux. 

Le dernier groupe est le plus extrême des partisans de l‘arsenalisation de 

l‘Espace : les individus qui le composent sont les Hégémonistes. Avec eux, la limite 

entre les Machiavéliens et les Kantiens semble sur le point d‘être franchie. De la même 

façon que les tenants du « space control » s‘inspirent de l‘école de Lupton du même 

nom, les Hégémonistes reprennent l‘école du « point-haut ». L‘Espace est le champ de 

bataille ultime, un nouveau théâtre de guerre sur lequel il faut tout miser, car qui 

contrôle l‘Espace contrôle notre Terre, pour reprendre les mots chers à Everett Dolman 

qui introduisent notre seconde partie. De ce point de vue, la différence avec les tenants 

du « space control » n‘est pas tant de nature que de degré. Afin de rendre la 

prépondérance militaire et politique des Etats-Unis définitive, il faut soutenir à tout prix 

le développement intense d‘armes spatiales hic et nunc. Dès lors, de notre point de vue, 

les Hégémonistes sont certainement les plus intéressants : leurs présupposés sont 

entièrement guidés par des principes politiques et philosophiques, et non des 

observations rationnelles 339 . Seul les intéresse l‘établissement de l‘hégémonie politique 

américaine ; nous en reparlerons. 

L‘intérêt de la grille de lecture de Lupton était d‘offrir un bon niveau de contraste 

entre les différentes écoles, suffisant pour que nous puissions parler de Grotiens ou de 

Machiavéliens, voire de Kantiens. Mueller complexifie notre propos, ce qui le rend utile 

pour la suite, car comme il le montre : « space weaponization is inherently political […] 

This is not a question simply, or even primarily, of science and engineering 340 ». En 

cela, réside l‘avantage de cette présentation. Bien que l‘idéologie ne soit affirmée de 

manière exceptionnelle et explicite que chez les Hégémonistes – mais le discours sur 

l‘inévitabilité de l‘arsenalisation en témoigne aussi – ces doctrines militaires offrent une 

application beaucoup plus vaste touchant au cœur de la politique spatiale américaine. 

339 En cela, ils sont proches des Idéalistes ; leurs influences respectives sont toutefois bien différentes. 

Les quatre autres groupes, quant à eux, choisissent leur position vis-à-vis de l‘arsenalisation de l‘Espace 

en fonction de la sécurité des Etats-Unis seulement. 



86

2. De la bipolarité à l’unipolarité : la politique spatiale 

américaine depuis 1957 

Des trois traditions que nous avions identifiées comme étant les trois perspectives 

qui dominaient en RI, ne restent que les contours que nous inscrivons au sein d‘une 

opposition duale. L‘Espace n‘est pas un enjeu technique ou scientifique selon nos 

standards, mais plutôt un problème de nature politique, sans cesse instrumentalisé ou 

déformé selon les intérêts en jeu. Ainsi, bien que la sanctuarisation et l‘arsenalisation de 

l‘Espace aient l‘une et l‘autre leur origine au tout début du programme spatial 

américain 341 , les préférences du politique vont avoir une influence bien plus 

déterminante sur leur évolution. Et pour cause : l‘Espace est né dans un contexte très 

particulier dans lequel les relations internationales étaient dominées par la bipolarité et 

le fait nucléaire. Les années 1950 ont joué un grand rôle de ce point de vue : les deux 

superpuissances ont alors appris à se connaître, c'est-à-dire à coexister. Il est donc 

logique de constater que limiter le brouillard de guerre devient une priorité de part et 

d‘autre. Pour l‘Espace, cela signifie qu‘il faut favoriser les capacités de surveillance et 

de renseignement (à l‘origine du triptyque ISR/MCG/Comm), et non la « space 

dominance », difficilement concevable sur le plan stratégique et moral et, par ailleurs, 

technologiquement immature. 

De fait, alors que l‘Espace-sanctuaire fait loi durant la totalité de la Guerre 

froide, malgré des parenthèses où la dominance semble reprendre des forces, la 

dominance spatiale ne commence à véritablement s‘imposer que lorsque la structure 

internationale est modifiée par la fin de la bipolarité et le début de la pax americana – 

désormais officielle. Un discours de type hégémoniste résonne alors à Washington. 

C‘est ainsi que nous pouvons identifier deux moments historiques opposant un discours 

à l‘autre, la transition se jouant durant les années 1980 sous la présidence Reagan et 

s‘affirmant plus tard durant les années 1990 jusqu‘à aujourd‘hui. Cette analyse suit la 

même logique systémique qui conduit la grande stratégie américaine à évoluer durant la 

Guerre froide et après 342 : alors que la logique de la sanctuarisation du territoire 

341 L‘accent mis par le président Dwight Eisenhower sur le sanctuaire contrebalance les principes de la 

dominance, apparus beaucoup plus tôt alors que le programme spatial américain prenait corps. Le 

patrimoine génétique de ce dernier est ainsi influencé par la personnalité de l‘ingénieur allemand ex-nazi 

Wernher Von Braun, voir Columba PEOPLES, « Haunted Dreams : Critical Theory and the Militirization 

of Space », in BORMANN et SHEEHAN (eds.), op. cit., p. 91-107. Voir Annexe 2. 

342 D‘ores et déjà, nous pouvons définir, a minima, une grande stratégie comme une « théorie » de 

politique étrangère et de sécurité nationale pensée par une ou plusieurs administration et correspondant à 

la mise en adéquation des moyens (les ressources nationales, par définition limitées) avec les fins (les 

objectifs de politique étrangère) dans le but d‘influer sur le contexte général, voir DOLMAN, HAYS et 


87

américain importe seule lors de la rivalité avec l‘URSS, dès que celle-ci n‘est plus, la 

projection des forces et le principe de « global homeland » deviennent majeurs. 

Les doctrines et visions que nous avons étudiées ont donc des incarnations 

historiques. La sanctuarisation s‘étend tout le long de la Guerre froide (1) même si les 

Etats-Unis – comme l‘URSS – n‘oublient pas de développer certains armements 

offensifs (la présidence de Reagan le prouve). Après la Guerre froide, dans le discours, 

si ce n‘est encore dans la pratique là-haut 343 , les Etats-Unis s‘éloignent du sanctuaire 

pour entrer dans l‘ère de la « space dominance » dont les volets militaires et 

économiques s‘entremêlent pour fonder l‘hégémonie américaine dans l‘Espace (2). Les 

fondements idéologiques d‘une telle emprise sur l‘Espace s‘appuient sur une tradition 

américaine d‘exceptionnalisme (3). 

2.1. Les Etats-Unis, l’Espace et la Guerre froide 

L‘Espace-sanctuaire est né d‘une prise de conscience. Dans le contexte de la 

Guerre froide, alors que l‘arsenalisation de l‘Espace est déstabilisante, un 

environnement peuplé de moyens ISR – où chacun s‘espionne – réduit la paranoïa et 

favorise par la même occasion la stabilité. C‘est en grande partie ce constat qui a motivé 

la signature du Traité de l‘Espace de 1967 – il n‘y a rien d‘étonnant dès lors que nous 

retrouvions certains des arguments néoréalistes étudiés en première partie. 

2.1.1. L’origine du programme spatial américain : 

l’héritage Eisenhower 

Si durant près 40 ans de Guerre froide, les Etats-Unis ont prôné la mise en place 

d‘une politique de sanctuarisation de l‘espace, c‘est pour la simple raison que « we have 

more to lose if space is weaponized 344 ». Tel est du moins l‘héritage que le président 

Dwight D. Eisenhower (1953-1961) a laissé aux Américains. 

Bien que les premières propositions pour l‘envoi de satellites dans l‘Espace pour 

une utilisation militaire datent de 1946 345 , et alors que le lien est rapidement fait entre 

MUELLER, « Toward a U.S. Grand Strategy in Space », art. cité. Pour une analyse plus étendue de 

l‘expression de « Higher ou Grand Strategy » voir Basil H. LIDDEL HART, Stratégie, Paris, Perrin, 

1998 ; pour un exemple, voir Edward N. LUTTWAK, La Grande Stratégie de l’Empire romain, Paris, 

Economica et Institut de Stratégie Comparée, 2009. 

343 Cet effet d‘hystérèse semble être lié à la prise en compte des variables domestiques dont nous ferons 

surtout cas dans notre dernière section. Pour autant, une première évaluation est donnée supra. 

344 DEBLOIS, « Space Sanctuary », art. cité. 

345 En 1946, un premier rapport de la RAND Corporation, intitulé « Preliminary Design of an 

Experimental World-Circling Spaceship », identifie les applications militaires possibles des satellites. 

Dès l‘époque, les militaires américains pensent à l‘observation, mais aussi à la navigation, la 


88

les programmes de missiles balistiques et l‘intérêt des programmes de satellites 

espions 346 , c‘est bel et bien l‘ère Eisenhower, marquée du sceau du « Ciel ouvert », qui a 

établi les lignes directrices pour une exploitation militaire de l‘Espace. Pour comprendre 

l‘origine du programme « Open skies » et la façon dont celui-ci a été conçu comme un 

élément essentiel de la stratégie américaine, de même que le lancement, avec la 

bénédiction des Etats-Unis, de l‘« Année géophysique internationale » en 1957-1958 347 , 

il faut revenir à l‘obsession d‘alors concernant l‘équilibre stratégique nucléaire entre les 

deux superpuissances. Après le « bomber gap » et au moment où émerge la crainte d‘un 

« missile gap », l‘Espace s‘avère constituer, pour l‘administration Eisenhower, le 

meilleur outil possible existant capable de mettre un terme à l‘incertitude sur la façon 

dont l‘URSS agit. Rappelons ici combien le contexte international a servi de 

déclencheur : en l‘espace de quelques années, les Américains subissent coup sur coup 

l‘annonce de l‘explosion de la première bombe à hydrogène soviétique en août 1953, 

celle de la découverte de l‘existence d‘un programme soviétique de fusée à longue 

portée et, finalement, l‘intrusion dans la banlieue terrestre de cette nouvelle Lune de 

83,6 kg qu‘est Spoutnik, le 4 octobre 1957 348 . Nous pouvons ainsi affirmer avec Xavier 

Pasco que : « Pour Eisenhower, l‘intérêt de l‘espace est d‘abord d‘ordre militaire […] 

L‘effort technologique porté sur les missiles intercontinentaux et la volonté d‘acquérir 

en priorité une capacité de surveillance stratégique à l‘aide de satellites militaires 

localisation, l‘observation météorologique ou la communication. Des rapports comparables sortiront 

entre 1947 et 1951 sur l‘utilisation des satellites de reconnaissance, PASCO, op. cit., p. 37 n. 24. 

346 Le lien entre les deux technologies est étroit. Pour propulser des satellites en orbite terrestre, la 

puissance des fusées balistiques est nécessaire. En retour, les satellites se justifient pour observer les 

silos de missiles adversaires et en prévoir les sorties. En outre, ils permettent aux Américains d‘avoir une 

connaissance plus exacte de la géographie soviétique, absolument nécessaire au guidage des missiles 

américains – alors même que les seules cartes non déformées de la Russie disponibles dans les années 

1960 datent de 1917, voir Laurence NARDON, « L‘arsenalisation de l‘espace : projets américains, 

réactions européennes », Note de l’IFRI, octobre 2007. Ainsi, « [l]es fusées balistiques et les capacités 

d‘observation étaient donc intimement liées et formaient à ce titre un ensemble indissociable dans la 

nouvelle doctrine nucléaire américaine », PASCO, op. cit., p. 37. 

347 Avec l‘AGI (IGY en anglais, pour « International Geophysical Year »), il s‘agit, pour l‘administration 

Eisenhower, de procéder dans un cadre international au lancement d‘un satellite scientifique afin de 

fixer, de fait, le droit implicite pour tout pays disposant d‘une capacité spatiale de pouvoir survoler le 

territoire de n‘importe quel autre sans enfreindre les règles de la souveraineté internationale. L‘intérêt est 

évident, étant donné le coût politique croissant qu‘entrainent alors les programmes de survol de l‘URSS 

par les avions de reconnaissance U-2. D‘autant plus que ces U-2 ne peuvent durer éternellement, compte 

tenu du développement des capacités anti-aériennes soviétiques, comme en témoigne l‘incident du 1 er 

mai 1960 durant lequel un avion est abattu au-dessus de l‘URSS et son pilote capturé (épisode qui se 

répètera lors de la Crise des missiles de Cuba). Pour l‘administration Eisenhower, ce qu‘elle ne pouvait 

obtenir par sa proposition de traité « Ciel ouvert » lui était désormais promis via la reconnaissance des 

satellites d‘observation. 

348 Alors même que l‘exploit de Spoutnik 1 est confirmé par la mise en orbite, le 3 novembre suivant, de 

Spoutnik 2 avec à son bord la chienne Laïka, les Américains ne subissent que des échecs, d‘autant plus 

retentissants qu‘ils sont diffusés en direct devant le monde entier. C‘est notamment le cas lors de 

l‘explosion de la fusée Vanguard le 6 décembre 1957, aussitôt qualifié par la presse de « flopnik ». A 

noter que le premier succès américain date du 1 er février 1958 avec la mise en orbite d‘Explorer 1. 


89

constitueront donc le noyau central du développement spatial 349 ». Pour cette raison, 

l‘évaluation par Eisenhower de l‘exploit spatial soviétique porte en premier lieu sur les 

capacités balistiques de l‘URSS et l‘écart stratégique qui en ressort. 

Si la faute d‘Eisenhower semble avoir été de sous-estimer l‘influence 

psychologique de l‘exploit soviétique dans le monde entier 350 , pour notre propos, les 

conséquences qui importent surtout sont celles répondant à la logique du « space for 

peace ». Spoutnik, en contribuant à la réussite de l‘Année géophysique internationale, a 

bénéficié à terme aux intérêts américains, plus qu‘il n‘a aidé les Soviétiques alors 

opposés au survol de leur territoire. La règle du jeu évoque désormais un Espace libre de 

toute revendication terrestre à même de nourrir la dépendance des Etats-Unis en matière 

d‘information. La fin des vols U-2 n‘est désormais plus un handicap, alors que le 

programme CORONA de satellites d‘observation (officiellement, à vocation scientifique 

et biologique sous l‘appellation « Discoverer ») devient opérationnel le 18 août 1960, 

date à partir de laquelle les premières photographies exploitables parviennent aux 

Américains 351 . L‘URSS aboutira rapidement, bien qu‘avec un peu plus de temps, aux 

mêmes conclusions en lançant ses premières missions d‘observation COSMOS en 1962. 

Avec l‘émergence des satellites d‘alerte avancée, nous décrivons ici la naissance de la 

dissuasion nucléaire. Désormais, l‘Espace participe à la création du statu quo de la 

Guerre froide, c'est-à-dire à la fois l‘équilibre de la terreur et la coexistence pacifique. 

L‘administration Eisenhower, souvent critiquée, paraît néanmoins d‘autant plus 

en phase avec son temps qu‘elle a fortement contribué à l‘Espace-sanctuaire en 

répondant positivement à la « course aux satellites. » 

2.1.2. De Kennedy à la fin de la Guerre froide 

Or cet héritage est en grande partie confirmé par les administrations suivantes. 

Tel est notamment le cas avec le président John F. Kennedy (1961-1963). 

349 PASCO, op. cit., p. 27. 

350 Eisenhower est souvent présenté comme celui qui « n‘avait pas compris » les enjeux politiques de 

Spoutnik, et qui, du même coup, ne voyait pas l‘Espace comme un enjeu majeur. Nous pensons le 

contraire : il suffit de rappeler l‘engagement américain vis-à-vis des satellites d‘observation, le 

lancement du programme Mercury ou la création, en 1958, de la « National Aeronautics and Space 

Administration » (NASA) par le « Space Act. » 

351 Les films étaient retournés sur Terre au moyen d‘une capsule récupérée en vol à l‘aide de filins par 

des pilotes spécialisés. Par la suite, à partir de 1976, le remplacement des films argentiques par des 

images numériques a permis un transfert en temps réel. Ce programme de satellites espions est resté 

secret jusqu‘en 1992, date à laquelle le président Clinton a lancé le début de la déclassification. 


90

Ainsi, quoi que nous puissions penser du programme Apollo, compte tenu du 

mythe qui s‘est construit autour 352 , celui-ci ne fait en réalité que suivre les logiques 

héritées de l‘ère Eisenhower : 

[L]a conduite des affaires spatiales sous la présidence Kennedy a suivi les 

principes politiques définis par l‘équipe précédente selon les schémas de la 

guerre froide. Fondé pour partie sur la préservation de l‘outil de reconnaissance 

stratégique mis sur pied sous Eisenhower et sur une conscience identique de 

l‘avantage politique que procurerait une première spatiale américaine, le 

programme spatial américain des années soixante a reflété la manière dont les 

gouvernants concevaient la puissance américaine dès le milieu des années 

cinquante. En particulier, force est de constater que ces présidences, conscientes 

du caractère novateur du fait balistique rapporté à la stratégie militaire et à la 

diplomatie, mais peu enclines à y voir un moyen d‘accéder à l‘espace autrement 

que pour des objectifs politiques ou militaires déterminés, ont largement 

contribué à définir "l‘intérêt national" en limitant aussi bien les entreprises jugées 

trop "militaristes" que les développements civils "visionnaires". 

Tant l‘administration Eisenhower que Kennedy ont ainsi montré la prééminence qu‘avait 

le politique sur toutes autres considérations, en particulier bureaucratiques, qu‘elles 

soient militaires ou civiles. Certes, le programme Apollo devient une priorité nationale 

de John F. Kennedy à Richard M. Nixon (1969-1974) comme peut en témoigner la 

hausse considérable des fonds alloués à la NASA. Néanmoins, Apollo est l‘exception 

qui confirme la règle car le programme civil aux Etats-Unis se caractérise par un soutien 

politique en dents de scie 353 . Les militaires, à l‘opposé, bénéficient d‘un soutien 

352 Le fameux discours du 25 mai 1961, annonçant que les Etats-Unis atteindraient la Lune « before this 

decade is out », est autant une réponse au premier vol spatial humain du 12 avril, qu‘à l‘échec de la baie 

des cochons du 17 avril. Ce faisant, Kennedy n‘a pas répondu aussi différemment qu‘Eisenhower ne l‘a 

fait après Spoutnik. Certes, pour Eisenhower, il n‘est pas question de « dépenser l‘argent des impôts pour 

envoyer un homme sur la Lune […] Et que le bon sens existait, même dans le domaine de la recherche », 

cité par PASCO, op. cit., p. 37, toutefois l‘impact psychologique des « premières » spatiales n‘est pas 

oublié, bien au contraire. En réalité, Eisenhower a compris que l‘objectif n‘était pas la « conquête de 

l‘Espace », mais bel et bien la réaffirmation de la puissance américaine. De même qu‘Eisenhower es t 

obligé de lancer le vol habité Mercury en réponse à la rivalité avec l‘URSS, Kennedy doit opter pour le 

programme Apollo. 

353 Avec 180 000 personnes employées pour le seul programme Apollo, pesant près de 0,8 % du PNB en 

1965, il n‘est pas étonnant qu‘un discours sur la crise ait émergé, à moins qu‘il ne s‘agisse d‘une 

« normalisation » de la politique spatiale américaine, voir Xavier PASCO, « La "crise" de la politique 

spatiale aux Etats-Unis », Hermès, 34, 2002, p. 205-223. Nous pouvons affirmer que Apollo ne sera 

certainement jamais reproduit : raviver le mythe, comme l‘administration George W. Bush a essayé de le 

faire et comme le président Barack H. Obama s‘y essaye encore aujourd‘hui, est impossible, car « it 

recalls a time that no longer exists. Apollo was born out of cold war rivalries long gone », Roger D. 

LAUNIUS, « Perceptions of Apollo: Myth, nostalgia, memory or all of the above », Space Policy, 21, 

2005, p. 129-139. Sur la NASA et le programme Apollo, voir Annexe 11. 


91

politique plus que constant et même en augmentation depuis 1984, date à laquelle le 

budget (visible) du Pentagone dépasse le budget civil. Pour autant, les militaires sont 

logés à la même enseigne : l‘attitude des présidents depuis Eisenhower a toujours 

consisté à faire prévaloir le politique sur les considérations militaires. Et « les 

gouvernements successifs n‘ont pas agi autrement […] vis-à-vis des multiples tentatives 

des militaires pour élargir leur rôle dans l‘espace 354 . » 

Ainsi, les impératifs de politique étrangère dominent 355 et expliquent la part prise 

par l‘Espace-sanctuaire par rapport à la dominance, préférée par les militaires. Alors que 

les objections des Soviétiques pour les satellites d‘observation n‘existent plus à partir de 

1962 356 , des négociations sont menées et le « Limited Test Ban Treaty » est signé dès 

1963 entre les Etats-Unis et l‘URSS. Cet accord interdit les tests d‘armes nucléaires ou 

« any other nuclear explosion » dans l‘atmosphère, dans l‘Espace et sous l‘eau 357 . Le 

traité de l‘Espace de 1967 reprend cette logique alors que les recherches sur les ASAT 

reproduisent cette préférence. Ainsi, dès 1958, les Américains concluent que le 

déploiement de ce type d‘armes est contraire aux intérêts de sécurité des Etats-Unis. Il 

en est de même pour les armes Laser du même type Terre-Espace, ou les armes STEW. 

Le calcul est le suivant : dans le cadre d‘un affrontement Est-Ouest, tout déploiement 

d‘armes spatiales par les Américains ou les Soviétiques aurait pour résultat d‘inciter le 

camp adverse à prendre des mesures préventives consistant à détruire les satellites 

d‘observation afin de dissimuler une attaque surprise, réduisant in fine à néant la 

dissuasion nucléaire entre les deux Grands. Certes, les deux superpuissances investissent 

en R&D, mais jamais elles ne se décident à franchir le pas. Ce qui est remarquable, c‘est 

que cette attitude est, au contraire, confirmée par l‘équipe de Robert McNamara sous 

Kennedy, de même que par les administrations suivantes 358 . Il faut en effet attendre la 

présidence Ronald W. Reagan (1981-1989) pour voir pour la première fois cette 

354 PASCO, La politique spatiale des Etats-Unis, op. cit., p. 40. 

355 Ce qui entraîne logiquement la prépondérance du pouvoir politique, ibid., p. 54-55. 

356 Encore peu de temps auparavant, les Soviétiques présentaient un document à l‘ONU énonçant que 

« [t]he use of artificial satellites for the collection of intelligence information in the territory of foreign 

states is incompatible with the objectives of mankind in its conquest of outer space », cité par Laura 

GREGO, « Short History of US and Soviet ASAT Programs », Union of Concerned Scientists, 1 er avril 

2003. 

357 Disponible à l‘adresse suivante http://www.state.gov/www/global/arms/treaties/ltbt1.html 

358 Nous pouvons parler de véritable « restraint » de la part des Etats-Unis. Malgré l‘existence de 

programmes d‘ASAT opérationnels dans les années 1960 et 1970 – la plupart tués dans l‘œuf – et en 

dépit des avantages qu‘il y avait à tirer parti de ces armes le premier, et sans tenir compte des tests 

soviétiques d‘ASAT en orbite (1963-1972), ou laser en 1975, les Américains ne s‘engagent pas en faveur 

de l‘arsenalisation, voir GREGO, art. cité. « The United States has shaped its strategy to maintain space 

as a sanctuary in order to protect the legitimacy of space ISR as well as the quality advantage of US 

space ISR/MCG/Comm capability », DEBLOIS, art. cité. 


92

dynamique s‘inverser – encore que le pouvoir du Congrès ait pu contrebalancer et 

remettre finalement en question la longévité de cette « parenthèse. » 

Pour autant, l‘Initiative de Defense Stratégique (« Strategic Defense Initiative ») 

remet bel et bien en cause l‘Espace-sanctuaire – alors même que les Soviétiques 

adoptent une attitude très modérée 359 . Le basculement définitif s‘opère ensuite. 

2.2. Les Etats-Unis à l’heure du « moment unipolaire » 

Avec Reagan, la doctrine de la sanctuarisation de l‘Espace commence à perdre en 

influence au profit des écoles plus favorables à l‘arsenalisation. La fin de la Guerre 

froide ne fait que confirmer cette tendance. Plus largement, pour la première fois, 

l‘Espace s‘autonomise du nucléaire 360 et cherche à répondre à de nouveaux besoins : la 

seconde guerre du Golfe de 1990-1991 constitue le premier pas dans cette direction. 

2.2.1. L’Espace et la deuxième guerre du Golfe 

Il existe un point de vue couramment exprimé sur la deuxième guerre du Golfe : 

celle-ci incarnerait « the first space war » ou de manière plus précise, « the world‘s first 

satellite war 361 ». Plus largement, cette guerre est intéressante selon deux points de vue : 

d‘une part, elle démontre l‘importance de l‘Espace pour les opérations tactiques, d‘autre 

part, elle évoque aussi leur vulnérabilité. 

Les satellites ont joué un rôle déterminant dans au moins quatre domaines : 1) au 

niveau des télécommunications d‘abord, ils ont permis de relier le territoire américain 

aux théâtres d‘opérations mais également les forces américaines et alliées entre elles, 

tant pour ce qui est des besoins logistiques que pour la conduite des actions sur le 

359 Youri Andropov, alors à la tête de l‘URSS (1982-1984), propose aux Etats-Unis et aux autres grandes 

puissances un moratoire sur les tests d‘ASAT, qu‘il décide d‘appliquer unilatéralement une fois la 

proposition rejetée par la présidence Reagan. C‘est en réalité le Congrès qui interdit les tests d‘ASAT en 

orbite en 1985 et 1988, voir GREGO, art. cité. 

360 Malgré le succès de la doctrine de l‘Espace comme sanctuaire, les Américains ont toujours été très 

mal à l‘aise avec l‘idée du MAD. Les analyses de David Lupton sur l‘école du « high ground » en 

témoignent clairement. L‘IDS, de ce point de vue, n‘est pas une véritable rupture : très tôt, certains ont 

essayé d‘imaginer comment les Etats-Unis pouvaient se dégager de cette « destruction assurée » pour 

entrer dans une « survie assurée » en prônant la supériorité dans l‘Espace, l‘augmentation des capacités 

défensives et des marges de manœuvre. De même, nous retrouvons cet héritage à travers la décision du 

président George W. Bush, en 2002, de dénoncer le traité ABM signé en 1972 dans le cadre des 

négociations sur la limitation des armes stratégiques (« Strategic Arms Limitation Talks » ou SALT). 

361 Nous reprenons les mots du général Merill A. McPeak du Air Force Chief of Staff, cité par HAYS, 

« Space and the military », in SADEH, op. cit. p. 335 et d‘Arthur C. Clarke, cité par DOLMAN, 

Astropolitik, op. cit., p. 150. Ainsi, « Desert Storm was America's first space war, the first significant 

conflict wherein sure and rapid success depended upon steady access to satellites for all of the armed 

services », Steven LAMBAKIS, « Space control in Desert Storm and beyond », Orbis, été 1995, p. 417- 

433. Ce point de vue est partagé par Colin S. GRAY, « The Influence of Space Power upon History », 

art. cité, Peter ANSON et Dennis CUMMINGS, « The first space war: The contribution of satellites to 

the gulf war », The RUSI Journal, 136 (4), 1991, p. 45-53 et Serge GROUARD, « Un laboratoire pour 

l‘espace : le conflit du Golfe », Stratégique, 51, 1991, p. 345-371. 


93

terrain, 2) au niveau de la météorologie ensuite, puisqu‘ils ont aidé à la planification des 

opérations surtout aériennes, de même qu‘ils ont averti les forces au sol de la possibilité 

de certains risques (tempêtes de sables voire attaques chimiques), 3) au niveau de la 

cartographie, alors que les opérations militaires en dépendent largement et qu‘aucune 

carte précise et récente n‘existait sur la région, et 4) enfin, au niveau de la navigation : 

la guerre du Koweït a montré tout l‘intérêt des satellites Navstar-GPS américains qui ont 

permis aux unités de se situer en plein désert et d‘effecteur leur progression sans 

difficulté et qui ont aussi facilité un tir en profondeur pour l‘artillerie, l‘aviation ou 

encore les missiles Tomahawk, tout en limitant les effets collatéraux et en augmentant la 

précision des bombardements 362 . 

L‘Espace est alors apparu comme un facteur tant de multiplication des forces que 

de valorisation de celles-ci ; l‘accent a été mis sur la qualité plutôt que sur la quantité 363 . 

Pour Serge Grouard, cela va même plus loin puisque : 

Les satellites américains ont […] considérablement conforté la position de leader 

des Etats-Unis dans la gestion politique de la crise et dans la conduite de la 

coalition. Le quasi-monopole du renseignement dont ils ont bénéficié leur a, en 

effet, permis de mener le jeu diplomatique de bout en bout, sans jamais lâcher la 

main 364 . 

Mais l‘Espace a aussi montré certaines faiblesses. En effet, depuis son origine, l‘Espace 

est tourné vers la menace nucléaire soviétique, et l‘adaptation à un conflit situé au 

Moyen-Orient n‘a pas été immédiate. Les satellites d‘observation à grande précision ne 

suffisent plus en effet, au temps des « major theater wars » : une grande couverture est 

préférable 365 . De même, les satellites d‘alerte avancée programmés pour voir les missiles 

intercontinentaux (ICBM) soviétiques n‘ont pas été prévus pour observer le lancement 

362 Ibid. 

363 Cette valorisation a permis une plus grande efficacité dans l‘utilisation des forces, la précision des tirs 

et l‘évaluation des résultats. En témoignent les guerres à la fois aérienne (via un renforcement de la 

précision, de façon à limiter les victimes collatérales civiles des bombardements) et terrestre (c'est -à-dire 

par le biais de manœuvres sécurisées, menées sous la forme d‘une offensive éclair d‘encerclement des 

forces irakiennes) qui ont pu être conjointement menées, ibid. 

364 Ibid. Les informations, dont les Etats-Unis ont rapidement disposé, ont servi à convaincre l‘Arabie 

saoudite du danger que pouvait représenter l‘invasion du Koweït pour son propre pays, mais encore 

Israël dont les politiques de représailles auraient pu déstabiliser la coalition internationale. Preuve de 

l‘intérêt de l‘Espace lors de cette guerre est le cas évocateur de la France, dont le satellite SPOT, 

largement sollicité par les coalisés (et le Département d‘Etat), a pu constituer un atout politique non 

négligeable. 

365 Il s‘agit d‘un dilemme classique : comme en photographie, l‘avantage de la grande précision se paye 

par le petit champ. En outre, ces satellites d‘observation situés en orbite basse sont « à défilement » : il 

est facile de prévoir à quel moment ils vont passer au-dessus de la région visée et d‘agir en conséquence 

(il existe des techniques assez simples de dissimulation dont les Irakiens, mais surtout les Serbes, en 

1999, ont su tirer profit). 


94

des missiles à portée moindre, à l‘image des Scuds irakiens utilisés contre Israël 

(menaçant celui-ci d‘intervenir directement). Plus largement, ce qui a posé problème 

porte sur l‘intégration des outils spatiaux aux forces armées, c'est-à-dire que l‘Espace 

n‘est plus vu comme aide à la décision politique, mais davantage comme soutien aux 

forces tactiques 366 . 

Malgré tout, pour Serge Grouard : « […] la guerre du Golfe a parfaitement 

illustré le bénéfice que l‘on peut attendre de la maîtrise unilatérale de l‘espace […]. 

Ayant mesuré tout l‘avantage que leur a offert leur monopole spatial, il est logique que 

les Etats-Unis cherchent à le pérenniser 367 . » 

2.2.2. Unipolarité, « maîtrise des espaces communs » 

et « command of space » 

Ce constat en appelle un autre : la guerre du Golfe a montré que nous étions 

passés de la bipolarité Est-Ouest à un nouvel ordre mondial fondé sur l‘unipolarité 368 . 

Mais, alors que la première structure avait poussé les Etats-Unis à mettre en place une 

doctrine du « containment », la seconde semble aujourd‘hui se caractériser par une 

politique de « suprématie » et d‘hégémonie américaine. 

Pour autant, pour s‘en assurer, encore faut-il comprendre ce qui constitue les 

piliers de l‘hégémonie américaine. Nous pouvons reconnaître avec Charles 

Krauthammer que : « American preeminence is based on the fact that it is the only 

366 La guerre du Golfe a montré que l‘Espace était prometteur, mais que ses performances étaient aussi 

relatives compte tenu du manque de flexibilité et de réactivité qui le caractérisent, voir « Appendix F : 

Lessons Learned from the Use of Space Power in the Gulf War », in JUSELL, op. cit., p. 53-55. Dans 

cette perspective, aux Etats-Unis, l‘Espace s‘est aujourd‘hui éloigné du débat nucléaire pour alimenter 

plutôt des discussions à propos de la RMA, ou « Revolution in Military Affairs ». En effet, si la guerre 

du Golfe est la première guerre de l‘Espace, elle est aussi « the first "modern" war » selon Colin S. Gray, 

« The Influence of Space Power upon History », art. cité. Pris dans ce sens, cette guerre aurait illustré 

une nouvelle façon de faire la guerre, ou pour dire les choses autrement, un nouveau paradigme fondé 

désormais sur l‘« information dominance » ou le C 4 ISTAR (Command, Control, Communications, 

Computers, Intelligence, Surveillance, Target Acquisition, and Reconnaissance) soit la multiplication d es 

capacités militaires grâce aux nouvelles technologies de l‘information que confèrent les satellites 

d‘imagerie, de télécommunications et de navigation. Pour une discussion plus détaillée, voir Annexe 12. 

Pour une discussion sur les consequences de la guerre du Golfe pour la guerre en général, voir Stephen 

BIDDLE, « Victory Misunderstood: What the Gulf War Tells Us about the Future of Conflict », 

International Security, 21 (2), automne 1996, p. 139-179 et Stephen BIDDLE, « The Gulf War Debate 

Redux: Why Skill and Technology are the Right Answer », International Security, 22 (2), automne 1997, 

p. 163-174 

367 GROUARD, art. cité. 

368 L‘éclatement de l‘URSS, le 25 décembre 1991, n‘a fait qu‘officialiser ce que tout le monde savait 

depuis que les Etats-Unis avaient mis un terme à la crise koweïtienne, soit le fait que la Guerre froide 

était finie et que les relations internationales étaient entrées dans une nouvelle configuration. Dès lors, 

« [t]he immediate post-Cold War world is not multipolar. It is unipolar. The center of world power is the 

unchallenged superpower, the United Sates, attended by its Western allies », Charles KRAUTHAMMER, 

« The Unipolar Moment », Foreign Affairs, 70 (1), 1990-1991, pp. 23-33. Plus laconiquement encore : 

«2 - 1 = 1. The system is unipolar », William C. WOLHFORTH, « The Stability of a Unipolar World », 

International Security, 24 (1), été 1999, p. 5-41. 


95

country with the military, diplomatic, political and economic assets to be a decisive 

player in any conflict in whatever part of the world it chooses to involve itself 369 ». Or, 

pour Barry Posen, si cela est vrai, c‘est avant tout parce que les Etats-Unis bénéficient 

de la « maîtrise des espaces communs », c'est-à-dire « le facteur militaire clef de la 

prééminence globale des Etats-Unis 370 ». Cette maîtrise des espaces communs peut être 

rapprochée, par analogie, de la « suprématie navale » dont bénéficiaient les Britanniques 

tout au long du XIX e siècle. Plus spécifiquement : « [e]lle signifie que les Etats-Unis, 

plus que tout autre pays, peuvent […] faire [des espaces communs] un large usage 

militaire ; qu‘ils peuvent de façon crédible menacer d‘en dénier l‘usage aux autres ; et 

qu‘ils peuvent défaire tout Etat qui tenterait par la force de les empêcher d‘en 

disposer […] 371 ». A la différence toutefois que la suprématie américaine est 

multidimensionnelle : ces « espaces communs », qui « ne relèvent de la souveraineté 

d‘aucun pays et qui constituent les voies de circulation et d‘accès de notre monde 372 », 

sont certes la mer, mais aussi le ciel (au-dessus des « 15 000 pieds ») et l‘Espace. 

Or l‘Espace n‘est pas un « espace commun » comme les autres : il constitue au 

contraire la clef de voûte du système militaire américain fondé sur l‘« information 

dominance » et la projection des forces 373 . Certes, dans ce domaine la supériorité 

américaine est réelle et égale, voire elle surpasse, celle des Britanniques du XIX e siècle 

vis-à-vis des océans. Si, en effet, à l‘heure de gloire de l‘empire britannique, près du 

tiers de la marine marchande mondiale bat pavillon britannique et si la marine de guerre 

de sa Majesté est supérieure à celles de trois ou quatre de ses principaux rivaux 374 , de 

même la flotte spatiale des Etats-Unis constitue aujourd‘hui près de la moitié des 

satellites présents dans l‘Espace. Selon les dernières estimations : sur 943 satellites 

aujourd‘hui en orbite, 438 seraient de nationalité américaine (parmi ces satellites, 6 sont 

à vocation civile, 115, militaire, 124, gouvernementale et 193, commerciale). Ce qui est 

plus de quatre fois supérieur au nombre de satellites russes (97) et près de sept fois à 

ceux de la Chine (60) 375 . Or, l‘analogie britannique peut encore être étendue : la 

369 

KRAUTHAMMER, « The Unipolar Moment », art. cité. 

370 

POSEN, « La maîtrise des espaces », art. cité. 

371 

Ibid. 

372 

Ibid. 

373 

Comme la Guerre du Golfe l‘a illustré : « […] command of space allows the United States to see 

across the surface of the world‘s landmasses and to gather vast amounts of information. […] the United 

States can locate and identify military targets with considerable fidelity and communicate this 

information to offensive forces in a timely fashion », POSEN, « Command of the Commons », art. cité. 

374 

KENNEDY, op. cit., p. 257 et p. 262. 

375 er 

Ces chiffres sont fournis par l‘ « UCS Satellite Database » selon la dernière estimation du 1 juillet 

2010 [en ligne] 

http://www.ucsusa.org/nuclear_weapons_and_global_security/space_weapons/technical_issues/ucs - 


96

dépendance à la fois militaire et économique des Américains vis-à-vis de l‘Espace 

rappelle celle des Anglais vis-à-vis de l‘accès aux sept mers. Ainsi, la rapide victoire 

promise 376 et obtenue par la coalition dirigée par les Etats-Unis n‘aurait certainement pas 

été possible si Saddam Hussein avait possédé une imagerie spatiale, ne serait-ce que 

minimale, comme par exemple celle disponible aujourd‘hui librement sur le marché 377 . 

Cette guerre a montré combien « dominance in space is mandatory for military success 

today 378 », mais a aussi rappelé que « [a]lthough the United States is not likely to 

encounter an enemy skilled in counterspace operations […] space is rapidly becoming 

this country's Achilles' heel 379 . » 

En dépit de l‘investissement économique et technologique consenti pour atteindre 

la maîtrise des espaces communs, l‘Amérique, très puissante, n‘est pas omnipotente 380 . 

Pour autant, malgré son caractère « accidentel 381 », tout porte à croire, au moins dans le 

court et le moyen terme, que l‘unipolarité va durer 382 . 

2.3. Espace et politique hégémonique 

Il appartient dès lors aux Etats-Unis de choisir ce qu‘ils vont en faire. Car ici, il 

faut bien distinguer entre la structure des relations internationales, c'est-à-dire la 

distribution de la puissance entre les Etats, et la politique étrangère d‘un Etat en 

particulier. Or si le monde est unipolaire, la politique de l‘Etat dominant est-elle 

forcément hégémoniste ? 

satellite-database.html consulté le 10 août 2010, voir Annexe 5. A noter qu‘en 2001, Barry Posen citait 

des chiffres inférieurs dans l‘absolu – la flottille spatiale américaine étant alors constituée de près de 100 

satellites militaires et plus de 150 satellites commerciaux –, mais évoquait une part américaine 

sensiblement similaire ; ce qui laisserait penser que la supériorité spatiale américaine a été constante tout 

au long de la décennie. 

376 

John J. MEARSHEIMER, « Will Iraq Fight or Fold Its Tent? Liberation in Less Than a Week », The 

New York Times, 8 février 1991. 

377 

« […] the U.S.-led coalition came to the desert battlefield with a near-total dominance of Earth orbits 

and marshaled unprecedented space-dependent military capabilities to help it achieve decisive victory. 

The Iraqi leadership, conversely, approached war in so conventional and outmoded a fashion that it did 

not even exploit the space-based information potentially available to it », LAMBAKIS, art. cité. 

Lambakis exprime, par la suite, la crainte de voir apparaître dans le futur un scénario dans lequel les 

Etats-Unis n‘auraient pas la dominance qu‘ils ont connue lors de la deuxième guerre du Golfe, soit 

l‘émergence d‘un nouveau contexte dans lequel aucune coalition n‘existerait et où les Américai ns 

seraient concurrencés par d‘autres pays – voire des firmes multinationales. 

378 

Ibid. 

379 

Ibid. 

380 

Barry Posen rappelle l‘existence de ces « zones contestées » comme preuve des limites de 

l‘hégémonie militaire des Etats-Unis. La domination globale n‘est pas totale, bien au contraire. 

381 

« Being Number One at great cost is one thing; being the world‘s single superpower on the cheap is 

astonishing », Paul KENNEDY, « The Eagle Has Landed », Financial Times, 2 février 2002. 

382 

WOLHFORTH, « The Stability of a Unipolar World », art. cité. 


97

2.3.1. L’Espace, dominance ou domination ? 

Que les Etats-Unis soient l‘unique superpuissance survivante ne suffit donc pas. 

Il faut encore savoir quelle politique étrangère – ou « grande stratégie » – a sa faveur ; 

que celle-ci soit sélective ou hégémoniste importe, car les implications sont énormes. 

C‘est ce que rappelle Barry Posen : « [t]he nature and scope of U.S. military 

power should affect U.S. grand strategy choices. U.S. military power is very great ; if it 

were not, no hegemonic policy would be practical, but that does not mean that every 

hegemonic policy is practical 383 ». Or la tendance actuelle, depuis les années 1990, 

semble aller dans le sens d‘un discours hégémonique particulier, celui de la 

« primacy 384 ». Cette grande stratégie repose essentiellement sur les postulats de la 

théorie de la stabilité hégémonique, selon laquelle la prépondérance américaine est 

synonyme de paix et de stabilité. La logique est la suivante : 

Peace is the result of an imbalance of power in which U.S. capabilities are 

sufficient, operating on their own, to cow all potential challengers and to comfort 

all coalition patterns. It is not enough, consequently to be primus inter pares, a 

comfortable position for selective engagement. […] One must be primus solus. 

Therefore, both world order and national security require that the United States 

maintain the primacy with which it emerged from the Cold War. The Collapse of 

bipolarity cannot be permitted to allow the emergence of multipolarity ; 

unipolarity is best 385 . 

Avant de promouvoir la paix entre les grandes puissances, une politique hégémoniste de 

cet ordre cherche surtout à préserver la suprématie politique, économique et militaire de 

l‘Amérique en empêchant « the re-emergence of a new rival 386 . » 

Maintenir la maîtrise des espaces communs apparaît donc comme un objectif 

d‘autant plus vital pour les Etats-Unis que ces derniers pourraient être amenés à prendre 

383 POSEN, « Command of the Commons », art. cité. C‘est dans ces conditions que l‘auteur plaide pour 

une « stratégie raisonnable » vis-à-vis des « major theater wars » et des zones contestées, alors que les 

militaires auraient tendance à croire qu‘il est possible de soumettre ces espaces à la logique hégémonique 

du « command of the commons », via, notamment, le choix du « tout technologique » comme réponse à 

la « menace asymétrique. » 

384 Cette vision de la prépondérance constitue un des quatre courants de pensée qui forment « relatively 

discrete and coherent arguments about the U.S. role in the world », Barry R. POSEN et Andrew L. 

ROSS, « Competing Visions for U.S. Grand Strategy », International Security, 21 (3), hiver 1996-1997, 

p. 5-53. Les trois autres approches pour l‘après Guerre froide sont : le néo-isolationnisme peu sérieux, 

l‘engagement sélectif centré sur le sort des grandes puissances et la sécurité collective qui s‘appuie sur 

les organisations internationales (burden share). 

385 Ibid. 

386 « Excerpts From Pentagon's Plan: 'Prevent the Re-Emergence of a New Rival' », The New York Times, 

8 mars 1992. Ces extraits sont des fuites provenant d‘une ébauche du « Defense Planning Guidance » 

(DPG) commandé par l‘administration George H. Bush au Pentagone. Pour un résumé, voir les critiques 


98

des mesures radicales pour maintenir cette situation, comme augmenter de manière 

démesurée (et certainement contre-productive) les droits d‘entrée 387 . Les premiers mots 

de l‘administration George W. Bush sont éloquents : « Our forces will be strong enough 

to dissuade potential adversaries from pursuing a military build-up in hopes of 

surpassing, or equaling, the power of the United States 388 ». Dès lors, le cas échéant, les 

Etats-Unis pourraient bien montrer à la face du monde leur « space dominance ». Cette 

formule n‘est pas sans rappeler une forme modernisée de la « doctrine Monroe ». 

Fondée sur la supériorité militaire spatiale américaine, elle exprime une double capacité: 

1) négative, en ce qu‘elle chercherait à nier à l‘adversaire la liberté d‘accès et d‘action 

dans l‘Espace, et 2) positive, parce qu‘elle protégerait par la même occasion sa propre 

liberté d‘aller et venir 389 . Ces deux points, bien que complémentaires, sont aussi très 

distincts l‘un de l‘autre : la « space dominance » est donc tant défensive qu‘offensive et 

dépasse le simple cadre militaire pour embrasser tous les domaines liés à l‘Espace. Ce 

« fait » de dominer constituerait la base sur laquelle une « action » de dominer, que nous 

pourrions définir par le terme de « space domination », pourrait s‘établir. 

Rien de plus facile selon Everett Dolman : « [s]o powerful is the United States 

that should it accept the harsh Realpolitik doctrine in space […], there may in fact be 

little if any opposition to a fait accompli of total US domination in space 390 . » 

de Leslie H. GELB, « They're Kidding », The New York Times, 9 mars 1992 et James CHACE, « The 

Pentagon's Superpower Fantasy », The New York Times, 16 mars 1992. 

387 « [I]t may be possible de create barriers to entry into the global military power club that are so high as 

to seem insurmentable », POSEN, « Command of the Commons », art. cité. Cet argument prône 

l‘inauguration d‘un nouveau « two-power standard » de type victorien appliqué (décuplé) aux Etats-Unis, 

voir William KRISTOL et Robert KAGAN, « Toward a Neo-Reaganite Foreign Policy », Foreign 

Affairs, 75 (4), juillet-août 1996, p. 18-32. A propos de l‘Espace, Posen rejoint les partisans de la 

sanctuarisation – notamment l‘analyse des Nationalistes, infra, selon laquelle, en termes de sécurité, les 

Etats-Unis auraient plus à perdre qu‘à gagner en relançant la compétition. 

388 George W. BUSH, The National Security Strategy of the United States of America, 2002, p. 30 [en 

ligne] http://www.globalsecurity.org/military/library/policy/national/nss-020920.pdf 

389 La doctrine englobante est celle de la « full spectrum dominance » à l‘intérieur de laquelle le 

Pentagone plaide pour un « control of space », United States Space Command, US Space Command 

Vision for 2020, mars 1998 [en ligne] http://www.fas.org/spp/military/docops/usspac/visbook.pdf. Pour 

nous, la dominance spatiale est plus large ; elle mêle des éléments appartenant aux deux écoles dont 

faisait grand cas David Lupton, soit les courants du « high ground » et du « space control », tout en y 

mêlant des arguments hégémonistes et idéologiques que nous identifierons supra. En définitive, la 

dominance recoupe les notions de « space control » tel qu‘exprimé par le Pentagone, ibid., et de « space 

power » tel que défini par Colin S. Gray comme « the ability to use space for military, civil, or 

commercial purposes and to deny the ability of an enemy to do the same », « The Influence of Space 

Power upon History », art. cité. 

390 DOLMAN, op. cit., p. 153. 


99

2.3.2. Astropolitik : une idéologie américaine 

Pour les Etats-Unis, la poursuite d‘une politique hégémonique dans les espaces 

communs doit se comprendre par la volonté de « further expand and consolidate its 

power position and to organize the world according to its own preferences 391 . » 

La maîtrise des espaces, et de l‘Espace en particulier, permet d‘utiliser de façon 

très avancée d‘autres éléments de puissance : la « space dominance » américaine, en 

plus d‘être militaire, est aussi commerciale et idéologique, c'est-à-dire profondément 

liée aux principes libéraux « universels » de la démocratie et de l‘économie de marché. 

Ainsi, bien que les autres pays soient privés d‘une telle maîtrise, ils profitent de ce 

« bien collectif ». Il ne reste pas moins que les Etats-Unis, sous couvert d‘altruisme, 

servent aussi leurs intérêts tout en empêchant l‘émergence d‘un rival potentiel 392 . Le fait 

est que les Etats-Unis sont convaincus que leur hégémonie ne peut être que bienveillante 

– et perçue comme telle 393 . Le modèle astropolique défini par Everett Dolman est 

clairement situé dans cette continuité puisque les Etats-Unis sont la nation vertueuse par 

définition – ce que leur succès ne peut qu‘illustrer 394 . Dolman plaide donc en faveur 

d‘une prise de contrôle de l‘Espace par les Etats-Unis au nom de l‘humanité. Les Etats- 

Unis apparaissent comme le seul Etat, non seulement capable, mais aussi moralement 

autorisé à établir une telle dominance : 

The argument here is that the checks and balances of liberal democracy make it 

the least likely of all potential candidates to misuse its power, and history for the 

most part backs the assertion. If one state is to seize control of space […] there 

seems to be little evidence that any other nation is more suitable 395 . 

Ce modèle astropolique montre ainsi comment la compétition et la coopération 

peuvent être maximisées dans l‘intérêt de tous. Plus précisément, il vient réconcilier nos 

391 POSEN, « Command of the Commons », art. cité. 

392 La domination spatiale américaine est in fine hégémonique au sens de Gramsci, voir Partie I. Elle est 

fondée sur une vision militariste, PEOPLES, « Haunted dreams », in BORMANN et SHEEHAN (eds.), 

op. cit. (voir Annexe 2) et hégémoniste (voire neoconservative), David GRONDIN, « The (power) 

politics of Space : the US astropolitical discourse on global dominance in the War on Terror », ibid., p. 

108-127, radicalement différente de celle prônée par les autres Etats, Wade L. HUNTLEY, « The mice 

that soar : smaller states‘s perspectives on space weaponization », ibid., p. 147-169, en plus d‘être 

hétéronormative, Penny GRIFFIN, « The spaces between us: The gendered politics of outer space », 

ibid., p. 59-75 et basée sur une culture populaire SF, WELDES, « Popular Culture, Science Fiction, and 

World Politics », op. cit., p. 1-27. Dans chaque cas, l‘apport des théories critiques est essentiel pour 

comprendre les fondements de cette domination. Nous rejoignons le programme présenté par Michael 

Cox. 

393 Cette perception est bien rendue par KRISTOL et KAGAN, « Toward a Neo-Reaganite Foreign 

Policy », art. cité et Robert KAGAN, « The Benevolent Empire », Foreign Policy, 111, été 1998, p. 24- 

35. Il s‘agit d‘un postulat qui se situe au cœur de la doctrine de la « primacy. » 

394 Voir DOLMAN, op. cit., p. 13. Le principe est tautologique : la réussite prouve l‘élection et l‘élection 

justifie la réussite. La théorie puritaine de la prédestination (destinée manifeste) rejoint le darwinisme de 

la géopolitique classique. Sur l‘astropolitique, voir Annexe 1 et surtout Annexe 12. 


100

deux visions idéaliste et réaliste de la sanctuarisation idéale et de l‘arsenalisation 

inévitable de l‘Espace 396 . A noter encore que vient se rajouter en filigrane la tradition 

Kantienne, la vision de Dolman étant particulièrement imprégnée de cette 

tendance. Comme nous le rappelle Martin Wight, il existe en effet trois moyens 

permettant de parvenir à la civitas maxima : 1) via une homogénéité républicaine ou 

démocratique entre les membres, soit une « doctrinal uniformity 397 » ; 2) en proclamant 

très haut l‘émergence d‘une société mondiale des individus, soit le cosmopolitisme 

puisque « cosmopolis equals world city equals civitas maxima 398 » ; et enfin, 3) par 

l‘empire, soit un « doctrinal imperialism 399 » où nous voyons « a single great power 

trying to spread a creed and impose uniformity 400 ». Ce dernier constitue certainement le 

moyen le plus évident, certainement le plus pratique et le plus communément partagé, 

pour mettre un terme aux relations internationales en fondant l‘empire terrien au sein 

duquel l‘humanité serait réunie et pourrait commencer la véritable conquête spatiale. 

L‘empire est d‘autant plus efficace qu‘il vient s‘associer au premier moyen. Son 

principal oubli est le nationalisme (conservateur) et le cosmopolitisme (idéaliste). 

Tant les démocrates que les républicains ont, dans les années 1990 et 2000, 

adopté une doctrine de la « space dominance », une maîtrise de l‘Espace à vocation 

potentiellement hégémoniste, laquelle n‘est pas sans évoquer une certaine mission de 

l‘Amérique, exceptionnelle vis-à-vis du monde 401 . Il ne s‘agit plus de fonder 

l‘hégémonie américaine mais au contraire de la sauvegarder. 

395 

Ibid., p. 175. 

396 

Ibid. p. 155. 

397 

WIGHT, International Theory, p. 42. Le projet de Paix Perpétuelle de Kant en est un excellent 

exemple. 

398 

Ibid., p. 45. 

399 

Ibid., p. 42. 

400 

Ibid., p. 43. Tel est, selon Martin Wight, le modèle du « peuple élu » ou de la « vocation impériale » 

préconisé par l‘Ancien Testament, le national-socialisme, l‘Angleterre de Cromwell et les Etats-Unis 

d‘hier et d‘aujourd‘hui: « The strategy of preponderance aims at attaining a condition that approximates 

absolute security for the United States. In this respect, it is another form of American exceptionalism. It 

is a transcendant strategy that seeks nothing less than the end of international politics », Christopher 

LAYNE, « The Unipolar Illusion: Why New Great Powers Will Rise », International Security, 17 (4), 

printemps 1993, p. 5-51. Voir aussi John J. MILLER, « Our 'Next Manifest Destiny': America should 

move to control space – now, and decisively », National Review, 15 juillet 2002. 

401 

Une interprétation critique du film Independence Day (1996) de Roland Emmerich peut témoigner de 

cette volonté de « modeler le monde à son image », Cynthia WEBER, International Relations Theory : A 

critical introduction, New York, Routledge, 2005, p. 37-57. La méthode employée par Weber est pour le 

moins originale. Elle permet « to access what IR theory says, how it plots its story, and how all this 

together gives us a particular vision of the world », ibid., p. 185, et montre, par conséquent, le caractère 

intertextuel de la réalité et des liens qui unissent les relations internationales et les discours de politique 

étrangère avec le cinéma – plus généralement, la SF. Voir aussi Mark D. HAMILTON, « Poli Sci-Fi 101: 

lessons from science fiction television for global and outer space politics », in BORMANN et 

SHEEHAN (eds.), op. cit., p. 205-220. 


101

3. Pour une Realpolitik spatiale : Les Etats-Unis et 

l’Espace après la Guerre froide 

William Wohlforth remarque que le « moment unipolaire » a beau avoir l‘air de 

durer, il continue néanmoins d‘être qualifié d‘après-Guerre froide 402 . Les dirigeants 

américains ont parfaitement intégré l‘idée qu‘ils étaient désormais seuls sur le ring, pour 

autant, ils continuent de penser que, pour savoureuse qu‘elle soit, la pax americana ne 

tiendra pas bien longtemps face à la montée du monde multipolaire. La conclusion à 

laquelle la plupart aboutissent consiste à maintenir à tout prix la prépondérance 

américaine. La maîtrise des espaces communs, fondement militaire de l‘hégémonie 

américaine, doit donc être préservée. Pour certains, elle doit même être étendue, 

notamment dans l‘Espace. Compte tenu de l‘importance de l‘Espace pour la puissance 

militaire et économique des Etats-Unis, ces derniers ne peuvent pas se permettre d‘être 

second : ils n‘ont d‘autre choix que de rester leader 403 . Or le fait est que durant les 

années 1990 et 2000, un consensus entre démocrates et républicains s‘est instauré quant 

à l‘édification d‘une politique de suprématie 404 . 

L‘inauguration de la « space dominance » et l‘enterrement consécutif de la 

doctrine de sanctuarisation, lors de la fin de la Guerre froide, invitent à penser que les 

pressions internationales sont le facteur déterminant expliquant un changement de 

grande stratégie. Or, il est clair pour nous, étant donné le rôle que jouent l‘idéologie et 

l‘exceptionnalisme américain dans l‘Espace, que les Etats-Unis ne se sont pas fixés sur 

un type particulier de dominance. Au contraire, il appartient à chaque dirigeant et à 

chaque administration de finaliser, modeler voire faire obliquer cette stratégie de 

suprématie. Nous espérons ainsi percevoir d‘autant mieux les différences entre les 

administrations Clinton et Bush fils que leurs similitudes sont fortes. Dès lors, si la 

402 WOLHFORTH, « The Stability of a Unipolar World », art. cité. L‘auteur prend à contrepied le 

préjugé fréquent à l‘égard de l‘unipolarité selon lequel celle-ci serait structurellement instable, LAYNE, 

« The Unipolar Illusion », art. cité et Michael MOSTANDUNO, « Preserving the Unipolar Moment: 

Realist Theories and U.S. Grand Strategy after the Cold War », International Security, 21 (4), printemps 

1997, p. 49-88, et donc portée à disparaître rapidement (dans l‘espace de « perhaps another generation », 

KRAUTHAMMER, art. cité.), si ce n‘est pas déjà fait, Samuel P. HUNTINGTON, « The Lonely 

Superpower » (1999), in IKENBERRY, op. cit., p. 540-550. A moins que tout le monde ait à la fois tort 

et raison comme le suppose Nye, The Paradox of American Power, op. cit., p. 39 et p. 140. 

403 DOLMAN, op. cit. Il est possible de rester sceptique face aux conséquences qu‘une telle 

« astropolitique » aurait à l‘égard des autres puissances et de la durée finale de l‘unipolarité. Même si un 

Etat puissant peut se permettre de ne pas tirer un enseignement de ses erreurs, l‘indiscipline ou 

l‘hyperactivité peuvent certainement causer préjudice à la cause américaine, Stephen G. BROOKS et 

William C. WOHLFORTH, « American Primacy », Foreign Affairs, 81 (4), juillet-août 2002, p. 20-33. A 

noter que pour Dolman, « space control is not an imperial overstretch, but a structural means to continue 

the hegemonic status quo », in DOLMAN, HAYS et MUELLER, «Toward a U.S. Grand Strategy in 

Space », art. cité. 

404 POSEN, « Command of the Commons », art. cité. 


102

section précédente a mis l‘accent sur les facteurs structurels, celle-ci cherchera à mettre 

en valeur les éléments domestiques qui ont pu réorienter le débat. Plus spécifiquement, 

nous choisissons d‘adopter un modèle « réaliste néoclassique 405 », combinant facteurs 

structurels et perceptions internes. Nous reprenons ainsi à notre compte le plaidoyer 

émis par Fareed Zakaria en 1992 en faveur des « construct domestic explanations that 

take full account of systemic pressures 406 . » 

L‘émergence de ce nouveau programme de recherche fera donc l‘objet d‘un 

développement plus détaillé (section 1). Nous chercherons ensuite à déterminer 

comment la « space dominance », en gestation durant toute la Guerre froide et 

finalement apparue au début des années 1990, s‘est déclinée entre les deux 

administrations de William J. Clinton (1993-2001) et George W. Bush (2001-2009). La 

présidence Bush apparaît souvent comme une caricature unilatérale. Nous tenterons de 

la réintégrer, si ce n‘est véritablement au sein de la politique étrangère américaine, du 

moins dans sa variante spatiale. Mais nous rappelons aussi les différences vis-à-vis de 

l‘Espace militaire et de l‘Espace économique qui ont émergé de Clinton (section 2) à 

Bush (section 3) sous couvert d‘une « space dominance » agressive par définition. 

3.1. Le réalisme néoclassique 

Ces dernières années, un intérêt croissant s‘est manifesté chez certains réalistes 

pour incorporer des variables non structurelles de type « unit-level » à une analyse 

néoréaliste prétendument hostile à ce genre de manipulation 407 . Diverses écoles ont 

émergé 408 , dont une nouvelle qui a particulièrement frappé les esprits : le « réalisme 

néoclassique. » 

405 Gideon ROSE, « Review: Neoclassical Realism and Theories of Foreign Policy », World Politics, 51 

(1), octobre 1998, p. 144-172. 

406 Fareed ZAKARIA, « Review : Realism and Domestic Politics: A Review Essay », International 

Security, 17 (1), été 1992, p. 177-198. 

407 Kenneth WALTZ, « International politics is not foreign policy », Security Studies, 6 (1), 1996, p. 54- 

57. Cet article se veut une réponse à la proposition selon laquelle le néoréalisme pourrait à la fois être 

conçu comme une théorie de politique étrangère et testé en tant que telle – sans pour autant « win the 

race », Colin ELMAN, « Horses for courses: Why nor neorealist theories of foreign policy? », Security 

Studies, 6 (1), 1996, p. 7-53. 

408 C‘est le cas du réalisme offensif, voir John MEARSHEIMER, op. cit., p. 422 n. 60, et du réalisme 

défensif. 


103

3.1.1. Du réalisme classique au réalisme néo-classique 

Lancé avec la publication d‘un article de Gideon Rose qui passait en revue cinq 

ouvrages représentatifs de ce qui était annoncé comme un champ très prometteur 409 , le 

réalisme néoclassique se veut un retour à la complexité pratique et à la subtilité 

historique du réalisme classique, tout en restant attentif à la rigueur théorique acquise 

avec le néoréalisme. 

Se revendiquant comme une théorie de politique étrangère (variable dépendante), 

et non une explication des schémas récurrents de la politique internationale, le réalisme 

néoclassique est donc construit autour d‘un double héritage : 1) ses membres sont 

d‘accord avec les néoréalistes pour affirmer que « the scope and ambition of a country‘s 

foreign policy is driven first and foremost by its place in the international system and 

specifically by its relative material power capabilities » ; 2) mais ils estiment aussi, dans 

la continuité du réalisme classique, que « the impact of such power capabilities on 

foreign policy is indirect and complex, because systemic pressures must be translated 

through intervening variables at the unit level 410 ». Dans ces conditions, l‘archétype de 

cette théorie ne peut être que La Guerre du Péloponnèse dans laquelle Thucydide part de 

la proposition théorique selon laquelle « la cause la plus vraie » de la guerre était 

« l‘expansion athénienne, qui inspira des inquiétudes aux Lacédémoniens et ainsi les 

contraignit à se battre 411 », pour ensuite essayer de comprendre comment ce facteur 

systémique a été interprété par les différentes variables domestiques au sein des 

politiques étrangères des diverses cités-Etats grecques 412 . 

C‘est pour cela que les réalistes néoclassiques avancent l‘existence d‘une 

« transmission belt » entre les contraintes systémiques et les politiques diplomatiques, 

militaires ou étrangères (ou spatiales) que les Etats choisissent d‘appliquer en réaction. 

Ainsi, alors que sur le long terme, le comportement extérieur d‘un Etat répond aux 

incitations du facteur systémique qu‘est la distribution de la puissance matérielle entre 

409 ROSE, art. cité. A partir de ses lectures, Rose prétend faire état d‘une tendance générale dont il reste 

encore à rassembler les idées en vue de constituer un courant plus cohérent, voire un nouveau 

programme de recherche. C‘est tout ce qu‘ambitionnent certains auteurs, à l‘image de Steven E. 

LOBELL, Norrin M. RIPSMAN et Jeffrey W. TALIAFERRO (eds), Neoclassical Realism, the State, and 

Foreign Policy, New York, Cambridge University Press, 2009, alors que devient clair le fait que cette 

nouvelle école promet énormément « for the current and next generation of realists », Randall L. 

SCHWELLER, « The Progressiveness of Neoclassical Realism », in Colin ELMAN et Miriam 

FENDIUS, Progress in International Relations Theory Appraising the Field, Cambridge, MIT Press, 

2003, p. 345, à moins qu‘elle n‘ait « déjà atteint son plein potentiel », MACLEOD, « Le réalisme 

classique », in MACLEOD et O‘MEARA, op. cit., p. 55. 

410 ROSE, art. cité. 

411 THUCYDIDE, op. cit., p. 49 (I. 23). 

412 DOYLE, op. cit., p. 49-92. 


104

Etats, sur le court terme, les décisions et actions externes d‘un Etat sont beaucoup plus 

fluctuantes, dépendantes des facteurs Innenpolitik présents au sein des Etats et fonction 

des caractéristiques de ces derniers. En effet, les Etats ne sont plus les « like-units » 

fonctionnellement indifférenciés des néoréalistes ; l‘anarchie n‘est pas plus hobbesienne 

qu‘elle n‘est univoque : elle est davantage une condition permissive. Toute étude 

néoclassique de politique étrangère incorpore donc une variable indépendante de type 

néoréaliste (les incitations systémiques) et des variables intermédiaires présentes au 

cœur des travaux des auteurs classiques (les facteurs internes). En prenant les qualités 

des uns et des autres, le réalisme néoclassique s‘épargne leurs vices respectifs. 

Ainsi, la parcimonie du hérisson néoréaliste n‘est pas trop entamée par l‘appétit 

prudent des réalistes néoclassiques ; de même, la recherche d‘une plus grande 

complexité ne fait qu‘ajouter à la valeur explicative et prédictive de la théorie 413 . 

3.1.2. Une lecture réaliste néoclassique de la politique 

étrangère américaine 

« Neoclassical realism seeks to explain variation in the foreign policies of the 

same state over time or across different states facing similar external constraints 414 ». 

Pour cela, le réalisme néoclassique met en avant deux variables internes d‘importance. 

Les réalistes néoclassiques ne sont pas des néoréalistes purs. Pour eux, l‘impact 

du facteur systémique n‘est qu‘indirect. La première variable à intervenir – celle sur 

laquelle nous nous concentrerons surtout – est constituée par les perceptions des 

dirigeants au travers desquelles sont filtrées les incitations externes. Après tout, ces 

leaders sont des hommes de chair et de sang qui ne peuvent pas avoir une 

compréhension parfaite de la politique internationale. Ainsi, du fait de l‘opacité de 

l‘anarchie, aucun dirigeant ne peut percevoir la réalité quotidienne de manière correcte 

et précise 415 . C‘est dans cette perspective que peut être introduite l‘importance de ces 

413 L‘originalité d‘une telle entreprise n‘est pas certaine. En témoigneraient les écrits de Raymond Aron, 

voir Dario BATTISTELLA, Théorie des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2009, 

p. 165-166. 

414 LOBELL, RIPSMAN et TALIAFERRO, « Introduction », op. cit., p. 21. 

415 La complexité de l‘environnement international et l‘information imparfaite qui en résulte impliquent 

quantité d‘options dont les conséquences ne sont pas toujours connues et dont le caractère interdépendant 

pose plusieurs problèmes. Le constat parallèle est que les décideurs sont obligés de simplifier la réalité 

s‘ils veulent mieux en gérer la complexité et l‘incertitude. Ce qu‘il faut bien saisir, c‘est que la politique 

étrangère est une « image » de la réalité telle que pensée subjectivement par le décideur. Il est donc 

compréhensible que celle-ci puisse s‘avérer erronée ou inadéquate, Robert JERVIS, « Hypotheses on 

Misperception », in IKENBERRY (ed.), op. cit., p. 462-484. Le chercheur, dans ces conditions, n‘a 

d‘autre alternative que d‘étudier en détail la façon dont les dirigeants comprennent une situation, si 

jamais il veut saisir comment une décision a été prise ; cela passe par l‘étude des représentations 

(« reprensentational research ») et des processus (« process research »), Philip E. TETLOCK et Charles 

B. McGUIRE, « Cognitive Perspectives on Foreign Policy », ibid., p. 484-501. 


105

« chocs » exogènes auxquels les relations internationales sont habituées et qui 

« suddenly make leaders aware of the cumulative effect of long-term power trends 416 ». 

La deuxième variable intermédiaire est constituée par la « puissance étatique », c'est-à- 

dire la capacité des autorités gouvernementales à extraire ou mobiliser les ressources de 

la société civile pour les affecter à la politique étrangère. Ainsi, « […] while 

the executive is potentially autonomous from society, in many contexts political 

arrangements frequently compel it to bargain with domestic actors […] in order to enact 

policy and extract resources to implement policy choices 417 ». Si l‘Etat n‘est pas un 

simple agrégat d‘intérêts sociétaux opposés les uns aux autres, cela ne l‘empêche pas 

d‘être contraint par la société civile. C‘est tout particulièrement vrai aux Etats-Unis 418 . 

L‘intégration de ces deux variables au sein de toute étude de politique étrangère 

nous semble nécessaire. Autant les perceptions des décideurs que la capacité 

d‘extraction et de mobilisation des ressources d‘un Etat nous semblent dépendre 

d‘institutions telles que le nationalisme et l‘idéologie 419 ou la culture stratégique 420 . La 

formulation d‘une grande stratégie, de même que la politique étrangère en général, ne 

demande-t-elle pas de la part des dirigeants des croyances, des valeurs et des 

présupposés sur lesquels ils peuvent s‘appuyer pour interpréter des événements, et 

également pour recevoir l‘approbation de la société civile 421 ? Toutefois, dans une 

perspective néoclassique, n‘est-elle pas aussi – et en premier lieu – influencée par 

l‘évolution des pressions et des contraintes internationales au niveau systémique ? Dans 

ces conditions, « culture is best understood as a supplement to, not a substitute for, 

realist theories of strategic choice 422 ». Si observer le contexte international est donc une 

priorité, s‘interroger sur les préférences culturelles domestiques aux Etats-Unis reste une 

nécessité. Il nous semble donc intéressant de rappeler les grandes orientations politiques 

et philosophiques qui sont au cœur de son histoire concernant ses rapports avec le 

416 LOBELL, RIPSMAN et TALIAFERRO, « Introduction », op. cit., p. 29. 

417 Ibid., p. 25. 

418 « L‘une des particularités de la politique étrangère américaine est le rôle important qu‘y joue le 

législatif, et plus généralement les forces de la société civile », DAVID, BALTHASAR et VAISSE, op. 

cit., p. 337. 

419 Jeffrey W. TALIAFERRO, « Neoclassical realism and resource extraction: State building for future 

war », in LOBELL, RIPSMAN et TALIAFERRO, Neoclassical Realism…, op. cit., p. 194-226. 

420 Colin DUECK, « Realism, Culture and Grand Strategy : Explaining America‘s Peculiar Path to World 

Power », Security Studies, 14 (2), avril-juin 2005, p. 195-231. 

421 C‘est cela qui constitue une « culture politico-militaire » ; celle-ci agit de trois manières, 1) elle 

influence la façon dont des événements externes sont perçus, 2) elle délivre un cadre légitime dans lequel 

situer la poursuite des intérêts nationaux, et 3) elle aide à la détermination de ces intérêts en fournissant 

des objectifs prescriptifs de politique étrangère, ibid. 

422 Ibid. 


106

monde extérieur. Avec Walter Russel Mead 423 , nous identifions quatre traditions : 1) la 

première est incarnée par Alexander Hamilton, elle met l‘accent sur la prospérité 

économique ; 2) la seconde par Woodrow Wilson, elle cherche à promouvoir les valeurs 

démocratiques et sociales américaines dans le monde et veut favoriser la paix ; 3) la 

troisième par Thomas Jefferson qui prône le repli sur le sanctuaire continental, soit la 

défense des principes américains ; 4) enfin Andrew Jackson défend la fierté, la sécurité 

et le bien-être des Américains et fonde sa politique sur la puissance militaire. 

Ces approches seront utiles si nous voulons porter une analyse plus subtile 424 sur 

la « space dominance » que nous voyons se mettre en place tout au long des années 1990 

et 2000 entre les doubles mandats successifs de Bill Clinton et de George W. Bush. 

3.2. L’administration Clinton 

Le démocrate Bill Clinton, quarante-deuxième président des Etats-Unis, incarne 

les destinées de son pays (1993-2001) dans un contexte où sa prépondérance militaire, 

politique et économique est incontestable après la démonstration technologique de 

« Tempête du Désert », la chute de l‘URSS et l‘embellie économique, dont le nouvel élu 

profite alors que le Japon sombre dans sa « décennie perdue. » 

3.2.1. La présidence Clinton : un wilsonien dans 

l’Espace ? 

« It's the economy, stupid », credo de la nouvelle administration, n‘invite pas à de 

grandes attentes eu égard à la politique étrangère. Toujours est-il que l‘équipe Clinton 

est portée vers un internationalisme coopératif qui n‘est pas sans rappeler le wilsonisme. 

Et, incontestablement, l‘agenda du président Clinton était wilsonien à ses 

débuts 425 . Néanmoins, en 1996, la vision de grande stratégie du président réélu exprime 

davantage l‘idée du dilemme traditionnel de la politique étrangère américaine sans cesse 

423 DAVID, BALTHASAR et VAISSE, op. cit., p. 104-106. Walter R. Mead est l‘auteur de Special 

providence: American foreign policy and how it changed the world (2001). Quant à nous, nous tirons nos 

réflexions de l‘article original, « The Jeffersonian Tradition », The National Interest, 58, hiver 1999- 

2000. 

424 Sur le mode de Charles Maynes, art. cité., l‘analyse de Colin Dueck pour 1918-1921 et 1945-1948, 

art. cité., propose trois options de grande stratégie : un désengagement défensif réaliste et libéral, une 

stratégie expansionniste limitée réaliste et une stratégie expansionniste globale réaliste et libérale. Nous 

préférons partir de la quadruple catégorisation donnée par Posen et Ross, art. cité., et surtout de 

l‘hypothèse selon laquelle la « primacy » serait aujourd‘hui la grande stratégie des Etats-Unis dans un 

monde unipolaire. 

425 Justin VAISSE, « Les Etats-Unis sans Wilson : L‘internationalisme américain après la guerre froide », 

Critique internationale, 3, printemps 1999, p. 99-120, voir aussi Justin VAISSE, « L‘héritage ambigu de 

Bill Clinton », Politique internationale, 90, hiver 2000-2001, p. 45-64. 


107

tourmentée entre idéalisme rhétorique et realpolitik de fait 426 . Malgré le 

« multilatéralisme assuré » des premières années, Clinton s‘est mis à prendre des 

décisions plus en accord avec ce que le monde attendait du leader de la première 

puissance mondiale, soit « relying on international institutions when they suit U.S. 

purposes but criticizing or ignoring them when they do not 427 ». Il est vrai que la dérive 

clintonienne est très dépendante de l‘idéologie de la « triangulation » qui a contraint 

toute décision prise par le président dans le domaine tant intérieur que de politique 

étrangère. Nous retrouvons ici la variable intermédiaire constituée par la « puissance 

étatique ». Avec la présence, dès 1995, d‘un Congrès républicain, partisan, sceptique à 

l‘égard des institutions internationales et porté par les délires chimériques de la décennie 

Reagan au sujet d‘un « National Missile Defense », il était difficile pour Clinton de 

prétendre gouverner selon son programme de départ. Ainsi, la décision de signer le 

« NMD Act », en 1999, afin que les Etats-Unis puissent déployer une telle défense « as 

soon as it is technologically possible 428 » montre combien il était contraint par son 

congrès et comment la prépondérance américaine était instrumentalisée par les variables 

domestiques. Finalement, tout au long des années 1990, demeure l‘idée que « Americans 

are not interested in foreign policy because they recognize how favorable the current 

situation is. So they elected a president who promised to spend less time on the phone 

with foreign leaders and more time on domestic issues, and they elected a Congress 

whose disdain for foreign affairs is almost gleeful 429 . » 

Vis-à-vis de l‘Espace, il n‘est pas étonnant de voir l‘administration Clinton 

appliquer les mêmes préceptes et être contrainte de la même manière. En général, il faut 

aussi garder à l‘esprit que « Clinton‘s interest in the space program was moderate at 

best 430 » ; ce qui n‘est pas totalement surprenant de la part d‘un président des Etats-Unis. 

Sous Clinton, la politique spatiale américaine a toutefois connu certains 

bouleversements. Le plus intéressant pour notre propos relève de la politique de 

l‘« engagement et élargissement 431 » qui donne à la fois les moyens et l‘objectif de sa 

stratégie américaine vis-à-vis du nouveau monde unipolaire, précisément : l‘engagement 

426 

« Clinton may cloak U.S. policy in the rhetoric of "world order" and general global interests, but its 

defining essence remains the unilateral exercise of sovereign power », WALT, « Two Chee rs », art. cité. 

427 

Ibid. Madeleine Albright, alors secrétaire d‘Etat, a mieux que personne su capturer cette idée en 

formulant le fait que « [the USA] will behave, with others, multilaterally when we can and unilaterally 

when we must. » 

428 

Cité par WALT, ibid. 

429 

Ibid. 

430 

Linda T. KRUG, « Presidents and Space policy » in SADEH, op. cit., p. 68. 


108

des Etats-Unis en vue d‘élargir la communauté des Etats démocratique partisans de 

l‘économie de marché. La refonte du projet de « Station Freedom » au sein de 

programme de la Station spatiale internationale relève de cette double politique. 1) Dans 

un premier temps, l‘ISS est perçue comme un investissement économique reflétant la 

volonté du président de se concentrer sur l‘économie « like a laser beam », tel que le 

montre la « fact sheet » de 1996 432 à travers l‘accent mis sur le développement 

économique et commercial des intérêts américains dans l‘Espace. 2) Ensuite, 

l‘investissement politique au sein d‘une coopération internationale dans l‘Espace est lui - 

aussi d‘un grand intérêt. L‘ISS doit être vue comme le symbole de l‘alliance post-Guerre 

froide des Etats-Unis avec la nouvelle Russie démocratique et capitaliste. Ainsi, 

l‘inclusion de la Russie 433 dans le programme de l‘ISS est censée prouver au reste du 

monde que les Etats-Unis ont définitivement tourné la page de la Guerre froide, tout en 

indiquant comment l‘administration Clinton entend gérer la problématique russe alors 

très prégnante 434 . 

Difficile de voir clair alors que les années Clinton expriment une tendance 

opportuniste de « selective (but cooperative) primacy 435 ». Pour nous, toute rhétorique 

mise à part, Clinton s‘est résolument lié à une politique hégémoniste. 

3.2.2. « Selective Primacy » et « space dominance » 

défensive ? 

« For over three decades, the United States has led the world in the exploration 

and use of outer space. Our achievements in space have inspired a generation of 

Americans and people throughout the world. We will maintain this leadership […] 436 ». 

431 The White House, « A National Security Strategy of Engagement and Enlargement », février 1996 [en 

ligne] http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/1996stra.htm 

432 The White House, « Fact Sheet : National Space Policy », 19 septembre 1996 [en ligne] 

http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/nstc-8.htm. 

433 Les Etats-partenaires entendent prendre « an historic step toward advancing the peaceful exploration 

of space » en invitant la Russie à participer au programme, Joint Statement of the Space Station 

Partnership, 6 décembre 1993 [en ligne] 

http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/spstpart.htm 

434 « U. S. policy toward Russia illustrates the temptations and pressures that have shaped Clinton's entire 

tenure. Because the United States has been so strong and Russia so weak, Clinton has been able to ignore 

Russian sensitivities whenever doing so brought immediate political benefits », WALT, art. cité. Que ce 

soit dans le cas de l‘expansion de l‘OTAN à l‘Est ou en rapport avec l‘engagement de Clinton vis -à-vis 

d‘une défense anti-missiles, la Russie n‘a guère pu s‘opposer aux initiatives américaines. De ce point de 

vue, la coopération spatiale sert les objectifs de la politique étrangère en donnant aux Russes des gages 

de bonne conduite. L‘ISS illustre cela, comme, plus généralement, l‘ensemble des rencontres russo - 

américaines à partir de 1995 ; plus de 20 ans après la rencontre symbolique Apollo-Soyouz de 1975, la 

navette Atlantis vient s‘amarrer à Mir pour entamer un véritable processus de collaboration. 

435 POSEN et ROSS, art. cité. Les auteurs dessinent le portrait d‘une politique plurielle adoptant les 

caractéristiques d‘une « cooperative security and selective engagement, plus a dash of primacy. » 

436 The White House, « Fact Sheet : National Space Policy », op. cit. 


109

Maintenir ce leadership entraîne deux sortes de mesures de la part de l‘administration 

Clinton. 

Maintenir une dominance économique et commerciale dans l‘Espace constitue 

une priorité recherchée par les Etats-Unis. Aussi, dès 1994, l‘administration Clinton 

adopte la « Presidential Decision Directive 23 » (PDD 23) autorisant la 

commercialisation des images et systèmes d‘observation satellitaires ayant une 

résolution comparable à celle existant déjà sur le marché global. L‘objectif poursuivi est 

double, tant hamiltonien d‘inspiration que jacksonien d‘influence : « [t]he 

fundamental goal of our policy is to support and to enhance US industrial 

competitiveness in the field of remote sensing space capabilities while at the same time 

protecting US national security and foreign policy interests 437 ». En effet, pour les Etats- 

Unis, à mesure que le monopole technologique s‘estompe, il devient nécessaire de 

libéraliser l‘arme ou la technique désormais connue. Autrement dit, il s‘agit d‘obtenir le 

beurre et l‘argent du beurre : l‘idée est que les risques de libéralisation en matière de 

sécurité sont moindres que les gains estimés tant du point de vue commercial qu‘en 

matière de renseignement stratégique, comme l‘a montré la deuxième guerre du Golfe. 

S‘assurer la domination américaine du marché permettrait de contrôler ses flux et de les 

soumettre aux standards et aux règles en application aux Etats-Unis. La compétition ne 

disparaîtrait pas pour autant, mais la dépendance du reste du monde à l‘égard des 

produits américains de haute qualité serait telle qu‘en cas de crise internationale – c'est- 

à-dire « [d]uring periods when national security or international obligations and/or 

foreign policies may be compromised 438 » – une interruption des services offerts par les 

entreprises américaines ne serait pas en mesure d‘être comblée par l‘offre de nature 

étrangère. Bref, il s‘agit de garder le reste du monde sous influence américaine tout en 

dissuadant les autres puissances d‘acquérir une composante spatiale indépendante 439 . 

Cette logique de dissémination contrôlée de la technologie satellitaire est poursuivie par 

la « U.S. Global Positioning System Policy » de 1996 440 . Ces dispositions ne sont pas 

437 The White House, « Presidential Decision Directive/NSC 23 (PDD-23) », mars 1994 [en ligne] 

http://rescommunis.files.wordpress.com/2010/02/ncrsasl-delassified-ppd-23-and-supportingdocuments.pdf 

438 Ibid. 

439 Laurence NARDON, Satellite Imagery Control : An American Dilemma, IFRI, mars 2002 

440 The White House, « Fact Sheet : US Global Positioning System Policy », mars 1996 [en ligne] 

http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/gps-factsheet.htm. A noter que dans le cas du 

GPS à « deux vitesses », les Etats-Unis n‘ont pas pu empêcher l‘émergence d‘une concurrence 

européenne, voir BEIDLEMAN, « GPS vs. Galileo », art. cité. Par la suite, pour éviter semble-t-il de 

favoriser la création d‘incitatifs à l‘indépendance spatiale en matière d‘imagerie et autres, les Etats -Unis 

n‘ont pas appliqué la clause du « shutter control » présente dans la directive de 1994. Que ce soit au 

moment des opérations en Bosnie et au Kosovo ou pendant les opérations post-11 septembre 


110

jugées suffisantes, si nous en croyons le développement des ressources directement 

militaires. 

Cette « space dominance » économique et commerciale, empreinte des leçons de 

la deuxième guerre du Golfe et des principes de l‘ « information dominance », 

s‘accompagne d‘une « space dominance » d‘ordre militaire. La doctrine arrive à 

maturation pendant les années Clinton et incarne désormais l‘idée d‘une « full spectrum 

military dominance » établissant une « maîtrise globale des espaces communs », comme 

l‘illustre la brochure « Vision for 2020 » de 1997. Sous une rhétorique certes plus 

agressive, cette dernière ne fait que reprendre une idée défendue par l‘administration 

Clinton en 1996 : 

Consistent with treaty obligations, the United States will develop, operate and 

maintain space control capabilities to ensure freedom of action in space and, if 

directed, deny such freedom of action to adversaries. These capabilities may also 

be enhanced by diplomatic, legal or military measures to preclude an adversary's 

hostile use of space systems and services 441 . 

La « space dominance » telle que prônée par l‘administration Clinton comprend deux 

volets : le premier veut tirer profit des avantages liés à l‘Espace (l‘Espace comme « high 

ground ») et s‘inscrit dans une logique de protection passive des satellites qu‘il faut 

rendre moins vulnérables ou de défense de type BMD ; le second laisse percevoir 

l‘existence de moyens permettant d‘empêcher tout adversaire d‘accéder à l‘Espace (la 

maîtrise de l‘Espace permise par le « space control »). Toutefois, et à la différence de 

l‘administration Bush qui lui succédera, Clinton intègre cette doctrine de la « space 

dominance » autour d‘un multilatéralisme pragmatique centré sur la coopération 

internationale et la diplomatie, mais également attentive à la légalité internationale. Pour 

autant, cela n‘empêche pas le maintien d‘une prépondérance comme en témoignent le 

développement d‘armes laser (« Mid-Range Advanced Chemical Laser », MIRACL) et 

le refus de signer un autre traité contraignant vis-à-vis de l‘arsenalisation potentielle de 

l‘Espace 442 . 

L‘administration Clinton a largement participé à la promotion de l‘Espace comme 

nouveau champ de bataille, elle a institutionnalisé une doctrine de « space dominance » 

d‘Afghanistan et d‘Irak, les Etats-Unis n‘ont pas essayé de dégrader l‘imagerie satellitaire au-delà des 

standards. Au contraire, lors de l‘invasion de l‘Afghanistan, le gouvernement américain a préféré « enter 

into a buy out agreement with the only company that can currently bring to market precise images of 

Afghanistan », Laurence NARDON, Satellite Imagery Control, op. cit., p. 46. 

441 The White House, « Fact Sheet : National Space Policy », 1996, op. cit. 


111

au contenu normatif et prescriptif très agressif que l‘aspect libéral « soft » ne suffit pas à 

cacher. 

3.3. L’administration Bush 

Sans doute, le bilan de George W. Bush, 43 e président des États-Unis, également 

élu pour deux mandats, de 2001 à 2009, tranche-t-il avec le précédent alors que le 

contexte international a depuis le 11 septembre pris une tournure particulière. Pour 

autant, bien que Bush soit républicain et Clinton démocrate, la continuité entre les deux 

hommes est plus forte que nous ne le croyons généralement 443 . 

3.3.1. La présidence Bush : un néoconservateur en 

orbite ? 

Le « nine-eleven » a considérablement marqué les esprits. Certes, les attaques du 

World Trade Center semblent avoir mis un terme aussi soudain que tragique à l‘après- 

Guerre froide que Clinton avait mieux que tout autre incarné 444 . Mais ces événements ne 

signent pas la fin de l‘unipolarité et certains se demandent même si la politique 

étrangère des Etats-Unis en a véritablement été modifiée pour toujours 445 . 

Tout au contraire, la suprématie des Etats-Unis semble plus que jamais totale, si 

ce n‘est absolue 446 . Ainsi, de l‘impact du « nine-eleven », ce qui a surpris, c‘est moins 

les attentats eux-mêmes, que la vigueur et l‘envergure de la réaction américaine. Les 

guerres d‘Afghanistan et d‘Irak ont illustré de manière beaucoup plus spectaculaire aux 

yeux du monde (et des déclinistes) ce que l‘Amérique avait déjà montré lors de la 

deuxième guerre du Golfe, soit le fait que « there is only one player on the field that 

counts 447 ». Là encore, il y a 20 ans comme aujourd‘hui, la suprématie militaire, tant 

quantitative, que qualitative, des Etats-Unis était et demeure immense. L‘utilisation de 

la guerre intelligente – en lien avec le vecteur spatial et la C 4 ISTAR – en témoigne 

toujours un peu plus. Ainsi, alors que seulement 8% des tirs de missiles étaient guidés 

pendant l‘opération « Tempête du Désert » – la première guerre de l‘Espace – ils étaient 

442 Sur la politique spatiale menée par l‘administration Clinton, voir Annexe 13. 

443 A noter que le Congrès est dominé par les Républicains de 1995 à 2007. A ce constat s‘ajoute l‘impact 

du 11 septembre. Si la politisation de la politique étrangère a été très forte sous Clinton, elle l‘est 

beaucoup moins sous l‘administration Bush. 

444 Stephen M. WALT, « Beyond bin Laden: Reshaping U.S. Foreign Policy », International Security, 26 

(3), hiver 2001-2002, p. 56-78. 

445 Robert JERVIS, « An Interim Assessment of September 11: What Has Changed and What Has Not? », 

Political Science Quarterly, 117 (1), printemps 2002, p. 37-54. 

446 Michael COX, « American Power before and after 11 September: Dizzy with Success? », 

International Affairs, 78 (2), avril 2002, p. 261-276. 

447 KENNEDY, « The Eagle Has Landed », art. cité. 


112

près de 34% en 1999 lors du conflit en Serbie, 59% en Afghanistan en 2001-2002 et 

dépassaient les 68% lors de l‘opération « Iraqi Freedom » en 2003. Même chose lorsque 

nous observons la quantité d‘informations relayées par satellites de 1991 à aujourd‘hui : 

alors que 500 000 soldats ne pouvaient communiquer qu‘à un taux de 100 mégabytes par 

seconde (MBps) en 1990-1991, les 235 000 américains présents en Irak 12 ans plus tard 

étaient connectés à un taux de 2 400 MBps 448 . Si la place prise par l‘Espace dans la 

façon américaine de faire la guerre n‘a pas diminué depuis l‘ère Clinton, mais s‘est au 

contraire accentuée, la politique de « primacy » à laquelle était sous-entendue son 

utilisation n‘a pas non plus changé. La vérité est que, même si l‘Espace n‘a pas pour ce 

président le même attrait qu‘il en a eu pour d‘autres 449 , le contexte qui contribue à 

amplifier ce constat va d‘autant plus en instrumentaliser l‘usage. 

Si le 11 septembre n‘est en aucun cas lié à l‘émergence d‘un courant 

néoconservateur aux Etats-Unis, il en a néanmoins permis l‘implantation dans le débat 

politique. De ce point de vue, le 11 septembre peut être identifié à ces « chocs » dont les 

réalistes néoclassiques montrent qu‘ils permettent aux leaders de mettre à jour leurs 

perceptions du monde (au risque d‘en surestimer la portée). L‘idéologie nous semble 

être une variable domestique intermédiaire de première importance pour expliquer 

l‘évolution de la politique étrangère à partir de 2001. De nombreux commentateurs ont 

mis l‘accent sur l‘apparition d‘une fenêtre d‘opportunité dont une poignée de 

néoconservateurs 450 auraient su profiter : 1) il en va de l‘élection du républicain George 

W. Bush en novembre 2001, 2) de la nomination de certains anciens conseillers de Bush 

père à des postes clés, 3) mais aussi et surtout de la situation inespérée créée par les 

attaques du 11 septembre et l‘exploitation de la « parenthèse » que cela a contribué à 

faire émerger au sein de la politique étrangère américaine. A cela, il faut ajouter les 

succès de la guerre en Afghanistan en 2001, poussant ainsi « the United States to think 

448 Eric STERNER, « Beyond the stalemate in the space commons », in Abraham M. DENMARK et 

James MULVENON (eds), Contested Commons : The Future of American Power in a Multipolar World, 

Center for a New American Security, janvier 2010, p. 111, voir aussi Annexe 12. 

449 Il faut voir que « Bush is so beset by other issues of importance, such as the global war on terrorism, 

that he has delayed the formulation of space policy », KRUG, « Presidents and Space policy », op. cit., p. 

64. Bien que le rapport Rumsfeld ait été remis au président en 2001, la National Space Policy est publié 

avec quatre ans de retard sur la date initialement prévue et près de 10 ans après celle présentée par 

l‘administration Clinton. 

450 Les néoconservateurs sont des libéraux institutionnalistes fraichement débarqués sur le terrain 

empirique par le bais de la théorie de la paix démocratique et par une idéologie interventionniste du type 

« wilsonisme botté » pour reprendre l‘expression de Pierre Hassner. Les nationalistes faucons incarnés 

par le vice-président Dick Cheney et le secrétaire à la défense Donald Rumsfeld ont rallié les vues des 

néocons, qu‘il s‘agisse de Paul Wolfowitz, secrétaire adjoint à la Défense ou de Richard Perle, alors très 

influent. 


113

"creatively" about how to deal with other states and organizations it does not like 451 ». 

C‘est ainsi que l‘opération « Iraqi Freedom » peut être rapprochée de la politique 

spatiale du président Bush par l‘intermédiaire de l‘autre cheval de bataille de 

l‘administration, qu‘est le bouclier anti-missiles 452 . Bush souhaite déployer un BMD 

protégeant les Etats-Unis et ses principaux alliés des menaces balistiques – la 

prolifération des armes ayant rendu ces dernières fort probables, selon 

l‘administration, parmi les « rogue states » ou Etats-voyous. D‘où le projet de remise à 

jour de bouclier antimissiles. C‘est ainsi que les Etats-Unis remettent en cause en 2002 

le traité ABM de 1972 453 . 

La politique de l‘administration Bush semble prendre une tournure à la fois 

jacksonienne, centrée sur l‘honneur, le prestige et la puissance des Etats-Unis, et 

jeffersonienne, en notant l‘importance des principes démocratiques et de 

l‘exceptionnalisme américain. 

3.3.2. « Primacy » et « space dominance » offensive ? 

Avec la guerre contre le terrorisme, les Etats-Unis deviennent un « global 

homeland » poussant à une plus grande prise en compte des espaces communs, et 

notamment de l‘Espace tout court. La suprématie devient non seulement une nécessité, 

mais également une mission. 

Sous l‘administration Bush, les néoconservateurs semblent avoir eu la même 

influence vis-à-vis de la politique de sécurité nationale que de l‘Espace. Ainsi, en 2000, 

un rapport, intitulé « Rebuilding America‘s defense » est rédigé par le think tank 

néoconservateur du Project for a New American Century (PNAC) 454 . Celui-ci est en 

accord parfait avec le Rapport Rumsfeld publié en 2001. En témoignent les 

recommandations du PNAC sur la question : étant donné « the emergence of space as a 

key theater of war », les auteurs notent que « space dominance may become so essential 

to the preservation of American military preeminence » qu‘un investissement appuyé est 

nécessaire de la part des Etats-Unis. Ils ajoutent plus loin que « [f]or U.S. armed forces 

451 COX, « American Power before and after 11 September », art. cité. 

452 Pour Steven Staples, expert au Rideau Institute : « Au début des années 2000, quand le président Bush 

a pris ses fonctions, lui et son entourage immédiat, c‘est-à-dire Paul Wolfowitz, Donald Rumsfeld, et 

Dick Cheney, n'avaient que deux priorités : la première était de se débarrasser de Saddam Hussein et la 

seconde était de construire un bouclier antimissiles », cité par DELESTRAC. 

453 The White House, « ABM Treaty Fact Sheet », décembre 2001 [en ligne] http://georgewbushwhitehouse.archives.gov/news/releases/2001/12/20011213-2.html 

454 Rappelons que Donald Rumsfeld a présidé à la création du PNAC. Report of the Project for the New 

American Century, Rebuilding America's Defenses: Strategy, Forces and Resources For a New Century, 

septembre 2000 [en ligne] http://www.newamericancentury.org/RebuildingAmericasDefenses.pdf 


114

to continue to assert military preeminence, control of space […] must be an essential 

element of [US] military strategy 455 ». Dès lors, l‘arsenalisation de l‘Espace n‘est pas 

une option négociable 456 . De son côté, le rapport Rumsfeld prévient les Etats-Unis d‘un 

futur « Pearl Harbor de l‘Espace » et recommande l‘arsenalisation américaine de 

l‘Espace afin de pouvoir un jour dissuader toutes menaces et défendre les intérêts 

américains 457 . Pour les auteurs : « [t]he United States has a vital national interest in 

space. National security space should be high among the nation‘s priorities. It deserves 

the attention of the national leadership, from the President down. The President should 

consider establishing space as a national security priority 458 ». La politique spatiale du 

président Bush reprend l‘idée générale alors que Rumsfeld est installé au Pentagone 459 . 

Contrairement à l‘administration Clinton, l‘accent est désormais mis sur l‘aspect 

directement militaire de l‘Espace. Ainsi, la nouvelle National Space Policy défend le 

droit des Etats-Unis de « deny, if necessary, adversaries the use of space », et veut 

« dissuade or deter others 460 » la capacité de développer des moyens identiques à ceux 

prônés par les Américains. La liberté d‘aller et venir dans l‘Espace devient un droit 

spécifiquement américain, affirmé et défendu par les Américains et non le droit 

international. En outre, bien que les deux versions de 1996 et de 2006 discutent des 

mêmes aspects militaires liés à l‘Espace, celle de 2006 ne fait aucune référence au 

contexte international, diplomatique et légal. L‘unilatéralisme 461 devient la marque de 

fabrique de la nouvelle « space dominance. » 

La dimension économique est évidemment présente, bien que de façon moindre. 

Le contrôle des technologies sensibles à l‘exportation reste strict : « [a]s a guideline, 

space-related exports that are currently available or are planned to be available in the 

455 Ibid., p. 13, p. 39 et p. 55. 

456 « [O]ver the longer term, maintaining control of space will inevitably require the application of force 

both in space and from space, including but not limited to antimissile defenses and defensive systems 

capable of protecting U.S. and allied satellites; space control cannot be sustained in any other fashion, 

with conventional land, sea, or airforce, or by electronic warfare », ibid., p. 56. 

457 Rapport Rumsfeld, op. cit., p. 17. 

458 Ibid., p. 82. 

459 James DAO, « Rumsfeld seeking an arms strategy using outer space », The New York Times, 8 mai 

2001. 

460 The White House, « U.S. National Space Policy », 6 octobre 2006 [en ligne] 

http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/us-space-policy_060831.htm 

461 Nous voyons combien Astropolitik, publié en 2002, était en harmonie avec la politique spatiale 

recommandée par l‘administration Bush. Bien que la « space dominance » ait été pratiquée de la même 

façon par l‘administration Clinton, Bush revendique plus clairement sa volonté de ne participer à aucun 

nouveau régime de l‘Espace. Il stipule que « [t]he United States will oppose the development of new 

legal regimes or other restrictions that seek to prohibit or limit U.S. access to or use of space », ibid. En 

ajoutant à cela la sortie du traité ABM en 2002, préalable à la conquête armée de l‘Espace, les Etats-Unis 

du président Bush appliquent au moins deux des trois recommandations de Dolman, voir Annexe 12. 

Voir aussi GRONDIN, « The (power) politics of Space », op. cit. 


115

global marketplace shall be considered favorably. Exports of sensitive or advanced 

technical data, systems, technologies, and components, shall be approved only rarely, on 

a case-by-case basis 462 ». Le climat est d‘autant plus tendu que la présidence Bush fait 

suite au scandale qui avait entaché l‘administration Clinton et sa politique d‘engagement 

vis-à-vis de la Chine. L‘affaire des transferts de technologie-lanceur par les firmes 

Space Systems/Loral et Hughes Electronics reste un événement marquant 463 . Outre 

d‘entraver le développement des exportations américaines dont la part du marché 

mondial s‘effondre 464 , le résultat provoque un regain de tensions au sein des relations 

sino-américaines 465 . En outre, la participation chinoise au programme européen Galileo 

suscite encore un peu plus les inquiétudes des Américains et provoque en réaction un 

durcissement des rapports entre les Etats-Unis et l‘UE. Pour l‘administration Bush, la 

Chine reste ce « strategic competitor » dont il faut se méfier. La Chine obnubile les 

dirigeants américains depuis le milieu des années 1990 lorsque Pékin a émergé comme 

le défi le plus crédible à la position hégémonique des Etats-Unis dans le monde 466 et 

dans l‘Espace 467 , et l‘atmosphère de secret qui entoure le programme chinois n‘arrange 

pas les choses. Les avancées spatiales chinoises conduisent les Etats-Unis à adopter des 

perceptions très négatives qui ne font que renforcer encore la doctrine de la « space 

dominance ». De ce point de vue, 2003 constitue un premier « choc » au sens réaliste 

néoclassique : la Chine devient la troisième puissance ayant réussi à envoyer un homme 

dans l‘Espace de manière indépendante. Le succès de la mission habitée Shenzhou 5 

confirme donc les suspicions américaines. Bush n‘a pu que prendre en considération cet 

462 The White House, « U.S. National Space Policy », 2006, op. cit. 

463 L‘administration Clinton est au cœur du scandale puisque les PDG des firmes concernées étaient aussi 

de gros donateurs de soft money. L‘affaire s‘est donc rapidement politisée pour devenir un véritable 

Chinagate portant sur la question des fonds versés à la campagne démocrate par un officiel chinois. Le 

Congrès a réagi en réattribuant le contrôle des exportations de satellites de communication commerciaux 

au département d‘Etat dès 1999 et alors même que ce rôle avait été confié au département du Commerce, 

plus laxiste, au début des années 1990. L‘affrontement, outre d‘être bureaucratique, illustre bien 

l‘opposition Exécutif/Législatif au sujet d‘une politique spatiale sans cesse instrumentalisée. La 

surveillance par le département d‘Etat comporte en effet une notification au Congrès. Pierre MELANDRI 

et Justin VAISSE, L’Empire du Milieu – Les Etats-Unis et le monde depuis la fin de la guerre froide, 

Paris, Odile Jacob, 2001, p. 363. 

464 En 1997, les Etats-Unis détenaient 65% du marché des satellites, en 2007, cette part n‘était plus que 

de 41,4%, cité par Laurence NARDON, « Les réorientations de la politique spatiale américaine en 2009 

et 2010 », Note de l’IFRI, janvier 2010. 

465 Laurence NARDON et Pierre MESSERLIN, « Les États-Unis face au défi spatial chinois », Document 

de travail, IFRI, juin 2004. 

466 MEARSHEIMER, The Tragedy of Great Power Politics, op. cit. illustre bien cette tendance aux Etats- 

Unis. Selon lui, les Américains devraient « slow the rise of China » et adopter une stratégie de 

« containment » plutôt que d‘engagement, ibid., p. 402. En effet, dans un monde réaliste, la douceur 

n‘est pas une vertu, voir « Better to Be Godzilla than Bambi », Foreign Policy, 146, janvier-février 2005, 

p. 47-48. 

467 SEEDHOUSE, The New Space Race, op. cit. La deuxième conquête (colonisation et exploitation) de 

la Lune illustrerait cette course. 


116

événement lorsqu‘il a annoncé, en 2004, le lancement du programme Constellation de la 

NASA consistant à envoyer des astronautes sur la Lune en 2020 et sur Mars en 2030 468 . 

Malgré une approche plus agressive, il n‘y a pas de rupture catégorique entre 

Bush et Clinton. Le même discours hégémoniste de prépondérance est appliqué au 

« moment unipolaire » dont les Etats-Unis sont maîtres. 

L‘approche bushienne de l‘Espace va rencontrer ses limites avec le test ASAT 

chinois réussi de 2007. La stupeur équivaut là aussi à un « choc » chez les dirigeants 

américains 469 . La réponse américaine s‘est en effet d‘abord concentrée sur un nouveau 

test en 2008. Aussi, il y a bel et bien une différence entre l‘administration Clinton et 

l‘équipe Bush – le multilatéralisme dégradé de l‘un s‘oppose à l‘unilatéralisme 

déterminé de l‘autre – mais il s‘agit davantage d‘une question de degré, plutôt que 

d‘essence. 

468 Cette vision est proche du paradigme dit von Braun, voir Annexe 2. NASA, « Vision for Space 

Exploration », février 2004 [en ligne] 

http://www.nasa.gov/pdf/55583main_vision_space_exploration2.pdf 

469 Even MACASKILL, Michael WHITE et Brian WHITAKER, « Western protests flood in over Chinese 

satellite killer », The Guardian, 20 janvier 2007. Sur les réactions américaines et internationales, à courtmoyen 

terme, Theresa HITCHENS, « U.S.-Sino Relations in Space : From "War of Words" to Cold War 

in Space? », China Security, World Security Institute, hiver 2007, p. 12-30, et à plus long terme, Gene V. 

MILOWICKI et Joan JOHNSON-FREESE, « Strategic Choices: Examining the United States Military 

Response to the Chinese Anti-Satellite Test », Astropolitics, 6 (1), 2008, p. 1-21. Sur les liens entre le 

test Chinois et la « space dominance » aux Etats-Unis, Eric HAGT, « China‘s ASAT Test : Strategic 

Response », China Security, World Security Institute, hiver 2007, p. 31-51. 


117

Inscrite de plain-pied dans le débat sur l‘arsenalisation de l‘Espace aux Etats- 

Unis, la « space dominance » l‘emporte sur les autres visions au début des années 1990. 

Qu‘elles soient démocrates ou républicaines, les deux administrations qui se succèdent 

l‘adoptent, comme en témoignent les NSP de 1996 et 2006. Il s‘agit de protéger les 

intérêts américains et, le cas échéant, nier l‘accès à l‘Espace à l‘ennemi et le libre usage 

de ses capacités spatiales civiles, commerciales et militaires. Cette approche militaire est 

renforcée par toute une batterie d‘outils diplomatiques, économiques, commerciaux et 

idéologiques renforçant encore la domination américaine. 

Le changement de grande stratégie, une fois la bipolarité finie et la 

sanctuarisation oubliée, est tel qu‘il est difficile de ne pas voir dans cela l‘impact massif 

des pressions internationales. De ce point de vue, le réalisme structurel, notamment dans 

sa variante offensive, offre de nombreuses perspectives. L‘Espace en témoigne plus que 

d‘autres domaines alors qu‘une doctrine agressive se met en place dans le but 

d‘empêcher tout hegemon potentiel d‘émerger ailleurs sur la planète. Notre propos a été 

de relativiser cette force systémique là. Pour les réalistes néoclassiques, le facteur 

systémique est traduit par les variables internes provoquant le détournement du message 

et la conception de perceptions qui ne sont pas l‘exact reflet de la structure 

internationale. Nous comprenons de cette manière les divergences entre l‘administration 

Clinton et l‘équipe Bush quant à la « space dominance. » 

Malgré un consensus sur les buts de la politique spatiale, les deux présidents 

s‘opposent sur les moyens, selon une grille idéologique propre aux Etats-Unis. Clinton, 

à la fois très hamiltonien et wilsonien, fonde l‘hégémonie américaine dans l‘Espace sur 

une boîte à outil beaucoup plus large que la seule arme militaire. Bush, quant à lui, est à 

la fois inspiré par le courant jacksonien et par certains principes jeffersoniens. Sa 

politique s‘appuie sur la puissance militaire, le prestige et l‘exceptionnalisme américain. 

La Realpolitik des deux est bornée pour le premier par un Rationalisme réaliste, pour le 

second, par un Révolutionnisme agressif. Dans les faits, cependant, le principe et la 

pratique restent les mêmes : dominer l‘Espace 470 . 

470 A Colorado Springs, les inscriptions placées au-dessus des portes sont évocatrices : « master of 

space. » 


118

Conclusion 


Quand le sage montre la lune, le fou regarde le doigt 

Proverbe chinois 

N‘est pas benêt celui que nous croyons car le fou n‘a pas forcément tort. L‘espace 

extra-atmosphérique ne se définit qu‘au sein du rapport qui le lie à la Terre. Les 

relations entre le deux ne sont pour le moment qu‘à sens unique : la Terre commande, 

l‘Espace obéit. Avant de penser aux étoiles et aux rêves glorieux de conquête et 

d‘exploration, concentrons-nous donc sur le geste du sage. Pour certains, il est une épée 

frappant d‘estoc et de taille, là-haut et ici-bas ; pour d‘autres une plume, préférée à 

l‘arme devenue rouillée ou, au moins, émoussée ; enfin, pour les derniers, il est un poing 

levé en direction du ciel et des hommes. Appliquer les Relations internationales nous a 

permis d‘appréhender la complexité de cette nouvelle dimension qu‘est l‘Espace, mais 

aussi d‘en saisir l‘axe directeur dont seule une vision duale pouvait rendre compte. 

La pratique américaine dans l‘Espace a encore réduit les possibilités en 

s‘affichant sans ambigüité sous les traits d‘une Realpolitik agressive. Et pour cause, à 

l‘heure de l‘unipolarité, les contraintes subies par les Américains sont minimales. Pour 

autant, l‘anarchie internationale reste l‘élément déterminant. Dès lors, pour ce pays 

arrivé au sommet, la préservation du statu quo est l‘objectif prioritaire. Maintenir le 

statut hégémonique se traduit par la volonté d‘empêcher l‘émergence d‘un « peer 

competitor ». A cela, il faut ajouter le désir constant exprimé de modeler le monde à son 

image. La « space dominance » approuvée sous Clinton et Bush témoigne de cela. Reste 

à savoir si la nouvelle administration américaine va poursuivre dans cette voie. 

Arrivés au terme de nos réflexions, nous éprouvons plus que jamais un sentiment 

pessimiste quant à l‘évolution future de l‘Espace et des relations internationales. Il 

paraît difficile d‘imaginer l‘anarchie dépassée ou transformée, car « the texture of 

international politics remains highly constant, patterns recur, and events repeats 

themselves endlessly 471 ». Déjà, les Etats-Unis semblent avoir franchi le Rubicon. La 

réaction du reste du monde, Chine, Russie, Inde voire Union européenne s‘avèrera 

déterminante. Mais peut-être la solution viendra-t-elle de ces autres acteurs qui émergent 

lentement à l'ombre des Etats. 

471 WALTZ, Theory of International Politics, op. cit., p. 66. 

119

Bibliographie 

REFERENCES CLASSIQUES 

- Auteurs classiques 

Clausewitz (Carl von), De la guerre (1832), Paris, Flammarion, 2010, 294p. 

Hobbes (Thomas), Léviathan ou Matière, forme et puissance de l’Etat chrétien et civil 

(1751), Paris, Gallimard, 2000, 1027p. 

Kant (Emmanuel), Vers la paix perpétuelle (1795), dans Kant, Vers la paix perpétuelle 

et autres textes, Paris, Garnier Flammarion, 1991, 206p. 

Machiavel (Nicolas), Le Prince (1513), Gallimard, 1962, 187p. 

Marx (Karl), Le 18 Brumaire de Louis Bonaparte (1853), Paris, Garnier Flammarion, 

2007, 216p. 

Rousseau (Jean-Jacques), Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi 

les hommes (1754), dans Rousseau, Discours sur l’origine et les fondements de 

l’inégalité parmi les hommes et autres textes, Paris, Garnier Flammarion, 1992, 

282p. 

Tzu (Sun), L’art de la guerre (V e siècle av. J.-C.), Paris, Hachette Littératures, 2000, 

328p. 

Tocqueville (Alexis de), Discours à la Séance publique annuelle de l’Académie des 

Sciences morales et politiques, 1852 [en ligne] 

http://www.asmp.fr/travaux/solennelles/president/1852_tocqueville.pdf. 

Thucydide, La Guerre du Péloponnèse (411 av. J.-C.), Paris, Gallimard, 2007, 900p. 

- Anthologie 

Chaliand (Gérard), Anthologie mondiale de la stratégie : des origines au nucléaire, 

- Autre 

Paris, Robert Laffont, 1990, 1527p. 

Berlin (Isaiah), The Hedgehog and the Fox: An Essay on Tolstoy’s View of History, 

1953 [en ligne] http://berlin.wolf.ox.ac.uk/published_works/rt/HF.pdf 

PENENT Guilhem Prénom | PI | Mémoire de recherche | 2009-2010

PHILOSOPHIE DES RELATIONS INTERNATIONALES 

- Ouvrages 

Boucher (David), « Introduction », in Political Theories of International Relations, 

Oxford University Press, 1998, p. 3-47. 

Boucher (David), « Redemption through Independence : Rousseau‘s Theory of 

International Relations », in Political Theories of International Relations, Oxford 

University Press, 1998, p. 289-307. 

Doyle (Michael C.), Ways of War and Peace : Realism, Liberalism, and Socialism, New 

York, W. W. Norton & Company, 1997, 557p. 

Ramel (Frédéric) avec la collaboration de Cumin (David), Philosophie des relations 

internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 2002, 

Wight (Martin), International Theory. The Three Traditions, Leicester, Leicester 

University Press, 1992, 286p. 

- Articles académiques et chapitres d’ouvrages collectifs 

Bull (Hedley), « Martin Wight and the Theory of International Relations: The Second 

Martin Wight Memorial Lecture », International Studies, 2, 1976, p. 101-116. 

Dunne (Timothy), « Mythology or methodology ? Traditions in international theory », 

Review of International Studies, 19 (3), juillet 1993, p. 305-318. 

Forde (Steven), « Classical Realism », in Terry Nardin et David R. Mapel (eds.), 

Traditions of international ethics, Cambridge, Cambridge University Press, 1992. 

Hassner (Pierre), « Beyond the Three Traditions: The Philosophy of War and Peace in 

Historical Perspective », International Affairs, 70 (4), octobre 1994, p. 737-756. 

Holzgrefe (J. L.), « The Origins of Modern International Relations Theory », Review of 

International Studies, 15 (1), janvier, 1989, p. 11-26 

Ramel (Frédéric), « Introduction : Quand Sophia rencontre Arès : des intérêts de la 

philosophie en Relations internationales », Études internationales, 38 (1), 2007, p. 

5-17. 

Wight (Martin), « An Anatomy of International Thought », Review of International 

Studies, 13 (3), juillet 1987, p. 221-227. 

Wight (Martin), « Why Is There No International Theory? », in Andrew Linklater (ed.), 

International relations: critical concepts in political science (vol. 1), New York, 

Routledge, 2000, p. 27-42. 


121

Yost (David S.), « Political Philosophy and the Theory of International Relations », 

International Affairs, 70 (2), avril 1994, p. 263-290. 

THEORIES DES RELATIONS INTERNATIONALES (RI) 

- Manuels de RI 

Battistella (Dario), Théories des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 

2 e éd., 2006, 588p. 

Battistella (Dario), Théories des relations internationales, Paris, Presses de Sciences Po, 

3 e éd., 2009, 694p. 

Baylis (John) et Smith (Steve) (eds.), The Globalization of World Politics. An 

introduction to international relations, Oxford, Oxford University Press, 2 e éd., 

2001, 690p. 

Burchill (Scott), Linklater (Scott), Devetak (Richard), Donnely (Jack), Paterson 

(Matthew), Reus-Smit (Christian) et True (Jacqui), Theories of International 

Relations, New York, Palgrave Macmillan, 3 e éd., 2005, 310p. 

Griffiths (Martin), Fifty Key Thinkers in International Relations, New York, Routledge, 

1999, 296p. 

Griffiths (Martin) (ed.), International Relations Theory for the Twenty-First Century, 

New York, Routledge, 2007, 184p. 

Griffiths (Martin), O‘Callaghan (Terry) et Roach (Steven C.), International Relations: 

The Key Concepts, New York, Routledge, 2 e éd., 2008, 407p. 

Griffiths (Martin), Roach (Steven C.) et Solomon (M. Scott), Fifty Key Thinkers in 

International Relations, New York, Routledge, 2 e éd., 2009, 404p. 

Macleod (Alex) et O‘Meara (Dan) (dir.), Théories des relations internationales : 

Contestations et résistances, Outremont, Athéna éditions, 2007, 514p. 

Weber (Cynthia), International Relations Theory. A critical introduction, New York, 

Routledge, 2 e éd. 2005, 199p. 

- Articles académiques et chapitre d’ouvrage collectif 

Aron (Raymond), « Qu‘est-ce qu‘une théorie des relations internationales ? », Revue 

française de science politique, 17 (5), 1967, p. 837-861. 

Battistella (Dario), « L‘intérêt national. Une notion, trois discours », in Frédéric 

Charillon (dir.), Politique étrangère, Nouveaux regards, Paris, Presses de Sciences 

Po, 2002, p. 139-165. 


122

Snyder (Jack), « World, Rival Theories », Foreign Policy, 145, novembre-décembre 

2004, p. 52-62. 

Walt (Stephen), « International relations: One world, many theories », Foreign Policy, 

110, printemps 1998, p. 29-46. 

REALISME 

- Ouvrages 

Aron (Raymond), Paix et guerre entre les nations (1962), Paris, Calman-Lévy, 8 e éd., 

2004, 794p. 

Donnely (Jack), Realism and International Relations, Cambridge, Cambridge University 

Press, 2005, 231p. 

Lebow (Richard Ned), The Tragic Vision of Politics. Ethics, interests and orders, 

Cambridge, Cambridge University Press, 2003, 405p. 

Mearsheimer (John J.), The Tragedy of Great Power Politics, New York, W. W. Norton 

& Company, 2001, 555p. 

Morgenthau (Hans J.), Politics Among Nations. The Struggle for Power and Peace 

(1948), New York, McGraw-Hill, 7 e éd. revue par K. Thompson et D. Clinton, 

2006, 703p. 

Waltz (Kenneth N.), Man, the State, and War. A Theoretical Analysis (1954), New York, 

Columbia University Press, 2001, 263p. 

Waltz (Kenneth N.), Theory of International Politics, Reading, Addison-Wesley Pub. 

Co., 1979, 251p. 

Williams (Michael), The Realist Tradition and the Limits of International Relations, 

Cambridge, Cambridge University Press, 2005, 236p. 

Wolfers (Arnold), Discord and Collaboration : Essays on International Politics, 

Baltimore, Johns Hopkins University Press, 1962, 283p. [en ligne] 

http://ia331338.us.archive.org/2/items/discordandcollab012923mbp/discordandcoll 

ab012923mbp.pdf 


Buzan (Barry), « The Timeless Wisdom of Realism », in Steve Smith, Ken Booth et 

Marysia Zalewski (eds.), International Theory: Positivism and Beyond, 

Cambridge, Cambridge University Press, 1996, p. 47-65. 


123

Gilpin (Robert), « The Richness of the Tradition of Political Realism », International 

Organization, 38, (2), printemps 1984, p. 287-304. 

Jervis (Robert), « Cooperation under the Security Dilemma », World Politics, 30 (2), 

janvier 1978, p. 167-214. 

Krasner (Stephen), « Structural Causes and Regime Consequences: Regimes as 

Intervening Variables », International Organization, 36 (2), printemps 1982, p. 

185-205. 

Layne (Christopher), « The "Poster Child for offensive realism": America as a global 

hegemon », Security Studies, 12 (2), hiver 2002-2003, p. 120-164. 

Markey (Daniel), « Prestige and the origins of war : Returning to realism‘s roots », 

Security Studies, 8 (4), p. 126-172. 

Mearsheimer (John J.), « The False Promise of International Institutions », International 

Security, 19 (3), hiver 1994-1995, p. 5-49. 

Rasler (Karen) et Thompson (William R.), « Malign Autocracies and Major Power 

Warfare: Evil, Tragedy, and International Relations Theory », Security Studies, 10 

(3), 2001, p. 46-79. 

Schmidt (Brian C.), « Realism as Tragedy », Review of International Studies, 30 (3), 

juillet 2004, p. 427-441. 

Spirtas (Michael), « A house divided : Tragedy and evil in realist theory », Security 

Studies, 5 (3), 1996, p. 385-423 

Snyder (Glenn H.), « Mearsheimer's World-Offensive Realism and the Struggle for 

Security: A Review Essay », International Security, 27 (1), été 2002, p. 149-173. 

Waltz (Kenneth N.), « The Stability of a Bipolar World », Daedalus, 93 (3), été 1964, p. 

881-909. 

RATIONALISME, LIBERALISME, IDEALISME 

- Ouvrages 

Buzan (Barry), From International to World Society? English School Theory and the 

Social Structure of Globalisation, Cambridge, Cambridge University Press, 2004, 

294p. 

Keohane (Robert O.), After Hegemony : Cooperation and Discord in the World Political 

Economy, Princeton, Princeton University Press, 1984, 290p. 


124

- Articles académiques et chapitre d’ouvrage 

Buzan (Barry), « The English School: An Underexploited Resource in IR », Review of 

International Studies, 27 (3), juillet 2001, p. 471-488. 

Hoffmann (Stanley), « The Crisis of Liberal Internationalism », Foreign Policy, 98, 

Printemps 1995, p. 159-177. 

Keohane (Robert O.), « International liberalism reconsidered », in Robert Keohane, 

Power and Governance in a Partially Globalized World, New York, Routledge, 

2002, p. 39-62. 

Jones (Roy E.), « The English School of International Relations: A Case for Closure », 

Review of International Studies, 7 (1), janvier 1981, p. 1-13. 

Moravcsik (Andrew), « Preferences and Power in the European Community : A Liberal 

Intergovernmentalist Approach », Journal of Common Market Studies, 31 (4), 

décembre 1993, p. 473-524. 

Moravcsik (Andrew), « Taking Preferences Seriously: A Liberal Theory of International 

Politics », International Organization, 51 (4), automne 1997, p. 513-553. 

Putnam (Robert D.), « Diplomacy and Domestic Politics: The Logic of Two-Level 

Games », International Organization, 42, été 1988, p. 427-460. 

REVOLUTIONNISME, GLOBALISME, THEORIES CRITIQUES 

- Ouvrages 

Badie (Bertrand), Un monde sans souveraineté. Les Etats entre ruse et responsabilité, 

Paris, Fayard, 1999, 306p. 

Burton (John), World Society, Cambridge, Cambridge University Press, 1972, 180p. 

Wendt (Alexander), Social Theory of International Politics, Cambridge, Cambridge 

University Press, 1999, 429p. 

- Articles académiques 

Berki (R. N.), « On Marxian Thought and the Problem of International Relations », 

World Politics, 24 (1), 1971, p. 80-105. 

Cox (Robert W.), « Social Forces, States and World Orders : Beyond International 

Relations Theory », Millennium, 10 (2), juin 1981, p. 126-155. 

Cox (Robert W.), « Gramsci, Hegemony and International Relations : An Essay in 

Method », Millennium, 12 (2), 1983, p. 162-175. 


125

Duval (Raymond) et Wendt (Alexander), « Sovereignty and the UFO », Political 

Theory, 36 (4), août 2008, p. 607-633. 

Friedrichs (Jörg), « The Meaning of New Medievalism », European Journal of 

International Relations, 7, 2001, p. 475-501. 

Girard (Michel), « Turbulence dans la théorie politique international ou James Rosenau, 

inventeur », Revue française de science politique, 42 (4), 1992, p. 636-646. 

Haas (Peter), « Epistemic Communities and International Policy Coordination », 

International Organization, 46 (1), hiver 1992, p. 1-35. 

Kegley (Charles W.), « The Neoidealist Moment in International Studies ? Realist 

Myths and the New International Realities », International Studies Quaterly, 37 

(2), juin 1993, p. 131-146. 

Keohane (Robert O.) et Nye (Joseph S.), « Transnational Relations and World Politics : 

An Introduction », in « Transnational Relations and World Politics », International 

Organization, 25 (3), été 1971, p. 329-349. 

Keohane (Robert O.) et Nye (Joseph S.), « Transnational Relations and World Politics : 

A Conclusion », in « Transnational Relations and World Politics », International 


Miles (Edward), « Transnationalism in Space: Inner and Outer », in Robert Keohane et 

Joseph Nye (eds.), « Transnational Relations and World Politics », International 


Osiander (Andreas), « Rereading Early Twentieth-Century IR Theory : Idealism 

Revisited », International Studies Quaterly, 42 (3), septembre 1998, p. 409-432. 

Rosenau (James), « Le touriste et le terroriste ou les deux extrêmes du continuum 

transnational », Etudes Internationales, 10 (2), 1979, p. 219-252. 

Wendt (Alexander), « Anarchy is what States Make of it : The Social Construction of 

Power Politics », International Organization, 46 (2), printemps 1992, p. 391-425. 

Wendt (Alexander), « Why a World State is Inevitable », European Journal of 

International Relations, 9 (4), décembre 2003, p. 491-542. 

- Sitographie 

Schouten (Peer), « Theory Talk #3: Alexander Wendt on UFO‘s, Black Swans and 

Constructivist International Relations Theory », Theory Talks, 25 avril 2008 [en 

ligne] http://www.theory-talks.org/2008/04/theory-talk-3.html 


126

THEORIES DE POLITIQUE ETRANGERE 

- Ouvrage 

Allison (Graham) et Zelikow (Philip), Essence of Decision : Explaining the Cuban 

Missile Crisis, New York, Longman, 2 e éd., 1999, 440p. 


Elman (Colin), « Horses for courses: Why nor neorealist theories of foreign policy? », 

Security Studies, 6 (1), 1996, p. 7-53. 

Foong Khong (Yuen), « Seduction by Analogy in Vietnam: The Malaya and Korea 

Analogies», in G. John Ikenberry (ed.), American Foreign Policy: Theoretical 

Essays, New York, Pearson Longman, 2005, p. 501-511. 

Huntington (Samuel P.), « The Lonely Superpower », in G. John Ikenberry (ed.), 

American Foreign Policy : Theoretical Essays, New York, Pearson Longman, 

2005, p. 540-550. 

Jervis (Robert), « Hypotheses on Misperception », in G. John Ikenberry (ed.), American 

Foreign Policy : Theoretical Essays, New York, Pearson Longman, 2005, p. 462- 

484 

Kessler (Marie-Christine), « La politique étrangère comme politique publique », in 

Frédéric Charillon (dir.), Politique étrangère, nouveaux regards, Paris, Presses de 

Sciences Po, 2002, p. 167-191. 

Rose (Gideon), « Review: Neoclassical Realism and Theories of Foreign Policy », 

World Politics, 51 (1), octobre 1998, p. 144-172. 

Rosenau (James N.), « Pre-Theories and Theories of Foreign Policy », in James Rosenau 

(ed.), The Scientific Study of Foreign Policy, New York, Nichols, 1979, p. 115- 

136. 

Schweller (Randall L.), « The Progressiveness of Neoclassical Realism », in Colin 

Elman et Miriam Fendius, Progress in International Relations Theory Appraising 

the Field, Cambridge, MIT Press, 2003, p. 311-347. 

Taliaferro (Jeffrey W.), Lobell (Steven E.), et Ripsman (Norrin M.), « Introduction », in 

Steven E. Lobell, Norrin M. Ripsman, et Jeffrey W. Taliaferro (eds.), Neoclassical 

Realism, the State, and Foreign Policy, New York, Cambridge University Press, 

2009, p. 1-41. 


127

Taliaferro (Jeffrey W.), « Neoclassical realism and resource extraction: State building 

for future war », in Steven E. Lobell, Norrin M. Ripsman, et Jeffrey W. Taliaferro 

(eds.), Neoclassical Realism, the State, and Foreign Policy, New York, Cambridge 

University Press, 2009, p. 194-226. 

Tetlock (Philip E.) et McGuire (Charles B. Jr), « Cognitive Perspectives on Foreign 

Policy », in G. John Ikenberry (ed.), American Foreign Policy : Theoretical 

Essays, New York, Pearson Longman, 2005, p. 484-501 

Waltz (Kenneth), « International politics is not foreign policy », Security Studies, 6 (1), 

1996, p. 54-57. 

Zakaria (Fareed), « Review : Realism and Domestic Politics: A Review Essay », 

International Security, 17 (1), été 1992, p. 177-198. 

POLITIQUE ETRANGERE DES ETATS-UNIS 

- Manuels 

David (Charles-Philippe), Balthasar (Louis) et Vaïsse (Justin), La politique étrangère 

des Etats-Unis. Fondements, acteurs, formulation, Paris, Presses de Sciences Po, 

2008, 547p. 

Hassner (Pierre) et Vaïsse (Justin), Washington et le monde : dilemmes d'une 

superpuissance, Paris, Autrement, 2003, 200p. 

- Ouvrages 

Kissinger (Henry), Diplomatie, Paris, Fayard, 1996, 860p. 

Mélandri (Pierre) et Vaïsse (Justin), L’Empire du Milieu – Les Etats-Unis et le monde 

depuis la fin de la guerre froide, Paris, Odile Jacob, 2001, 550p. 

Nye (Joseph N.), The Paradox of American Power : Why the World’s Only Superpower 

Can’t Go It Alone, New York, Oxford University Press, 2002, 222p. 


Brooks (Stephen G.) et Wohlforth (William C.), « American Primacy », Foreign Affairs, 

81 (4), juillet-août 2002, p. 20-33. 

Cox (Michael), « American Power before and after 11 September: Dizzy with 

Success?», International Affairs, 78 (2), avril 2002, p. 261-276. 

Jervis (Robert), « An Interim Assessment of September 11: What Has Changed and 

What Has Not? », Political Science Quarterly, 117 (1), printemps 2002, p. 37-54. 


128

Kagan (Robert), « The Benevolent Empire », Foreign Policy, 111, été 1998, p. 24-35. 

Krauthammer (Charles), « The Unipolar Moment », Foreign Affairs, 70 (1), 1990-1991, 

p. 23-33. 

Kristol (William) et Kagan (Robert), « Toward a Neo-Reaganite Foreign Policy », 

Foreign Affairs, 75 (4), juillet-août 1996, p. 18-32. 

Layne (Christopher), « The Unipolar Illusion: Why New Great Powers Will Rise », 

International Security, 17 (4), printemps 1993, p. 5-51 

Mead (Walter R.), « The Jeffersonian Tradition », The National Interest, 58, hiver 1999- 

2000. 

Mearsheimer (John), « Better to Be Godzilla than Bambi », Foreign Policy, 146, 

janvier-février 2005, p. 47-48. 

Mostanduno (Michael), « Preserving the Unipolar Moment: Realist Theories and U.S. 

Grand Strategy after the Cold War », International Security, 21 (4), printemps 

1997, p. 49-88. 

Posen (Barry R.) et Ross (Andrew L.), « Competing Visions for U.S. Grand Strategy », 

International Security, 21 (3), hiver 1996-1997, p. 5-53. 

Posen (Barry R.), « La maîtrise des espaces, fondement de l‘hégémonie militaire des 

Etats-Unis », Politique étrangère, 1, 2003, p. 41-56. 

Posen (Barry R.), « Command of the Commons : The Military Foundations of U.S. 

Hegemony », International Security, 28 (1), été 2003, p. 5-46. 

Vaïsse (Justin), « Les Etats-Unis sans Wilson : L‘internationalisme américain après la 

guerre froide », Critique internationale, 3, printemps 1999, p. 99-120. 

Vaïsse (Justin), « L‘héritage ambigu de Bill Clinton », Politique internationale, 90, 

hiver 2000-2001, p. 45-64. 

Walt (Stephen M.), « Two Cheers for Clinton's Foreign Policy », Foreign Affairs, 79 

(2), mars-avril 2000, p. 63-79. 

Walt (Stephen M.), « Beyond bin Laden: Reshaping U.S. Foreign Policy », International 

Security, 26 (3), hiver 2001-2002, p. 56-78. 

Waynes (Charles W.), « Contending Schools », The National Interest, 63, printemps 

2001, p. 49-58. 

Wohlforth (William C.), « The Stability of a Unipolar World », International Security, 

24 (1), été 1999, p. 5-41. 


129

- Articles non-académiques 

Chace (James), « The Pentagon's Superpower Fantasy », The New York Times, 16 mars 

1992. 

Gelb (Leslie H.), « They're Kidding », The New York Times, 9 mars 1992. 

Kennedy (Paul), « The Eagle Has Landed », Financial Times, 2 février 2002. 

Mearsheimer (John J.), « Will Iraq Fight or Fold Its Tent? Liberation in Less Than a 

Week », The New York Times, 8 février 1991. 

The New York Time, « Excerpts From Pentagon's Plan: 'Prevent the Re-Emergence of a 

New Rival' », 8 mars 1992. 

- Sitographie 

Site du Fonds Monétaire Internationale : http://www.imf.org/ 

- Think Tank 

Stockholm International Peace Research Institute : http://www.sipri.org/ 

POLITIQUE SPATIALE AMERICAINE 

- Ouvrages 

Delassus (Sylvain), Stratégies spatiales américaines. Histoire politique et stratégies 

militaires américaines dans le domaine de l’utilisation de l’espace extra- 

atmosphérique de 1945 à 2009, Paris, Editions Velours, 2009, 82p. 

Nardon (Laurence), Satellite Imagery Control : An American Dilemma, IFRI, mars 2002, 

49p. 

Pasco (Xavier), La politique spatiale des Etats-Unis, 1958-1995. Technologie, intérêt 

national et débat public, Paris, L‘Harmattan, 1997, 300p. 


Goldman (Nathan C.), « Space Law », in Eligar Sadeh (ed.), Space Politics and Policy: 

An Evolutionary Perspective, New York Springer, 2003, p. 163-180. 

Handberg (Roger), « Rationales of the Space Program », in Eligar Sadeh (ed.), Space 

Politics and Policy: An Evolutionary Perspective, New York Springer, 2003, p. 

27-42. 

Hays (Peter L.), « Space and the Military », in Eligar Sadeh (ed.), Space Politics and 

Policy: An Evolutionary Perspective, New York Springer, 2003, p. 335-369. 


130

Krug (Linda T.), « Presidents and Space Policy », in Eligar Sadeh (ed.), Space Politics 

and Policy: An Evolutionary Perspective, New York Springer, 2003, p. 61-77. 

Launius (Roger D.), « Historical Dimensions of the Space Age », in Eligar Sadeh (ed.), 

Space Politics and Policy: An Evolutionary Perspective, New York Springer, 

2003, p. 3-25. 

Logsdon (John M.), « Space Politics and Policy : Facing the Future », in Eligar Sadeh 

(ed.), Space Politics and Policy: An Evolutionary Perspective, New York Springer, 

2003, p. 389-393. 

Nardon (Laurence), « L‘administration Bush et l‘espace : Militarisation, gestion et 

coopération », Document de travail, IFRI, avril 2002. 

Nardon (Laurence) et Messerlin (Pierre), « Les États-Unis face au défi spatial chinois », 

Document de travail, IFRI, juin 2004. 

Nardon (Laurence), « Les réorientations de la politique spatiale américaine en 2009 et 

2010 », Note de l’IFRI, janvier 2010. 

Pasco (Xavier) et Jourdain (Laurence), « Comparative Space Policy : The Space Policy 

Crisis in the American, European, and French Space Programs », in Eligar Sadeh 

(ed.), Space Politics and Policy: An Evolutionary Perspective, New York Springer, 

2003, p. 317-334. 

Pasco (Xavier), « La "crise" de la politique spatiale aux Etats-Unis », Hermès, 34, 2002, 

p. 205-223. 

Sadeh (Eligar), « Introduction : Space Politics and Policy: An Evolutionary 

Perspective», in Eligar Sadeh (ed.), Space Politics and Policy: An Evolutionary 

Perspective, New York Springer, 2003, p. xiii-xviii. 

Sadeh (Eligar), « International Space Cooperation », in Eligar Sadeh (ed.), Space 

Politics and Policy: An Evolutionary Perspective, New York Springer, 2003, p. 

281-316. 

- Administration Bill Clinton 

Joint Statement of the Space Station Partnership, 6 décembre 1993 [en ligne] 

http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/spstpart.htm 

The White House, « Presidential Decision Directive/NSC 23 (PDD-23) : "Subject: U.S. 

Policy on Foreign Access to Remote Sensing Space Capabilities" », mars 1994 [en 

ligne] http://rescommunis.files.wordpress.com/2010/02/ncrsasl-delassified-ppd-23- 

and-supporting-documents.pdf 


131

The White House, « A National Security Strategy of Engagement and Enlargement », 

février 1996 [en ligne] 

http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/1996stra.htm 

The White House, « Fact Sheet : US Global Positioning System Policy », mars 1996 [en 

ligne] http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/gps- 

factsheet.htm 

The White House, « Fact Sheet : National Space Policy », 19 septembre 1996 [en ligne] 

http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/nstc-8.htm 

United States Space Command, US Space Command Vision for 2020, mars 1998 [en 

ligne] http://www.fas.org/spp/military/docops/usspac/visbook.pdf. 

- Administration George W. Bush 

Commission to Assess United States National Security Space Management and 

Organization, Report of the Commission to Assess United States National Security 

Space Management and Organisation, janvier 2001, 164p. [en ligne] 

http://www.dod.gov/pubs/space20010111.html 

NASA, « Vision for Space Exploration », février 2004, 32p. [en ligne] 

http://www.nasa.gov/pdf/55583main_vision_space_exploration2.pdf 

The White House, « ABM Treaty Fact Sheet », décembre 2001 [en ligne] 

http://georgewbush-whitehouse.archives.gov/news/releases/2001/12/20011213- 

2.html 

The White House, The National Security Strategy of the United States of America, 2002 

[en ligne] http://www.globalsecurity.org/military/library/policy/national/nss- 

020920.pdf 

The White House, « U.S. National Space Policy », 6 octobre 2006 [en ligne] 

http://www.globalsecurity.org/space/library/policy/national/us-space- 

policy_060831.htm 

- Administration Barack H. Obama 

NASA, FY 2011 Budget Overview, février 2010 [en ligne] 

http://www.nasa.gov/pdf/420990main_FY_201_%20Budget_Overview_1_Feb_201 

0.pdf 


132

Review of U.S. Human Spaceflight Plans Committee, Seeking a Human Spaceflight 

Program Worthy of a Great Nation, octobre 2009, 157p. [en ligne] 

http://www.nasa.gov/pdf/396093main_HSF_Cmte_FinalReport.pdf 

The White House, « U.S.-China Joint Statement », 17 novembre 2009 [en ligne] 

http://www.whitehouse.gov/the-press-office/us-china-joint-statement 

The White House, « National Space Policy of the United States of America », 28 juin 

- Autres 

2010 [en ligne] 

http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/national_space_policy_6-28-10.pdf 

Donnely (Thomas), Rebuilding America's Defenses: Strategy, Forces and Resources For 

a New Century, Project for the New American Century, septembre 2000, 90p. [en 

ligne] http://www.newamericancentury.org/RebuildingAmericasDefenses.pdf 

Sterner (Eric), « Beyond the stalemate in the space commons », in Abraham M. 

Denmark et James Mulvenon (eds), Contested Commons : The Future of American 

Power in a Multipolar World, Center for a New American Security, janvier 2010, 

p. 105-135. 

- Articles non académiques 

Dao (James), « Rumsfeld seeking an arms strategy using outer space », The New York 

Times, 8 mai 2001. 

Sanger (David E.) et Shanker (Thom), « White House Is Rethinking Nuclear Policy », 

The New York Times, 28 février 2010. 

ESPACE EXTRA-ATMOSPHERIQUE 

- Ouvrages 

Collectif, La Grande Encyclopédie Fleurus Espace, Paris, Fleurus, 2002, 335p. 

Hudgins (Edward), The Private Sector Road to a Space-faring Civilization, IFRI, juin 

2004, 8p. 

Seedhouse (Erik), Tourists in Space : A Practical Guide, New York, Springer, 2008, 

314p. 

Verger (Fernand) (dir.), Atlas de géographie de l’espace, Paris, Belin, 1997, 319p. 

Hawking (Stephen), Une Belle Histoire du Temps, Paris, Flammarion, 2005, 185p. 


133


Akbar (Sabine), « La lune, patrimoine commun de l‘humanité ? Comment exploiter les 

ressources lunaires dans le respect du droit international », Notes de l’IFRI, 

décembre 2006. 

Beidleman (Scott W.), « GPS vs. Galileo: Balancing for Position in Space », 

Astropolitics, 3 (2), 2005, p. 117-161. 

Brealey (Andrew), « Faster than a Speeding Bullet : Orbital Debris », Astropolitics, 3 

(1), 2005, p. 1-34 

Chunsi (Wu), « China‘s Outer Space Activities: Motivations, Goals, and Policy », 

Strategic Analysis, 32 (4), juillet 2008, p. 621-635. 

Da Silva (Darly Henriques), « Brazilian participation in the International Space Station 

(ISS) program: commitment or bargain struck? », Space Policy, 21, 2005, p. 55-63. 

Gibbons (Glen), « What Race? What Competition? The Four GNSS Systems », Inside 

GNSS, 4 (2), mars-avril 2009, p. 16-17 et 52. 

Harding (Robert C.), « Space Policy in Developing Countries: Theory and Practice in 

the 21st Century », présentation préparée en vue du Annual Meeting of the 

Southern Political Science Association, 10 janvier 2009. 

Hickman (John), « Viewpoint : Extraterrestrial National Territory and the International 

System », Astropolitics, 8 (1), 2010, p. 62-71. 

Hickman (John) et Dolman (Everett), « Resurrecting the Space Age: A State-Centered 

Commentary on the Outer Space Regime », Comparative Strategy, 21 (1), 2002, p. 

1-20. 

Lacqueux (Jacques), Article « Astronomie », Encyclopaedia Universalis, 2008. 

Launius (Roger D.), « Public opinion polls and perceptions of US human spaceflight », 

Space Policy, 19, 2003, p. 163–175. 

Launius (Roger D.), « Perceptions of Apollo: Myth, nostalgia, memory or all of the 

above », Space Policy, 21, 2005, p. 129-139 

Launius (Roger D.), et Jenkins (Dennis R.), « Is It Finally Time for Space Tourism ? » 

Astropolitics, 4 (3), 2006, p. 253-280. 

Launius (Roger D.), « United States Space Cooperation and Competition: Historical 

Reflections », Astropolitics, 7 (2), 2009, p. 89-100. 

Nardon (Laurence), « Galileo and GPS : Cooperation or Competition ? », French-U.S. 

Analysis, The Brookings Institution, Washington, 2002. 


134

Nardon (Laurence), « Galileo et le profit. Comment maximiser la rentabilité du futur 

système européen de navigation par satellite ? », Note de l’IFRI, mai 2007. 

Sourbès-Verger (Isabelle), « L‘espace dans le monde », Géoéconomie, 20, hiver 2002, p. 

49-63. 

Shapiro (Robert), « A new rationale for returning to the Moon? Protecting civilization 

with a sanctuary », Space Policy, 25, 2009, p. 1-5. 

Verger (Fernand), « Géographie des voyages cosmiques imaginaires et imaginés », 

Hermès, 34, 2002, p. 37-44. 

Weeks (Edythe E.), « Applying International Relations Theory to the Current Politics of 

Outer Space Development », article présenté à la conférence annuelle de 

International Studies Association, Town & Country Resort and Convention Center, 

San Diego, California, USA, 2006. 

- Articles non-académiques 

Achenbach (Joel), « Debris From Satellites‘ Collision Said to Pose Small Risk to Space 

Station », The Washington Post, 12 février 2009. 

Deflesselles (Bernard), « La Chine pourrait brouiller les fréquences de Galileo », Les 

Echos, 8 janvier 2010. 

Fenoglio (Jérôme), « La révolution spatiale de Barack Obama », Le Monde, 11 février 

2010. 

Krauthammer (Charles), « Closing the new frontier », The Washington Post, 12 février 

2010. 

Oberg (James), « China takes aim at the space station », MSNBC, 26 octobre 2001 

Mennesier (Marc), « Station spatiale : l‘assemblage touche à sa fin », Le Figaro, 6 

février 2010. 

Sample (Ian), « Lunar eclipse: US retreat leaves China leading way in race to return to 

moon», The Guardian, 2 février 2010. 

The Associated Press, « China wants role in space station », 16 octobre 2007. 

- Rapports 

Beard (Suzette) et Starzyk (Janice), Space Tourism Market Study : orbital space travel 

& destinations with suborbital space travel, Futron Corporation, octobre 2002, 

79p. [en ligne] 


135

http://www.spacetourismsociety.org/STS_Library/Reports_files/SpaceTourismMar 

ketStudy.pdf. 

Commission des Affaires européennes de l‘Assemblée nationale, Rapport d’information 

sur l’état du programme Galileo, 8 décembre 2009, 48p. [en ligne] 

http://www.assemblee-nationale.fr/13/pdf/europe/rap-info/i2142.pdf 

Rapport sur les grands domaines programmatiques de la politique spatiale du futur, 

Politique spatiale : l’audace ou le déclin. Comment faire de l’Europe le leader 

mondial de l’espace, février 2007, 208p. [en ligne] http://www.assemblee- 

nationale.fr/12/pdf/rap-off/i3676.pdf 

The Space Report 2010, « Overview » [en ligne] 

- Traités 

http://www.thespacereport.org/overview.php 

Traités et Principes des Nations Unies relatifs à l‘espace extra-atmosphérique [en ligne] 

http://www.oosa.unvienna.org/pdf/publications/STSPACE11F.pdf 

Treaty Banning Nuclear Weapon Tests in the Atmosphere, in Outer Space and Under 

- Etudes 

Water [en ligne] http://www.state.gov/www/global/arms/treaties/ltbt1.html 

Etude IPSOS, « Le grand public et le spatial. Image et notoriété du CNES », juin 2008. 

Etude TNS SOFRES, « Notoriété du CNES et représentations liées à l‘Espace », mai 

2004. 

Etude GALLUP, « Majority of Americans Say Space Program Costs Justified », juillet 

- Mémoire 

2009 [en ligne] http://www.gallup.com/poll/121736/Majority-Americans-Say- 

Space-Program-Costs-Justified.aspx 

Grenêche (Evelyne), L'espace extra atmosphérique en relations internationales : un 

milieu intrinsèquement coopératif, Mémoire de master 2, Bordeaux, Institut 

d‘études politiques de Bordeaux, 2005, 131p. 

- Sitographie 

Blog de Paul Spudis, « The Once and Future Moon » : 

http://blogs.airspacemag.com/moon/ 

Blog de Jeff Foust, « Space Politics » : http://www.spacepolitics.com/ 


136

Site de The Space Review : http://www.thespacereview.com/index.html 

Site de Space Today : http://www.spacetoday.net/index.html 

Site de Space News : http://www.spacenews.com/ 

Site de Defense News : http://www.defensenews.com/ 

Site Lunar Embassy : http://www.lunarembassy.com/ 

Site Moon Estates : http://www.moonestates.com/ 

Site de Virgin Galactic : http://www.virgingalactic.com/ 

Site d‘Astrium : http://www.astrium.eads.net/ 

Site du CNES : http://www.cnes.fr/web/CNES-fr/6919-cnes-tout-sur-l-espace.php 

Site de la NASA : http://www.nasa.gov/ 

Site de l‘ESA : http://www.esa.int/esaCP/France.html 

- Podcasts 

Ciel et Espace Radio, entretiens avec Jacques Villain (2007-2009) [en ligne] 

http://www.cieletespaceradio.fr/index.php?page=RECH_001 

MILITARISATION ET ARSENALISATION DE L’ESPACE 

- Ouvrages 

Dolman (Everett), Astropolitik: Classical Geopolitics in the Space Age, Londres, 

Routledge, 2002, 208p. 

Grouard (Serge), La guerre en orbite. Essai de politique et de stratégie spatiales, Paris, 

Economica, 1994, 383p. 

Jusell (Judson J.), Space Power Theory: A Rising Star, Maxwell Air Force Base, 

Alabama, Air University Press, 1998, 70p. [en ligne] 

http://www.fas.org/spp/eprint/98-144.pdf 

Lupton (David E.), On Space Warfare : A Space Power Doctrine, Maxwell Air Force 

Base, Air University Press, 1988, 99p. [en ligne] 

http://aupress.maxwell.af.mil/Books/Lupton/lupton.pdf. 

Oberg (James E.), Space Power Theory, Colorado Springs, US Air Force Academy, 

1999 [en ligne] http://space.au.af.mil/books/oberg/ 


137

Preston (Robert), Johnson (Dana J.), Edwards (Sean J. A.), Miller (Michael D.), 

Shipbaugh (Calvin), Space Weapons Earth Wars, RAND Corporation, 2002, [en 

ligne] http://www.rand.org/pubs/monograph_reports/MR1209/index.html 

Seedhouse (Erik), The New Space Race. China vs. the United States, New York, 

Springer, 2009, 249p. 

Wagner (John W.), Spacepower Theory : Lessons from the Masters, Maxwell Air Force 

Base, Alabama, Air University Press, avril 2005, 51p. [en ligne] 

http://www.au.af.mil/au/awc/awcgate/acsc/05-wagner.pdf 


Anson (Peter) et Cummings (Dennis), « The first space war: The contribution of 

satellites to the gulf war », The RUSI Journal, 136 (4), 1991, p. 45-53. 

Deblois (Bruce M.), « Space Sanctuary : A Viable National Strategy », Airpower 

Journal, hiver 1998, p. 41-57. 

Dolman (Everett), Hays (Peter) et Mueller (Karl P.), « Toward a U.S. Grand Strategy in 

Space », Roundtable on Science & Public Policy, The George Marshall Institute, 

10 mars 2006. 

Dumoulin (André), « Ciel ouvert : la fin de l‘attente », Annuaire français de relations 

internationales (AFRI), 4, 2003. 

Gray (Colin S.), « The Influence of Space Power upon History », Comparative Strategy, 

15 (4), 1996, p. 293-308. 

Grego (Laura), « Keeping space in check », Physics World, octobre 2007 

Griffin (Penny), « The spaces between us: The gendered politics of outer space », », in 

Natalie Bormann et Michael Sheehan (eds.), Securing Outer Space, New York, 

Routledge, 2009, p. 59-75 

Grondin (David), « The (power) politics of Space : the US astropolitical discourse on 

global dominance in the War on Terror », in Natalie Bormann et Michael Sheehan 

(eds.), Securing Outer Space, New York, Routledge, 2009, p. 108-127. 

Grouard (Serge), « Un laboratoire pour l‘espace : le conflit du Golfe », Stratégique, 51, 

1991, p. 345-371. 

Hagt (Eric), « China‘s ASAT Test : Strategic Response », China Security, World 

Security Institute, hiver 2007, p. 31-51. 


138

Hamilton (Mark D.), « Poli Sci-Fi 101: lessons from science fiction television for global 

and outer space politics », in Natalie Bormann et Michael Sheehan (eds.), Securing 

Outer Space, New York, Routledge, 2009, p. 205-220. 

Hitchens (Theresa), « U.S.-Sino Relations in Space : From "War of Words" to Cold War 

in Space? », China Security, World Security Institute, hiver 2007, p. 12-30. 

Huntley (Wade L.), « The mice that soar : smaller states‘ perspectives on space 

weaponization», in Natalie Bormann et Michael Sheehan (eds.), Securing Outer 

Space, New York, Routledge, 2009, p. 147-169, 

Justin (Joseph E.), « Space : a sanctuary, the high ground, or a military mission », RAND 

paper, avril 1982. 

Klein (John J.), « Corbett in Orbit : A Maritime Model for Strategic Space Theory », 

Naval War College Review, 57 (1), hiver 2004, p. 59-74 

Krepon (Michael), « Seven Questions : Space Weapons », Foreign Policy, 19 juillet 

2005. 

Lambakis (Steven), « Space control in Desert Storm and beyond », Orbis, été 1995, p. 

417-433. 

Lutes (Charles), Towards a Theory of Spacepower, symposium organisé par l‘Institute 

for National Strategic Studies, avril 2007. 

Milowicki (Gene V.) et Johnson-Freese (Joan), « Strategic Choices: Examining the 

United States Military Response to the Chinese Anti-Satellite Test », Astropolitics, 

6 (1), 2008, p. 1-21. 

Mueller (Karl P.), « Totem and Taboo: Depolarizing the Space Weaponization Debate », 

Astropolitics, 1 (1), printemps 2003, p. 4-28. 

Nardon (Laurence), « L‘Arsenalisation de l‘espace: les projets américains », Note de 

l’IFRI, décembre 2006. 

Nardon (Laurence), « L‘arsenalisation de l‘espace : projets américains, réactions 

européennes », Note de l’IFRI, octobre 2007 

Peoples (Columba), « Haunted Dreams : Critical Theory and the Militirization of 

Space», in Natalie Bormann et Michael Sheehan (eds.), Securing Outer Space, 

New York, Routledge, 2009, p. 91-107. 

Robb (Charles S.), « Star wars II », The Washington Quarterly, 22 (1), hiver 1999, p. 

81-86. 


139

Weldes (Jutta), « Popular Culture, Science Fiction, and World Politics : Exploring 

Intertextual Relations », in Jutta Weldes (ed.), To Seek Out New World. Science 

Fiction and World Politics, New York, Palgrave Macmillan, 2003, p. 1-27. 

- Article non-académique 

Grego (Laura), « Short History of US and Soviet ASAT Programs », Union of 

Concerned Scientists, 1 er avril 2003. 

Macaskill (Even), White (Michael) et Whitaker (Brian), « Western protests flood in over 

Chinese satellite killer », The Guardian, 20 janvier 2007 

Sanger (David E.) et Shanker (Thom), « White House Is Rethinking Nuclear Policy », 

New York Times, 28 février 2010 

- Télévision, podcasts 

Ciel et Espace Radio, « L‘Espace militaire », entretiens avec Xavier Pasco (2007) [en 

ligne] http://www.cieletespaceradio.fr/l_espace_militaire_1.541.HIST_001 

Delestrac (Denis), « Pax Americana, ou la conquête militaire de l'espace », 

documentaire ARTE France, In Fine Films, Lowik & Coptor Inc., 2009, diffusé le 

jeudi 11 mars 2010. 

- Think tanks 

Center for Strategic & International Studies (CSIS) : 

http://csis.org/category/topics/technology/space 

The George Washington University, Space Policy Institute : http://www.gwu.edu/~spi/ 

Stimson Center : http://www.stimson.org/space/programhome.cfm 

Council on Foreign Relations : http://www.cfr.org/issue/121/space.html 

Union of Concerned Scientists : http://www.ucsusa.org/ 

- Sitographie : 

Site du DoD : http://www.defense.gov/spr/ 

Blog UCS : http://allthingsnuclear.org/ 

RELATIONS INTERNATIONALES, HISTOIRE, DROIT, ECONOMIE 

- Ouvrages 

Beck (Susan J.), The Global Commons : An Introduction, Washington, Island Press, 

1998, 225p. 


140

Grewe (Wilhelm), The Epochs of International Law, New York, de Gruyter, 2000, 900p. 

Kennedy (Paul), Naissance et déclin des grandes puissances. Transformations 

économiques et conflits militaires entre 1500 et 2000, Paris, Payot & Rivages, 

2004, 991p. 

Lévêque (François), Economie de la réglementation, Paris, La Découverte, 2 e éd, 2004, 

122p. 


Hardin (Garry), « The Tragedy of the Commons », Science, 162, 1968, p. 1243-1248. 

Hurrel (Andrew), « Hegemony, liberalism and global order: what space for would-be 

great powers? », International Affairs, 82 (1), janvier 2006, p. 1-19. 

Levy (Jack S.), « Chapter 2 : The Modern Great Power System », in War in the Modern 

Great Power System, 1495-1975, Lexington, University Press of Kentucky, 1983, 

p. 9-49. 

Levy (Jack S.), « The Rise and Decline of the Anglo-Dutch Rivalry », 1609-1689, in 

William R. Thompson (ed.), Great Powers Rivalries, Columbia, University of 

South Carolina, 1999. 

Nye (Joseph S.), « Cyber Power », mai 2010, in The Future of Power in the 21st 

Century, à paraître [en ligne] http://belfercenter.ksg.harvard.edu/files/cyber- 

power.pdf 

STRATEGIE, QUESTIONS MILITAIRES 

- Ouvrages 

Gray (Colin S.), La Guerre au XXI e siècle, Un nouveau siècle de feu et de sang, Paris, 

Economica, 2007, 423p. 

Liddel Hart (Basil H.), Stratégie, Paris, Perrin, 1998, 570p. 

Luttwak (Edward N.), Le grand livre de la stratégie. De la paix et de la guerre, Paris, 

Odile Jacob, 2002, 400p. 

Luttwak (Edward N.), La Grande Stratégie de l’Empire romain, Paris, Economica et 

Institut de Stratégie Comparée, 2009, 468p. 

Tertrais (Bruno), La Guerre, Paris, Presses Universitaires de France, 2010, 128p. 


141


Biddle (Stephen), « Victory Misunderstood: What the Gulf War Tells Us about the 

Future of Conflict », International Security, 21 (2), automne 1996, p. 139-179, 

Biddle (Stephen), « The Gulf War Debate Redux: Why Skill and Technology are the 

Right Answer », International Security, 22 (2), automne 1997, p. 163-174. 

Gordon (John), « La transformation, pour quoi faire ? Défis d'aujourd'hui et de 

demain », Focus stratégique, n°11 (bis), IFRI, janvier 2010. 


142

Table des annexes 

ANNEXE 1 : L’ESPACE COMME MILIEU ......................................................... 144 

ANNEXE 2 : HISTOIRE D’UNE CONQUETE ..................................................... 152 

ANNEXE 3 : LES « TROIS R » .............................................................................. 165 

ANNEXE 4 : LE DROIT DE L’ESPACE ............................................................... 178 

ANNEXE 5 : LES PUISSANCES SPATIALES ...................................................... 186 

ANNEXE 6 : DES ARMES DANS L’ESPACE ....................................................... 197 

ANNEXE 7 : LA COOPERATION DANS L’ESPACE, LE CAS DE L’ISS .......... 200 

ANNEXE 8 : GALILEO ET LES SYSTEMES GNSS DANS LE MONDE ............ 202 

ANNEXE 9 : LA POLLUTION SPATIALE ........................................................... 205 

ANNEXE 10 : LE TOURISME SPATIAL .............................................................. 209 

ANNEXE 11 : LES ETATS, LES INDIVIDUS ET L’ESPACE .............................. 213 

ANNEXE 12 : « REVOLUTION » SPATIALE ET DEBAT SUR 

L’ARSENALISATION : QUELLES VISIONS POUR L’ESPACE AMERICAIN ? 

................................................................................................................................ 224 

ANNEXE 13 : NATIONAL SPACE POLICY, COMPARAISON ENTRE CLINTON 

ET BUSH. ............................................................................................................... 233 

ANNEXE 14 : OBAMA ET LE NOUVEAU PROGRAMME SPATIAL, LA FIN 

D’UN CYCLE ? ...................................................................................................... 268 


143

Annexe 1 : L’Espace comme milieu 

Les figures suivantes illustrent l‘Espace pris comme environnement. L‘Espace tel 

que nous l‘avons défini est centré sur l‘Espace proche, soit la couronne terrestre et, à la 

limite, son extension jusqu‘à la Lune (voire Mars dans un avenir plus ou moins proche). 

Pour Grouard, quatre sous-ensembles spatiaux peuvent être identifiés : 1) l‘Espace 

circumterrestre, 2) l‘Espace lunaire, 3) l‘Espace solaire, et 4) l‘Espace lointain que 

jamais l‘homme ne pourra observer de visu 1 . Everett Dolman introduit une variante en la 

présence de Terra. Dès lors, peuvent être, selon lui, définis : 1) l‘Espace terrien jusqu‘à 

l‘orbite géostationnaire, 2) l‘Espace lunien jusqu‘à la Lune, et 3) l‘Espace solaire 2 . 


Everett DOLMAN, Astropolitik, op. cit., p. 61. 

L’Espace proche 

Au sein de l‘Espace proche, plusieurs orbites peuvent être précisées. Parmi les 

plus importantes, existent l‘orbite terrestre basse (« Low-Earth Orbit », dite LEO), 

l‘orbite moyenne (« Medium Earth Orbit », dite MEO) et l‘orbite géostationnaire 

(« Geostationary Earth Orbit », dite GEO) et l‘orbite très excentrée (« Highly Eccentric 

Orbit », dite HEO). Chacune présente des caractéristiques spécifiques, renvoyant à des 

1 GROUARD, op. cit., p. 21-26. 


144

usages précis identifiés par l‘Homme : observation, communication, navigation, 

météorologie, etc. 

Fernand VERGER (dir.), Atlas de géographie de l‘espace, op. cit., p. 10-11 


145


Everett DOLMAN, op. cit., p. 57 

Peter HAYS, « Space and the Military », in SADEH, op. cit., p. 340. 

146

Le modèle astropolitique 3 et l’environnement spatial 

Pour Colin S. Gray, « l‘utilisation de l‘espace orbital pour quelque but que ce soit 

est dominée par le besoin de surmonter l‘attraction de la gravité 4 ». La gravité dicte en 

effet sa loi partout où nous allons. Décrire le terrain que cela implique du point de vue 

spatial est difficile. L‘illustration suivante essaie d‘y parvenir. 


Everett DOLMAN, op. cit., p. 63. 

Le schéma fonctionne selon le principe suivant : plus le cercle est large, plus le « puits 

de gravitation » s‘avèrera profond. Dans ces conditions, un voyage dans l‘Espace est 

moins une question de distance linéaire qu‘un effort permettant de passer d‘un point A à 

un point B. Sortir de l‘attraction terrestre et voyager sur 35 000 km requiert ainsi 22 fois 

plus de force que de franchir une distance similaire depuis la surface de la Lune 5 . 

L‘effort de propulsion envisagé introduit la notion de vélocité, également appelée delta- 

v. Ainsi, en terme de delta-v, il est moins coûteux pour un engin spatial de franchir la 

distance séparant la Lune de Mars (56 millions de km), que la Terre de la Lune (385 000 

km). 

Une configuration delta-v avantageuse consiste à trouver des routes capables de 

conduire à l‘objectif avec un minimum d‘énergie dépensée. Pour Dolman, l‘Espace, à 

l‘image de la mer, peut être traversé dans toutes les directions, mais compte tenu de la 

gravité et du coût du transport, seules quelques routes ont été privilégiées et concentrent 

3 Le présupposé est le suivant : « the classical models of geopolitics […] are remarkably transferable to 

the terrain of outer space », ibid., p. 52. Une définition des concepts et notions est offerte plus loin 

lorsque nous discuterons du débat sur l‘arsenalisation de l‘Espace aux Etats-Unis. 

4 GRAY, La guerre au XXI e siècle, op. cit., p. 283. 

147

donc le trafic. Ainsi, pour se déplacer d‘une orbite à l‘autre (pour descendre ou monter), 

un satellite doit d‘abord accélérer afin de se propulser hors de son orbite actuelle avec 

un delta-v vers une orbite dite de transfert d‘Hohmann. Lorsque l‘orbite de transfert 

rencontre l‘orbite désirée, le satellite effectue un nouveau delta-v afin de décélérer et se 

bloquer sur sa nouvelle orbite. Le schéma suivant illustre ce qui vient d‘être décrit. 


Everett DOLMAN, op. cit., p.64. 

Par conséquent, « [g]iven the vital necessity to conserve fuel and increase the productive 

lives of spacecraft, the future lanes of commerce and military lines of communications 

in space will be the Hohmann transfer orbits between stable spaceports 6 ». En outre, les 

satellites doivent se déplacer selon des règles régies par les lois de Kepler 7 . Tout 

contribue à créer une inflexibilité qui accentue le caractère prévisible de tout engin 

spatial, ce qui le rend vulnérable. 

L‘océan territorial et l‘océan spatial partagent donc le même phénomène de point 

d‘étranglement. En 1904, l‘amiral Sir John Fisher, chef d‘état-major de la marine 

britannique proclamait que cinq clés verrouillaient le monde. Il parlait alors de 

Singapour, le Cap de Bonne-Espérance, Alexandrie, Gibraltar et Douvres que la Grande- 

Bretagne gardait avec sa puissance navale 8 . Par leur intermédiaire, l‘empire britannique 

pouvait espérer s‘approcher du contrôle maritime mondial. Or ces points là existent 

aussi dans l‘Espace. Outre les orbites intéressantes dont nous avons parlé, il faut encore 

rappeler l‘existence de ces anomalies gravitationnelles connues sous le nom de « Points 

5 

La gravité terrestre est en effet 22 fois plus élevée que la gravité lunaire, DOLMAN, op. cit., p. 62. 

6 

Ibid., p. 63. 

7 

Voir Annexe 2. 

8 e 

Cité par GRAY, La guerre au XXI siècle, op. cit., p. 285. 

148

de Libration de Lagrange ». Ces points sont situés là où les champs gravitationnels de la 

Terre et de la Lune s‘annulent. Le résultat est qu‘un objet situé à cet endroit restera fixe, 

sans nécessiter pour cela de dépense d‘énergie. En pratique, compte tenu de certaines 

perturbations, seuls les points L4 et L5 sont stables et pourront faire l‘office d‘une 

installation dans le futur 9 . 



Enfin, il ne faut pas négliger l‘importance de la Terre elle-même. L‘astropolique 

définie par Dolman en tient compte. Les sites de lancement sont bien connus. Ils 

obéissent en effet à des critères spécifiques. Le principal d‘entre eux est sans doute la 

proximité avec l‘équateur qui permet de bénéficier au maximum de l‘élan initial donné à 

la fusée par la rotation de la Terre (effet de fronde) 10 . 

9 Les points de Lagrange « would make not only useful and efficient spacecraft launch positions but also 

extraordinarily efficient manufacturing and production sites because the purity of commodit ies created in 

a zero gravity vacuum could be near perfect », HICKMAN et DOLMAN, « Resurrecting the Space Age 

», art. cité. 

10 C‘est pour cette raison, principalement, que Jules Vernes en arriva à déduire la localisation 

approximative du futur Cap Canaveral en Floride. C‘est pour cette raison encore que la France opta pour 

le choix de Kourou après son départ d‘Hammaguir au moment de l‘indépendance algérienne. 

149



En outre, il y a encore la physique qui rend obligatoire la règle selon laquelle tout engin 

spatial doit survoler le point de la Terre situé à l‘antipode du point de lancement. Dès 

lors, étant donné que les installations spatiales potentielles et existantes sont bien 

établies et compte tenu du soutien logistique complexe qu‘il faut entretenir pour accéder 

à l‘Espace, le blocus d‘accès d‘une orbite peut raisonnablement être conçu. 

En définitive, pour Dolman, « the astropolitical dictum that control of certain 

terrestrial and outer-space locations will provide a distinct advantage in efficiency and 

will lead the controller to a dominant position in commercial and military power seems 

assured 11 ». Et effectivement, outre la Terre, le système solaire bénéficie lui-aussi des 

règles de l‘astropolitique. 

150



L’Espace solaire 

Fernand VERGER (dir.), op. cit., p. 9. 

151

Annexe 2 : Histoire d’une conquête 

L‘âge spatial a débuté pour l‘Homme le 4 octobre 1957 ; mais la conquête de 

l‘Espace est, en elle-même, beaucoup plus ancienne. C‘est du moins l‘approche large 

que nous adoptons ici 12 . Avec d‘autres 13 , nous identifions ainsi différents groupes de 

théoriciens ayant au cours du temps pensé les rapports de l‘Homme à l‘Espace. 1) Le 

premier groupe est constitué des théoriciens qui, tels Aristote ou Nicolas Copernic, ont 

les premiers parcouru du regard l‘immensité du ciel et dont les constructions théoriques, 

sont moins des théories au sens moderne du terme, que des visions, car « while these 

visionaries generated interest in the nature, significance and functioning of heavenly 

bodies, many of their ideas were not accurate as scientists have discovered 14 ». 2) Le 

second groupe inclut Johannes Kepler et Sir Isaac Newton. Il s‘agit ici de scientifiques à 

l‘origine de la découverte de certaines lois régissant le mouvement des corps dans 

l‘Espace. 3) Le troisième groupe fait état d‘individus comme Constantin Tsiolkovski, 

Robert Goddard, Hermann Oberth et Arthur C. Clarke dont les prédictions, faites 

quelques décennies avant le début de l‘ère spatiale, sont aujourd‘hui vérifiées. 4) Le 

quatrième groupe inclut ces individus qui, de Wernher von Braun au Président Dwigh D. 

Eisenhower, ont participé aux premiers programmes spatiaux américains et ont intégré le 

politique aux logiques spatiales. 5) Enfin, capitalisant sur l‘héritage des groupes le 

précédant, le cinquième et dernier groupe rassemble les adeptes d‘une théorie du « space 

power » très appréciée outre-Atlantique. 

Nous nous proposons ici d‘esquisser en trois étapes une histoire de la 

« conquête » de l‘Espace par l‘Homme, soit son appropriation tant intellectuelle et 

théorique, que pratique et politique. 

12 « On peut étudier l'histoire de l'astronomie de deux points de vue assez différents : envisager 

l'astronomie comme une science dont on peut suivre les progrès à travers l'amélioration des instruments 

et la découverte d'astres nouveaux et de lois nouvelles, ou relater l'histoire de la pensée astronomique, 

c'est-à-dire étudier comment a évolué, au cours des âges, la conception que l'homme se fait de l'Univers 

qui l'entoure ». A la fois cosmographique, historique et pratique, notre approche tient à la fois des deux 

logiques, Jacques LACQUEUX, Article « Astronomie », Encyclopaedia Universalis, 2008. 

13 JUSELL, Space Power Theory, op. cit., p. 19-20. 

14 Ibid., p. 20. 


152

Première étape de la conquête : la conception de l’Univers depuis 


l’Antiquité grecque 

Stephen Hawking introduit sa Belle Histoire du Temps par l‘anecdote suivante : 

Il y a quelques décennies, un célèbre savant (certains avancent le nom de 

Bertrand Russel) donna un jour une conférence sur l‘astronomie durant laquelle il 

décrivit comment la Terre tourne autour du Soleil et comment le Soleil, à son 

tour, tourne autour du centre de tout un ensemble d‘étoiles qui constituent notre 

galaxie. A la fin de son exposé, une vieille dame, tout au fond de la salle, se leva 

et prit la parole : "Tout ce que vous venez de nous dire n‘est que sornettes. En 

réalité le monde est un disque plat porté par une tortue géante." A quoi le savant 

répliqua avec un sourire insolent : "Et qui porte la tortue ? – Vous êtes très 

astucieux, jeune homme, très astucieux, répondit la vieille dame. Mais il y a des 

tortues empilées les unes sur les autres, jusqu‘en bas !" 15 

Pour ridicules qu‘ils soient, les propos tenus par cette vieille dame ne font que refléter 

une tendance ô combien humaine, celle de se croire au centre du Monde… 

Le groupe des astronomes-philosophes 

Diverses écoles et courants de pensée se succèdent durant l‘Antiquité grecque, 

marquant pendant près de deux millénaires l‘astronomie, notamment occidentale. 

Ainsi Thalès (entre 625 et 547 av. J.-C. environ) est le fondateur de l‘école 

ionienne qui fleurit à Milet et dans l‘île de Samos. Il voit la Terre comme un « disque 

circulaire flottant comme un morceau de bois sur une sorte d‘océan dont la substance est 

source de tout et dont l‘évaporation donne l‘air 16 ». De même, Anaximandre (entre -610 

et -546 environ), un autre milésien disciple de Thalès, enseigne de placer la Terre, isolée 

dans l‘Espace, au centre de l‘Univers, pour y faire tourner autour les divers astres 

supportés par l‘air, alors que les étoiles fixes sont plantées comme des clous dans la 

sphère céleste. 

Vers la fin du VI e siècle, Pythagore (entre -560 et -480 environ) fonde en Italie 

méridionale une nouvelle école. Pour Pythagore et ses disciples, les mathématiques sont 

à la base de tout. Ce besoin d‘harmonie mystique conduit par exemple Parménide (entre 

-515 et -450 environ) à supposer la Terre sphérique – mais davantage à la façon d‘un 

dogme, qu‘en essayant de confirmer cette intuition par l‘observation. De son côté, 

15 HAWKING, Une Belle Histoire du Temps, Paris, Flammarion, 2005, p. 12. 

153

Philolaos (entre la fin VI e et le début du V e siècle environ) introduit un Univers, si ce 

n‘est héliocentrique, du moins dans lequel la Terre n‘est plus placée au centre. Elle est 

au contraire mobile (de même que le Soleil), décrivant en vingt-quatre heures un cercle 

autour d‘un foyer central, trône de Zeus. 

L‘autre grande école de l‘Antiquité est celle d‘Alexandrie, bien représentée par 

Aristarque de Samos (entre -310 et -230) qui affirme, dix-sept siècles avant Copernic, 

que la Terre, loin d‘être fixe, non seulement tourne sur elle-même, mais décrit aussi une 

orbite circulaire autour du Soleil, centre de tous les mouvements. Pour autant, c‘est 

Ptolémée (entre -127 et -151) qui en l‘occurrence va faire autorité à travers sa « théorie 

des épicycles », telle que nous pouvons la trouver dans son Almageste. La Terre y est 

redevenue fixe en centre du Monde. La Lune comme le Soleil gravitent autour d‘elle sur 

des orbites circulaires, tandis que les autres planètes décrivent de petits cercles – les 

épicycles – dont les centres sont eux-mêmes entraînés sur une orbite circulaire – le 

déférent. Il invente ainsi un système permettant de rendre compte des mouvements 

complexes des astres dans un monde centré sur la Terre. 

Cela étant dit, c‘est une quatrième et dernière école qui attire notre attention, 

celle représentée par Athènes au IV e siècle (et donc chronologiquement antérieure). 

Platon (entre -428 et -347 environ), fondateur de l‘Académie, propose certes toujours 

une conception classique du Monde (la Terre immobile sert de centre à l‘Univers), mais 

c‘est en réalité la philosophie sous-jacente qui nous intéresse ici. En effet, la conception 

platonicienne de l‘Univers, bien explicitée par l‘allégorie de la Caverne, va avoir, selon 

nous, deux conséquences. D‘une part, elle va infléchir puissamment le cours de la 

pensée scientifique en envisageant les mathématiques comme une voie d‘accès 

privilégiée vers le monde idéal réel opposé au monde sensible et porteur d‘illusions. 

D‘autre part, elle va renforcer le dualisme distinguant le monde intelligible du monde 

sensible. L‘opposition classique 17 joue en effet sur les différences entre l‘ici-bas 

terrestre, soumis au chaos (et aux hommes), et le monde céleste, incorruptible car 

harmonieux (et habité par les étoiles seulement). Aristote (entre -385 et -322 environ) 

s‘inscrit dans ce manichéisme lorsqu‘il oppose le monde « sublunaire », monde 

16 LACQUEUX, art. cité. 

17 Car s‘il existe plusieurs visions de l‘Univers, de la plus complexe – comme celle de Dante dont 

le « poème sacré » décrit un voyage dans les trois royaumes de l‘au-delà – à la plus simpliste, c‘est 

généralement cette dernière qui l‘emporte. Rappelons ainsi que le mythe de la séparation du ciel et de la 

terre, outre la cosmologie grecque, n‘est pas inconnu des autres peuples et civilisations ; il en constitue 

au contraire un élément récurrent. Claude Lévi-Strauss donne d‘ailleurs comme explication à l‘origine du 


154

imparfait et changeant, comprenant la Terre et tout ce qui se trouve entre la Terre et la 

Lune, au monde « supralunaire » partant de la Lune et s‘étendant au-delà, lieu cosmique 

(du grec Kosmos, monde ordonné) par excellence, où n‘existent plus que des formes 

géométriques parfaites (sphères) soumises à des mouvements réguliers immuables 

(circulaires). 

Cette vision n‘est toutefois plus celle de Nicolas Copernic (1473-1543) qui, dans 

son ouvrage De revolutionibus orbium caelestium (« Des révolutions des orbes 

célestes »), expose une conception du Monde en totale opposition avec ces célèbres 

prédécesseurs (Platon, Aristote et Ptolémée). Son influence sera tout aussi importante, 

mais sa postérité s‘avèrera bien plus déterminante. Pour autant, « la révolution 

copernicienne » n‘est pas scientifique (les conceptions de Copernic ne reposent pas sur 

des faits nouveaux, ni d‘ailleurs sur l‘observation) ; à l‘image de son auteur, elle est 

davantage métaphysique et réside dans l‘abandon génial du dogme géocentrique 18 . En 

témoigne la réaction de l‘Eglise, qui se rend bientôt compte de la portée révolutionnaire 

d‘une telle affirmation : si Copernic n‘en souffre pas directement, Giordano Bruno est, 

lui, brûlé vif en 1600 et Galilée est condamné en 1633 19 . 

Le groupe des scientifiques 

Copernic n‘a pas bénéficié des observations nouvelles dont a rendu compte par la 

suite Tycho Brahe (1546-1601) depuis son observatoire de « Uraniborg » près de 

Copenhague au Danemark. 

C‘est à Johannes Kepler (1571-1630) que revient cet honneur alors qu‘il est 

influencé par le vent nouveau qui souffle sur l‘astronomie occidentale. Toute sa vie 

durant, il va essayer de comprendre les lois rendant compte du mouvement des planètes 

autour du Soleil, également appelées lois de Kepler. 1) Les orbites ne sont plus des 

cercles, mais des ellipses dont le Soleil occupe un des foyers (Loi des orbites). Il s‘agit 

en fait d‘une amélioration du système copernicien pour lequel les trajectoires sont 

mythe la résolution de ce type de contradictions (par exemple, outre ciel-terre, haut-bas, amont-aval, ou 

encore culture-nature). 

18 « Copernic n'est pas un grand observateur. Il est très influencé par la métaphysique. Dans sa théorie, le 

Soleil est placé au centre du Monde parce que c'est l'astre le plus brillant, celui qui fournit chaleur et 

lumière à la Terre. De même, Copernic considère le mouvement circulaire et uniforme comme seul 

possible (c'est "le plus parfait") et la rotation de la Terre sur elle-même comme un mouvement "naturel" 

qui, par conséquent, n'engendre pas de forces centrifuges nuisibles », LACQUEUX, art. cité. 

19 Dans son ouvrage célèbre, d‘ailleurs publié de manière posthume, Copernic prend bien soin de parler 

« d‘hypothèse mathématique commode ». Quant à Galilée (1564-1642), sa célébrité est doublement 

fondée : d‘une part, pour avoir défendu la thèse copernicienne face aux forces obscurantistes, d‘autre 

part, pour avoir introduit, en 1609, l‘usage de la lunette astronomique permettant de révéler des 


155

circulaires. 2) Chaque planète parcourt son orbite de telle manière que le rayon vecteur 

définissant la position de la planète par rapport au Soleil balaie des aires égales en des 

temps égaux (Loi des aires). Ceci implique que la vitesse d‘une planète sur son orbite 

est d‘autant plus grande qu‘elle se trouve près du Soleil (périhélie) et d‘autant plus 

faible qu‘elle en est éloignée (aphélie). 3) Enfin, le carré de la période de révolution T 

d‘une planète est proportionnel au cube du rayon moyen R de son orbite (Loi des 

périodes). Autrement dit : la période de révolution est liée aux dimensions moyennes de 

l‘ellipse. Kepler, s‘il détermine le mouvement réel des planètes, n‘entrevoit toutefois pas 

la cause première de ce mouvement… 

Car pour Kepler, les orbites elliptiques ne sont qu‘une hypothèse ad hoc qui rend 

bien compte des observations, mais qui contredit son idée selon laquelle les planètes 

tournent autour du Soleil en raison des forces magnétiques. L‘explication est fournie par 

Isaac Newton (1643-1727) en 1687 avec la publication de ses Philosophiae naturalis 

principia mathematica (« Principes mathématiques de la philosophie naturelle »). Dans 

cet ouvrage, Newton conçoit la théorie expliquant comment les corps se meuvent dans 

l‘espace et dans le temps, et il développe les mathématiques nécessaires à l‘analyse. La 

mécanique newtonienne s‘élabore autour de trois lois, ou lois du mouvement de Newton. 

1) Un corps isolé possède un mouvement rectiligne uniforme (Principe d‘inertie). Pour 

dire les choses autrement : en l‘absence de force, ce corps ne peut voir son vecteur 

vitesse se modifier. 2) L‘accélération communiquée à un corps est d‘autant plus grande 

que la force qu‘on lui applique est grande ; en outre, l‘accélération communiquée à un 

corps est d‘autant plus grande que la masse du corps est petite (Principe fondamental de 

la dynamique). 3) Enfin, si un corps subit de la part d‘un autre corps une force, alors il 

exerce une force d‘intensité égale mais opposée sur ce même corps (Principe des actions 

réciproques). Cette loi, valable partout dans l‘Univers connu, est également appelée loi 

de la gravitation universelle. Newton met ainsi fin au dualisme antique : sa théorie 

réalise la synthèse de la mécanique terrestre (la chute des pommes) et de la mécanique 

céleste (le mouvement des planètes). 

Bref, le modèle copernicien se débarrasse des sphères célestes de Ptolémée, et 

avec elles, de l‘idée que l‘Univers a une frontière naturelle (soit la sphère la plus 

éloignée). La Terre n‘est pas le centre de l‘Univers, et ni notre Soleil ni notre système 

solaire ne sont uniques. Dès lors, la remise en question tant des dogmes platonico- 

phénomènes invisibles à l‘œil nu. Ainsi, Galilée découvre l‘existence des satellites de Jupiter et des 


156

chrétiens que de la cosmologie aristotélicienne (télescope) met à mal l‘idée du cosmos 

comme univers intangible (apparition et explosion d‘étoiles). L‘idée de cosmos comme 

harmonie vole en éclat. Cette vision a toutefois la vie dure. 

Deuxième étape de conquête (XX e) : au-delà de la théorie… 

Entre les précurseurs et les organisateurs des premières années de l‘âge spatial, la 

transition n‘a pas été facile. Il a fallu motiver et convaincre à la fois le public et les 

gouvernements. Mais nous voyons bien que les idées sont déjà présentes que ce soit 

dans l‘imaginaire ou dans « l‘esprit du temps », et qu‘il ne manque que la technologie 

pour effectuer le saut de la théorie à la pratique. 

Le groupe des précurseurs 

Le groupe des précurseurs est à la fois composé des rêveurs qui ont imaginé le 

vol spatial à travers les siècles et des pères de l‘astronautique dont les constructions 

théoriques et les expérimentations ont fait office de travail pionnier. 

Le lancement du premier satellite Spoutnik, le 4 octobre 1957, est souvent 

présenté comme le début de l‘histoire de l‘Espace. Mais tout n‘a pas commencé ainsi. 

Certes les premières traces sont furtives – comme le montre cette gravure datant du 

néolithique et qui, pour la première fois dans l‘histoire de l‘humanité, donne une 

représentation du Soleil et de la Lune. Elles sont poétiques et philosophiques bien sûr, 

également scientifiques. De cette façon, le vol spatial a plusieurs fois été rêvé. A 

Antioche, dès l‘Antiquité, Lucien de Samosate (entre 50 et 125) fait état, dans son 

Histoire véritable, d‘un voyage vers la Lune effectué à bord d‘un bateau emporté par 

une bourrasque jusqu‘à une hauteur de trois mille stades. De même au XVII e siècle, 

Johannes Kepler imagine un Songe pour diffuser sous une forme romanesque et irréelle 

les thèses coperniciennes qu‘il défend par ailleurs. Il décrit ainsi un aller et retour 

cosmique nécessitant une éclipse de Lune et une éclipse de Soleil et de longues 

explications astronomiques. Mais nous retenons surtout Cyrano de Bergerac (1619- 

1655) dont l‘imagination féconde et « l‘audace burlesque 20 » font l‘inventaire de pas 

moins de neuf moyens d‘aller dans l‘Espace. Nous n‘oublions pas non plus Jules Verne 

(1828-1905) et Herbert George Wells (1866-1946), les « deux monstres sacrés » de la 

Science-fiction. En effet, les extraordinaires coïncidences relevées entre leurs œuvres 

d‘imagination et la réalité des missions spatiales de la seconde moitié du XX e siècle 

phases de Vénus qui témoignent en faveur du système de Copernic. 


157

fascinent 21 . La science détruit des mythes (place de l‘Homme dans l‘Univers, etc.), mais 

elle – ou du moins la représentation de celle-ci – en créé aussi… 

Les caractères techniques de ces anticipations se précisent avec une seconde 

génération, celle des pères de l‘astronautique. Ces pionniers sont toujours à l‘origine de 

prédictions, mais leurs descriptions annoncent une ère nouvelle : l‘exploration de 

l‘Espace n‘est plus une fin en soi ; plus que le voyage interplanétaire, il faut décrire 

l‘envoi d‘engins spatiaux précis et réfléchir aux possibles utilisations de l‘Espace. A la 

fois visionnaires et scientifiques, ces auteurs annoncent le cinquième groupe des 

théoriciens du « space power » sans toutefois s‘identifier complètement à eux. Entre 

1880 et 1945, quatre personnes ont ainsi marqué de façon significative les débuts de 

l‘âge spatial. Il s‘agit du Russe Constantin Tsiolkovski (1857-1935) de l‘Américain 

Robert H. Goddard (1882-1945), de l‘Allemand Hermann Oberth (1894-1989) et du 

Français Robert Esnault-Pelterie (1881-1957). Tous les quatre sont des inventeurs, 

théoriciens toujours, parfois expérimentateurs, passionnés de mathématiques et pour la 

plupart formés à l‘école de Jules Verne. Tsiolkovski est ainsi le « père incontesté » de la 

science moderne des fusées, il en révèle les premières équations de fonctionnement (sur 

la base du principe de l‘action et de la réaction de Newton) et entreprend les premiers 

efforts de dimensionnement (poids, altitudes, vitesse, carburant). Goddard va procéder 

aux premières expérimentations, d‘abord à partir de fusées à poudre, puis sur la base de 

carburants liquides (oxygène-hydrogène) plus énergétiques – comme en 1926 lorsque la 

première fusée moderne s‘élève dans le ciel jusqu‘à une hauteur de 12m, ou en 1935 

quand une de ses fusées dépasse le mur du son. Hermann Oberth est le seul de ces 

pionniers à avoir vu l‘homme marcher sur la Lune. Il est également davantage théoricien 

qu‘expérimentateur 22 . Ainsi, il est à l‘origine de l‘engouement allemand de l‘entre-deux 

20 Selon l‘expression de Boileau dans L’Art Poétique. 

21 Cyrano de Bergerac, dans son Histoire comique des États et Empires de la Lune et du Soleil, parle déjà 

des fusées modernes à plusieurs étages et fonctionnant au carburant liquide. Pour l‘anecdote, rappelons 

l‘épisode du traineau de fer dont le mouvement ascensionnel est créé par un aimant que les voyageurs 

jettent en avant de manière répétée jusqu‘au Soleil ; évoquons aussi les propriétés particulières de la 

moelle de bœuf attirée par la Lune et dont le héros s‘enduit le corps. C‘est toutefois Jules Verne qui 

retient l‘attention à travers ses deux romans, De la Terre à la Lune (1865) et Autour de la Lune (1870). 

L‘auteur manque certes de vraisemblance en faisant de son véhicule spatial un obus tiré d‘un immense 

canon, néanmoins plusieurs points peuvent troubler en ce qu‘ils semblent être annonciateurs du 

programme américain Apollo. Ainsi, tout comme la mission Apollo 11, l‘équipage imaginé par Jules 

Verne est composé de trois astronautes et le vaisseau revient sur Terre en amerrissant dans le Pacifique. 

En outre, le site de départ, Stone‘s Hill, calculé grâce aux soins de l‘auteur, est très proche de la base 

actuelle de Cap Canaveral en Floride. Voir Fernand VERGER, « Géographie de voyages cosmiques 

imaginaires et imaginés », Hermès, 34, 2002, p. 37-44. 

22 Conseiller technique en 1929 dans le film de Fritz Lang, Eine Frau im Mond (« Une femme sur la 

Lune »), il conçoit une fusée à carburant liquide pour la première du film (faute d‘argent et de temps, 

elle ne verra pas le jour). 


158

guerres pour l‘Espace et les fusées, voire certainement un des pères du programme V2 

lors de la Deuxième Guerre mondiale. Enfin, Robert Esnault-Pelterie, le moins connu 

des quatre, est un inventeur de génie, touche-à-tout, à l‘origine du « manche à balai » 

comme du moteur en étoile, passeur plutôt que spécialiste de l‘Espace, bien qu‘auteur de 

certaines publications à sensation. Malgré leurs succès techniques, il est ici frappant de 

remarquer combien ces auteurs ont été solitaires leur vie durant. Si les états-majors de 

l‘entre-deux guerres ont le plus souvent ignoré leurs découvertes 23 , la consécration n‘est 

pour la plupart venue que très tardivement, parfois trop tard 24 . 

Outre les fusées, ces visionnaires ont développé les premiers les aspects 

techniques relevant des stations orbitales ou des combinaisons spatiales. Ils sont ainsi à 

l‘origine, à l‘image d‘Arthur C. Clarke (1917-2008) 25 , de prédictions, qui, quelques 

décennies plus tard, se sont vérifiées. 

Le groupe des utilisateurs : l’histoire spatiale commence 

Ces précurseurs ont été des éléments pionniers. En effet, en anticipant sur 

l‘évolution de la technologie, ils ont permis au groupe suivant d‘élaborer des 

programmes spatiaux cohérents. C‘est notamment le cas des Etats-Unis – pays sur lequel 

nous allons à partir de maintenant fixer notre attention. 

Le quatrième groupe inclut notamment le fameux Wernher Magnus Maximilian 

von Braun (1912-1977), le « père du programme spatial américain ». Ingénieur allemand 

à Peenemünde, membre du parti nazi et officier SS lors de la Deuxième Guerre 

mondiale, von Braun a signé le lancement de la « mère de toutes les fusées » : le V2, le 

premier missile capable de transporter une charge explosive sur 320 km. C‘est à partir 

de celui-ci que se déclinent toutes les versions nationales des fusées de l‘après-guerre et 

23 A l‘exception, il faut le noter, de l‘Allemand Oberth qui n‘a pas souffert (même si c‘est surtout son 

disciple Wernher von Braun qui en a profité) du préjugé généralement accolé aux fusées du fait du 

contexte particulier dans lequel l‘Allemagne se trouvait après le traité de Versailles. La République de 

Weimar devait en effet imposer à la Reichwehr de sérieuses restrictions auxquelles échappaient les 

fusées et les installations militaires de Peenemünde. Le préjugé auquel nous faisons référence s‘inscrit 

dans l‘histoire longue : alors que les fusées (créées en Chine dès le premier millénaire) ont eu un temps 

la faveur des armées du fait de l‘avantage qu‘elles donnaient sur l‘adversaire (missile et roquette), 

l‘artillerie (canon à âme rayé) a tôt fait d‘entrer en concurrence pour reléguer les fusées aux feux 

d‘artifices. Il s‘agit en réalité d‘un va-et-vient continu entre phase hégémonique plus ou moins longue, 

de Crécy au début du XIX e siècle, et du milieu du XIX e siècle jusqu‘au V2. 

24 Le Russe Constantin Tsiolkovski, d‘origine populaire, a sur la fin de sa vie été l‘objet d‘un « culte de 

la personnalité ». Pour l‘URSS, puissance à la recherche de reconnaissance internationale, il était alors 

tentant d‘opérer un rapprochement entre le peuple, la science et l‘Espace. 

25 Le Britannique Clarke tient à la fois des rêveurs de la première catégorie et des théoriciens de la 

seconde. Il en effet l‘auteur de nombreux romans de Science-fiction, dont le plus connu, 2001 : 

l’Odyssée de l’espace (à l‘origine le scénario à la base du film de Stanley Kubrick), de même que de 

nombreux apports d‘ordre plus technique, comme la découverte en 1945 des orbites géostationnaires 

(également appelées en son honneur orbite ou ceinture de Clarke) et de l‘utilisation que l‘Homme 

pouvait en faire. 


159

de la Guerre froide, tant du côté des Soviétiques (et des Chinois par la suite), que du 

côté des Français et des Américains 26 . Ce sont d‘ailleurs les Etats-Unis qui recrutent von 

Braun et 120 autres collaborateurs (opération « Paperclip »). Dès 1954, l‘Allemand 

propose à ses nouveaux employeurs la mise en orbite d‘un satellite (projet Orbiter), mais 

le Président Dwight D. Eisenhower lui préfère le programme Vanguard. Toutefois, les 

succès des Spoutnik soviétiques de l‘année 1957 accélèrent les lancements de telle 

manière que le premier Vanguard échoue rapidement. Les Américains rétablissent alors 

von Braun sur la première ligne de front, et le 1 er février 1958 la fusée Juno place en 

orbite le satellite Explorer 1. Lors de la création de la NASA en 1958, son équipe est 

transférée et von Braun devient lui-même directeur du Centre spatial Marshall 

(Huntsville, Alabama) de la nouvelle agence civile. Il est alors chargé de la conception 

des nouveaux lanceurs, dont les fusées Saturn, et participe aux programmes de vols 

habités Mercury et Gemini, puis Apollo. Ce dernier, inauguré par le Président John F. 

Kennedy en 1961, est un succès lorsqu‘en 1969 une fusée Saturn V emporte Neil 

Armstrong, Edwin Aldrin et Michael Collins vers la Lune. 

La présentation de cet âge spatial déjà bien entamé après l‘exposé des quatre 

premiers groupes invite au bilan sous la forme d‘une chronologie. 


Chronologie spatiale 

1957-2035 

DATE EVENEMENT PAYS 

1957 Lancement du premier satellite (Spoutnik) URSS 

1957 Lancement du premier être vivant (Laïka à bord de Spoutnik-2) URSS 

1958 Lancement du premier satellite américain (Explorer-1) EU 

1959 Premier impact sur la Lune (Luna-2) URSS 

1960 Premier satellite de télécommunications (Echo-1) EU 

1960 Premier satellite d‘étude du Soleil (Pioneer-5) EU 

1960 Premier satellite de météorologie (Tirod-1) EU 

1960 Premier satellite de navigation (Transit-1) EU 

1960 Premier satellite-espion (Discoverer-14) EU 

26 Dès 1945, les futurs vainqueurs se précipitent en Allemagne à l‘Est comme à l‘Ouest. Ainsi, l‘A rmée 

rouge pénètre la première à Peenemünde dont il ne reste plus rien, tandis que les Etats -Unis récupèrent 

l‘essentiel des V2 et V1 des usines d‘assemblage du centre de l‘Allemagne. C‘est toutefois le « capital 

humain » qui suscite les convoitises. L‘URSS transfère près de 2 200 ingénieurs sur son territoire pour 

s‘emparer du savoir-faire allemand. Le résultat sera la fusée R1, copie soviétique du V2 – que les 

Soviétiques prêteront ensuite aux Chinois. De leur côté les Américains ne sont pas en reste, et les 

ingénieurs recrutés serviront de creuset dans l‘après-guerre. Les Français ont également récupéré une 

part de l‘héritage commun du V2 : leur première fusée Véronique en sera le fruit, et leur permettra de 

figurer au troisième rang des pays possédant cette technologie. 

160

1961 Premier homme dans l‘espace (Iouri Gagarine à bord de Vostok-1) URSS 

1962 Premier américain sur orbite (John Glenn à bord de Mercury-Atlas- 


6/Friendship-7) 

1963 Première femme dans l‘espace (Valentina Terechkova à bord de Vostok- 

6) 

EU 

URSS 

1965 Premier sortie extravéhiculaire (Aleksei Leonov à bord de Voskhod-2) URSS 

1965- 

1966 

Programme de vols habités Gemini EU 

1965 Premier satellite français (Astérix, lancé par Diamant-A) France 

1969 Premier amarrage de deux vaisseaux habités (Soyouz-4 et 5) URSS 

1969 Premiers hommes sur la Lune (N.A. Armstrong et B. Aldrin à bord 

d‘Apollo-11) 

1970 Premier satellite japonais (Ohsumi) Japon 

1970 

Premier satellite chinois (Dong Feng Hong-1) 

EU 

Chine 

1971 Premier impact sur Mars (Mars-2) URSS 

1971 Première station orbitale (Saliout-1) URSS 

1971 Premier satellite britannique (Prospero) GB 

1973 Premier survol de Jupiter (Pioneer-10) EU 

1974 Premier survol de Mercure Mariner-10) EU 

1975 Vol habité conjoint Soyouz-Apollo URSS / EU 

1975 Lancement de Viking-1 vers Mars EU 

1977 Lancement de Voyager-1 et 2 vers les planètes géantes EU 

1979 L‘Europe devient puissance spatiale (premier lancement d‘Ariane) Europe 

1980 Premier satellite indien Inde 

1981 Premier vol de la navette américain Columbia EU 

1986 Début de la construction de la station Mir URSS 

1988 Premier satellite israélien (Offeq-1) Israël 

1991 Lancement de télescope Hubble EU 

1995 Record de durée de séjour dans l‘espace (437 jours consécutifs par V. 

Poliakov) 

Russie 

1998 Début de construction de la Station spatiale internationale 16 pays 

2001 Denis Tito, premier « touriste » de l‘espace Russie/EU 

2003 Premier chinois dans l‘espace Chine 

2004 Première sonde européenne autour de la Lune Europe 

2005 La capsule européenne Huygens se pose sur Titan, satellite de Saturne Europe 

2006 Retour sur Terre des particules prélevées par la sonde Stardust dans la 

queue de la comète Wild-2 

2010 Début du retrait de la navette américaine EU 

EU 

161

2020 Fin de fonctionnement de la Station spatiale internationale 16 pays 

2020-30 Retour de l’Homme sur la Lune EU – Chine – 

2030 Présence humaine sur la Lune EU 

2035 L’Homme sur Mars EU - 


Inde 

International 

Troisième étape de la conquête (fin du XX e et XXI e en cours) ? 

Le cinquième et dernier groupe capitalise sur l‘héritage des précédents. Il se sert 

en effet des visions, des travaux et des conclusions pour fonder ce que les Américains 

appellent une théorie (militaire) du « space power ». Il est donc à la fois synthèse et 

tentative de dépassement. 

La meilleure illustration que nous puissions en donner requiert de s‘arrêter à 

nouveau sur la personnalité de von Braun. En effet, celui-ci a beaucoup influencé 

l‘approche spatiale des Etats-Unis. Nous ne parlerons pas tant ici de sa participation 

technique au développement des années 1950 aux années 1970 que de sa contribution 

intellectuelle voire spirituelle à l‘origine d‘une attitude agressive vis-à-vis de l‘Espace, à 

laquelle les historiens ont donné le nom de « Huntsville School 27 ». Cette vision, 

explicitée dans l‘ouvrage de 1975, History of Rocketry and Space Travel, défend l‘idée 

de stations orbitales, de vaisseaux spatiaux pilotés, de même que d‘expéditions 

humaines et robotisées sur la Lune mais aussi sur Mars et Vénus, et les autres planètes 

du système solaire. Ce « paradigme von Braun » de l‘exploration spatial émerge d‘une 

lecture particulière de la « final frontier » américaine : 

Wernher von Braun, the single most important promoter of America‘s space 

effort in the 1950s and 1960s, captured the western myth and use it to justify the 

space program. Although a German immigrant to the US after World War II, he 

was remarkable in his grasp of what made Americans tick. He spoke often of 

"The Challenge of the Century" as a continuation of American exploration and 

settlement. "For more than 400 years the history of this nation has been crammed 

with adventure and excitement and marked by expansion," he said. "Compared 

with Europe, Africa, and Asia, America was the New World. Its pioneer settlers 

27 LAUNIUS Roger D., « Historical Dimensions of the Space Age », in SADEH, op. cit., p. 5. Sur 

l‘héritage von Braun et plus largement les relations entre technologie et violence, voir PEOPLES, 

« Haunted Dreams : Critical Theory and the Militirization of Space », in BORMANN et SHEEHAN, op. 

cit. 

162

were daring, energetic, and self-reliant. They were challenged by the promise of 

unexplored and unsettled territory, and stimulated by the urge to conquer these 

vast new frontiers." 28 

A l‘utilisation de cette métaphore de la frontière propre à von Braun, s‘ajoute le 

corollaire John Kennedy qui contribue à populariser un peu plus l‘attitude agressive et 

conquérante sous-jacente : « [Kennedy] harkened back to the American frontier in 

speaking of what might be gained in the unknown of space. But more important, he 

called upon the adventurousness of the American people and offered the promise of an 

almost utopian change in society as it moved to a new, untainted place where it could 

remake society 29 ». Ceci étant précisé, certains aux Etats-Unis parlent aujourd‘hui de 

« space power theory ». Il s‘agit notamment d‘auteurs militaires ou liés à l‘armée 

américaine (USAF), officiers, stratégistes ou universitaires, proposant tour à tour leur 

définition et interprétation depuis la fin des années 1980. David Lupon, Jim Oberg, 

Colin S. Gray sont les auteurs les plus cités. Depuis 2002, Everett Dolman fait 

également beaucoup parler de lui. Un rapprochement avec von Braun est saisissant. 

28 LAUNIUS, op. cit., p. 7. 

29 Ibid., p. 6-7. 

Colin S. GRAY, « The Influence of Space Power upon History », art. cité. 


163


LAUNIUS, op. cit., p. 7. 

164

Annexe 3 : Les « trois R » 

Martin Wight (1913-1972) « was perhaps the most profound thinker on 

international relations of his generation of British academics 30 ». Son héritage le plus 

significatif est celui des trois images ou traditions, soit le Réalisme, le Rationalisme et la 

variante Révolutionnaire (ou Révolutionnisme) 31 . Chacun de ces « trois R » correspond 

à des idées qui peuvent être qualifiées, plus heureusement selon Hedley Bull, de 

Hobbesienne (ou Machiavélienne), Grotienne et Kantienne 32 . Ces traditions décrites par 

Wight sont « as embodied in and handed down by writers and statesmen 33 ». Pour lui, 

cette typologie est avant tout simplificatrice et renvoie à une littérature tant historique 

(Machiavel, Burke, Bismarck, Churchill, Lénine, Wilson, etc.) que philosophique (Kant, 

Rousseau, Hume, Tocqueville, etc.) et juridique (Grotius, Suarez, Vitoria, etc.) bien plus 

complexe : 

If we speak of these three types of international theory as patterns of thought we 

approach them from a philosophical standpoint. We shall be likely to note the 

[…] logical coherence of the complex of thought and how acceptance of any one 

unit-idea is likely to entail logically most of the others, so that the whole is 

capable of being a system of political philosophy. If we speak of them as 

traditions of thought […] we are likely to notice illogicalities and discontinuities 

because exigencies of political life often override logic. We shall find all kinds of 

intermediate positions 34 . 

Plus spécifiquement, Wight articule les caractéristiques de ces « trois R » autour de 

plusieurs questions qu‘il veut centrales : la nature humaine, la société internationale, le 

rapport avec les Barbares, la puissance, l‘intérêt national, la diplomatie, la guerre ou 

encore le droit. Cette perspective nous a inspiré : nous avons choisi de prendre parti 

pour une nouvelle dimension à laquelle chacun des « trois R » apporterait un point de 

30 Adam ROBERTS, « Foreword », in WIGHT, International Theory, op. cit., p. xxiv 

31 WIGHT, International Theory. The Three Traditions, op. cit. Dans le texte, les Realists, les 

Rationalists et les Revolutionists. La traduction française de ces derniers n‘est pas aisée sauf à inventer 

un nouveau mot ou ajouter une majuscule. Pour parler du dernier « R », nous avons donc choisi de faire 

référence tant à une tradition Révolutionnaire, BATTISTELLA, Théories des relations internationales, 

op. cit., p. 50-51, qu‘à ceux qui peuvent être qualifiés de « révolutionnistes ou d‘universalistes », 

DUFAULT, « L‘Ecole anglaise : Via Media entre ordre et anarchie dans les relations internationales ? », 

in MACLEOD et O‘MEARA (dir.), op. cit., p. 161. 

32 BULL, « Martin Wight and the Theory of International Relations…», art. cité. Martin Wight utilise les 

deux sortes de dénominations. 

33 WIGHT, « Why is there no international theory? », in LINKATER, op. cit., p. 33. 

34 WIGHT, « An anatomy of international thought », art. cité. 


165

vue différent, l‘Espace. Nous reproduisons ici les tableaux-résumés 35 proposés par 

Gabriele Wight et Brian Porter à la fin de l‘ouvrage posthume. 

35 WIGHT, International Theory, op. cit., p. 272-277. 


166


167

En définitive, chacune des trois traditions rassemble les trois conditions 

constituant la matière des relations internationales : pour les Réalistes, il s‘agit de 

l‘anarchie internationale, i.e., l‘absence de gouvernement ; pour les Rationalistes, 

l‘échange continuel et régulier – qu‘il s‘agisse de la diplomatie, du droit international et 

de toutes les autres formes d‘interdépendance – est primordial ; les Révolutionnaires 

enfin mettent en avant la solidarité morale de la communauté latente de l‘humanité 

constituée par la société mondiale des hommes, dissimulée derrière la fiction des 

Etats 36 . Pour cette raison, Wight se refuse à choisir l‘une d‘entre elles au détriment des 

deux autres, car « [w]hen I scrutinise my own psyche, I seem to find all these three ways 

of thought within me 37 ». Telle est la conclusion sur laquelle son ouvrage s‘achève : 

I find my own position shifting round the circle. You will have guessed that my 

prejudices are Rationalist, but I find I have become more Rationalist and less 

Realist through rethinking this question during the course of giving these 

lectures. If I said Rationalism was a civilizing factor, Revolutionism a vitalizing 

factor, and Realism a controlling disciplinary factor in international politics, you 

36 Ibid., p. 7. 

37 WIGHT, « An anatomy of international thought », art. cité. 


168

might think I was playing with words, but I hope I have shown that there is more 

substance to international theory than that 38 . 

Si Martin Wight parle de « cercle », c‘est parce que, pour lui, chacune des traditions 

incarne une part de la réalité sans jamais véritablement s‘opposer aux deux autres. Tout 

au contraire, celles-ci se chevauchent et s‘entrecroisent : 

The three traditions are not like three railroad tracks running parallel into 

infinity. They are not philosophically constant and pure like three stately, tranquil 

and independent streams […]. They are streams, with eddies and cross-currents, 

sometimes interlacing and never for long confined to their own river bed […]. 

They both influence and cross-fertilize one another, and they change without, I 

think, losing their inner identity 39 . 

Pour cette raison, Martin Wight n‘hésite pas à pratiquer des subdivisions montrant à la 

fois les similitudes et les différences entre les traditions, de même que la complexité 

existant à l‘intérieur de chacune d‘entre elles. Les deux figures suivantes illustrent ce 

point-là 40 . 

38 WIGHT, International Theory, op. cit., p. 268. 

39 Ibid., p. 260. 


169

L‘accent mis sur le continuum, plus que sur l‘opposition est à mettre au crédit de Martin 

Wight 41 . Telle est également l‘approche autour de laquelle nous avons choisi d‘axer la 

construction de notre première partie. Le fait est qu‘aucun individu ne peut 

véritablement être classé à l‘intérieur d‘une seule tradition : des anomalies existent. 

C‘est également vrai pour les auteurs qui sont censés avoir « inspiré » chacun des 

« trois R », qu‘il s‘agisse de Machiavel, Rousseau, Hobbes, Locke, Grotius, Marx ou 

Kant. Rousseau est certainement l‘auteur le plus symptomatique de cette tendance. Jean- 

Jacques Rousseau (1712-1778) peut en effet être vu comme le représentant par 

excellence de la tradition Réaliste. Ses conclusions sont identiques à celles de Hobbes. 

Pour autant, son point de départ est très différent. Alors que pour Hobbes, l‘homme est 

un loup pour l‘homme qui, dans l‘état de nature, est laissé à lui-même, c'est-à-dire libre 

d‘accéder à ses désirs « pour le profit, […] la sécurité et […] la réputation 42 » lesquels 

cependant le contraignent et rendent sa vie « solitaire, misérable, dangereuse, animale et 

brève 43 », Rousseau dépeint au contraire l‘état de nature sous les traits du « bon 

sauvage » qui, loin de chercher le conflit avec autrui, vit seul et content, car « se 

40 Ibid., p. 159-160. 

41 Wight parle d‘un spectre variant de l‘infrarouge à l‘ultra-violet, ibid., p. 216. Il n‘est pas le seul à faire 

cette remarque. « Worldviews align themselves on spectrums ; they do not fall into neat boxes », 

DOYLE, Ways of war and peace, op. cit., p. 209. 

42 HOBBES, Léviathan, op. cit., p. 224. 

43 Ibid., p. 225. 


170

assasiant sous un chêne, se désaltérant au premier ruisseau, trouvant son lit au pied du 

même arbre qui lui a fourni son repas, et voilà ses besoins satisfaits 44 ». Pour Hobbes, 

c‘est donc la crainte que les hommes éprouvent envers leurs semblables qui les pousse à 

conclure entre eux un contrat social, afin de transformer l‘état de nature égoïste, solitaire 

et conflictuel, en un état de société politique où la sécurité est assurée par un unique 

représentant-souverain. Pour Rousseau, ce qui légitime le contrat social est quelque peu 

différent. Comme l‘indique la métaphore du chasseur de cerfs, l‘état de nature, a priori 

idyllique et pacifique, n‘est synonyme d‘état de guerre que parce que les individus ne 

peuvent se fier au comportement de leurs semblables. Ainsi, les hommes, bien que 

naturellement bons, ressentent ce que chacun subit dans l‘état d‘anarchie lorsqu‘aucune 

autorité ne vient sanctionner les tricheurs : l‘incertitude subjective, et celle-ci conduit 

directement à l‘insécurité objective. Pour Hobbes comme pour Rousseau, il en va de 

même pour les Etats dont aucun contrat social ne précise les relations. Les deux auteurs 

voient donc dans l‘anarchie une donnée constante, « une structure déterminant le 

comportement des Etats » au niveau international. Tous les deux sont donc réalistes 45 . 

Cela étant dit, rappelons que Martin Wight considère Rousseau comme faisant 

partie intégrante de la tradition Kantienne. Cette perspective est cohérente avec celle 

mise en avant par David Boucher qui met l‘accent sur « Rousseau‘s Ambiguity » dans 

son livre Political Theories of International Relations, tout en inscrivant le philosophe 

dans son troisième courant de la raison historique. Nous pouvons ainsi lire : 

Rousseau is notorious for the ambiguity that surrounds many of his most 

important doctrines. […] Since Rousseau‘s death in 1778 interpreters of his 

thought have taken very different views on his intended meaning. […] In his 

political theory of international relations he has mostly been misrepresented as an 

advocate of Abbé de Saint-Pierre‘s Project for Perpetual Peace, misunderstood as 

an unremitting pessimist and an exponent of Realism who grasped the essential 

44 Jean-Jacques ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes 

(1754), dans ROUSSEAU, Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes et 

autres textes, Paris, Garnier Flammarion, 1992, p. 172. 

45 BATTISTELLA, op. cit., p. 59. D‘ores et déjà, signalons une incongruité : Rousseau définit en réalité 

deux « états de nature ». Le « bon sauvage » est au centre du premier état : les hommes n‘y sont guère 

différents des animaux. La métaphore de la chasse au cerf est au cœur du second : les hommes ont 

désormais accédé à leur pleine humanité puisqu‘ils entretiennent des rapports civils entre eux, même si 

peu à peu l’amour propre l‘emporte sur l’amour de soi. Outre d‘être un réaliste, Rousseau est un membre 

du « wilful realism », voir WILLIAMS, The Realist Tradition and the Limits of International Relations, op. cit., 

p. 52-81. Outre Rousseau, ce courant est incarné par Hobbes et Morgenthau. Il se caractérise par le 

scepticisme, la relationalité et l‘accent mis sur les politiques de puissance, ibid., p. 5-7. Plus 

précisément, il n‘est pas « a rationalist theory of anarchy that presupposes certain forms of knowledge, 

subjectivity, states, and anarchy. It is a reflection on the politics of the construction of knowledge », p. 9. 


171

principles of power politics in opposition to Kantian Idealism, or regarded as a 

structural or neo-Realist who portrayed war as endemic in the international 

system 46 . 

C‘est justement cette dernière analyse que nous avons décidé de privilégier. Michael 

Doyle exprime très bien le point de vue que nous avons cherché à traduire lorsqu‘il dit 

que « Rousseau is a Realist, but a remarkably complicated one. If Thucydides was wise ; 

Machiavelli, brilliant ; and Hobbes, rigorous ; Rousseau is profound 47 . » 

Notons pour finir que Kant (1724-1804) lui-même ne se prête pas facilement au 

jeu de la classification. Alors que le Kant de Vers la paix perpétuelle (1795) relève 

plutôt de la deuxième tradition, son Idée d’une histoire universelle d’un point de vue 

cosmopolite (1784) le place au sein de la tradition Révolutionnaire 48 . En outre et bien 

que sa conception de l‘anarchie soit tout autre 49 , Kant rejoint Hobbes sur au moins un 

point lorsqu‘il écrit : « [l]‘état de paix parmi des hommes vivant les uns à côté des 

autres n‘est pas un état de nature […] : celui-ci est bien plutôt un état de guerre : même 

si les hostilités n‘éclatent pas, elles constituent pourtant un danger permanent 50 ». Dans 

ces conditions, de quelle façon devons-nous considérer ces « traditions » ? Il ne faut pas 

oublier que les « trois R » se voulaient être la réponse de Wight à l‘idée selon laquelle il 

n‘existe aucun corpus de relations internationales séparé de ses formes légales, 

historiques et philosophiques 51 . 

46 BOUCHER, Political Theories of International Relations, op. cit., p. 291. 

47 DOYLE, op. cit., p. 138. Voir aussi WALTZ, Man, the State and War, op. cit., p. 165-186 et 

BATTISTELLA, op. cit., p. 55-59. En définitive, nous pouvons noter que « Rousseau belongs to both the 

realist and contractarian traditions, but a difference in his basic philosophical principles makes his 

realism milder than that of Hobbes or Spinoza », Steven FORDE, « Classical Realism », in Terry 

NARDIN et David R. MAPEL (eds.), Traditions of international ethics, Cambridge, Cambridge 

University Press, 1992, p. 78. A l‘inverse, Frédéric Ramel a choisi de mettre en avant l‘intégralité du 

Jugement sur le Projet de paix perpétuelle de l’abbé de Saint-Pierre, Philosophie des relations 

internationales, op. cit., p. 238-247. 

48 Alors que Martin Wight préfère placer Kant au sein de sa tradition Kantienne (mais il note que Kant 

rejette « the Revolutionary Kantian principe […] that the end justifies the means », op. cit., p. 162), 

David Boucher l‘inscrit dans la deuxième tradition de l‘ordre moral universel. Doyle, quant à lui, met 

Kant au cœur de son chapitre sur le libéralisme et la paix démocratique. Enfin, Dario Battistella situe 

Kant au niveau de la tradition globaliste qui voit l‘anarchie comme un moment dialectique. 

49 Pour lui, l‘anarchie internationale n‘est pas a-historique à la façon réaliste, mais un « dessein de la 

nature ». « Autrement dit, selon Kant, l‘état d‘anarchie, pour être empiriquement un état de guerre, n‘en 

est pas moins potentiellement un état de paix, une communauté mondiale en gestation du fait même des 

actions humaines ; en quelque sorte, les relations interétatiques ne sont que la façade des relations 

internationales sous le niveau superficiel desquelles pointe la communauté mondiale, dont les Etats sont 

les vecteurs sans en être conscients », BATTISTELLA, op. cit., p. 65-66. 

50 Emmanuel KANT, Vers la paix perpétuelle (1795), dans KANT, Vers la paix perpétuelle et autres 

textes, Paris, Garnier-Flammarion, 1991, p. 83. 


172


Qu’est-ce qu’une tradition ? 

Il faut tout d‘abord souligner que la philosophie des relations internationales ne 

se confond pas avec la théorie des relations internationales. Sur la base des réflexions de 

Raymond Aron 52 , Frédéric Ramel note : 

La théorie renvoie à un système hypothético-déductif animé par la volonté de 

savoir "pour prévoir et pouvoir". La philosophie des relations internationales, 

quant à elle, ne vise pas à élaborer une loi ou à repérer des régularités 

susceptibles de donner lieu à des généralisations scientifiques. Elle consiste, sur 

la base d‘une anthropologie et d‘une définition de la nature humaine – 

philosophie qui repose sur une métaphysique – ou d‘une compréhension directe 

de l‘action politique – un certain nombre d‘approches depuis Machiavel –, à 

mener une réflexion générale sans référence à un appareillage méthodologique ou 

le recours à des hypothèses destinées à être vérifiées. Il s‘agit de représentations 

du monde international à caractère normatif ou contemplatif 53 . 

Dans cette optique, l‘utilité de la philosophie est donc double 54 . 1) Elle clarifie les 

fondations des théories. La théorie des relations internationales comporte une dimension 

normative que la philosophie éclaire et aide à rendre transparente. Dès lors, la 

philosophie s‘oppose aux simplifications. Elle vise à « rappeler à la modestie les 

internationalistes contemporains […], volontiers enclins à croire que leur époque est 

unique, et leur savoir inédit 55 ». 2) Son autre fonction majeure consiste à donner du sens. 

Que ce soit au moment de la guerre civile anglaise, du tremblement de terre de Lisbonne 

ou des événements tragiques de l‘après Guerre froide, la philosophie aide à 

s‘orienter pour « penser l‘événement 56 . » 

Pour Ramel, les « trois R », bien qu‘utiles, restent taxinomiques 57 . Pour nous, les 

réflexions théoriques de Martin Wight recoupent au contraire ces deux dimensions, et 

51 WIGHT, « Why is there no international theory ? », op. cit. 

52 ARON, « Qu‘est-ce qu‘une théorie des relations internationales ? », art. cité. 

53 RAMEL, « Introduction : La sagesse des relations internationales ou la quête du Graal », op. cit., p. 11 

n. 4. Voir aussi BATTISTELLA, op. cit., p. 27-29. 

54 Frédéric RAMEL, « Introduction : Quand Sophia rencontre Arès : des intérêts de la philoso phie en 

Relations internationales », Études internationales, 38 (1), 2007, p. 5-17. 

55 BATTISTELLA, op. cit., p. 69, n. 53. La philosophie, note Martin Wight, aide à « escape from the 

Zeitgeist, from the mean, narrow, provincial spirit which is constantly assuring us that we are at the peak 

of human achievement, that we stand on the edge of unprecedented prosperity or an unparalleled 

catastrophe […]. It is a liberation of the spirit to acquire perspective, to recognize that every generation 

is confronted by problems of the utmost subjective urgency, but that an objective grading is probably 

impossible; to learn that the same moral predicaments and the same ideas have been explored before », 

International Theory, op. cit., p. 6. 

56 RAMEL, « Introduction : Quand Sophia rencontre Arès… », art. cité. 

57 Ibid. 

173

s‘inscrivent d‘ailleurs davantage au sein de questionnements philosophiques que 

d‘études scientifiques. Preuve en est l‘expression employée : pour Wight, « international 

theory is the political philosophy of international relations 58 ». En outre, par tradition, 

Wight ne veut pas signifier que les adhérents à telle façon de penser ont été pour 

toujours influencés et guidés par les écrits de leurs prédécesseurs. En témoigne la 

tradition Révolutionnaire dont il est plus facile de montrer les discontinuités que les 

continuités 59 . Mais la même chose peut être dite à propos du Réalisme 60 ou du 

Rationalisme. Dès lors, il faut remarquer, avec David Yost, que « the traditions are not 

straitjackets, but organizing frameworks used to group closely related and often 

interdependent ideas together 61 . » 

Et pour cause, selon Alex Bellamy, une tradition évoque deux choses 62 . 1) Une 

tradition est d‘abord une forme d‘héritage intellectuel. Elle est un mode de pensée relié à 

un passé perçu comme faisant office d‘autorité : de génération en génération, chaque 

auteur va se justifier par rapport à un stock de références plus anciennes. L‘envers du 

décor est que « it can read the present into the past, looking for signs from history to 

confirm modern predilections 63 ». 2) Il existe donc une seconde signification selon 

laquelle une tradition est une invention non intentionnelle, fonction d‘une pensée 

moderne, et non d‘une existence passée explicite et consciente. Dans cette logique, celle 

choisie par Wight, « the three traditions are therefore best understood as externally 

imposed analytical categories that enable the identification and study of the key 

dilemmas of world politics 64 ». Dit autrement, les traditions sont des constructions, non 

des descriptions de la réalité telle qu‘elle est, mais des catégories permettant de 

comprendre celle-ci. Elles ne sont pas des objets existants, mais des idées qui ont été 

rassemblées dans le but de nous aider à comprendre « how world politics is and how it 

ought to be 65 ». Cela est d‘autant plus vrai que les traditions apportent chacune une 

réponse différente à un dilemme tant normatif que pratique. Ainsi, pour les Réalistes, la 

responsabilité première des leaders de chaque pays est de prendre soin de ses citoyens, 


59 Ibid., p. 12. 

60 En parlant du réalisme classique, Steve Forde nous rappelle que ces penseurs réalistes ne se sont 

jamais perçus en tant que représentants d‘une tradition spécifique, au contraire, ils se sont davantage vus 

comme des « innovators », « Classical Realism », in NARDIN et MAPEL, op. cit., p. 62. 

61 YOST, « Political philosophy and the theory of international relations », art. cité. 

62 Alex J. BELLAMY, « The English School », in GRIFFITHS, International Relations Theory for the 

Twenty-First Century, op. cit., p. 78-80. 

63 Ibid. 

64 Ibid. 

65 Ibid, p. 80. 


174

compte tenu des exigences du contrat civil. Les Rationalistes, eux, pensent que la 

responsabilité de chaque Etat dépend du droit international. Quant aux Révolutionnaires 

(dans leur variante évolutive), ils se figurent les Etats – notamment les Etats libéraux – 

comme étant liés par un sentiment de responsabilité morale non seulement pour leurs 

citoyens, mais plus largement pour tous les individus. Ce faisant, l‘étude des relations 

internationales devient une contestation perpétuelle entre les trois images, et la politique 

mondiale un combat entre ces trois formes de responsabilité. 


Critiques et alternatives 

Il faut tout d‘abord noter que les « trois R » de Martin Wight n‘ont pas de 

monopole en matière de subdivision. Outre l‘analyse duale de Carr et Morgenthau contre 

laquelle s‘inscrivait Wight 66 , de nombreuses autres typologies existent. Nous 

connaissons déjà les « trois images » auxquelles Kenneth Waltz fait référence 67 . Michael 

Doyle adopte lui aussi une triple grille d‘analyse pour étudier ses Ways of War and 

Peace (Réalisme, Libéralisme, Socialisme) 68 . Trois traditions sont également retenues 

par David Boucher (réalisme empirique, ordre moral universel et raison historique) 69 . 

Terry Nardin et David Mapel évaluent, quant à eux, pas moins de douze traditions 

mêlées au sein du domaine de l‘éthique internationale 70 . 

Viennent ensuite les critiques. Celles-ci sont de deux sortes. 1) Les premières 

mettent l‘accent sur la dimension procrustéenne d‘une telle classification. Mais comme 

nous l‘avons déjà noté, Martin Wight fait bien plus qu‘une simple œuvre taxinomique. 

La complexité de chaque auteur est préservée, quoi qu‘en disent les critiques 71 . Plus que 

tout autre classification, les « trois R » essaient de rendre justice à chacun. Comme le 

note David Yost : 

Theory might be defined as a quest for truth in the form of general principles 

that are consistent, to the maximum extent possible, with historical accuracy. 

Most generalizations, however, involve some simplification and hence some 


67 WALTZ, Man, the state and war, op. cit. 

68 DOYLE, op. cit. Doyle parle de trois « worldviews » combinant deux projets (l‘un, empirique et 

analytique, s‘interrogeant sur les causes de la guerre et de la paix, l‘autre, plus normatif, porteur de 

valeurs politiques spécifiques) et inspirés des « trois R » de Martin Wight (p. 30-32) auxquels il ajoute 

une lecture verticale influencée par Kenneth Waltz (p. 28-30). 

69 BOUCHER, Political Theories of International Relations, op. cit. 

70 NARDIN et MAPEL, Traditions of International Ethics, op. cit. Ces derniers perçoivent la tradition 

comme un paradigme (les auteurs se fondent au sein d‘une communauté) alors que Martin Wight définit 

la tradition comme une méthode (anti-behaviouraliste), Timothy DUNNE, « Mythology or 

methodology ? Traditions in international theory », Review of International Studies, 19 (3), juillet 1993, 

p. 305-318. 

175

injustice to the complexity of a specific historical context and the richness of a 

specific thinker's ideas. The three traditions identified and analysed by Wight are 

no exception, as he pointed out. Wight's organization of the ideas is nonetheless 

more faithful to the intricate and elusive historical realities in question – and less 

unjust to specific thinkers and patterns of thought – than many other 

arrangements that have been proposed. The traditions outlined by Wight 

encompass all the major political philosophers of the Western states-system, with 

most of the distinctions well justified and the anomalies and shortcomings 

inherent in any system of classification fully acknowledged 72 . 

2) Les autres critiques mettent l‘accent sur l‘européocentrisme dans lequel Martin Wight 

ne peut que fatalement tomber à n‘étudier que des auteurs occidentaux. Or cet argument 

nous semble injuste. Certes, Wight ne fait que quelques observations vis-à-vis du monde 

islamique, de l‘Inde ou de la Chine, tout en cherchant, pour reprendre le discours de 

Tocqueville, à « retrouver quelles sont […] les principales idées qui ont eu cours dans 

le genre humain 73 ». Pour autant, comme le note David Yost, « it is essential to 

understand these traditions because they have shaped international institutions and 

general attitudes and policies, even […] in non-Western societies 74 ». En outre, Yost 

souligne combien l‘étude des « trois R » peut constituer un bon point de départ en vue 

d‘explorer les traditions non-occidentales : des parallèles avec les traditions occidentales 

peuvent-ils être dessinés ? En quoi les traditions non-occidentales diffèrent ? Comment 

ces différences peuvent-elles être expliquées ? Martin Wight propose déjà quelques 

idées. Il note ainsi que « in Hindu political thinking there is not Rationalist tradition 75 », 

de même, il s‘essaie à une lecture tripartite de la philosophie chinoise parallèle aux 

traditions Réaliste, Rationaliste et Révolutionnaire 76 . 

D‘autres problèmes peuvent encore être questionnés 77 , mais, pour résumer, tout 

cela ne peut empêcher que « Martin Wight still deserves to be read as someone who has 

written widely about the cultural and moral dimensions of international relations, and 

71 Voir Roy JONES, « The English School of international relations: a case for closure », art. cité. 


73 TOCQUEVILLE, Discours à la Séance publique annuelle de l’Académie des Sciences morales et 

politiques, op. cit. Ce passage est cité par Martin Wight, International Theory, op. cit., p. 6. 



76 Ibid., p. 66-69. Selon l‘auteur, la philosophie Rationaliste rappelle le Confucianisme, quand la 

tradition Révolutionnaire évoque le Taoïsme. Quant aux Réalistes, un parallèle peut être identifié avec 

l‘école de droit de Fa Chia. 

77 Voir David BOUCHER, « Introduction », in Political Theories of International Relations, op. cit., p. 

3-23. 


176

his work is a constant reminder that what may appear to be new disputes in the field 

about contemporary issues are in fact extensions and manifestations of very old 

arguments, albeit couched in a different idiom 78 . » 

78 « Martin Wight », in GRIFFITHS, ROACH et SOLOMON, Fifty Key Thinkers in International 

Relations, op. cit., p. 245-246. 


177

Annexe 4 : Le droit de l’Espace 

La rapidité de la conquête de l‘Espace circumterrestre et la nature même du 

milieu ont contraint le droit spatial à se constituer dans des délais très courts sans qu‘il 

puisse véritablement s‘appuyer sur des pratiques coutumières, à l‘image du droit de la 

mer. A cela, il faut ajouter que l‘évolution du droit spatial a été profondément influencée 

par l‘opposition entre le capitalisme et le communisme, de même que par l‘émergence et 

la fin de la Guerre froide, voire par l‘apparition d‘un monde en développement distinct 

du monde développé. Dans ces conditions, selon Nathan C. Goldman : 

The evolution of space law can be arranged according to three-eras encompassing 

the classical period (1957 to 1979), transitional period (1980 to 1991), and 

modern period (1992 to the present). This approach focuses on changing political 

and technological realities as a basis for understanding the evolution of the laws 

governing activities in outer space 79 . 

La première époque (1957-1979), qualifiée de classique, a été le témoin de la naissance 

des principaux traités et documents concernant le droit de l‘Espace. Les logiques de la 

Guerre froide n‘ont pu dès lors qu‘en imprégner la structure – comme en témoignent la 

prédominance des Etats et les références aux activités militaires dans l‘Espace, donnant 

au droit spatial classique « a pro-state, anti-free enterprise orientation 80 ». L‘âge de 

transition (1980-1991) est, lui, placé sous le signe de l‘ouverture : de nombreux Etats 

intègrent désormais l‘Espace dans leurs politiques. A cela, il faut ajouter l‘idée selon 

laquelle l‘Espace se fait pluriel : compte tenu des applications commerciales qui se 

multiplient, le droit public de l‘Espace voit émerger un droit national de l‘Espace, mais 

aussi divers droits privés à même de le concurrencer. D‘ailleurs, la période moderne (de 

1992 jusqu‘à maintenant) continue de voir l‘emprise de la technologie et de l‘économie 

de marché grandir. Et pour cause, la chute de l‘URSS n‘a pu que provoquer un 

renouveau du droit spatial, tant international que national, tourné vers le développement 

commercial de l‘Espace 81 . 

79 

Nathan C. GOLDMAN, « Space Law », in SADEH, op. cit., p. 164. 

80 

Ibid. 

81 

Cette classification en trois grands âges de l‘Espace nous paraît propre à capturer l‘évolution du 

régime de l‘Espace. Elle nous semble plus adéquate que l‘opposition simpliste distinguant un avant (de 

1957 à 1991) d‘un après-Guerre froide (1992 jusqu‘à maintenant). 


178


Le régime de l’Espace 

Le droit de l‘Espace doit être compris comme la branche du DI qui traite des 

activités des Etats dans l‘Espace. Malgré l‘absence de limite juridiquement définie, dès 

le début les nations ont entrepris d‘instituer des règles spécifiques aux activités 

spatiales, y compris des règles de droit privé – sans pour cela, recourir aux principes 

déjà applicables à l‘espace aérien ou maritime. Les questions relatives à l‘Espace furent 

confiées à l‘Assemblée générale de l‘ONU (AGNU) au travers d‘un comité spécifique. 

Les réponses juridiques furent données très rapidement : en 1963, l‘AGNU adoptait une 

résolution qui consacrait les principes fondamentaux relatifs à l‘Espace ; il est exploré et 

utilisé pour le « bien commun de l‘Humanité » ; il n‘est pas susceptible d‘appropriation 

et ne peut être l‘objet d‘aucune souveraineté nationale ; en outre, la responsabilité des 

Etats est engagée pour toutes les activités menées sous leur juridiction. Dans ces 

conditions, pouvons-nous parler de « régime 82 » de l‘Espace ? 

Selon la définition classique de Stephen Krasner : « [r]egimes can be defined as 

sets of implicit or explicit principles, norms, rules, and decision-making procedures 

around which actors' expectations converge in a given area of international relations 83 ». 

Ainsi, les régimes représentent un ensemble de rôle sociaux, de normes et de règles. 

L‘élément central, ici, est sans doute la convergence des attentes des acteurs : la 

dimension cognitive est cruciale. Les règles sont suivies parce qu‘elles sont perçues 

comme légitimes, malgré l‘absence de coercition. Les régimes n‘impliquent pas 

forcément de traités formels puisque nous pouvons identifier des règles informelles, des 

croyances partagées ou des pratiques routinisées considérées comme légitimes par les 

acteurs sociaux concernés 84 . Dans le cas du régime de l‘Espace, nous pouvons remarquer 

la présence du principe (énoncé théorique) selon lequel l‘Espace est l‘apanage de 

l‘humanité et de normes (modèles généraux de comportement) selon lesquelles aucune 

nation ne doit dominer et mener des activités militaires dans l‘Espace. De même, les 

règles (actions prescrites) et les procédures décisionnelles (règles procédurales 

concrètes) sont présentes. 

L‘évolution historique témoigne de l‘existence d‘un régime. En effet, la 

communauté internationale a très rapidement reconnu le danger d‘un Espace non régulé. 

82 Différentes théories des régimes existent. Les néoréalistes (gains relatifs) s‘opposent aux néolibéraux 

(gains absolus) et aux constructivistes (idées). 

83 Stephen KRASNER, « Structural Causes and Regime Consequences: Regimes as Intervening 

Variables», International Organization, 36 (2), printemps 1982, p. 185-205. 

179

Un des enjeux les plus significatifs est certainement celui de savoir jusqu‘où s‘étend la 

souveraineté des Etats : à partir de quel point s‘arrête l‘espace aérien et commence 

l‘Espace ? Par convention, les Etats acceptent généralement de situer cette limite à 100 

km (sauf en ce qui concerne les pays de la déclaration de Bogota). Dès 1957, 

l‘utilisation pacifique de l‘Espace, de même que le principe de non-appropriation ont 

également été mis en place. A cela, il faut ajouter l‘existence de la coutume. La non- 

revendication de la souveraineté des Etats-Unis sur la Lune le prouve. En témoigne aussi 

la non-protestation contre le survol des territoires nationaux par Spoutnik et ses 

successeurs après 1957. De fait, le régime de l‘Espace prend forme autour du principe 

selon lequel « outer space may be used for peaceful and scientific purposes without 

regard to subjacent sovereignty 85 ». Cela implique que le régime légal qui en est issu est 

« essentially negative. It is a regime of self-denying, self-policed rules accepted today 

by most if not all the states of the world 86 . » 


Logique et faiblesse 

C‘est précisément ce que reprochent Hickman et Dolman au régime actuel : 

« [t]he regime of outerspace as typified by international agreement and committee action 

has ostensibly been created on the overarching principle that space is the common 

heritage of all mankind, and on the norms that no nation should dominate there nor 

should large-scale military weaponry and activities be allowed there 87 ». Ainsi, toutes 

les activités spatiales (publiques ou privées) ont été internationalisées, alors que 

l‘Espace entier était collectivisé : chaque membre des Nations Unis possède 

collectivement l‘Espace et les corps célestes. Contrairement à la tradition établie depuis 

Rome, l‘adage Res nullius naturaliter fit primi occupantis – voulant que tout territoire 

inoccupé puisse faire l‘objet d‘un droit d‘appropriation – n‘a pas été repris. La 

distinction entre res communis (les choses qui appartiennent à tout le monde) et res 

nullius (les choses qui n‘appartiennent à personne) a été oubliée pour signifier plus ou 

moins la même chose. Certes, la règle du res communis a fait l‘objet d‘un long débat au 

moment de la Guerre froide. L‘URSS s‘opposait à une expression qu‘elle jugeait 

capitaliste. Toutefois, les Soviétiques ont rapidement reconnu l‘intérêt qu‘ils avaient à 

84 L‘enjeu des débris, pour le moment, géré du point de vue des Etats pris individuellement, peut 

suggérer une telle analyse, voir Annexe 9. 

85 Cité par BECK, The Global Commons, op. cit., p. 141. 

86 Cité par ibid., p. 142. 

87 HICKMAN et DOLMAN, « Resurrecting the Space Age…», art. cité. 

180

approuver cette dénomination alors qu‘ils étaient les premiers à la fois pour 

l‘infrastructure et les lancements réussis. Ils pouvaient dès lors exploiter et tirer profit 

de l‘Espace avant tout le monde. Dans ces conditions, la protestation suivante est venue 

des Having Not. Pour les pays les moins développés de la planète, si l‘Espace est 

effectivement la propriété commune de toute l‘humanité, alors tous les Etats, « quel que 

soit le stade de leur développement économique ou scientifique 88 » devraient en tirer les 

bénéfices à proportion égale. Cette idée a influencé le Traité de 1979 en donnant une 

tournure nouvelle à la notion de res communis, celle de « patrimoine commun de 

l‘humanité » impliquant l‘obligation pour les Etats d‘utiliser les ressources spatiales 

pour le bénéfice de tous. 

Le principe de « l‘accès pour tous » a été transformé en « bénéfice pour tous ». 

Dans ces conditions, les auteurs, partisans d‘une conquête sous l‘étendard d‘un 

« property-based free-market regime 89 », rejettent la régulation gouvernementale 

privilégiée jusqu‘à aujourd‘hui. Pour eux, son objectif de répondre de manière 

préemptive aux problèmes de la tragédie des communs constitue une impasse. Alors que 

la Guerre froide dans l‘Espace s‘est terminée lors de la Détente, la conquête est morte 

prématurément avant même d‘avoir dépassé le stade de la promenade sur la Lune. Pour 

Hickman et Dolman : 

Having been deprived of the possibility of assuming sovereign possession of new 

territory discovered and claimed on celestial bodies, states did the same thing that 

individuals and firms do when domestic law deprives them of the possibility of 

assuming legal possession of real estate. They rationally choose not to make 

investments that would lead to its development 90 . 

Des Etats ont d‘ores et déjà pris leurs dispositions en lançant ici et là quelques actions 

symboliques. D‘ailleurs, selon Susan Beck, il faut bien avouer que le « Moon Treaty is 

the most vulnerable part of the space regime 91 » alors qu‘aucune grande puissance 

spatiale n‘a décidé d‘en faire partie. 

88 OST, article 1. 

89 DOLMAN, Astropolitik, op. cit., p.161. 

90 HICKMAN et DOLMAN, art. cité. 

91 BECK, op. cit., p. 153. 


181

Les principaux traités du régime de l’Espace 

La structure du régime actuel de l‘Espace dépend beaucoup de la période classique. 

Nous présentons ici les principales étapes et les cinq traités majeurs 92 . Le Traité de 1967 

fournit une base juridique générale pour les utilisations pacifiques de l‘Espace et 

constitue certainement le cadre autour duquel se développe le droit de l‘Espace. 

- 1957-1958 : Année internationale de la géophysique 

Octobre 1957 marque le début de la course à l‘Espace opposant les deux 

superpuissances. Les efforts conduits tant par l‘URSS que par les Etats-Unis sont tout de 

suite énormes : moins de quatre ans après Spoutnik, les Soviétiques propulsent pour la 

première fois un homme en orbite autour de la Terre ; huit ans plus tard, les Etats-Unis 

envoient deux hommes marcher sur la Lune. 

- 1958 : Résolution 1348 (XIII) des Nations Unies établissant le Comité Ad Hoc des 

utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique 

Après le lancement de Spoutnik, les deux superpuissances combinèrent leurs efforts 

pour amener la question spatiale à l‘ordre du jour des Nations Unies. Une fois la 

résolution 1348 approuvée, un Comité Ad Hoc est établi regroupant 18 nations 

(Argentine, Australie, Belgique, Brésil, Canada, Etats-Unis, France, Inde, Iran, Italie, 

Japon, Mexique, Pologne, Suède, République Arabe Unie, Royaume-Uni, 

Tchécoslovaquie et URSS). 

- 1958-1959 : Le Comité des utilisations pacifiques de l’espace extra-atmosphérique 

(CUPEEA ou COPUOS pour « Committee on the Peaceful Uses of Outer Space ») devient un 

organe permanent des Nations Unies. 

Une fois le COPUOS devenu un organe permanent, à partir de 1959, le nombre des 

membres passe de 18 à 24 pour alors inclure, sous la pression de l‘URSS, l‘Albanie, la 

Bulgarie, la Hongrie et la Roumanie. Les négociations sont relativement aisées alors que 

la possibilité d‘aller dans l‘Espace n‘est pas encore véritablement envisagée. 

Néanmoins, lorsque que la valeur d‘une participation au Comité a été prouvée, le 

92 Il faut ajouter cinq série des principes adoptée par l‘ONU : la Déclaration des principes juridiques 

régissant les activités des Etats en matière d‘exploration et d‘utilisation de l‘espace extra -atmosphérique 

(1963), les Principes régissant l‘utilisation par les Etats de satellites artificiels de la Terre aux fins de la 

télévision directe internationale (1982), les Principes sur la télédétection (1986), les Principes relatifs à 

l‘utilisation de sources d‘énergie nucléaires dans l‘espace (1992) et la Déclaration sur la coopération 

internationale en matière d‘exploration et d‘utilisation de l‘espace au profit et dans l‘intérêt de tous les 

Etats, compte tenu en particulier des besoins des pays en développement (1996). 


182

processus décisionnel (fondé sur le consensus) est devenu beaucoup plus complexe. 

D‘autres pays deviennent membres, dont la Chine en 1980. Mis à part cette dernière, 

aucun des nouveaux Etats-membres n‘est véritablement susceptible d‘être une puissance 

spatiale, pourtant tous ont choisi d‘investir leurs ressources politiques au sein du 

COPUOS. L‘Espace est bel et bien un enjeu. 

- 1967 : Traité sur les principes régissant les activités des Etats en matière d’exploration et 

d’utilisation de l’espace extra-atmosphérique, y compris la Lune et les autres corps célestes, 

dit Traité de l’Espace (« Treaty on Principles Governing the Activities of States in the 

Exploration and Uses of Outer Space, Including the Moon and Other Celestial Bodies », dit 

« Outer Space Treaty »), entré en vigueur en 1967. 

Quels en sont les principaux points ? L‘exploration et l‘utilisation de l‘espace extra- 

atmosphérique sont établies dans pour le « bien de tous les peuples » (Préambule). 

L‘exploration et l‘utilisation de l‘Espace « doivent se faire pour le bien et dans l‘intérêt 

de tous les pays, quel que soit le stade de leur développement économique ou 

scientifique; elles sont l‘apanage de l‘humanité tout entière ». L‘exploration doit être 

ouverte à « tous les États sans aucune discrimination » (article I). L‘Espace ne peut faire 

l‘objet d‘aucune appropriation nationale (article II). Les Etats parties au Traité 

s‘engagent à ne placer « aucun objet porteur d‘armes nucléaire ou de tout autre type 

d‘armes de destruction massive » sur orbite autour de la Terre ou ailleurs dans l‘Espace. 

« [L]‘aménagement de bases et installations militaires et de fortifications, les essais 

d‘armes de tous types et l‘exécution de manœuvres militaires » sur la Lune et les autres 

objets célestes sont interdits ; pour autant, l‘utilisation du personnel militaire ou 

« l‘utilisation de tout équipement ou installation nécessaire à l‘exploration pacifique » 

ne sont pas interdites (article IV). Les astronautes sont « des envoyés de l‘humanité ». 

Tout devra être fait pour leur porter assistance « en cas d‘accident, de détresse ou 

d‘atterrissage forcé » et « le retour des astronautes à l‘État d‘immatriculation de leur 

véhicule spatial devra être effectué promptement et en toute sécurité » (article V). Les 

Etats sont responsables des activités menées dans l‘Espace en leur nom, que celles-ci 

soient conduites « par des organismes gouvernementaux ou par des entités non 

gouvernementales » y compris pour ce qui est des dommages causés (articles VI et VII). 

Les Etats conservent la juridiction et le contrôle sur tout objet ou personnel envoyés 

dans l‘Espace et sur les éléments constitutifs « trouvés au-delà des limites de l‘État » 

(article VIII). Les Etats fondent leurs activités d‘exploration sur les principes de la 


183

coopération et de l‘assistance mutuelle en respect avec l‘environnement (articles IX 

jusqu‘à XI). « Toutes les stations et installations, tout le matériel et tous les véhicules 

spatiaux » se trouvant sur la Lune ou ailleurs « seront accessibles, dans des conditions 

de réciprocité, aux représentants des autres États au Traité » sous condition de demandes 

clairement exprimées (article XII). 

- 1968 : Accord sur le sauvetage des astronautes, le retour des astronautes et la restitution 

des objets lancés dans l’espace extra-atmosphérique (« Agreement on the Rescue of 

Astronauts, the Return of Astronauts, and the Return of Objects Launched into Outer 

Space »), entré en vigueur en 1968. 

- 1969 : Premier homme sur la Lune. 

- 1972 : Convention sur la responsabilité internationale pour les dommages causés par des 

objets spatiaux (« Convention on International Liability for Damage Caused by Space 

Objects », dit « Liability Convention »), entrée en vigueur en 1973. 

Le Canada a utilisé avec succès ce traité pour demander un titre de dédommagement à 

l‘URSS dont un des satellites s‘était désorbité en 1978 et avait répandu sa cargaison nucléaire 

dans l‘Arctique. Pour le moment, il s‘agit du seul traité au travers duquel peut être envisagé le 

problème des débris spatiaux ; il est clair qu‘il est insuffisant. 

- 1974 : Convention sur l’immatriculation des objets lancés dans l’espace extra- 

atmosphérique (« Convention on Registration of Objects Launched into Outer Space », 

dit « Registration Convention »), entrée en vigueur en 1976. 

- 1979 : Accord régissant les activités des Etats sur la Lune et les autres corps célestes 

(« Agreement Governing the Activities of States on the Moon and Other Celestial Bodies 

», dit « Moon Treaty »), entré en vigueur en 1984. 

Ce traité ne fait pas véritablement partie du régime de l‘Espace : il n‘a pas été ratifié par 

les grandes puissances spatiales. Pour autant, malgré les réticences du plus grand 

nombre des Etats, aucun n‘est allé contre ses stipulations. Beaucoup voient en lui la 

première ébauche d‘un droit de l‘Espace de seconde génération. La définition des res 

communis ne dépend plus de l‘accès égal, mais du bénéfice pour tous : la Lune et ses 

ressources naturelles constituent « le patrimoine commun de l‘humanité » et « [n]i la 

surface ni le sous-sol de la Lune, ni une partie quelconque de celle-ci ou les ressources 

naturelles qui s‘y trouvent, ne peuvent devenir la propriété d‘États, d‘organisations 


184

internationales intergouvernementales ou non gouvernementales, d‘organisations 

nationales ou d‘entités gouvernementales, ou de personnes physiques » (article XI). 


185

Annexe 5 : Les puissances spatiales 

Pour les réalistes, seules les grandes puissances importent 93 . Tels les entreprises 

oligopolitisques vis-à-vis des marchés économiques, ces Etats, en émergeant 

progressivement, finissent par organiser le système international et, par conséquent, par 

déterminer le comportement des autres pays 94 . C‘est ce que peut déclarer John 

Mearsheimer lorsqu‘il précise que sa « theory focuses on the great powers because these 

states have the largest impact on what happens in international politics. The fortunes of 

all states – great powers and smaller powers alike – are determined primarily by the 

decisions and actions of those with the greatest capability 95 ». C‘est aussi ce qu‘écrit 

Kenneth Waltz : « The great powers of an era have always been marked off from others 

by practitioners and theorists alike. […] Students of international politics made 

distinctions between international-political systems only according to the number of 

their great powers. The structure of a system changes with changes in the distribution of 

capabilities across the system‘s units 96 . » 

Encore faut-il savoir les distinguer. Où sont les grandes puissances et comment 

pouvons-nous les définir ? La plupart des théoriciens suivent l‘exemple de Jack S. Levy 

dans War in the Modern Great Power System, 1495-1975. La définition proposée repose 

sur plusieurs critères. 1) Une grande puissance est en grande partie définie par le rôle de 

premier plan qu‘elle joue au niveau de la politique internationale, en fonction 

notamment des questions de sécurité. 2) Les intérêts et les objectifs d‘une grande 

puissance sont nécessairement différents de ceux des autres Etats : ils sont déterminés au 

93 « [T]here is a[n] […] answer that Realists sometimes give, which is, international society is nothing 

but the great powers ; the great powers constitute what international society there is », WIGHT, 

International Theory, op. cit., p. 32 

94 C‘est ainsi que Kenneth Waltz justifie l‘intérêt de sa théorie pour expliquer le comportement des 

puissances de moindre importance. « A general theory of international politics […] once written also 

applies to lesser states that interact insofar as their interactions are insulated from the intervention of the 

great powers of as system, whether by the relative indifference of the latter or by difficulties of 

communication and transportation », Theories of International Politics, op. cit., p. 73. 

95 MEARSHEIMER, The Tragedy of Great Powers Politics, op. cit., p. 5. Pour lui, ce sont les capacités 

militaires relatives qui priment pour donner à tel ou tel Etat le statut de grande puissance : « Great 

powers are determined largely on the basis of their relative military capability. To qualify as a great 

power, a state must have sufficient military assets to put up a serious fight in an all -out conventional war 

against the most powerful state in the world », ibid. La plupart des réalistes émettent le même postulat. 

Ainsi pour Jack S. Levy : « The definition of Great power […] is based on the assumed dominance of 

security-related issues, and security is defined primarily as military security. Other issue areas and 

linkages across them exist, but it is possible to make some distinctions. A major role in international 

trade or finance does not automatically ensure Great Power status. Wealth does not necessarily indicate 

military strength or generate influence on security issues. […] Nor is status as a colonial power alone 

sufficient to qualify as a Great Power », War in the Modern Great Power System, 1495-1975, Lexington, 

University Press of Kentucky, 1983, p. 18. 

96 WALTZ, op. cit., p. 97. 


186

niveau global et systémique, et non pas seulement en fonction des enjeux locaux ou 

régionaux. 3) Une grande puissance se comporte différemment des autres Etats : elle 

n‘hésite pas à défendre ses intérêts de manière agressive, quitte à employer la menace ou 

la force militaire. Par conséquent, une grande puissance est aussi définie par l‘image ou 

les perceptions que les autres Etats en ont (en premier lieu, les autres grandes puissances 

qui la traitent en alter ego). 4) Une grande puissance est définie de manière formelle ; ce 

qui la distingue des autres Etats dépend alors de son intégration au sein de conférences 

internationales, de congrès, d‘organisations, de traités ou encore l‘obtention de certain 

privilèges comme le droit de veto ou un statut de membre permanent 97 . 

L‘application concrète est plus ardue. D‘autant plus que si « [t]here is little 

disagreement among scholars about which states qualified as the great powers between 

1792 and 1990 98 », depuis, la donne semble aujourd‘hui s‘être quelque peu modifiée. Si 

l‘Allemagne, la France, le Royaume-Uni, le Japon, la Russie ou les Etats-Unis font 

toujours, plus ou moins, parties des élus, comment tenir compte des pays émergents 99 ? 

Nous ne pouvons guère douter du nouveau statut de la Chine 100 , mais alors que penser de 

l‘Inde, du Brésil voire de l‘Afrique du Sud ? Le G20 créé au moment de la dernière crise 

économique constitue-t-il de ce point de vue un nouveau critère formel ? Nous ne 

répondrons à cette question de l‘émergence que partiellement. Notre but est en effet ici 

97 LEVY, op. cit., pp. 15-19. A noter que c‘est bel et bien le souci de réduire le nombre d‘Etats présents 

lors de ce genre de rencontre internationale qui est à l‘origine de la notion de « grande puissance ». La 

première occurrence semble s‘être produite en 1814 alors que Talleyrand tâchait d‘obtenir de la part des 

vainqueurs de 1813 une paix favorable à la France. La formule défendue consistait alors à n‘autoriser les 

Etats à participer aux négociations, non en fonction de leur puissance, « but in accordance with their 

degree of interest in the question at hand ». De toute évidence, implicitement, l‘auteur voulait que soit 

reconnu le statut « normal » de la France car « the Great Powers would always be fundamentally 

interested in every question », GREWE, op. cit., 430-431. Malgré le retour pour un temps de Napoléon à 

la tête de la France, le terme est resté : « [t]ime and again, until the period of the Geneva League of 

Nations, this formula was used by the Great Powers to justify their dominant role at international 

congresses and conferences. In Vienna, it displaced the term "Allied Powers" by establishing the concept 

of "Principal Powers" », op. cit., p. 431. 

98 MEARSHEIMER, op. cit., p. 404, n. 7. Analyser chaque grande puissance potentielle « on a case-bycase 

basis would be prohibitive in time and resources, and in the end it might make little d ifference », 

LEVY, op. cit., p. 26. Si les critères déjà donnés n‘empêchent pas la production d‘erreurs, ils visent 

toutefois à rendre celles-ci minimales – ce qui semble suffisant. 

99 A l‘origine, l‘expression est économique. Dans les années 1980, elle sert d‘ailleurs à désigner les 

« marchés émergents » offrant des opportunités aux investisseurs. Sa popularité est particulièrement liée 

à la banque d‘affaires américaine Goldman Sachs qui, en 2005, forge le terme de « BRIC » pour désigner 

le Brésil, la Russie, l‘Inde et la Chine, auxquels elle ajoute onze « grandes économies en 

développement » (Bangladesh, Egypte, Hongrie, Iran, Mexique, Nigeria, Pakistan, Philippines, 

Thaïlande, Turquie). Par la suite, la formule s‘est diversifiée. La notion de « puissance émergente » 

examine ainsi les relations pouvant exister entre la mondialisation, l‘émergence d‘un monde multipolaire 

et le déclin relatif des Etats-Unis, tout en identifiant aussi le fossé qui existe entre les aspirations et les 

résultats concrets que ces pays – en particulier, la Chine, l‘Inde et le Brésil – subissent. Voir par exemple 

Andrew HURREL, « Hegemony, liberalism and global order: what space for would-be great powers? », 

International Affairs, 82 (1), janvier 2006, p. 1-19. 

100 C‘est bien d‘une « rising China » dont John Mearsheimer s‘inquiète. 


187

de proposer et tester un nouveau terrain d‘application pour la notion de « grande 

puissance » : l‘Espace. 


Définition : de la puissance spatiale… 

Pour nous, une grande puissance est une puissance spatiale. A travers cette 

affirmation, nous faisons référence à la notion de club spatial qui évoque une certaine 

supériorité technologique, financière et stratégique au sens général du terme. Ce club est 

toutefois fortement hiérarchisé. L‘image que nous en avons n‘est, après tout, que le 

reflet du contexte historique particulier issu de la Guerre froide dans lequel dominaient 

principalement deux Etats. Mais alors que la course à l‘Espace n‘est plus, il devient 

possible d‘émettre un premier jugement sur la puissance spatiale d‘un pays en prenant 

pour critères ses capacités de lancement (lanceurs), de télédétection (satellites 

d‘observation), de télécommunications (satellites de communication) et l‘existence d‘un 

domaine scientifique et robotique (exploration). Peu de pays réunissent toutes ces 

capacités. Parmi les grandes puissances spatiales, nous ne comptons que quelques Etats 

(les Etats-Unis, la Russie, les membres de l‘ESA, l‘Inde et la Chine, peut-être Israël, 

l‘Iran, le Japon et l‘Ukraine). Les autres pays se contentent d‘une indépendance qui 

n‘est que partielle en choisissant de se concentrer sur certaines niches technologiques et 

en développant des partenariats avec les grandes puissances (le Canada). 

Au vu de ce qui vient d‘être dit, nous comprenons que « les politiques nationales 

des premières puissances spatiales [répondent] à des considérations assez diverses en 

fonction des spécificités et des priorités nationales 101 ». C‘est le projet politique de 

l‘Etat, sa nature et son objectif qui vont déterminer l‘intensité de l‘investissement. Selon 

Serge Grouard, il existe ainsi un seuil d’intérêt spatial variable selon les Etats et au-delà 

duquel il faut se situer pour justifier des activités sur le balcon du monde. Mais encore 

faut-il disposer de moyens techniques et financiers suffisants. Il existe donc également 

un seuil de capacité spatiale venant limiter le nombre de postulants au club très fermé 

des puissances spatiales. En prenant en compte ces deux éléments, nous pouvons dire 

que : « [l]‘espace sera réservé aux quelques privilégiés dépassant ce double seuil 

d‘intérêt et de capacité 102 . » 

101 

Isabelle SOURBES-VERGER, « L‘espace dans le monde », Géoéconomie, N°20, hiver 2002, pp. 49- 

63. 

102 

GROUARD, op. cit., p. 153. 

188

Eric STERNER, « Beyond the stalemate in the space commons », op. cit., p. 110. 

Le seuil d’intérêt spatial. L‘Espace, dans cette perspective, est perçu comme un 

mode d‘expression spécifique de la puissance. Il est un moyen, parmi d‘autres, 

d‘intégrer la hiérarchie des puissances. Ainsi, plutôt que de puissance réelle, il faut 

certainement parler d‘ambition : l‘Espace est au service d‘une ambition mondiale à 


189

laquelle il est difficile d‘échapper lorsque d‘autres en font étalage. Mais l‘Espace prouve 

aussi l‘existence d‘une capacité de projection des forces : il la rend même crédible. Pour 

les autres Etats, il devient un étalon de mesure à même de donner une évaluation très 

exacte des moyens réels dont dispose un pays, car « ne seront puissances spatiales que 

les puissances disposant d‘une capacité indépendante de projection de force 103 ». Enfin, 

l‘Espace est évidemment lié à l‘existence d‘une dissuasion nucléaire efficace. Dès lors, 

nous pouvons affirmer que : 

L‘espace ne crée pas la puissance, il la renforce et par conséquent, il la 

présuppose. Seul, en effet, il n‘est que de peu d‘utilité. Il crée le déséquilibre de 

puissance lorsqu‘il s‘ajoute aux éléments de puissance déjà existants. Ce ne sont 

donc que les Etats disposant au préalable des clés de la puissance, partiellement 

ou en totalité qui sont susceptibles de s‘engager dans l‘espace 104 . 

C‘est cela qui nous permet de déterminer lequel de tel groupe de pays est une puissance 

spatiale totale, sectorielle ou partielle, et qui n‘en est fait pas partie. 

Le seul de capacité spatiale. « [N]e peuvent investir l‘espace que ceux qui en ont 

préalablement les moyens 105 ». Contrairement au nucléaire, il n‘y a pas d‘artisanat 

possible : l‘excellence technologique est une nécessité, et cela à tous les stades du 

processus (lanceurs, moyens spatiaux, segment-sol). Ainsi, ni la volonté ni les besoins 

objectifs (scientifiques, économiques ou politiques) ne peuvent suffire. Dans ces 

conditions, il faut une capacité financière importante disponible tout au long de la 

chaîne spatiale, mais aussi en totale indépendance et sur une longue période de temps 

afin de ne pas remettre en cause le programme entier. Dans cette perspective, l‘Espace 

devient un pari sur l‘avenir qui ne peut s‘envisager que sur des décennies. Pour ces 

raisons là : 

103 Ibid., p. 156. 

104 Ibid. 

105 Ibid., p. 162. 

Une stratégie d‘investigation dans l‘espace ne s‘improvise pas. Elle est le fruit de 

la maturation et d‘un processus de long terme. Le reste n‘est qu‘apparence et 

illusion. Dès lors, ce n‘est que sur le long terme qu‘une prolifération peut se 

produire. Même à moyen terme, les acteurs de l‘espace sont, d‘ores et déjà, 

connus. Il n‘y en aura pas d‘autres ; tout au plus, l‘exception viendra-t-elle 


190

confirmer la règle. L‘accès à l‘espace est clos. Le club des puissances spatiales a 

presque fermé ses guichets 106 . 

Ce constat est amplifié par l‘idée selon laquelle toute évolution est aussi déterminée par 

les traditionnels « Grands ». Ainsi, seuls les Etats-Unis, la Russie, l‘Union européenne, 

le Japon, la Chine, l‘Inde, Israël et peut-être encore quelques autres, ont les capacités 

financières et techniques de lancer par leurs propres moyens leurs satellites, et dès lors 

de participer, de manière différenciée, à l‘occupation de l‘Espace. Néanmoins, si 

l‘ouverture spatiale des années à venir est faible, de nouveaux facteurs d‘ordre 

technologique et politique devraient conduire à un certain élargissement des acteurs 

spatiaux 107 . 

L‘évaluation d‘une puissance spatiale varie donc suivant le critère sur lequel nous 

nous concentrons. La tentative de définition précédente peut être affinée par la prise en 

compte de deux autres lentilles. Le suivi et l‘analyse des budgets et des degrés 

d‘occupation de l‘Espace sont également de bons moyens d‘apprécier le poids relatif des 

Etats 108 . 1) La comparaison des budgets spatiaux est instructive, bien qu‘imparfaite. 

L‘importance des écarts est révélatrice d‘investissements très variables. Le cas des 

Etats-Unis est singulier : première puissance spatiale de très loin en termes de budgets 

spatiaux civils et militaires, ils bénéficient d‘investissements cumulés qui leur confèrent 

une avance exceptionnelle. Cette situation dominante est encore renforcée par l‘avantage 

concurrentiel de leur industrie. Deuxième puissance spatiale en termes de budget, 

l‘Europe se situe très loin derrière 109 . La troisième position est tenue par le Japon, 

malgré un investissement limité compte tenu de la richesse nationale, illustrant le cas 

d‘un intérêt modeste au sein des priorités nationales. Le quatrième rang revient à la 

Chine qui semblerait disposer d‘un budget supérieur à celui de la Russie 110 . L‘Inde au 

sixième rang présente une situation intermédiaire avec un budget faible en soi mais 

relativement important vis-à-vis de la richesse nationale. 

106 Ibid., p. 171. 

107 Pour des raisons liées aux technologies disponibles, à la difficulté de se les approprier et aux 

ressources financières dont il faut disposer pour conduire à bien un tel projet, ce club est certainement 

plus fermé que son équivalent nucléaire. Toutefois, nous notons l‘essor du secteur privé qui, à terme, 

peut conduire à une certaine banalisation des techniques et à une multiplication des usages et des 

motivations. 

108 SOURBES-VERGER, art. cité. 

109 Ce qui témoigne des limites de la construction européenne – surtout dans le domaine de l‘Espace 

militaire qui n‘est présent qu‘au niveau national (et encore, ponctuellement). 

110 L‘évaluation de l‘activité spatiale par l‘étude des budgets est ici faussée étant donné l‘absence de 

données officielles stables pour la Chine et l‘existence d‘autres modes de financement pour la Russie 

(via la commercialisation/coopération). 


191


Eric STERNER, op. cit., p. 111 111 . 

The Space Report 2009, « International Government Budgets » 112 

2) L‘analyse du nombre de lancements nationaux et l‘étude de répartition par mission 

donnent une image décalée témoignant surtout du poids du passé. La place de la Russie 

111 Ces données proviennent du Space Report 2009. 

112 [en ligne] http://www.thespacereport.org/resources/government/intl_budgets.php 

192

qui retrouve sa position de premier occupant de l‘Espace est symptomatique de cela. La 

durée de vie des satellites doit être prise en compte pour pondérer cette impression : le 

nombre de lancements, caractéristique de la Russie, est révélateur de choix dictés par 

des considérations d‘économie et de prudence 113 . Pour les autres, le classement varie 

peu : le Japon et l‘Europe occupent une place intermédiaire, mais la Chine est troisième. 

Ainsi, l‘étude via le type de missions complète assez bien le tableau. L‘existence de 

missions spatiales militaires et de capacité d‘occupation humaine établit des distinctions 

strictes entre puissances spatiales. Typiquement, les Etats-Unis et la Russie ont 

longtemps été les seuls à disposer de la gamme complète des compétences spatiales 

(certes à des degrés divers). Depuis 2003 toutefois, la Chine est parvenue à devenir la 

troisième puissance à envoyer un homme dans l‘Espace par ses propres moyens. Le 

diagramme suivant illustre la capacité d‘occupation de l‘Espace des différentes 

puissances spatiales. Comme nous le voyons, les Etats-Unis possèdent près de la moitié 

de satellites aujourd‘hui opérationnels ; ils sont suivis par la Russie et la Chine avec 

respectivement 10 et 6%. 

Laura GREGO, « UCS Satellite Database », All Things Nuclear, avril 2010 114 

A titre strictement indicatif, les diagrammes suivants témoignent de l‘importance 

croissante des investisseurs commerciaux privés dans les GEO (36 000 km). Toutefois, en 

LEO (2 000 km), là où les satellites sont les plus nombreux, les gouvernements restent les 

premiers occupants. L‘Etat est toujours l‘acteur prédominant dans l‘Espace. 

113 L‘industrie soviétique n‘avait pas les moyens de développer des systèmes sophistiqués trop coûteux à 

l‘image des Etats-Unis dont la durée de vie des satellites est beaucoup plus importante. 

114 [en ligne] http://allthingsnuclear.org/tagged/by_Laura_Grego. Ces chiffres ont depuis été actualisés 

(juillet 2010). 


193


Ibid., juillet 2010. 

… aux puissances spatiales : typologie 

Le panorama que ces différentes comparaisons nous offrent permet d‘analyser de 

manière schématique les différentes politiques spatiales nationales des « Grands » 

aujourd‘hui 115 . 

1) Une logique de leadership. Les Etats-Unis et la Russie sont les deux premières 

puissances spatiales. Si du temps de la Guerre froide les traits communs étaient plus 

nombreux que les divergences, la donne est légèrement changée. La recherche du 

leadership, tant militaire qu‘économique et culturel, n‘est plus une priorité pour la 


194

nouvelle Russie qui a dû renoncer à son rôle de puissance à parité avec les Américains. 

Le changement au niveau des groupes dominants, pour prendre une analyse Innenpolitik, 

explique pourquoi l‘activité spatiale a perdu l‘essentiel de sa signification politique. 

2) Une logique d’indépendance. Pour l‘Europe et le Japon, l‘Espace a toujours été 

motivé par un besoin de reconnaissance internationale – avec certes un souci 

d‘indépendance plus affichée pour l‘Europe. La maîtrise d‘un lanceur et le 

développement de programmes de télécommunications et d‘observations sont perçus 

comme des étapes indispensables de la compétence spatiale, premier pas vers 

l‘émancipation. L‘étape ultime, dans les deux cas, mais surtout poursuivie par l‘Europe, 

est d‘apparaître comme un concurrent possible des industries américaines sur le marché 

international. La compétition caractérise donc les relations avec les premières 

puissances spatiales. Galileo n‘est que le dernier épisode en date. 

3) Une logique de développement. L‘Inde obéit à une logique similaire, mais doit 

toutefois tenir compte tant de la réalité des besoins que de l‘adéquation des moyens 

spatiaux avec sa politique de développement ici-bas 116 . De ce point de vue, les satellites 

peuvent apparaître comme un outil efficace de mise en valeur d‘un vaste territoire. Dès 

lors, nous comprenons pourquoi le secteur spatial indien a toujours bénéficié de l‘intérêt 

politique des pouvoirs nationaux, régionaux et locaux. 

4) Une logique mixte. La Chine est partagée entre deux perspectives. D‘une part, à 

l‘image de l‘URSS, elle présente « le souci de démontrer la validité des choix politiques 

par l‘affichage de succès technologiques 117 ». En témoigne le programme de vols 

habités. D‘autre part, comme dans le cas de l‘Inde, elle tente de répondre à des besoins 

nationaux de développement avec l‘aide des technologies spatiales. Le développement 

du système Beidu/Compass est symptomatique de cette deuxième tendance, tout en 

affichant une certaine ambition internationale plus proche du premier point. Plus 

largement, cette démarche mixte est bien rendue par les tentatives chinoises de 

rapprochement – voire de coopération – avec des partenaires de pays plus développés 

(l‘Europe) ou en développement (le Brésil). 

5) Une logique spécifique ou à besoins multiples. L‘exemple d‘Israël est spécifique. Il 

s‘agit de développer des capacités minimales répondant à des besoins nationaux 

116 Dean Cheng de la Heritage Foundation parle, à ce propos, de « comprehensive national power » pour 

faire référence à l‘utilisation des programmes spatiaux comme moyen d‘ascension et de capitalisation 

des ressources dans le cas des économies émergentes, cité dans Robert C. HARDING, « Space Policy in 

Developing Countries: Theory and Practice in the 21st Century », présentation préparée en vue du 

Annual Meeting of the Southern Political Science Association, 10 janvier 2009. 


195

prioritaires de sécurité. Le cas du Brésil (puissance spatiale potentielle) démontre une 

logique tout azimut : tant un souci d‘indépendance limitée, qu‘un besoin de 

reconnaissance internationale, le tout passant par la recherche de coopération diversifiée 

en vue aussi de participer au développement du pays. 

6) Une logique spécialisée. En dehors des puissances spatiales maîtrisant l‘accès à 

l‘Espace et le développement de satellites, d‘autres exemples intermédiaires existent. 

Nous nous référons à ces pays qui ont construit une spécialité spécifique à partir de 

besoins objectifs et dans un souci de développement de hautes technologies. Le Canada 

en est une bonne illustration 118 . 

Comme l‘explique Isabelle Sourbès-Verger, dont nous nous inspirons ici, ces 

catégories globales sont un exercice qui, bien que parfois réducteur, décrit assez bien les 

types de puissances spatiales. En outre, cette typologie se retrouve au niveau des 

politiques nationales européennes. La France paraît développer un rôle de leader, alors 

que l‘Allemagne opte plutôt pour une reconnaissance via la coopération ; l‘Italie et 

l‘Espagne privilégient l‘établissement d‘une compétence nationale ponctuelle à vocation 

d‘indépendance relative, tandis que la Belgique ou le Royaume-Uni recherchent surtout 

un bénéfice industriel. Enfin, il faut noter l‘existence d‘une évolution structurelle 

majeure, incarnée par l‘intervention croissante des acteurs privés, et en réaction, la 

redéfinition de certaines politiques spatiales nationales. Nous pensons ici au cas des 

Etats-Unis. La libéralisation du secteur spatial répond à une logique de leadership, car 

« la logique de renforcement de la puissance américaine passe aussi par le 

développement de nouveaux systèmes et services conçus dans une logique 

concurrentielle valorisant l‘avance de l‘industrie spatiale américaine et des opérateurs de 

télécommunications nationaux 119 . » 


118 Sur les politiques spatiales canadiennes, voir HUNTLEY, « The mice that soar : Smaller states‘ 

perspectives on space weaponization », op. cit. 



196

Annexe 6 : Des armes dans l’Espace 

De nouvelles utilisations militaires de l‘Espace sont aujourd‘hui envisagées, 

incluant des armes stationnées en orbite et attaquant des objets situés dans l‘Espace ou 

sur Terre 120 . Bref, alors que l‘Espace a depuis longtemps été militarisé (en accueillant 

des moyens de communication, de surveillance et de navigation), il n‘est pas encore 

arsenalisé mais pourrait prochainement le devenir. 

Pour définir une arme spatiale, nous nous référons à deux éléments. 1) Toute 

arme spatiale (qu‘elle soit basée sur terre, air ou mer) est capable d‘endommager un 

satellite ou au moins d‘empêcher son bon fonctionnement 121 . Ces armes sont qualifiées 

d‘anti-satellites (ou ASAT). Les armes qui visent les stations au sol et les centres de 

communications ne sont pas considérées comme des ASAT. A noter que la mission 

première de ce type d‘armement est offensive. Il s‘agit d‘attaquer les satellites de 

l‘adversaire avant que celui-ci ne prenne l‘initiative. L‘Espace repose en effet sur une 

logique paradoxale, à savoir l‘idée que l‘attaque est la meilleure défense. 2) Tout arme 

spatiale a l‘intention d‘attaquer une cible située ou dans l‘Espace ou sur Terre. Ces 

armes peuvent inclure des intercepteurs spatiaux de type bouclier anti-missiles et des 

armes satellisées dirigées vers la Terre. 

Au niveau technique, nous distinguons habituellement quatre types d‘armes 

spatiales 122 : 1) les armes à énergie dirigée (« directed energy weapon » ou DEW), 2) les 

armes à énergie cinétique utilisées comme missiles depuis la Terre, 3) les armes à 

énergie cinétique utilisées comme missiles depuis l‘Espace, 4) les armes de type 

conventionnel utilisées comme missiles depuis l‘Espace. Les armes à énergie dirigée 

détruisent une cible en transmettant de l‘énergie à la vitesse de la lumière sur de très 

longues distances. Elles forment une classe à part. Ces armes utilisent des brouilleurs 

électroniques (jamming et dazzling 123 ) ou des torches lasers. Les brouilleurs ne 

requièrent qu‘une puissance équivalente au signal qu‘il faut détruire ; déployer des 

lasers dans l‘Espace afin de détruire des missiles balistiques est autrement plus difficile. 

120 Sur les armes spatiales, voir SEEDHOUSE, The New Space Race, op. cit., p. 79-105 et 239-246, 

Robert PRESTON, DANA J. JOHNSON, Sean J. A. EDWARDS, Michael D. MILLER, Calvin 

SHIPBAUGH, Space Weapons Earth Wars, RAND Corporation, 2002 et Michael KREPON, « Seven 

Questions : Space Weapons », Foreign Policy, 19 juillet 2005. 

121 Il n‘est pas forcément besoin de détruire le système entier pour rendre un satellite non -opérationnel. 

122 Le nucléaire a déjà été testé dans les années 1960, voir Annexe 9. 

123 Brouiller les signaux d‘un satellite ou l‘aveugler constituent certainement l‘avenir de la guerre dans 

l‘Espace. Ce type d‘arme a le mérite de ne pas créer de débris dans l‘Espace. En outre, la source 


197

Ces armes peuvent agir dans l‘Espace ou sur Terre, en fonction des conditions 

atmosphériques. Les trois autres fonctionnent sur la base d‘une explosion directe, 

provoquée soit par énergie cinétique (vitesse et masse) soit par explosion 

conventionnelle (processus chimique). 

Robert Preston (et al.), Space Weapons Earth Wars, p. xvii 

Le troisième type d‘arme constitue un exemple intéressant. Ces armes sont 

efficaces contre des cibles fixes vulnérables à des attaques verticales, à l‘exemple des 

navires, silos, refuges, bâtiments, hangars de stockage, etc. Nous notons qu‘il est très 

difficile de se défendre contre ce type d‘arme dont le mécanisme obéit au même principe 

que celui d‘une météorite venant s‘écraser au sol. Néanmoins les Etats-Unis n‘ont pas 

besoin de développer ce type d‘armement alors qu‘ils disposent déjà de systèmes 

terrestres aux effets équivalents. Par contre, ces armes pourraient se révéler pertinentes 

pour des pays qui chercheraient à obtenir des capacités rapides de projection des forces 

sans avoir les moyens de rattraper l‘investissement américain en matière de forces 

terrestres. Ceci étant dit, en dehors des ASATs et des lasers, ces types d‘armes occupent 

la plupart des pensées des militaires ou des astropolitologues à l‘image de Dolman 124 . 

émettrice n‘est pas facilement localisable. Les Américains accusent par exemple les Chinois d‘avoir 

récemment aveuglé plusieurs de leurs satellites sans en avoir la preuve formelle.. 

124 Pour Dolman, ce type d‘armement redondant est doublement utile. 1) Il permettrait aux Etats-Unis de 

dépenser leur argent plus efficacement, tout en leur assurant une sécurité identique. En outre, il ne 

coûterait pas plus aux contribuables américains puisque les sommes déjà allouées au Pentagone ne 


198

Les Etats-Unis ont ainsi déjà levé le voile sur une arme très sophistiquée, le programme 

« Prompt Global Strike » (PGS). Il s‘agit d‘un système de frappe planétaire rapide 

utilisant un drone spatial pour délivrer des armes à énergie cinétique ou conventionnelle. 

Contrairement au nucléaire dont la logique est essentiellement dissuasive, outre d‘être 

dans les faits plus ou moins inutilisable 125 , cette nouvelle capacité vise l‘emploi offensif 

effectif. Le PGS est une arme « propre », selon certaines versions : un simple bout 

d‘acier qui, lancé depuis l‘Espace, va venir frapper sa cible en provoquant autant de 

dégâts – soit l‘efficacité sans les radiations 126 . 

Pour conclure, les armes spatiales sont ambivalentes. Elles possèdent de 

nombreux avantages : 1) elles incorporent le principe de ce fameux « high ground » 

favorisant l‘accès et la portée du tir, 2) elles sont rapides, 3) elles couvrent une très 

grande distance, 4) elles soulignent la supériorité de l‘offensive sur la défensive. Mais 

elles présentent aussi des inconvénients : 1) elles sont statiques, 2) elles sont prévisibles, 

3) elles sont coûteuses, 4) elles ne fonctionnent efficacement qu‘en très grand nombre, 

5) elles ont des conséquences légales non négligeables 127 . 

feraient que changer de cible, en allant des divisions blindées et autres, à l‘arsenalisation de la LEO. 2) Il 

serait ensuite moins menaçant pour les autres pays après l‘épisode « Iraqi Freedom ». Pour résumer, 

« [w]hat is more threatening to foreign states : the ability of the United States to apply a limited amount 

of violence in a very precise way anywhere on the globe at almost any time, or five more heavy 

divisions, three more carrier battle groups, or whatever, giving the United States the capacit y to occupy 

and control foreign states physically ? […] space weaponization and military space is not an attempt by 

the United States to become an imperial power around the world », DOLMAN, in DOLMAN, HAYS et 

MUELLER, « Toward a U.S. Grand Strategy in Space », art. cité. En prenant possession de l‘Espace les 

premiers, les Etats-Unis s‘éviteraient surtout la mauvaise surprise d‘y être devancés et équilibrés par une 

menace asymétrique. 

125 Afin d‘expliquer cette non-utilisation plutôt paradoxale pour une arme aussi efficace, l‘accent est mis 

sur le jeu des normes, notamment l‘importance du « tabou nucléaire ». Les théories plus classiques, i.e. 

réalistes mettent plutôt en avant le rôle de la dissuasion via le risque que fait courir le MAD ou « mutual 

assured destruction ». Deux écoles semblent ici se dessiner : 1) ceux qui prétendent que l‘arme nucléaire 

est inutile car inutilisable, et qui croient donc au grand retour des guerres conventionnelles ; 2) ceux qui 

croient que l‘arme nucléaire assure toujours son rôle dissuasif et que l‘équilibre de la Terreur a rendu 

Clausewitz obsolète. Dans le premier cas, l‘escalade est minorée, dans le deuxième, elle est supposée 

automatique, MEASHEIMER, The Tragedy of Great Powers Politics, p.128-133. Mearsheimer situe son 

analyse entre les deux, puisque pour lui, « the balance of land power remains the central ingredient of 

military power in the nuclear age, although nuclear weapons undoubtedly make great -power war less 

likely », ibid., p. 133. 

126 Ce type d‘arme spatiale mettrait l‘accent sur des dispositifs conventionnels à même de répondre très 

rapidement à une menace quelle qu‘elle soit, partout sur la planète : 1) des avions supersoniques lancés 

depuis les Etats-Unis largueraient des bombes furtives depuis l‘Espace en moins d‘une heure, 2) des 

satellites pourraient être équipés de missiles ou de longues tiges de métal capables d‘atteindre leur cible 

en moins de 10 minutes, à une vitesse supérieure à 11 000 km/h. Cette dernière variante bénéficierait des 

effets de la force cinétique et aurait la précision et l‘efficacité d‘une bombe nucléaire, sans les effets 

négatifs. « [T]he new weapons could achieve the effects of a nuclear weapon, without turning a 

conventional war into a nuclear one », David E. SANGER et Thom SHANKER, « White House Is 

Rethinking Nuclear Policy », New York Times, 28 février 2010. Voir DELESTRAC. 

127 PRESTON (et al.), op. cit., p. xx-xxi. 


199

Annexe 7 : La coopération dans l’Espace, le 

cas de l’ISS 

La Station Spatiale Internationale a pour ancêtres la station américaine Skylab 

(1973-1979), le programme soviétique Saliout (1971-1982) et, surtout, la station Mir 

(1986-2001) de loin la plus ambitieuse. Elle est conçue pour être un laboratoire de 

recherche dédié à l‘étude scientifique dans un environnement caractérisé par l‘absence 

de pesanteur. L‘ISS, via la coopération internationale qu‘elle suscite, prépare également 

le terrain pour de futures missions internationales en créant un climat propice où chaque 

partenaire apprend à se connaître. 

L‘ISS demeure, malgré tout, un enfant de la Guerre froide : née en 1983 en pleine 

réaction Reagan, elle reçoit le soutien, dès 1985, des partenaires européen, canadien et 

japonais. Le contretemps, lié à l‘explosion de la navette Challenger en 1986, n‘empêche 

pas le projet de reprendre de plus belle en 1988 et de recevoir son nom de baptême : 

« Freedom ». Cependant, lorsque Bill Clinton arrive au pouvoir, le projet n‘a pas 

dépassé le stade théorique. Une nouvelle épure est donc réalisée, appelée « Alpha ». 

Mais c‘est finalement l‘éclatement de l‘URSS et la fin de la Guerre froide qui 

parviennent à relancer pour de bon l‘initiative. Symbole de la nouvelle relation entre les 

Etats-Unis et une Russie désormais démocratique, la coopération dans le domaine spatial 

devient une priorité. Dans cette optique, un accord est mis au point et, fin 1993, la 

Russie devient un acteur majeur du programme aux côtés des partenaires traditionnels 

des Etats-Unis. Enfin, en 1998, la construction de la station est décidée. Désormais, 

seize nations y participent : les Etats-Unis, onze Etats européens, le Canada, le Japon, le 

Brésil et la Russie. 

Ces pays-là sont partenaires. Ils regroupent les plus grandes puissances spatiales, 

seules à même de conduire efficacement un projet d‘une telle ampleur 128 . Le statut de 

leur agence spatiale respective est plus ou moins le même que celui de la NASA. Les 

partenaires s‘engagent à construire des éléments spécifiques de l‘ensemble ou des 

composants essentiels à son élaboration, le tout en bénéficiant des droits accordés par 

les accords IGA de 1998. Existent aussi des participants. Ils ne sont inclus dans le 

programme que par le biais d‘accords bilatéraux avec l‘un des partenaires principaux. 


200

Pour accroître leur participation, ils peuvent ainsi signer différents accords avec 

plusieurs partenaires de l‘ISS. 

Marc MENNESIER, « Station spatiale : l’assemblage touche à sa fin », Le Figaro, 6 


février 2010 129 . 

128 L‘exception est le Brésil, voir Darly Henriques DA SILVA, « Brazilian participation in the 

International Space Station (ISS) program: commitment or bargain struck? », art. cité. Par ailleurs, la 

Chine n‘a toujours pas intégré le programme. 

129 [en ligne] http://www.lefigaro.fr/sciences-technologies/2010/02/06/01030-20100206ARTFIG00177station-spatiale-l-assemblage-touche-a-sa-fin-.php 

201

Annexe 8 : Galileo et les systèmes GNSS 

dans le monde 

« Galileo » est à l‘origine un programme européo-centré, élaboré en réponse 

directe au succès du GPS américain 130 . Ce système, également appelé GNSS 2 (pour 

« Global Navigation Satellite System »), en référence à son jumeau « Egnos » ou GNSS 

1, a pour point de départ une réflexion menée dans le courant des années 1990 131 . 


Galileo 

Galileo est censé incarner une version européenne modernisée du système GPS 

américain. Sa technologie supérieure doit lui donner de nombreux avantages, aux 

premier rangs desquels la rapidité et la précision (avec une erreur de - 1m, contre - 7m 

pour l‘actuel GPS). Une des clés du succès potentiel de Galileo aurait également pour 

fondement l‘octroi d‘une garantie de services en toutes circonstances, mettant ainsi en 

parallèle un ensemble de services payants à des services gratuits. Concrètement, Galileo 

produira cinq services différents correspondant à cinq signaux : 1) le service ouvert, 

fournissant des informations de positionnement et de synchronisation, et répondant au 

signal de « précision » ; 2) le service de sauvegarde de la vie, améliorant les 

performances des modes de transports critiques en matière de sécurité (navigation 

aérienne ou maritime) et doté d‘une fonction « d‘intégrité » avertissant l‘utilisateur en 

cas de défaillance ; 3) le service commercial, donnant accès à deux signaux 

supplémentaires cryptés et « protégés » garantissant une meilleure performance et 

assurant un principe de continuité ; 4) le service public réglementé, fournissant des 

données de positionnement et de synchronisation à des utilisateurs déterminés, selon un 

principe de continuité, avec accès contrôlé (services d‘urgence, forces de sécurité et 

forces armées) ; 5) le service de recherche et de sauvetage, améliorant les performances 

130 Le rôle que peut jouer Galileo ressemble fortement aux destins d‘Airbus ou Ariane, il s‘agit 

d‘affirmer l‘indépendance tant militaire que civile de l‘Europe. En effet, Galileo donnerait un accès 

garanti à des services, jusqu‘alors fournis exclusivement par une puissance étrangère, en l‘occurrence les 

Etats-Unis (puisque, théoriquement, le signal GPS peut être coupé par les propriétaires qui disposent de 

l‘ultime contrôle sur leur rejeton), tout en bénéficiant d‘importants débouchés commerciaux. 

131 Dès 1993-1994, l‘Union européenne a cherché à développer un système global de navigation par 

satellite pour son compte. Ces études ont eu deux postérités différentes : GNSS 1 sur la base d‘un 

système limité lié au système américain GPS, et GNSS 2, plus ambitieux sur la base d‘un programme 

autonome. Plus précisément, le premier, appelé « Egnos » (European Geostationary Navigation Overlay 

Service), va venir compléter et améliorer les services du GPS américain selon le principe de 

l‘augmentation, alors que le second, « Galileo », doit se composer d‘environ 30 satellites déployés en 

orbite moyenne afin de couvrir toute la planète. Voir NARDON, « Galileo et le profit », art. cité. 

202

du système international actuel de recherche et sauvetage par satellite, car assurant une 

sorte de permanence 132 . 

Projet conjoint de la Commission européenne et de l‘Agence spatiale européenne, 

Galileo doit comprendre une constellation de 22 à 30 satellites que l‘UE compte envoyer 

d‘ici à 2014. Pour autant, le projet est encore loin d‘être un succès compte tenu des 

déboires qui ont entaché et ralenti son développement depuis son lancement officiel en 

2002 133 . Au-delà des aspects purement technique ou commercial, il faut voir que Galileo 

pose des questions plus politiques. Les premières disputes à son propos ont ainsi opposé 

l‘Union européenne aux Etats-Unis. Ces derniers redoutaient la perte de leur monopole 

sur la navigation par satellite ; ils s‘interrogeaient aussi sur les enjeux sécuritaires liés 

au projet. Mais depuis 2004, les adversaires de Galileo sont surtout européens, car la 

plupart des discussions se jouent en réalité entre les Etats-membres de l‘Union 

européenne dont les intérêts et les préférences ne se recoupent pas toujours. 

Or ces deux points se cumulent pour expliquer l‘intrusion de l‘acteur chinois dans 

le jeu européen. Dans un premier temps, l‘idée d‘un accord gagnant-gagnant l‘emporte 

alors que l‘ambition chinoise vient renforcer la crédibilité du projet européen et assurer 

un soutien international dans le contexte de l‘opposition américaine. Toutefois 

l‘utilisation de la Chine s‘est révélée être à double tranchant. Les Chinois, de soutien 

utile dans les premières années, sont aujourd‘hui devenus la principale cause 

d‘inquiétude pour les européens. Certes « l‘Empire du Milieu » a apporté sa capacité de 

financement et les promesses de son énorme marché intérieur, mais il a également 

introduit le risque de voir l‘initiative être étouffée dans l‘œuf. 


Etat des lieux 

La difficulté avec laquelle le système Galileo se développe est évocatrice. Les 

Européens ne sont pas les seuls à voir dans le développement d‘un GNSS national une 

132 Ibid. 

133 Les auteurs du Rapport d‘information sur l‘état du programme Galileo parlent de plus de « cinq ans de 

retard » depuis la phase de définition jusqu‘à la phase d‘exploitation qui aurait dû débuter en 2008, et 

reprennent les conclusions de la Cour des comptes européennes pour stigmatiser le rôle de la 

Commission qui « n‘est pas parvenue à diriger le programme de manière proactive, le laissant sans 

personne aux commandes », Commission des Affaires européennes de l‘Assemblée nationale, Rapport 

d’information sur l’état du programme Galileo, 8 décembre 2009 [en ligne] http://www.assembleenationale.fr/13/pdf/europe/rap-info/i2142.pdf 

203

panacée. Certains évoquent même la notion de « course 134 » : nous en voulons pour 

preuve le nombre d‘Etats désireux d‘obtenir leurs propres systèmes indépendants 135 . 

Union européenne : Galileo 

- nombre de satellites : 30 ; 

- date de mise en fonctionnement : 2013-2014 ; 

- actuel développement : le premier satellite a été lancé en décembre 2005 et le premier 

signal « Galileo » a été reçu en janvier 2006. 

Chine : Beidou (régional) et Compass (global) 


- date de mise en fonctionnement : couverture de la chine et ses environs en 2008. 

Couverture du reste du monde dans les années à venir ; 

- actuel développement : 5 satellites en orbite. 

Russie : Glonass 


- date de mise en fonctionnement : 2010-2011 ; 

- actuel développement : 21 satellites opérationnels. 

Inde : Indian Regional Navigational Satellite System 


- date de mise en fonctionnement : 2014 ; 

- actuel développement : le premier satellite sera lancé en 2011. 

Etats-Unis : Navstar (GPS) 


- date de mise en fonctionnement : 2011 (pour le renouvellement des satellites) ; 

- actuel développement : Entièrement fonctionnel et en cours de modernisation. 

134 Glen GIBBONS, « What Race? What Competition? The Four GNSS Systems », Inside GNSS, 4 (2), 

mars-avril 2009, p. 16-17 et 52. 

135 Rapport d’information sur l’état du programme Galileo, op. cit., p. 45-48. Certaines données ont été 

actualisées. 


204

Annexe 9 : La pollution spatiale 

Depuis le lancement de Spoutnik en 1957, des milliers de satellites ont été mis en 

orbite. Cette exploitation de la banlieue terrestre ne va pas sans poser de graves 

problèmes liés à la pollution grandissante provoquée par l‘accumulation de millions de 

débris divers. Ces derniers sont de toutes sortes : fragments de fusée et restes des 

différents étages demeurés en orbite (Rocket bodies), débris « naturels » (Mission- 

related debris) provoqués lors de l‘installation normale d‘un satellite, morceaux de toute 

taille et satellites entiers aujourd‘hui dégradés et non opérationnels (Spacecraft), et 

fragments d‘explosions accidentelles provoquées par la collision entre deux objets 

satellisés (Fragmentation debris). 


Image d’artiste, CNES 136 

Cet encombrement est tel qu‘aujourd‘hui, moins de 6% des objets entourant notre 

planète sont des satellites actifs. Les évaluations récentes comptabilisent plus de 13 000 

objets d‘une taille supérieure à 10 cm gravitant autour de la Terre. Les scientifiques 

estiment à 200 000 les objets d‘une taille comprise entre 1 et 10 cm et à plus de 

35 000 000 ceux d‘une taille comprise entre 0.1 et 1 cm 137 . 

136 Disponible sur http://debris-spatiaux.cnes.fr/ 

137 Ibid. 

205


UCS, 14 mai 2009 138 

Le trait en rouge montre l‘augmentation linéaire du nombre de débris spatiaux depuis 

1960 jusqu‘à la moitié des années 1990. Cette tendance s‘est ralentie depuis, alors que 

les puissances spatiales prenaient conscience du problème et s‘attachaient, sous l‘égide 

des Etats-Unis, à ralentir la poursuite du phénomène. La ligne bleue illustre ce 

ralentissement sur la période 1996-2006. 

138 Ces graphiques ont été obtenus à partir des données de la NASA, UCS, « Historical debris growth, 

with graphs » [en ligne] http://www.ucsusa.org/assets/documents/nwgs/Debris-growth-graph-5-18-09.ppt 

206

Toutefois, à partir de 2007, nous discernons très bien l‘augmentation significative 

du nombre de débris naviguant dans l‘Espace proche. En cause : le test ASAT chinois 

très critiqué pour cette raison précise et qui provoque un retour à la tendance des années 

pré-1995. L‘explosion en janvier 2007 d‘un satellite de météorologie défectueux 

appartenant à la Chine a ainsi libéré plus de 2 500 pièces. En février 2007, l‘étage d‘une 

fusée spatiale explose dû à des résidus de carburant, ce qui provoque l‘apparition de 

1 000 nouveaux autres débris. Enfin, en février 2009, un vieux satellite russe percute un 

satellite de communication actif appartenant à la constellation de satellites Iridium. 

Cette collision, outre d‘être à l‘origine de 2 000 nouveaux débris, fait courir un risque 

immédiat à l‘ISS 139 . Ces derniers événements mettent en valeur les deux principales 

sources de débris. La première est liée aux opérations de routine et aux collisions 

accidentelles mais difficilement évitables. La seconde est intentionnelle, provoquée par 

le test ou l‘utilisation d‘armes de destruction de type ASAT. 

A ce sujet, la Russie, les Etats-Unis et la Chine sont les principales puissances à 

l‘origine de ces nuisances. Cela s‘explique par le nombre de satellites dont chaque pays 

dispose dans l‘Espace mais aussi par l‘ampleur de leur programme militaire. Si la Chine 

a, en 2007, effectué un essai que les commentateurs ont jugé irresponsable 140 , il faut 

savoir que les tests effectués pendant la Guerre froide par les Américains et les 

Soviétiques ont été bien plus polluants – il est vrai qu‘à l‘époque, le risque était mal 

mesuré. L‘URSS a testé entre les années 1970 et 1980 des systèmes d‘ASAT basés, non 

pas sur la collision directe, mais sur la libération de shrapnels. Quant aux tests 

américains, leurs armes fonctionnaient sur la base de l‘énergie cinétique et visaient donc 

à détruire un satellite par collision directe. Le dernier test de cette nature date de 

1985 141 . Si le test chinois inquiète, c‘est parce qu‘il utilise la même technique employée 

par les Américains pour leurs propres armes – dénotant une technologie mature. 

Mais les Américains ont déjà conduit d‘autres tests dangereux à côté desquels 

l‘événement de janvier 2007 apparaît beaucoup moins grave. Le 9 juillet 1962, les Etats- 

Unis ont provoqué la détonation d‘une bombe thermonucléaire de 1,4 mégatonne en 

139 Joel ACHENBACH, « Debris From Satellites‘ Collision Said to Pose Small Risk to Space Station », 

The Washington Post, 12 février 2009. 

140 En janvier dernier, les Chinois ont conduit un nouveau test en prenant soin de ne pas provoquer l‘ire 

internationale. De fait, les commentaires ont été beaucoup moins nombreux. 

141 Le test de 2008 est donc bel et bien une rupture. Il peut être vu comme une tentative de réponse suite 

au test ASAT chinois de 2007. Les Américains ont indiqué que l‘ « objective was to rupture the fuel tank 

to dissipate the approximately 1,000 pounds (453 kg) of hydrazine, a hazardous fuel which co uld pose a 

danger to people on earth, before it entered into earth's atmosphere », Samuel BLACK, Babar KHAN et 


207

LEO au-dessus de l‘Océan Pacifique. L‘opération, connue sous le nom de « Starfish 

Prime », a créé des impulsions électromagnétiques (IEM) suffisantes pour aveugler six 

satellites actifs et provoquer des pannes à Hawaï, de même qu‘un rougeoiement visible 

partout sur la planète 142 . Nous citons aussi le cas du « Project West Ford » (« Projet 

Aiguilles ») conduit en 1961 et 1963 à la demande du Pentagone. Il s‘agissait de 

disposer de lignes de communications alternatives en cas de conflit avec l‘URSS. La 

solution préconisée consistait à placer autour de la Terre des centaines d‘aiguilles 

utilisées comme réflecteur passif pour les émissions radio. Le projet fut plus ou moins 

un échec. Il fut enterré suite aux développements des satellites de communications. A 

l‘heure actuelle, 350 millions de ces aiguilles sont toujours en orbite au-dessus de 

nous 143 . 

Compte tenu des effets pervers, la problématique des débris spatiaux constitue un 

enjeu de taille. En effet, toute activité concernée par l‘Espace est potentiellement 

affectée par la présence des débris. Pour autant, malgré l‘engagement de certains 

Etats 144 , le régime de l‘Espace ne prend pas véritablement en compte cette question. Le 

problème des débris a émergé beaucoup trop longtemps après la codification des 

principaux traités pour pouvoir être correctement prise en compte. Dans ces conditions, 

les solutions doivent s‘organiser de manière triple autour d‘une meilleure 

compréhension des enjeux comme de la nature de l‘Espace (tragédie des biens 

communs), d‘une meilleure prévention (responsabilisation, amélioration de la 

technologie, droit interne) et d‘une coopération internationale renforcée au sein d‘un 

régime nouveau, car « the most probable course of action is norms, either implicit or 

explicit, developing between states, forming a regime framework 145 ». Ceci dit, quoi que 

nous fassions, « [s]pace debris generation due to kinetic warfare in space is the new 

Mutually Assured Destruction (MAD) of the 21st century 146 . » 

JARED YOUNG, A Selective Chronology of U.S. Space Policy and International Diplomacy, Space 

Security Program, Stimson [en ligne] http://www.stimson.org/space/?SN=WS200812101927 

142 

Ce test a été conduit avant la signature du Traité d'interdiction partielle des essais nucléaires de 1963. 

Il a également permis de connaître les effets d‘une explosion nucléaire dans l‘orbite basse. Voir HAYS, 

in DOLMAN, HAYS et MUELLER, « Toward a U.S. Grand Strategy in Space », art. cité. 

143 

BECK, The Global Commons, op. cit., p. 148. 

144 

Il s‘agit d‘un engagement interne. Ainsi, les Etats-Unis ont voté en 1991 le « NASA Authorization 

Act » contraignant l‘Agence à ne pas augmenter le nombre de débris. De même, la dernière NSP publiée 

par l‘administration Obama veut préserver l‘environnement (p. 7) et concentre son attention sur la 

question des débris. A noter que les précédentes NSP accordaient une importance équivalente à cette 

question. 

145 

Andrew BREALEY, « Faster than a Speeding Bullet : Orbital Debris », Astropolitics, 3 (1), 2005, p. 

1-34 

146 

MILOWICKI et JOHNSON-FREESE, « Strategic Choices: Examining the United States Military 

Response to the Chinese Anti-Satellite Test », art. cité. 


208

Annexe 10 : Le tourisme spatial 

Les astronautes ont toujours été seuls dans l‘Espace 147 . En outre, une fois là-haut, 

ils ne sont pas les représentants de leurs nations respectives, mais les « envoyés de 

l‘humanité 148 ». Ces citations en sont de beaux témoignages 149 . 

« Je voyais la Terre depuis l‘espace, si belle depuis qu‘avaient disparu les 

cicatrices des frontières nationales » Mohammed Ahmed Faris (Syrie) 

« En somme, je voyais une partie considérable de la Terre, tout en distinguant 

sans difficulté les petits détails du terrain où j‘avais marché quelques semaines 

auparavant. Alors je souris de me rendre compte de l‘immensité dérisoire et 

relative de notre planète » Jean-Loup Chrétien (France) 

« Avant d‘effectuer mon vol, je savais que notre planète était menue et 

vulnérable. Mais c‘est seulement lorsque je l‘ai vue depuis l‘espace dans son 

indicible beauté et sa fragilité, que je me suis rendu compte que la tâche la plus 

urgente de l‘humanité était de la préserver pour les générations à venir » 

Sigmund Jähn (Allemagne) 

Toutefois, depuis peu, de nouveaux envoyés ont fait leur apparition. Il s‘agit des 

touristes de l‘Espace. Pour le moment, par définition, ce tourisme reste un luxe promis 

seulement à quelques uns. Mais il marque aussi l‘idée selon laquelle l‘impact de 

l‘opinion des individus et l‘intrusion dans les relations internationales des acteurs non- 

étatiques sont des développements trop importants pour être ignorés. 

Transnationalisme et Espace : l’exemple du tourisme 

Le potentiel est gigantesque et milite en faveur d‘investissements conséquents. 

Tel est le constat fait par la compagnie Futron dans un rapport publié en 2002 et intitulé 

Space Tourism Market Study 150 . Pour ce qui est des voyages suborbitaux : d‘ici 2021, 

plus de 15 000 passagers prendront leurs billets annuellement, ce qui représentera plus 

147 Astronaute, littéralement navigateur des étoiles, est le mot anglais choisi par la NASA en 1958 pour 

désigner tout membre d‘équipage à bord d‘un véhicule spatial et à destination de l‘Espace. Cosmonaute, 

quant à lui, est un mot russe anglicisé utilisé pour désigner tout membre d‘équipage provenant de 

l‘Agence spatiale fédérale russe et plus généralement de tous les pays de l‘ex-URSS. Spationaute est 

utilisé pour désigner les voyageurs spatiaux européens et surtout français (du latin « spatium », Espace et 

du grec « nautes », navigateur). Taïkonaute désigne les voyageurs spatiaux chinois, et signifie 

littéralement « homme de l‘Espace. » 

148 Article V, OST, 1969. 

149 Cités dans La Grande Encyclopédie Fleurus Espace, op. cit., p. 254. 


209

de 700 millions de dollars (Schéma 1). Au niveau des voyages orbitaux : d‘ici 2021, plus 

de 60 passagers pourront voler annuellement, pour un revenu total de 300 millions de 

dollars (Schéma 2). Rappelons que, étant donné l‘élasticité du marché, les groupes 

sociaux désireux de payer pour des vols suborbitaux sont différents de ceux séduits par 

les vols orbitaux. 


Rapport FUTRON, op. cit., p. 50 

Ibid., p. 57. 

150 Suzette BEARD et Janice STARZYK, Space Tourism Market Study : orbital space travel & 

destinations with suborbital space travel, Futron Corporation, octobre 2002 [en ligne] 

210

Le tourisme spatial a de beaux jours devant lui. C‘est ce qui a convaincu les 

investisseurs alors que le nombre de millionnaires dans le monde va en augmentant 

(Chine, Inde, Brésil). L‘effet de notoriété commence à émerger et nous voyons des 

individus acheter des billets alors même que la technologie n‘est pas prête et qu‘il n‘y a 

toujours pas de calendrier pour les vols opérationnels. Ainsi, Virgin Galactic a réussi à 

attirer plus de 38 000 candidatures : 306 individus ont d‘ores et déjà payé leurs 200 000 

dollars 151 . Et pour cause : le modèle que Richard Branson a réussi à vendre est fondé 

avant tout sur des prestations marketing très efficaces. Le résultat est que la concurrence 

fleurit : tant les possibilités que les méthodes sont différentes, mais l‘esprit reste le 

même : arriver premier sur le marché. Cette tendance est, en outre, confirmée par les 

décisions politiques récentes prises par l‘administration Obama en faveur de vols de 

routines privatisés en direction de la LEO. Témoigne des enjeux le nombre des 

principaux acteurs de cette nouvelle course à l‘Espace dont nous devrions voir émerger 

les résultats d‘ici quelques années : Rocketplane, SpaceDev, XCOR Aerospace, EADS 

Astrium, Starchaser, Blue Origin, Armadillo Aerospace et le da Vinci Project 152 . 

Trois modèles technologiques se dessinent ici. 1) Le premier s‘appuie sur de 

petits lanceurs poussant jusqu‘à 100 km d‘altitude. La technologie existe (les fusées), 

mais ce modèle peut s‘avérer coûteux sur le long terme. 2) Une autre approche considère 

un avion porteur avec une fusée placée sous ses ailes ou sur le dos et larguée à 10 km 

d‘altitude. Il s‘agit du principe choisi par Virgin Galactic (voir image suivante). Les 

contraintes opérationnelles sont élevées. A terme, le modèle bloquera sur 

l‘industrialisation des gros avions-porteurs trop coûteuse d‘un point de vue 

investissement. 3) Le troisième et dernier modèle incarne sans doute l‘avenir. Il s‘agit de 

construire un avion spatial : un jet de l‘Espace. Tel est le chemin pris par Astrium (voir 

image suivante). Ici, l‘appareil ne nécessite aucune infrastructure spécifique. L‘envers 

du décor est le prix de développement. Ce modèle est un pari sur l‘avenir, en aucun cas 

un exemple de développement à court terme. 

http://www.spacetourismsociety.org/STS_Library/Reports_files/SpaceTourismMarketStudy.pdf. 

151 Les prix se tassent à partir des 100 premiers sièges (candidats fondateurs). De 100 à 400 (candidats 

pionniers), l‘acompte n‘est plus que de 150 000 dollars. A partir de 400, nous tombons à 20 000 dollars. 

152 Voir Erik SEEDHOUSE, Tourists in Space : A Practical Guide, New York, Springer, 2008, p. 27-45. 


211

Le SpaceShipOne et son avion porteur, le WhiteKnightOne 

http://www.virgingalactic.com/multimedia/album/whiteknightone-and-spaceshipone/ 


Le Space Plane d‘EADS-Astrium 

http://www.astrium.eads.net/fr/articles/les-missions-du-spaceplane.html 

212

Annexe 11 : Les Etats, les individus et 

l’Espace 

Que pensent les individus de l‘Espace ? Comment le conçoivent-ils ? Qu‘en 

connaissent-ils ? L‘émerveillement après Spoutnik, Gagarine et Apollo 11 a-t-il laissé 

place à la banalisation d‘un exercice devenu routinier ? S‘agit-il d‘un désintérêt 

général 153 ? L‘Espace fait rêver ; pour autant dans une perspective cosmopolite, se 

représenter concrètement ce que les individus voient dans l‘Espace est primordial. 

Certains ne perçoivent le futur de l‘Espace et sa conquête que dominés par le modèle de 

l‘Etat-nation territorialement défini 154 . Une perspective Révolutionnaire montrerait, elle, 

que l‘Espace incarne une chose trop essentielle pour être laissé entre les mains de la 

seule société des Etats 155 . Après tout, ces derniers ne sont-ils pas responsables de la 

menace provoquée par les débris spatiaux et ne font-ils pas peser sur la tête de chacun 

d‘entre nous l‘épée de Damoclès d‘une course aux armements dans l‘Espace ? 

Pour les individus, les études montrent en réalité un attachement quasi-mythique 

à certaines représentations de l‘Espace, mais aussi une grande ignorance des acteurs et 

des activités liés à l‘Espace. Malgré tout, le public estime que les Etats devraient 

continuer à investir là-haut. Nous proposons ici une première partie qui fera un bilan des 

perceptions des individus, pour, dans un second temps, nous intéresser au cas particulier 

de la NASA en butte avec l‘héritage Apollo. 


Les perceptions vis-à-vis de l’Espace 

Malgré les exploits du siècle dernier et les incontestables progrès scientifiques et 

technologiques accomplis depuis, pour le grand public, l‘Espace reste largement une 

terra incognita. En témoignent plusieurs études quantitatives et qualitatives menées par 

le Centre national d‘études spatiales (CNES) sur plusieurs échantillons représentatifs de 

la population française 156 . 

153 A noter que l‘intérêt du public pour l‘Espace avait subi un net infléchissement dès Apollo 12. Apollo 

13 n‘avait gagné l‘attention des médias et du monde entier qu‘après l‘accident qui avait perturbé sa 

mission et failli provoquer la mort de son équipage. 

154 HICKMAN, « Viewpoint : Extraterrestrial National Territory and the International System », art. cité. 

155 Certains proposent de créer une bibliothèque (un disque dur) scientifique, biologique et culturelle sur 

la Lune pour protéger notre civilisation d‘une catastrophe terrestre irrémédiable. Le projet (« Humanity 

Forever ») s‘inspire certainement de la saga Fondation écrite par l‘auteur de science-fiction Isaac 

Asimov. Robert SHAPIRO, « A new rationale for returning to the Moon? Protecting civilization with a 

sanctuary », Space Policy, 25, 2009, p. 1-5. 

156 Sauf mention contraire, nous citons une étude IPSOS de juin 2008 intitulée « Le grand public et le 

spatial. Image et notoriété du CNES » et réalisée à partir de 2000 interviews quantitatives online auprès 

213

Ces études montrent un intérêt certain mais relatif des individus pour l‘Espace. A 

la question « Vous-même, vous intéressez-vous aux activités spatiales? », nous obtenons 

les éléments suivants. 

L‘approfondissement qualitatif obtenu à partir de la même étude fait émerger quatre 

grands groupes : 1) les « experts », des passionnés de l‘Espace, dotés d‘une forte culture 

scientifique et pratiquant une veille continue des événements du spatial ; 2) les 

« curieux », présentant un intérêt pour le spatial parmi d‘autres intérêts scientifiques ; 3) 

les « femmes », exprimant un faible intérêt pour le domaine spatial, généralement un 

intérêt passif ; 4) les « jeunes » du collège au lycée, très peu d‘intérêt et une 

connaissance très faible. Il est frappant de voir les « femmes » et les « jeunes » se 

distinguer aussi nettement. En effet, les activités spatiales illustrent bien la domination 

d‘un certain discours postulant, tant aux Etats-Unis qu‘en Europe, que l‘Espace doit être 

considéré, « through a heteronormative, heterosexual, regulatory framework, as a 

particular frontier to be conquered and colonized » et qui dès lors « (re)produce[s] outer 

space as a masculinized, hererosexualized realm 157 ». Cette conquête de l‘Homme sur la 

nature est certes plus militarisée (et donc masculinisée) aux Etats-Unis qu‘en Europe. 

d‘un échantillon national représentatif des français âgés de 16 à 64 ans entre le 25 avril et le 6 mai 2008. 

La phase qualitative s‘est poursuivie entre le 27 mai et le 10 juin 2008. 

157 GRIFFIN, « The spaces between us », op. cit., p. 74. 


214

Pour autant, que le contrôle soit scientifique et/ou commercial plutôt que guerrier ne 

change rien à l‘affaire 158 . 

Or ce discours de conquête n‘est pas véritablement celui que nous retrouvons 

lorsque nous nous penchons du côté des perceptions individuelles. L‘Espace est souvent 

caractérisé par une réalité ambivalente 159 . D‘une part, l‘Espace incarne l‘espoir, la 

liberté, l‘immensité vide et encore inexploitée. On y envisage des activités comme le 

tourisme spatial et les voyages, de même que de nombreuses découvertes censées 

trouver des applications dans notre vie quotidienne : « tout est possible ». Mais l‘Espace 

évoque aussi la crainte de la non-maîtrise et d‘une conquête abusive. Il faut alors 

redouter les risques de collision liés à l‘encombrement, la dégradation de notre proche 

banlieue, la pollution et l‘exploitation à des fins douteuses. Le sentiment n‘est plus celui 

de la liberté, mais celui de la culpabilité : « il faut protéger l‘Espace », « est-ce qu‘on le 

mérite ? » 

Enfin, nous en arrivons au paradoxe selon lequel les Français approuvent 

l‘investissement que la France consacre à cette nouvelle dimension, mais sans avoir de 

connaissances précises de ce qui est fait là-haut, ni même des acteurs du spatial qui les 

représentent. Les graphiques suivants illustrent ce point. Ainsi, à la question, « Diriez- 

vous qu'en France, les pouvoirs publics accordent aux programmes spatiaux une 

part...? », ils sont une majorité à estimer que la part consacrée à l‘Espace est 

suffisamment importante (voire pas assez importante pour 26% d‘entre eux). 

158 Par exemple, les effectifs de la NASA et de l‘ESA le montrent. « This regulatory masculinism has 

undoubtedly resulted in the overwhelming dominance of male astronauts in space », ibid., p. 73. Le 

masculinisme se définit comme une « idéologie qui tient pour acquis qu‘il existe une différence 

fondamentale entre les hommes et les femmes, qui assume que l‘hétérosexualité est normale, qui accepte 

sans la questionner la division sexuelle du travail et qui cautionne le rôle politique et dominant des 

hommes à l‘intérieur des sphères publiques et privées », Anne-Marie d‘Aoust, « Les approches 

féministes en Relations internationales », in MACLEOD et O‘MEARA, op. cit., p. 304. 

159 Selon une étude TNS SOFRES intitulée « Notoriété du CNES et représentations liées à l‘Espace » de 

mai 2004 et constituée d‘un échantillon national de 1000 personnes représentatif de l‘ensemble de la 

population âgée de 15 ans et plus, interrogées en face à face. 


215

Par contre, à la question, « Pouvez-vous indiquer pour chacun des acteurs du secteur 

spatial suivants, si vous les connaissez suffisamment pour vous en faire une opinion, si 

vous les connaissez seulement de nom ou si vous ne le connaissez pas du tout ? », nous 

trouvons en première position la NASA (et très loin derrière, l‘Agence spatiale 

européenne). 

De même : « Pour chacune des phrases suivantes pouvez-vous indiquer si vous êtes tout 

à fait, plutôt, plutôt pas ou pas du tout d’accord ? », nous voyons bien se dessiner la 


216

surévaluation de la NASA par rapport à son équivalent français dont la visibilité tant 

internationale que domestique est moindre. 

Selon notre étude, le CNES « promeut des valeurs plus qu'honorables : la science pour 

l'humain, l'humilité, l'implication, l'idéalisme, la passion » et « poursuit des objectifs 

d'utilité publique : préserver les générations futures avec des efforts en matière de 

coopération européenne ». N‘en demeure pas moins que la NASA est l‘organisme le 

plus présent sur le devant de la scène mondiale ; en cause, sa communication 

« évènementielle » relayée par les responsables politiques américains et les médias 

dominants, mais pas seulement. 

La NASA et l’héritage du programme Apollo 

L‘image très positive de la NASA bénéficie de l‘héritage du programme Apollo 

et de la Guerre froide. Cette époque est d‘autant plus appréciée qu‘elle s‘est caractérisée 

par le succès sur l‘adversaire soviétique. 

La « National Aeronautics and Space Administration », plus connue sous le nom 

de NASA, est née 29 juillet 1958 dans le but de fédérer les différents projets 

aéronautiques américains civils pour rattraper l‘avance prise par l‘URSS 160 . Elle s‘inscrit 

typiquement dans la doctrine de la sanctuarisation chère au président Eisenhower 


217

puisque ses « activities in space should be devoted to peaceful purposes for the benefit 

of all mankind 161 ». Par conséquent, la coopération internationale est une de ses missions 

prioritaires. Pour autant, elle doit aussi chercher « [t]he preservation of the role of the 

United States as a leader in aeronautical and space science and technology 162 ». Placée 

sous l‘autorité directe de l‘exécutif, elle montre plus que tout autre élément combien la 

« politique spatiale américaine » est dépendante d‘enjeux non directement spatiaux. Le 

programme Apollo en témoigne. 

La NASA a effectivement conduit avec succès le programme Apollo (1961-1975) 

lancé suite au fameux discours de John F. Kennedy. A l‘époque toutefois, la course à la 

Lune et le pari présidentiel ne sont aucunement liés à des questions de popularité : ce 

sont des raisons strictement politiques qui ont poussé les Américains à lancer un défi à 

l‘URSS alors que celle-ci gagnait en influence au début des années 1960 163 . L‘Espace 

s‘est révélé être un substitut. Kennedy l‘explique lui-même lors d‘une conversation avec 

James E. Webb, alors administrateur de la NASA : 

Everything that we do should be tied into getting on to the Moon ahead of the 

Russians. We ought to get it really clear that the policy ought to be that this is the 

top priority program of the agency and one […] of the top priorities of the United 

States government […]. Otherwise we shouldn‘t be spending this kind of money, 

because I am not that interested in space. I think it‘s good. I think we ought to 

know about it. But we‘re talking about fantastic expenditures. We‘ve wrecked 

our budget, and all these other domestic programs, and the only justification for 

it, in my opinion, is to do it in the time element I am asking 164 . 

Pour l‘historien américain Roger Launius : « [i]n the end a unique confluence of foreign 

policy crisis, political necessity, personal commitment and activism, scientific and 

technological ability, economic prosperity, and public mood made possible the 1961 

160 Elle prend la relève de la NACA (« National Advisory Committee for Aeronautics ») créée en 1915 

afin de répondre aux besoins de la recherche en aéronautique. 

161 Selon la section 2 (a), Titre 1 du « National Aeronautics and Space Act » approuvé en 1958 [en ligne] 

http://www.nasa.gov/offices/ogc/about/space_act1.html 

162 Selon la section 2 (d), Titre 1, ibid. 

163 Le discours sexualisé de l‘Espace prend ici sa pleine dimension. Face à l‘émasculation provoquée par 

les réussites soviétiques, les Etats-Unis doivent s‘engager virilement dans une conquête agressive. Une 

fois le pari réussi, cette logique ne peut que se déployer un peu plus pour prendre la dimension qu‘elle a 

aujourd‘hui concernant l‘opposition masculinisation/féminisation. Si comme nous l‘avons montré au 

long de notre mémoire, les Etats-Unis cherchent la « space dominance », ils perçoivent de manière 

complémentaire le reste du monde comme subordonné à leur puissance et susceptible d‘être intégré au 

sein de « global partnerships » dans lesquels les Etats-Unis joueraient le rôle de pôle dominant. 

GRIFFIN, op. cit. 

164 Cité par Roger D. LAUNIUS, « Public opinion polls and perceptions of US human spaceflight », 

Space Policy, 19, 2003, p. 163–175. 


218

decision to carry out a forward-looking lunar landing program 165 ». Pour cette raison, 

nous ne pouvons que remarquer combien « Apollo had not been conducted under normal 

political circumstances and would not be repeated 166 » quoi que puissent en dire les deux 

dernières administrations. Encore qu‘une autre raison existe : « [r]ecreating Apollo is 

doomed to fail, in no small measure because of the myths and nostalgia surrounding it as 

we look back more than 30 years to its singular success 167 . » 

Le mythe Apollo s‘inscrit pleinement dans le style national américain. Le cinéma 

peut nous aider à comprendre l‘importance prise par la NASA depuis l‘alunissage 

d‘Apollo 11 en 1969. Nous nous référons à Apollo 13 de Ron Howard (1995) et Space 

Cowboys de Clint Eastwood (2000). Le premier film illustre pleinement le syndrome du 

quick fix. Rappelons les faits. La mission Apollo 13 a décollé le 11 avril 1970 de son pas 

de tir en direction de la Lune, mais n‘a jamais atteint sa destination ; en cause : 

l‘explosion de l‘un des réservoirs d‘oxygène. L‘appel lancé par l‘astronaute Jim Lovell 

est resté célèbre : « Houston, we‘ve had a problem 168 ». Le diagnostic à partir du sol va 

commencer ; et finalement : « [t]he heroes of Apollo 13 are the geeks of Mission 

Control, with the astronauts aboard the spacecraft as spirited but essentially and 

metaphorically emasculated characters to be saved. Lovell, Haise and Swigert must wait 

to be rescued […] ». Et pour cause, l‘exploit – bien montré par le film – a consisté à 

ramener l‘équipage sain et sauf, en lui faisant faire, non pas un demi-tour, mais un aller 

vers la Lune afin de donner l‘impulsion nécessaire au vaisseau pour rentrer sur Terre. 

Pour Lovell, Apollo 13 a été « a successful failure » ; pour les Américains, 

paradoxalement, cela n‘a rendu que plus forte la confiance en la NASA dont les 

ingénieurs pouvaient tout faire, tout réussir : « you put an X anyplace in the Solar 

System and the engineers at NASA can land a spacecraft on it 169 . » 

Le second film reprend le mythe de la frontière et de l‘Amérique agraire et 

vertueuse. Le « mythe de la frontière », décrit par Frederick Jackson Turner dans un 

essai de 1893, rend compte de l‘existence d‘une « final frontier » censée revitaliser la 

165 Ibid. 

166 Ibid. 

167 LAUNIUS, « Perceptions of Apollo: Myth, nostalgia, memory or all of the above? », art. cité. 

168 Cette explosion dans l‘Espace fait suite à une longue suite d‘accidents qui investissent un peu plus le 

mythe Apollo 13. Ainsi, lors des essais de remplissage des réservoirs, l‘une des canalisations s‘était 

brisée et avait répandu son oxygène sur le pas de tir provoquant un incendie, rapidement maîtrisé. A cela, 

il faut ajouter le remplacement à la dernière minute de l‘un des trois membres d‘équipage pour cause de 

maladie. Enfin, lors du décollage, un des cinq moteurs de poussée s‘arrête de fonctionner au niveau du 

second étage. 

169 Cité par Roger D. LAUNIUS, « Public opinion polls and perceptions of US human spaceflight », art. 

cité. 


219

société américaine et lui donner son caractère exceptionnel (et américain). De la même 

manière, le film montre un équipage de retraités prendre le chemin des étoiles afin de 

réparer un vieux satellite russe obsolète dont personne n‘a plus les plans, et qui se révèle 

être un magasin à têtes nucléaires. Le film s‘identifie à la thèse de Turner : 

Space Cowboys subtly creates a duality of young organization man/old frontier 

individualist. The older "frontiersmen" have the knowledge and skill necessary to 

"conquer" space but are out of step with the system. […] [T]he second part of the 

film – the mission – demonstrates the capability of the elderly frontiersmen to 

overcome even the most insurmountable problems and "conquer" space. In so 

doing, they disprove the belief that they are outdated and irrelevant 170 . 

Les personnages de Space Cowboys incarnent les vertus dont l‘Amérique a besoin : 

« Space Cowboys evokes a deeply mythical understanding of spaceflight and the 

adventure that was Apollo 171 . » 

Les succès du programme Apollo, de même que les mythes véhiculés, sont 

certainement à l‘origine de la haute opinion avec laquelle les Américains jugent la 

NASA et le programme spatial américain en général. Malgré les accidents de la navette 

spatiale 172 ou l‘absence de grandes « premières » à l‘image des gros succès des années 

1960 et 1970, le public a toujours tenu la NASA en estime – ce qui doit être souligné 

compte tenu de l‘image souvent négative accolée aux agences fédérales. Toutefois cette 

opinion largement favorable des Américains à l‘égard de leur programme spatial ne doit 

pas nous obnubiler : les Américains, tout comme les Français, sont plutôt ignorants de 

ce qui est fait en leur nom sur le balcon du monde. En outre, si le soutien de principe est 

fort, dès qu‘il s‘agit de payer, les Américains sont moins disposés – outre que très peu 

savent quelles sont les activités et les objectifs de la NASA 173 . Les graphiques suivants 

illustrent ces différents points 174 . 

170 

Roger D. LAUNIUS, « Perceptions of Apollo », art. cité. 

171 

Ibid. 

172 

Mais la navette spatiale, elle-même, évoque un mythe puissant toujours à l‘œuvre alors que le 

programme est sur le point de prendre fin. Malgré l‘origine injustifiée du STS (programme électoral), ce 

dernier obéit finalement à une logique de prestige liée à un concept futuriste et technologiquement très 

avancé. 

173 

LAUNIUS, « Public opinion polls and perceptions of US human spaceflight », art. cité. 

174 

Les résultats sont élaborés à partir d‘entretiens téléphoniques sur un panel de 1010 adultes 

américains, âgés de 18 ans et plus, menés entre le 10 et le 12 juillet 2009 [en ligne] 

http://www.gallup.com/poll/121736/Majority-Americans-Say-Space-Program-Costs-Justified.aspx. 

Plusieurs autres enquêtes sont disponibles à la même adresse pour les années 2007, 2006, 2005 et 2004. 


220

Les coûts sont justifiés : ce constat est d‘autant plus impressionnant que ce sont les plus 

jeunes, ceux qui n‘ont pas vécu les alunissages historiques des années 1960 et 1970, qui 

sont les plus favorables à l‘agence. 

A propos du financement, les Américains sont plus circonspects. Cela est d‘autant plus 

vrai lorsque le contexte économique général est morose comme en 1993 ; les Américains 

sont alors moins convaincus de l‘intérêt du programme d‘exploration spatiale. A 

l‘opposé, le point le plus haut fait immédiatement suite à l‘explosion de la navette 

Challenger. 


221

Globalement les Américains sont satisfaits du travail accompli par la NASA. Le taux est 

relativement constant depuis ses dernières années. Le point le plus haut fait suite à 

l‘envoi dans l‘Espace de l‘ancien astronaute devenu sénateur : John Glenn. 

Comme nous l‘avons déjà observé, ces taux sont fonction de l‘éducation : plus une 

personne est éduquée, plus son opinion aura tendance à être favorable aux hausses de 

dépenses, ce qui fait suite aux constats généralement plus positifs sur le travail de 

l‘agence et la justification des coûts. 

Or malgré l‘épisode de la navette spatiale (sur le point de s‘achever), l‘histoire de 

la NASA se résume à une invocation perpétuelle de l‘âge d‘or du développement spatial 

dans le contexte de la Guerre froide. 


222

Notes : Comparaison avec le programme européen et français 

Le modèle spatial européen est construit sur une toute autre base. L‘Amérique a 

en effet pendant longtemps été considérée à la fois comme une menace pour l‘Europe 

obsédée par le fossé technologique et économique qui la séparait alors des Etats-Unis et 

comme une opportunité. Le programme français a plus que tout autre incarné cette 

ambigüité alors même que la France devenait par défaut le pays leader en Europe 175 . La 

politique de « présence » prônée par la France s‘est concrétisée par la création du CNES, 

fondé en 1961. Avec le CNES, la France a pu poursuivre un double objectif à la fois 

stratégique et scientifique. Rapidement, la France est devenue la troisième puissance 

spatiale mondiale, ce que le lanceur français Diamant A, tiré avec succès en 1965, a 

confirmé. Sa version civile développée dans les années 1970, dont Ariane-5 est le 

lointain héritier, s‘inscrira dans cette lignée. Par conséquent, le CNES a servi de fer de 

lance, « expression du génie français au service de l‘Europe 176 ». Quant au chemin pris 

par l‘Europe de l‘Espace, il va être en grande partie lié à l‘image scientifique, pacifique 

et multilatérale. Après plusieurs tentatives infructueuses, l‘ESA émerge dans le but de 

« ensure and develop exclusively for peaceful pruposes the cooperation between the 

Europe States in the field of space research, technology, and applications for their use in 

scientific research and in operational application space systems 177 ». Contrairement à la 

NASA, la fin de la Guerre froide, loin d‘être vécue comme une crise incarne une 

opportunité qui peut favoriser l‘émergence d‘une politique spatiale européenne 

autonome et crédible. La doctrine dominante de la NASA, marquée par les valeurs de 

l‘exploration spatiale, n‘est pas celle partagée par les Européens, beaucoup plus 

utilitariste 178 . L‘essor de la famille Ariane en témoigne. 

175 Dès 1960, les Britanniques mettaient un terme à leur programme national et choisissaient plutôt de 

s‘équiper en matériels américains. Pour la France de la « grandeur », l‘effet de miroir américain se 

répercute et provoque les mêmes effets pour ce qui est de l‘idéologie masculinisée dont nous avons parlé 

plus haut. La mesure est toutefois différente, il n‘y a pas en Europe de stigmatisation équivalente à celle 

dictée par les Américains sous la forme du « partner-competitor. » 

176 Rapport sur les grands domaines programmatiques de la politique spatiale du futur, Politique 

spatiale : l’audace ou le déclin. Comment faire de l’Europe le leader mondial de l’espace, février 2007 

[en ligne] http://www.assemblee-nationale.fr/12/pdf/rap-off/i3676.pdf, p. 58. 

177 « ESA's Purpose » [en ligne] http://www.esa.int/SPECIALS/About_ESA/SEMSN26LARE_0.html 

178 PASCO et JOURDAIN, « Comparative Space Policy », in SADEH, op. cit., p. 328. Preuve de ce credo 

utilitariste, la communication du CNES était centrée dans les années 1970 sur « l‘espace utile ». 

Aujourd‘hui, l‘avènement du règne de l‘Espace au service de l‘environnement s‘exprime dans la 

signature revendiquée depuis 2004 : « De l‘espace pour la Terre ». A noter que l‘aventure avait été le 

premier point sur lequel le CNES avait accès sa communication dans les années 1960. 


223

Annexe 12 : « Révolution » spatiale et 

débat sur l’arsenalisation : quelles visions 

pour l’Espace américain ? 

L‘Espace est aujourd‘hui la quatrième dimension. Depuis l‘opération « Tempête 

du Désert », la façon américaine de faire la guerre a plus qu‘intégré cette nouvelle 

donne : elle en fait un élément à part entière ayant même rang que les autres types 

d‘armements (terre, mer, air). Plus spécifiquement, les Américains parlent de complexe 

de reconnaissance-frappe (« Reconnaissance-Strike Complex ») centré sur l‘existence 

d‘une utilisation couplée des capacités d‘observation/reconnaissance et de frappe 

précise. 

Everett DOLMAN, Peter HAYS et Karl P. MUELLER, « Toward a U.S. Grand Strategy 


in Space », art. cité. 

Ainsi, l‘Espace ne se réduit pas seulement aux communications, il fournit bien 

plus : « it is things like how you know where you are, how you know where the targets 

224

are, how you are communicating that back, the weather data that helps you load the 

correct weapons for that strike package 179 ». Quant aux communications par satellites, 

leurs utilisations ont explosé, comme le montre la figure suivante (la zone grisée illustre 

combien cette tendance pourrait se poursuivre dans les années à venir). 


Ibid. 

Dans cette logique, l‘Espace ne peut qu‘inaugurer une nouvelle façon de faire la 

guerre déjà très investie par les Américains et copiée, sur des modes moins onéreux, par 

d‘autres pays. L‘Espace est-il dès lors synonyme de « Transformation » ? 

RMA et Transformation 

Une RMA (Révolution dans les Affaires Militaires) est définie comme un 

changement radical affectant le caractère de la conduite de la guerre. A titre d‘exemple, 

le XX e siècle a connu plusieurs RMA dans la guerre navale (années 1900), les 

opérations interarmes avec prédominance prévue de l‘artillerie (1916-1918), le combat 

mécanique (années 1920 et 1930), la guerre atomique (années 1940) puis nucléaire 

(années 1950), les missiles guidés (années 1950), l‘utilisation militaire de l‘Espace 

(années 1960 et 1970), la guerre sur l‘information (années 1970 à aujourd‘hui) et la 

179 HAYS, in DOLMAN, HAYS et MUELLER, art. cité. 

225

guerre cybernétique. Colin S. Gray propose quelques définitions utiles afin de mettre 

l‘Espace et l‘« information dominance » en perspective 180 . 

1) Révolution militaire. Il s‘agit d‘événements rares et imprévisibles. Ils sont liés à des 

tendances profondes dans les domaines politique, social et, généralement, technique. Il 

en va ainsi de la naissance de l‘Etat moderne aux XVI e et XVII e siècles, de la 

Révolution française, de la Révolution industrielle et des bouleversements créés par la 

Première Guerre mondiale. C‘est également vrai des révolutions nucléaire et 

informationnelle. 

2) Révolution dans les Affaires Militaires (RMA). « Les Révolutions militaires sont 

précédées, mises en œuvre et suivies par des RMA 181 ». Il s‘agit d‘un changement 

radical dans le caractère de la guerre. L‘innovation technologique est un point saillant 

ici, même si la RMA ne s‘y limite pas. 

3) Révolution Technico-Militaire. Les RMA dont le moteur est clairement technologique 

sont appelées Révolutions Technico-Militaires. La révolution informationnelle (portée 

par les NTIC) serait de ce type. 

4) Révolution dans les Affaires Stratégiques. Il s‘agit de « changements larges et 

profonds dans l‘utilité de la menace de force ou dans l‘emploi de celle-ci 182 . » 

5) Révolution dans les Affaires de Sécurité. Les changements ne sont pas marquants 

comme dans la Révolution dans les Affaires Stratégiques, mais beaucoup plus 

discontinus. A la base du raisonnement, il y a l‘opposition entre défense et sécurité. 

6) Révolution dans les Attitudes Vis-à-Vis des Militaires. Cette révolution prend acte de 

la façon nouvelle dont sont maintenant considérées les armées professionnelles au sein 

des sociétés occidentales. Le contexte socio-culturel occidental nouveau fait que la 

sensibilité aux pertes occasionnées ou subies (notamment chez les non-combattants) est 

très forte. 

7) Transformation Militaire. Ce terme remplace celui de RMA mais ne signifie guère 

autre chose. Il s‘agit toujours d‘un changement radical dans le caractère de la conduite 

de la guerre ; dans le meilleur des cas, nous pourrions dire qu‘une RMA peut conduire à 

la Transformation. 

8) Transformation de la Guerre. « Le concept est vraiment très large : il accueille 

généreusement tout ce qui n‘est pas réservé aux affaires étroitement militaires couvertes 

180 GRAY, La guerre au XXI e siècle, op. cit., p. 101-102. 

181 Ibid., p. 101. 

182 Ibid. 


226

par l‘idée de transformation militaire 183 ». Autrement dit, il incorpore les idées des 

Révolutions dans les Affaires Stratégiques et de Sécurité en donnant aux réflexions sur 

la guerre un contexte politique, social et culturel. 

La notion de Transformation est aujourd‘hui la plus utilisée. Dans notre cas, elle 

est d‘autant plus intéressante qu‘elle s‘appuie sur l‘emploi de plus en plus fréquent des 

systèmes modernes de C 4 ISR (commandement, contrôle, communication, 

renseignement, surveillance et reconnaissance) couplé avec l‘utilisation des munitions 

de précisions (d‘où le jargon, C 4 ISTAR pour « Target Acquisition and 

Reconnaissance »). L‘opération « Tempête du Désert » a très bien illustré l‘émergence 

de ce « complexe de reconnaissance-frappe » comme nouvelle forme dominante du 

combat. Les conflits suivants ont confirmé ce constat. Comme le montrent les schémas 

précédents, la Transformation actuelle met l‘accent sur les systèmes (ISR/MCG/Comm) 

de reconnaissance et de surveillance qui communiquent une position ennemie aux états- 

majors concernés afin qu‘ils ordonnent sa destruction par une unité (air, terre, mer) au 

moyen d‘armes de précision. Cela revient à affirmer que le brouillard de guerre (« fog of 

war ») peut quasiment être éliminé – et le sera très bientôt à mesure que le C 4 ISTAR 

gagnera en précision. Autrement dit, la situation future incarnera celle d‘un near perfect 

situational awareness (connaissance quasi-parfaite de la situation tactique) et de one- 

shot-one-kill (pour chaque coup, une cible détruite) 184 . 

Cet optimisme a depuis le 11 septembre été remis en cause 185 alors que la 

maîtrise des « zones contestées » s‘est avérée relativement imperméable aux logiques 

ultra-technologiques des « espaces communs » 186 . Les Transformationnistes et autres 

RMAistes américains ont semble-t-il voulu aller trop vite. Mais il est vrai que l‘Espace 

promet énormément. Dans un avenir plus ou moins proche – et alors que le C 4 ISTAR 

n‘existerait certainement pas sans son soutien – beaucoup dépendra de lui. En cela, il est 

logique de voir qu‘il focalise l‘attention. 

183 Ibid., p. 102. 

184 John GORDON, « La transformation, pour quoi faire ? Défis d'aujourd'hui et de demain », Focus 

stratégique, n°11 (bis), IFRI, janvier 2010. 

185 Ibid. Colin S. Gray prévient : « [l]a guerre ne change pas toujours selon un mode linéaire et évolutif. 

La surprise n‘est pas simplement possible ou même probable, elle est certaine », La guerre au XXI e 

siècle, op. cit., p. 371. Si nous ne pouvons pas parler de certitude, c‘est parce que la surprise est un 

élément inscrit au cœur de la guerre. Basil H. Liddel Hart parle de « stratégie indirecte » et préconise le 

recours autant que possible aux choix paradoxaux de façon à orienter l‘action militaire selon une « ligne 

de moindre prévisibilité » contraire à la « ligne d‘attente normale », Stratégie, op. cit., alors que Edward 

Luttwak parle d‘une « logique paradoxale » de la stratégie « étrangère à la logique "linéaire" ordinaire 

qui gouverne nos autre sphères d‘activité », Le grand livre de la stratégie. De la paix et de la guerre, 

Paris, Odile Jacob, 2002, p. 21. 

186 POSEN, « La maîtrise des espaces », art. cité et « Command of the Commons », art. cité. 


227


Le débat sur l’arsenalisation de l’Espace 

Malgré l‘utilisation croissante de l‘Espace, tout le monde n‘est pas d‘accord sur 

les implications. David Lupton dans son On Space Warfare a montré combien les 

commentateurs étaient divisés aux Etats-Unis. Pour lui, dans les années 1980, quatre 

écoles essayaient de dominer le débat alors naissant : le sanctuaire, la survivabilité, le 

contrôle de l‘Espace et l‘école du point-haut. Chacune présente des programmes 

propres, avec des valeurs sous-jacentes précises (ligne 2) et des implications spatiales 

différentes pour le type d‘usage et d‘armements amenés à être développés (ligne 3), le 

type de mission militaire préconisée (ligne 4), et la forme d‘organisation civile ou 

militaire retenue 187 (ligne 5). 

Peter HAYS, « Space and the Military », op. cit., p. 342. 

Aujourd‘hui encore, ces quatre écoles restent d‘actualité. Les noms et les 

contenus ont peut-être changé, mais les termes du débat restent toujours les mêmes. Les 

quatre écoles de Lupton ont prouvé leur pertinence au sein du débat sur l‘arsenalisation 

de l‘Espace. Nous pouvons en effet les présenter le long d‘un continuum partant d‘un 

228

niveau d‘armement minimum (sanctuaire) pour atteindre les sommets rêvés par certains 

(high ground). Le type d‘activité suit la même logique. Dans ces conditions, la transition 

entre militarisation et arsenalisation se joue au niveau de l‘école de la survivabilité dont 

les membres sont partagés entre le constat selon lequel l‘offensive l‘emporte sur la 

défensive et le désir d‘« endurcir » les satellites et de développer des moyens à même de 

les protéger. 


Ibid., p. 343. 

Karl P. Mueller a récemment mis au jour cette typologie. Dans son étude de 

2003, même s‘il adopte la même démarche, il se veut pour autant moins déterministe 

que Lupton et cherche à montrer combien les préférences de chacun sont complexes 188 . 

De fait, « most people who oppose space weaponization and favor space sanctuary are 

not hippie disarmers who want to get rid of the armed forces. Most people who are in 

favor of developing space weapons are not warmongering Napoleons who want to take 

187 L‘enjeu est aussi bureaucratique. La « space dominance » incarne les intérêts de l‘USAF par rapport 

aux trois autres armes. Les thèses de Dolman témoignent bien de cela. 

188 Cette présentation a, en outre, l‘avantage de tirer explicitement parti des différents courants de RI 

(idéalisme, réalisme classique et réalisme offensif). 

229

over the world 189 ». Six écoles peuvent donc définies, trois étant pour l‘arsenalisation de 

l‘Espace, trois étant contre. 

Karl P. MUELLER, « Totem and Taboo », art. cité. 


Vers l’astropolitique ? 

L‘arsenalisation de l‘Espace n‘est peut-être pas inévitable. Un des chemins qui 

semblent toutefois y mener directement est celui préconisé par les hégémonistes. Le 

modèle astropolitique très agressif défendu par Everett Dolman en constitue le 

parangon. Trois étapes sont stipulées. 

1) Les Etats-Unis doivent se retirer du Traité de l‘Espace (OST) de 1967 et du régime 

qui en a découlé ; en tant que puissance spatiale dominante, ils doivent établir un 

nouveau régime fondé sur « a principle of free-market sovereignty in space 190 » et 

« permitting space-faring states to claim sovereign ownership of territory on celestial 

bodies and other geo/astrographic positions while affording non-spacefaring states some 

opportunity to benefit from the exploitation of those same celestial bodies 191 . » 

2) Les Etats-Unis doivent s‘emparer du contrôle militaire de l‘orbite terrestre basse afin 

de bénéficier de sa position de « high groud » et d‘empêcher quiconque de déployer des 

armes dans l‘Espace, tout en permettant aux autres « to enter space relatively freely for 

189 MUELLER, in DOLMAN, HAYS et MUELLER, art. cité. 

190 DOLMAN, op. cit., p. 154. 

191 Ibid., p. 140. 

230

the purpose of engaging in commerce, in keeping with the principles of the new 

regime 192 . » 

3) Aux Etats-Unis, une « national space coordination agency should be established to 

define, separate, and coordinate the efforts of commercial, civilian, and military space 

projects 193 . » 

Everett Dolman montre en effet que l‘Etat qui voudrait bien s‘inspirer des 

principes astropolitiques saura préserver son indépendance et sa souveraineté. Dolman 

prend pour base la géopolitique. Il rappelle ainsi que la géopolitique embrasse plusieurs 

écoles 194 : 1) les Physiopolitiques, « a type of naturalist social science that sees man‘s 

physical and political development as the product of his attempts to adapt to his 

environment », en partie liée avec les théories Géodéterministes et les théories de l‘Etat 

Organique, 2) l‘école allemande de Geopolitik, construite (perversement) sur les 

premières, 3) la politique de l‘équilibre des puissances entre Etats, soit la Realpolitik, 4) 

la Géographie Politique, « dealing with the effects of manmade borders and boundaries 

on human activity », et 5) la Géopolitique Globale, « which attempted to incorporate the 

roles of transportation, communication, and technology into a coherent view of the 

political world » et parfois décrite comme relevant de la Géostrategie, soit la capacité de 

nier les avantages géographiques potentiels dont un Etat peut tirer pour assurer sa 

domination. L‘ensemble de ces notions peut paraître confus. Pour autant, cela constitue 

la matrice à partir de laquelle Dolman construit sa théorie astropolitique, comme le 

prouvent les quelques définitions suivantes. 

Selon Dolman, « astropolitics […is] the study of political and military policy and 

strategy. Astrostrategy […] is the identification of critical terrestrial and outer space 

locations, the control of which can provide military and political dominance of outer 

space, or at a minimum can insure against the same dominance by a potential opponent 

state 195 ». De même, « political astrography is the outer-space counterpart to the Earth- 

bound disciplines of physical and political geography 196 ». Pour finir, le plus important : 

Astropolitik […] is identified as a determinist political theory that manipulates 

the relationship between state power and outer-space control for the purpose of 

extending the dominance of a single state over the whole of the Earth. It 

192 Ibid., p. 154. 

193 Ibid., p. 155. 

194 Ibid., p. 11-12. 

195 Ibid., p. 12. 

196 Ibid., p. 14. 


231

presumes the state that dominates spaces is specifically chosen by the rigors of 

competition as the politically and morally superior nation, culture, and economy. 

Should humanity ever drop the state-dominant model […], unite as a species, and 

strike out for the cosmos as one people, Astropolitik would furnish the necessary 

blueprint for exploration and the moral justification for success 197 . 

De ce point de vue, Astropolitik n‘est qu‘une voie parmi d‘autres. Pour autant, elle peut 

permettre la création d‘une version moderne et spatiale de la destinée manifeste. 


Everett DOLMAN, Astropolitik, op. cit., p. 13. 

L‘hérédité peut paraître lourde à porter. Dolman prévient : 

The term Astropolitik is chosen as a constant reminder to those who would read 

this book, and carefully weigh many of its claims, of the horrible depths to which 

other geopolitical – based Realpolitik strategies of dominance ultimately 

degenerated. […] The good intentions of the author of the current work aside, the 

potential for misuse and abuse of Astropolitik is plain 198 . 

197 Ibid., p. 13. 

198 Ibid., p. 2. Dolman note encore : « Astropolitik make no distinction among the many motives of those 

who might apply them » car « [i]ts benevolence or malevolence will become apparent only as it is 

applied, and by whom», ibid. p. 3. 

232

Annexe 13 : National Space Policy, 

comparaison entre Clinton et Bush. 

La National Space Policy est un passage obligé auquel chaque administration 

s‘exerce depuis les années 1970 199 , mais au travers duquel très peu de détails filtrent. Il 

s‘agit avant tout d‘un exercice de style qui montre l‘attachement des Etats-Unis aux 

grands principes. Pour autant, ces documents gardent un certain intérêt : chaque 

publication est l‘occasion de voir l‘orientation majeure prise par une administration en 

relation avec l‘Espace. Ces documents sont des versions déclassifiées. Les formules sont 

donc plutôt vagues. Cela explique pourquoi le contenu n‘est guère différent entre la 

politique spatiale développée par Clinton et celle annoncée par Bush. Pour autant, nous 

pouvons voir que certaines priorités ont changé, notamment en ce qui concerne les 

enjeux liés à la sécurité nationale, à l‘Espace civil ou à la place donnée à l‘exploration et 

à l‘économie. Cela peut s‘expliquer, comme nous l‘avons déjà évoqué, par l‘évolution 

du contexte spatial en l‘espace de 10 ans : les usages militaires de l‘Espace se sont 

multipliés, de même que les applications civiles et le nombre d‘acteurs pertinents 

évoluant là-haut. 

Cela étant dit, l‘accent mis sur la « space dominance », pour nous le plus 

important, reste ferme chez les deux administrations : la doctrine du contrôle de 

l‘Espace, dans ses aspects tant négatif (la capacité de nier l‘accès à l‘adversaire) que 

positif (la capacité d‘utiliser l‘Espace), est bien présente. La structure unipolaire doit 

être maintenue, telle est la priorité américaine qu‘illustre l‘adoption d‘une stratégie de 

prépondérance. Mais d‘autres variables doivent être prises en compte. Ainsi, le long de 

cet axe directeur, ce sont les moyens préconisés qui diffèrent : multilatéraux et libéraux 

(Wilson) d‘un côté, unilatéraux et réalistes (Jackson) de l‘autre. Alors que la 

prépondérance est sélective et coopérative chez Clinton, elle est davantage militarisée 

chez Bush. 

199 L‘ancêtre des NSP actuels est le « Report of the Space Task Group » publié en septembre 1969 par 

l‘administration Nixon. Il s‘agissait alors de faire des recommandations sur l‘après-Apollo. La première 

NSP date de mai 1978 avec la « Presidential Directive NSC-37 » du Président Carter. Le Président 

Reagan a publié sa « National Security Decision Directive 42 » en juillet 1982. L‘administration George 

H. Bush sort son papier en novembre 1989 avec la « National Space Policy as NSPD-1 ». Elle a été 


233


Comparaison 

Le tableau suivant compare les deux politiques en mettant l‘accent sur ce qui les 

différencie (c‘est nous qui soulignons). 

CLINTON (1996) BUSH (2006) 

- Objectifs des Etats-Unis 

Le permier objectif de la politique spatiale de 

Clinton est civil, il s‘agit de « [e]nhance 

knowledge of the Earth, the solar system and the 

universe through human and robotic exploration ». 

Quant au second, il est militaire : « [s]trengthen 

and maintain the national security of the United 

States. » 

- Sur la libre utilisation de l’Espace 

Concernant la liberté de navigation dans l‘Espace, 

la politique spatiale de Clinton énonce que « [t]he 

United States rejects any claims to sovereignty by 

any nation over outer space or celestial bodies, or 

any portion thereof, and rejects any limitations on 

the fundamental right of sovereign nations to 

acquire data from space. » 

« DoD shall maintain the capability to execute the 

mission areas of space support, force 

enhancement, space control, and force application. 

[…] Consistent with treaty obligations, the 

United States will develop, operate and maintain 

space control capabilities to ensure freedom of 

action in space and, if directed, deny such 

freedom of action to adversaries. These 

Les deux premiers objectifs sont liés à des enjeux 

de sécurité nationale : « [s]trengthen the nation's 

space leadership and ensure that space capabilities 

are available in time to further U.S. national 

security, homeland security, and foreign policy 

objectives » et « Enable unhindered U.S. 

operations in and through space to defend our 

interests there » (cf. United States Space Policy 

Goals) 

La NSP de Bush avance au contraire l‘idée selon 

laquelle « [t]he United States rejects any claims to 

sovereignty by any nation over outer space or 

celestial bodies, or any portion thereof, and rejects 

any limitations on the fundamental right of the 

United States to operate in and acquire data from 

space » (cf. Principles) 

Les objectifs sont de « [m]aintain the capabilities 

to execute the space support, force enhancement, 

space control, and force application missions. […] 

Develop capabilities, plans, and options to ensure 

freedom of action in space, and, if directed, deny 

such freedom of action to adversaries » (cf. 

National Security Space Guidelines) 

remplacée, par la suite, par la « Presidential Decision Directive/NSC-49/NSTC-8 » de 1996 sous l‘ère 

Clinton, puis par celle de George W. Bush en 2006. 

234

capabilities may also be enhanced by diplomatic, 

legal or military measures to preclude an 

adversary's hostile use of space systems and 

services. » 

- Sur le contrôle des armements 

En outre, pour ce qui est du contrôle des 

armements, il est dit que « [t]he United States will 

consider and, as appropriate, formulate policy 

positions on arms control and related measures 

governing activities in space, and will conclude 

agreements on such measures only if they are 

equitable, effectively verifiable, and enhance the 

security of the United States and our allies. » 

- Au sujet de la défense spatiale 

Pour ce qui est du bouclier spatial, la politique de 

Clinton rappelle que « [t]he United States will 

pursue a ballistic missile defense program to 

provide for: enhanced theater missile defense 

capability later this decade; a national missile 

defense deployment readiness program as a hedge 

against the emergence of a long-range ballistic 

missile threat to the United States; and an 

advanced technology program to provide options 

for improvements to planned and deployed 

defenses. » 

- Sur la puissance nucléaire dans l’Espace 

Un seul paragraphe est consacré au nucléaire : 

« [t]he Department of Energy will maintain the 

necessary capability to support space missions 

which may require the use of space nuclear power 

systems. » 


A l‘opposé, la politique de 2006 énonce que 

« [t]he United States will oppose the 

development of new legal regimes or other 

restrictions that seek to prohibit or limit U.S. 

access to or use of space. Proposed arms control 

agreements or restrictions must not impair the 

rights of the United States to conduct research, 

development, testing, and operations or other 

activities in space for U.S. national interests » (cf. 

Principles) 

L‘objectif de l‘administration Bush est de 

« Provide space capabilities to support continuous, 

global strategic and tactical warning as well as 

multi-layered and integrated missile defenses » 

(cf. National Security Space Guidelines) 

La section correspondante en 2006 est beaucoup 

plus détaillée et prescriptive : « [w]here space 

nuclear power systems safely enable or 

significantly enhance space exploration or 

operational capabilities, the United States shall 

develop and use these systems » (cf. Space 

Nuclear Power) 

235

- Vis-à-vis des exportations spatiales, de la 

prolifération et des transferts de technologie 

Il est noté que « [t]he United States will maintain 

its general policy of not supporting the 

development or acquisition of space launch 

vehicle systems in non-MTCR states » et que « 

[t]he United States will work to stem the flow of 

advanced space technology to unauthorized 

destinations. Executive departments and agencies 

will be fully responsible for protecting against 

adverse technology transfer in the conduct of their 

programs. » 

Introduction 


En cohérence avec ce que nous avons déjà 

observé, l‘attitude de l‘administration Bush est 

plus ferme sur le sujet. Elle reste toutefois fidèle 

au principe de libéralisation présent au cœur de la 

politique spatiale américaine. « As a guideline, 

space-related exports that are currently available 

or are planned to be available in the global 

marketplace shall be considered favorably. 

Exports of sensitive or advanced technical data, 

systems, technologies, and components, shall be 

approved only rarely, on a case-by-case basis » 

(cf. Effective Export Policies) 

La NSP de l’administration Clinton 200 

National Science and Technology Council 

For Immediate Release 

September 19, 1996 

FACT SHEET 

NATIONAL SPACE POLICY 

(1) For over three decades, the United States has led the world in the exploration 

and use of outer space. Our achievements in space have inspired a generation of 

Americans and people throughout the world. We will maintain this leadership 

200 The White House, « Fact Sheet : National Space Policy », 19 septembre 1996 

236

ole by supporting a strong, stable and balanced national space program that 

serves our goals in national security, foreign policy, economic growth, 

environmental stewardship and scientific and technical excellence. Access to and 

use of space is central for preserving peace and protecting U.S. national security 

as well as civil and commercial interests. The United States will pursue greater 

levels of partnership and cooperation in national and international space activities 

and work with other nations to ensure the continued exploration and use of outer 

space for peaceful purposes. 

(2) The goals of the U.S. space program are to: 

(a) Enhance knowledge of the Earth, the solar system and the universe 

through human and robotic exploration; 

(b) Strengthen and maintain the national security of the United States; 

(c) Enhance the economic competitiveness, and scientific and technical 

capabilities of the United States; 

(d) Encourage State, local and private sector investment in, and use of, 

space technologies; 

(e) Promote international cooperation to further U.S. domestic, national 

security, and foreign policies. 

(3) The United States is committed to the exploration and use of outer space by 

all nations for peaceful purposes and for the benefit of all humanity. "Peaceful 

purposes" allow defense and intelligence-related activities in pursuit of national 

security and other goals. The United States rejects any claims to sovereignty by 

any nation over outer space or celestial bodies, or any portion thereof, and rejects 

any limitations on the fundamental right of sovereign nations to acquire data 

from space. The United States considers the space systems of any nation to be 

national property with the right of passage through and operations in space 

without interference. Purposeful interference with space systems shall be viewed 

as an infringement on sovereign rights. 

(4) The U.S. Government will maintain and coordinate separate national security 

and civil space systems where differing needs dictate. All actions undertaken by 

agencies and departments in implementing the national space policy shall be 


237

consistent with U.S. law, regulations, national security requirements, foreign 

policy, international obligations and nonproliferation policy. 

(5) The National Science and Technology Council (NSTC) is the principal forum 

for resolving issues related to national space policy. As appropriate, the NSTC 

and NSC will co-chair policy processes. This policy will be implemented within 

the overall resource and policy guidance provided by the President. 

Civil Space Guidelines 

(1) The National Aeronautics and Space Administration is the lead agency for 

research and development in civil space activities. 

(2) NASA, in coordination with other departments and agencies as appropriate, 

will focus its research and development efforts in: space science to enhance 

knowledge of the solar system, the universe, and fundamental natural and 

physical sciences; Earth observation to better understand global change and the 

effect of natural and human influences on the environment; human space flight to 

conduct scientific, commercial, and exploration activities; and space technologies 

and applications to develop new technologies in support of U.S. Government 

needs and our economic competitiveness. 

(3) To enable these activities, NASA will: 

(a) Develop and operate the International Space Station to support 

activities requiring the unique attributes of humans in space and establish 

a permanent human presence in Earth orbit. The International Space 

Station will support future decisions on the feasibility and desirability of 

conducting further human exploration activities. 

(b) Work with the private sector to develop flight demonstrators that will 

support a decision by the end of the decade on development of a next- 

generation reusable launch system. 

(c) Continue a strong commitment to space science and Earth science 

programs. NASA will undertake: 


(i) a sustained program to support a robotic presence on the surface 

of Mars by year 2000 for the purposes of scientific research, 

exploration and technology development; 

238


(ii) a long-term program, using innovative new technologies, to 

obtain in-situ measurements and sample returns from the celestial 

bodies in the solar system;. 

(iii) a long-term program to identify and characterize planetary 

bodies in orbit around other stars; 

(iv) a program of long-term observation, research, and analysis of 

the Earth's land, oceans, atmosphere and their interactions, 

including continual measurements from the Earth Observing 

System by 1998. 

(d) In carrying out these activities, NASA will develop new and 

innovative space technologies and smaller more capable spacecraft to 

improve the performance and lower the cost of future space missions. 

(4) In the conduct of these research and development programs, NASA will: 

(a) Ensure safety on all space flight missions involving the Space Shuttle 

and the International Space Station. 

(b) Emphasize flight programs that reduce mission costs and development 

times by implementing innovative procurement practices, validating new 

technologies and promoting partnerships between government, industry, 

and academia. 

(c) Acquire spacecraft from the private sector unless, as determined by the 

NASA Administrator, development requires the unique technical 

capabilities of a NASA center. 

(d) Make use of relevant private sector remote sensing capabilities, data, 

and information products and establish a demonstration program to 

purchase data products from the U.S. private sector. 

(e) Use competition and peer review to select scientific investigators. 

(f) Seek to privatize or commercialize its space communications 

operations no later than 2005. 

239

(g) Examine with DoD, NOAA and other appropriate federal agencies, the 

feasibility of consolidating ground facilities and data communications 

systems that cannot otherwise be provided by the private sector. 

(5) The Department of Commerce (DoC), through the National Oceanic and 

Atmospheric Administration (NOAA), has the lead responsibility for managing 

Federal space-based civil operational Earth observations necessary to meet civil 

requirements. In this role, the DoC, in coordination with other appropriate 

agencies, will: 

(a) acquire data, conduct research and analyses, and make required 

predictions about the Earth's environment; 

(b) consolidate operational U.S. Government civil requirements for data 

products, and define and operate Earth observation systems in support of 

operational monitoring needs; and 

(c) in accordance with current policy and Public Law 102-555 provide for 

the regulation and licensing of the operation of private sector remote 

sensing systems. 

(6) The Department of the Interior, through the U.S. Geological Survey (USGS), 

will maintain a national archive of land remote sensing data and other surface 

data as appropriate, making such data available to U.S. Government and other 

users. 

(7) The Department of Energy will maintain the necessary capability to support 

civil space missions, including research on space energy technologies and space 

radiation effects and safety. 

National Security Space Guidelines 

(1) The United States will conduct those space activities necessary for national 

security. These activities will be overseen by the Secretary of Defense and the 

Director of Central Intelligence (DCI) consistent with their respective 

responsibilities as set forth in the National Security Act of 1947, as amended, 

other applicable law, and Executive Order 12333. Other departments and 

agencies will assist as appropriate. 


240

(2) Improving our ability to support military operations worldwide, monitor and 

respond to strategic military threats, and monitor arms control and non- 

proliferation agreements and activities are key priorities for national security 

space activities. The Secretary of Defense and DCI shall ensure that defense and 

intelligence space activities are closely coordinated; that space architectures are 

integrated to the maximum extent feasible; and will continue to modernize and 

improve their respective activities to collect against, and respond to, changing 

threats, environments and adversaries. 

(3) National security space activities shall contribute to U.S. national security by: 

(a) providing support for the United States' inherent right of self-defense 

and our defense commitments to allies and friends; 

(b) deterring, warning, and if necessary, defending against enemy attack; 

(c) assuring that hostile forces cannot prevent our own use of space; 

(d) countering, if necessary, space systems and services used for hostile 

purposes; 

(e) enhancing operations of U.S. and allied forces; 

(f) ensuring our ability to conduct military and intelligence space-related 

activities; 

(g) satisfying military and intelligence requirements during peace and 

crisis as well as through all levels of conflict; 

(h) supporting the activities of national policy makers, the intelligence 

community, the National Command Authorities, combatant commanders 

and the military services, other federal officials, and continuity of 

government operations. 

(4) Critical capabilities necessary for executing space missions must be assured. 

This requirement will be considered and implemented at all stages of architecture 

and system planning, development, acquisition, operation, and support. 

(5) The Department of Energy, in coordination with DoD, ACDA and the DCI 

will carry out research on and development of technologies needed to effectively 


241

verify international agreements to control special nuclear materials and nuclear 

weapons. 

(6) Defense Space Sector Guidelines: 

(a) DoD shall maintain the capability to execute the mission areas of space 

support, force enhancement, space control, and force application. 

(b) In accordance with Executive Orders and applicable directives, DoD 

shall protect critical space-related technologies and mission aspects. 

(c) DoD, as launch agent for both the defense and intelligence sectors, will 

maintain the capability to evolve and support those space transportation 

systems, infrastructure, and support activities necessary to meet national 

security requirements. DoD will be the lead agency for improvement and 

evolution of the current expendable launch vehicle fleet, including 

appropriate technology development. 

(d) DoD will pursue integrated satellite control and continue to enhance 

the robustness of its satellite control capability. DoD will coordinate with 

other departments and agencies, as appropriate, to foster the integration 

and interoperability of satellite control for all governmental space 

activities. 

(e) The Secretary of Defense will establish DoD's specific requirements 

for military and national-level intelligence information. 

(f) The Secretary of Defense, in concert with the DCI, and for the purpose 

of supporting operational military forces, may propose modifications or 

augmentations to intelligence space systems as necessary. The DoD may 

develop and operate space systems to support military operations in the 

event that intelligence space systems cannot provide the necessary 

intelligence support to the DoD. 

(g) Consistent with treaty obligations, the United States will develop, 

operate and maintain space control capabilities to ensure freedom of 

action in space and, if directed, deny such freedom of action to 

adversaries. These capabilities may also be enhanced by diplomatic, legal 


242

or military measures to preclude an adversary's hostile use of space 

systems and services. The U.S. will maintain and modernize space 

surveillance and associated battle management command, control, 

communications, computers, and intelligence to effectively detect, track, 

categorize, monitor, and characterize threats to U.S. and friendly space 

systems and contribute to the protection of U.S. military activities. 

(h) The United States will pursue a ballistic missile defense program to 

provide for: enhanced theater missile defense capability later this decade; 

a national missile defense deployment readiness program as a hedge 

against the emergence of a long-range ballistic missile threat to the United 

States; and an advanced technology program to provide options for 

improvements to planned and deployed defenses. 

(7) Intelligence Space Sector Guidelines: 

(a) The DCI shall ensure that the intelligence space sector provides timely 

information and data to support foreign, defense and economic policies; 

military operations; diplomatic activities; indications and warning; crisis 

management; and treaty verification, and that the sector performs research 

and development related to these functions. 

(b) The DCI shall continue to develop and apply advanced technologies 

that respond to changes in the threat environment and support national 

intelligence priorities. 

(c) The DCI shall work closely with the Secretary of Defense to improve 

the intelligence space sector's ability to support military operations 

worldwide. 

(d) The nature, the attributable collected information and the operational 

details of intelligence space activities will be classified. The DCI shall 

establish and implement policies to provide appropriate protection for 

such data, including provisions for the declassification and release of such 

information when the DCI deems that protection is no longer required. 

(e) Collected information that cannot be attributed to space systems will 

be classified according to its content. 


243

(f) These guidelines do not apply to imagery product, the protection of 

which is governed by Executive Order 12951. 

(g) Strict security procedures will be maintained to ensure that public 

discussion of satellite reconnaissance by Executive Branch personnel and 

contractors is consistent with DCI guidance. Executive Branch personnel 

and contractors should refrain from acknowledging or releasing 

information regarding satellite reconnaissance until a security review has 

been made. 

(h) The following facts are UNCLASSIFIED: 


(i) That the United States conducts satellite photoreconnaissance 

for peaceful purposes, including intelligence collection and 

monitoring arms control agreements. 

(ii) That satellite photoreconnaissance includes a near real-time 

capability and is used to provide defense-related information for 

indications and warning, and the planning and conduct of military 

operations. 

(iii) That satellite photoreconnaissance is used in the collection of 

mapping, charting, and geodetic data and such data is provided to 

authorized federal agencies. 

(iv) That satellite photoreconnaissance is used to collect mapping, 

charting and geodetic data to develop global geodetic and 

cartographic materials to support defense and other mapping- 

related activities. 

(v) That satellite photoreconnaissance can be used to collect 

scientific and environmental data and data on natural or man-made 

disasters, and such data can be disseminated to authorized federal 

agencies. 

(vi) That photoreconnaissance assets can be used to image the 

United States and its territories and possessions. 

244


(vii) That the U.S. conducts overhead signals intelligence 

collection. 

Commercial Space Guidelines 

(viii) That the U.S. conducts overhead measurement and signature 

intelligence collection. 

(ix) The existence of the National Reconnaissance Office (NRO) 

and the identification and official titles of its senior officials. All 

other details, facts and products of intelligence space activities are 

subject to appropriate classification and security controls as 

determined by the DCI. 

(i) Changes to the space intelligence security policy set forth in the 

national space policy can be authorized only by the President. 

(1) The fundamental goal of U.S. commercial space policy is to support and 

enhance U.S. economic competitiveness in space activities while protecting U.S. 

national security and foreign policy interests. Expanding U.S. commercial space 

activities will generate economic benefits for the Nation and provide the U.S. 

Government with an increasing range of space goods and services. 

(2) U.S. Government agencies shall purchase commercially available space goods 

and services to the fullest extent feasible and shall not conduct activities with 

commercial applications that preclude or deter commercial space activities except 

for reasons of national security or public safety. A space good or service is 

"commercially available" if it is currently offered commercially, or if it could be 

supplied commercially in response to a government service procurement request. 

"Feasible" means that such goods or services meet mission requirements in a 

cost-effective manner. 

(3) The United States will pursue its commercial space objectives without the use 

of direct Federal subsidies. Commercial Sector space activities shall be 

supervised or regulated only to the extent required by law, national security, 

international obligations and public safety. 

245

(4) To stimulate private sector investment, ownership, and operation of space 

assets, the U.S. Government will facilitate stable and predictable U.S. 

commercial sector access to appropriate U.S. Government space-related 

hardware, facilities and data. The U.S. Government reserves the right to use such 

hardware, facilities and data on a priority basis to meet national security and 

critical civil sector requirements. Government Space Sectors shall: 

(a) Enter into appropriate cooperative agreements to encourage and 

advance private sector basic research, development, and operations while 

protecting the commercial value of the intellectual property developed. 

(b) Identify, and propose appropriate amendments to or the elimination of, 

applicable portions of United States laws and regulations that 

unnecessarily impede commercial space sector activities. 

(c) Consistent with national security, provide for the timely transfer of 

government-developed space technology to the private sector in such a 

manner as to protect its commercial value, including retention of technical 

data rights by the private sector. 

(d) To the extent feasible, pursue innovative methods for procurement of 

space products and services. 

(5) Free and fair trade in commercial space launch services is a goal of the 

United States. In support of this goal, the United States will implement, at the 

expiration of current space launch agreements, a strategy for transitioning from 

negotiated trade in launch services towards a trade environment characterized by 

the free and open interaction of market economies. The U.S. Trade 

Representative, in coordination with the Office of Science and Technology 

Policy and the National Economic Council, will develop a strategy to guide this 

implementation. 

(6) Consistent with Executive Order 12046 and applicable statutes, U.S. 

Government agencies and departments will ensure that U.S. Government 

telecommunications policies support a competitive international environment for 

space-based telecommunications. 


246

Intersector Guidelines 

The following paragraphs identify priority intersector guidance to support major United 

States space policy objectives. 

(1) International Cooperation 

The United States will pursue and conduct international cooperative space-related 

activities that achieve scientific, foreign policy, economic, or national security 

benefits for the nation. International agreements related to space activities shall 

be subject to normal interagency coordination procedures, consistent with 

applicable laws and regulations. United States cooperation in international civil 

space activities will: 

(a) Promote equitable cost-sharing and yield benefits to the United States 

by increasing access to foreign scientific and technological data and 

expertise and foreign research and development facilities; 

(b) Enhance relations with U.S. allies and Russia while supporting 

initiatives with other states of the former Soviet Union and emerging 

spacefaring nations; 

(c) Support U.S. technology transfer and nonproliferation objectives; 

(d) Create new opportunities for U.S. commercial space activities; and 

(e) Protect the commercial value of intellectual property developed with 

Federal support and ensure that technology transfers resulting from 

cooperation do not undermine U.S. competitiveness and national security. 

(f) In support of these objectives: 


(i) NASA and the Department of State will negotiate changes in the 

existing legal framework for International Space Station 

cooperation to include Russia in the program along with the United 

States, Europe, Japan, and Canada; and 

(ii) NASA, in coordination with concerned U.S. Government 

agencies, will explore with foreign space agencies and international 

organizations the possible adoption of international standards for 

247


the interoperability of civil research spacecraft communication and 

control facilities. 

(2) Space Transportation 

(a) Assuring reliable and affordable access to space through U.S. space 

transportation capabilities is fundamental to achieving national space 

policy goals. Therefore, the United States will: 

(i) Balance efforts to modernize existing space transportation 

capabilities with the need to invest in the development of improved 

future capabilities; 

(ii) Maintain a strong transportation capability and technology base 

to meet national needs for space transport of personnel and 

payloads; 

(iii) Promote reduction in the cost of current space transportation 

systems while improving their reliability, operability, 

responsiveness, and safety; 

(iv) Foster technology development and demonstration to support a 

future decision on the development of next generation reusable 

space transportation systems that greatly reduce the cost of access 

to space; 

(v) Encourage, to the fullest extent feasible, the cost-effective use 

of commercially provided U.S. products and services that meet 

mission requirements; and 

(vi) Foster the international competitiveness of the U.S. 

commercial space transportation industry, actively considering 

commercial needs and factoring them into decisions on 

improvements to launch facilities and vehicles. 

(b) The Department of Transportation (DoT) is the lead agency within the 

Federal government for regulatory guidance pertaining to commercial 

space transportation activities, as set forth in 49 U.S.C. § 701, et seq., and 

Executive Order 12465. The U.S. Government encourages and will 

248

facilitate U.S. private sector and state and local government space launch 

and recovery activities. 

(c) All activities related to space transportation undertaken by U.S. 

agencies and departments will be consistent with PDD/NSTC-4. 

(3) Space-based Earth Observation 

(a) The United States requires a continuing capability for space-based 

Earth observation to provide information useful for protecting public 

health, safety, and national security. Such a capability contributes to 

economic growth and stimulates educational, scientific and technological 

advancement. The U.S. Government will: 


(i) Continue to develop and operate space-based Earth observing 

systems, including satellites, instruments, data management and 

dissemination activities; 

(ii) Continue research and development of advanced space-based 

Earth observation technologies to improve the quality and reduce 

the costs of Earth observations; 

(iii) Support the development of U.S. commercial Earth 

observation capabilities by: 

-- pursuing technology development programs, including 

partnerships with industry; 

-- licensing the operation and, as appropriate, the export of 

private Earth observation systems and technologies, 

consistent with existing policy; 

-- providing U.S. Government civil data to commercial 

firms on a non-discriminatory basis to foster the growth of 

the "value-added" data enhancement industry; and 

-- making use, as appropriate, of relevant private sector 

capabilities, data, and information products in implementing 

this policy. 

(iv) Produce and archive long-term environmental data sets. 

249


(b) The U.S. Government will continue to use Earth observation 

systems to collect environmental data and provide all U.S. 

Government civil environmental data and data products consistent 

with OMB Circular A-130, applicable statute and guidelines 

contained in this directive. 

(c) The U. S. Government will seek mutually beneficial 

cooperation with U.S. commercial and other national and 

international Earth observation system developers and operators, 

to: 

(i) define an integrated global observing strategy for civil 

applications; 

(ii) develop U.S. Government civil Earth observing systems 

in coordination with other national and international 

systems to ensure the efficient collection and dissemination 

of the widest possible set of environmental measurements; 

(iii) obtain Earth observation data from non-U.S. sources, 

and seek to make such data available to users consistent 

with OMB Circular A-130, national security requirements, 

and commercial sector guidance contained in the national 

space policy; and 

(iv) support, as appropriate, the public, non-discriminatory 

direct read-out of data from Federal civil systems. 

(d) The U.S. Government space sectors will coordinate, and where 

feasible, seek to consolidate Earth observation activities to reduce 

overlaps in development, measurements, information processing, 

and archiving where cost-effective and consistent with U.S. space 

goals. 

(i) In accordance with PDD/NSTC-2, DoC/NOAA, DoD, 

and NASA shall establish a single, converged, National 

Polar-Orbiting Environmental Satellite System (NPOESS) 

to satisfy civil and national security requirements. 

250


(ii) NASA, DoC/NOAA, DoD, the Intelligence Community, 

and DoE shall work together to identify, develop, 

demonstrate, and transition advanced technologies to U.S. 

Earth observation satellite systems. 

(iii) In accordance with PDD/NSTC-3, NASA, DoC/NOAA, 

and DoI/USGS shall develop and operate an ongoing 

program to measure the Earth's land surface from space and 

ensure the continuity of the Landsat-type data set. 

(iv) Consistent with national security, the U.S. Government 

space sectors shall continue to identify national security 

products and services that can contribute to global change 

research and civil environmental monitoring, and seek to 

make technology, products and services available to civil 

agencies for such uses. Both unclassified and, as 

appropriate, classified data from national security programs 

will be provided through established mechanisms. 

(4) Nonproliferation, Export Controls, and Technology Transfer 

(a) The MTCR Guidelines are not designed to impede national 

space programs or international cooperation in such programs as 

long as such programs could not contribute to delivery systems for 

weapons of mass destruction. Consistent with U.S. nonproliferation 

policy, the United States will continue to oppose missile programs 

of proliferation concern, and will exercise particular restraint in 

missile-related cooperation. The United States will continue to 

retain a strong presumption of denial against exports of complete 

space launch vehicles or other MTCR Category I components. 

(b) The United States will maintain its general policy of not 

supporting the development or acquisition of space launch vehicle 

systems in non-MTCR states. 

(c) For MTCR countries we will not encourage new space launch 

vehicle programs which raise questions from a proliferation and 

251


economic standpoint. The United States will, however, consider 

exports of MTCR-controlled items to MTCR countries. Additional 

safeguard measures could also be considered for such exports, 

where appropriate. Any exports would remain subject to the non- 

transfer provisions of the INF and START treaties. 

(d) The United States will work to stem the flow of advanced space 

technology to unauthorized destinations. Executive departments 

and agencies will be fully responsible for protecting against 

adverse technology transfer in the conduct of their programs. 

(e) In entering into space-related technology development and 

transfer agreements with other countries, Executive Departments 

and Agencies will take into consideration whether such countries 

practice and encourage free and fair trade in commercial space 

activities. 

(5) Arms Control 

The United States will consider and, as appropriate, formulate policy 

positions on arms control and related measures governing activities in 

space, and will conclude agreements on such measures only if they are 

equitable, effectively verifiable, and enhance the security of the United 

States and our allies. The Arms Control and Disarmament Agency 

(ACDA) is the principal agency within the Federal government for arms 

control matters. ACDA, in coordination with the DoD, DCI, State, DoE, 

and other appropriate Federal agencies, will identify arms control issues 

and opportunities related to space activities and examine concepts for 

measures that support national security objectives. 

(6) Space Nuclear Power 

The Department of Energy will maintain the necessary capability to 

support space missions which may require the use of space nuclear power 

systems. U.S. Government agency proposals for international cooperation 

involving space nuclear power systems are subject to normal interagency 

review procedures. Space nuclear reactors will not be used in Earth orbit 

252

without specific approval by the President or his designee. Such requests 

for approval will take into account public safety, economic considerations, 

international treaty obligations, and U.S. national security and foreign 

policy interests. The Office of Science and Technology Policy, in 

coordination with the NSC staff, will examine the existing approval 

process, including measures to address possible commercial use of space 

nuclear systems. 

(7) Space Debris 


(a) The United States will seek to minimize the creation of space 

debris. NASA, the Intelligence Community, and the DoD, in 

cooperation with the private sector, will develop design guidelines 

for future government procurements of spacecraft, launch vehicles, 

and services. The design and operation of space tests, experiments 

and systems, will minimize or reduce accumulation of space debris 

consistent with mission requirements and cost effectiveness. 

(b) It is in the interest of the U.S. Government to ensure that space 

debris minimization practices are applied by other spacefaring 

nations and international organizations. The U.S. Government will 

take a leadership role in international fora to adopt policies and 

practices aimed at debris minimization and will cooperate 

internationally in the exchange of information on debris research 

and the identification of debris mitigation options. 

(8) Government Pricing 

The price charged for the use of U.S. Government facilities, equipment, 

and service, will be based on the following principles: 

(a) Prices charged to U.S. private sector, state and local 

government space activities for the use of U.S. Government 

facilities, equipment, and services will be based on costs consistent 

with Federal guidelines, applicable statutes and the commercial 

guidelines contained within the policy. The U.S. Government will 

not seek to recover design and development costs or investments 

253


associated with any existing facilities or new facilities required to 

meet U.S. Government needs and to which the U.S. Government 

retains title. 

(b) Consistent with mission requirements, NASA and DoD will 

seek to use consistent pricing practices for facilities, equipment, 

and services. 

U.S. National Space Policy 

(c) Tooling, equipment, and residual hardware on hand at the 

completion of U.S. Government programs will be priced and 

disposed of on a basis that is in the best overall interest of the 

United States while not precluding or deterring the continuing 

development of the U.S. commercial space sector. 

La NSP de l’administration Bush 201 

The President authorized a new national space policy on August 31, 2006 that 

establishes overarching national policy that governs the conduct of U.S. space activities. 

This policy supersedes Presidential Decision Directive/NSC-49/NSTC-8, National Space 

Policy, dated September 14, 1996. 

1. Background 

For five decades, the United States has led the world in space exploration and use and 

has developed a solid civil, commercial, and national security space foundation. Space 

activities have improved life in the United States and around the world, enhancing 

security, protecting lives and the environment, speeding information flow, serving as an 

engine for economic growth, and revolutionizing the way people view their place in the 

world and the cosmos. Space has become a place that is increasingly used by a host of 

nations, consortia, businesses, and entrepreneurs. 

In this new century, those who effectively utilize space will enjoy added prosperity and 

security and will hold a substantial advantage over those who do not. Freedom of action 

in space is as important to the United States as air power and sea power. In order to 

201 The White House, « U.S. National Space Policy », 6 octobre 2006 

254

increase knowledge, discovery, economic prosperity, and to enhance the national 

security, the United States must have robust, effective, and efficient space capabilities. 

2. Principles 

The conduct of U.S. space programs and activities shall be a top priority, guided by the 

following principles: 

The United States is committed to the exploration and use of outer space by all 

nations for peaceful purposes, and for the benefit of all humanity. Consistent with 

this principle, ―peaceful purposes‖ allow U.S. defense and intelligence-related 

activities in pursuit of national interests; 

The United States rejects any claims to sovereignty by any nation over outer 

space or celestial bodies, or any portion thereof, and rejects any limitations on 

the fundamental right of the United States to operate in and acquire data from 

space; 

The United States will seek to cooperate with other nations in the peaceful use of 

outer space to extend the benefits of space, enhance space exploration, and to 

protect and promote freedom around the world; 

The United States considers space systems to have the rights of passage through 

and operations in space without interference. Consistent with this principle, the 

United States will view purposeful interference with its space systems as an 

infringement on its rights; 

The United States considers space capabilities -- including the ground and space 

segments and supporting links -- vital to its national interests. Consistent with 

this policy, the United States will: preserve its rights, capabilities, and freedom of 

action in space; dissuade or deter others from either impeding those rights or 

developing capabilities intended to do so; take those actions necessary to protect 

its space capabilities; respond to interference; and deny, if necessary, adversaries 

the use of space capabilities hostile to U.S. national interests; 

The United States will oppose the development of new legal regimes or other 

restrictions that seek to prohibit or limit U.S. access to or use of space. Proposed 

arms control agreements or restrictions must not impair the rights of the United 


255

States to conduct research, development, testing, and operations or other 

activities in space for U.S. national interests; and 

The United States is committed to encouraging and facilitating a growing and 

entrepreneurial U.S. commercial space sector. Toward that end, the United States 

Government will use U.S. commercial space capabilities to the maximum 

practical extent, consistent with national security. 

3. United States Space Policy Goals 

The fundamental goals of this policy are to: 

Strengthen the nation‘s space leadership and ensure that space capabilities are 

available in time to further U.S. national security, homeland security, and foreign 

policy objectives; 

Enable unhindered U.S. operations in and through space to defend our interests 

there; 

Implement and sustain an innovative human and robotic exploration program 

with the objective of extending human presence across the solar system; 

Increase the benefits of civil exploration, scientific discovery, and environmental 

activities; 

Enable a dynamic, globally competitive domestic commercial space sector in 

order to promote innovation, strengthen U.S. leadership, and protect national, 

homeland, and economic security; 

Enable a robust science and technology base supporting national security, 

homeland security, and civil space activities; and 

Encourage international cooperation with foreign nations and/or consortia on 

space activities that are of mutual benefit and that further the peaceful 

exploration and use of space, as well as to advance national security, homeland 

security, and foreign policy objectives. 

4. General Guidelines 

In order to achieve the goals of this policy, the United States Government shall: 


256

Develop Space Professionals. Sustained excellence in space-related science, 

engineering, acquisition, and operational disciplines is vital to the future of U.S. 

space capabilities. Departments and agencies that conduct space related activities 

shall establish standards and implement activities to develop and maintain highly 

skilled, experienced, and motivated space professionals within their workforce. 

Improve Space System Development and Procurement. United States space 

systems provide critical capabilities to a wide range of civil, commercial, and 

national security users. The primary goal of space system development and 

procurement must be mission success. Achieving this goal depends on effective 

research, development, acquisition, management, execution, oversight, and 

operations. Toward that end, departments and agencies shall create an 

environment that enables mission success, including, but not limited to, creating 

a common understanding of realistic and stable requirements and operational 

concepts; clearly identifying and managing risks, including system safety; setting 

and maintaining realistic and stable funding; delivering space capabilities on time 

and on budget; and providing acquisition managers with the tools, responsibility, 

budget flexibility, and authority to achieve this goal. 

Increase and Strengthen Interagency Partnerships. The challenges of the 21st 

century require a focused and dedicated unity of effort. Interagency partnerships 

provide opportunities to jointly identify desired effects, capabilities, and 

strategies. Departments and agencies shall capitalize on opportunities for 

dynamic partnerships — whether through collaboration, information sharing, 

alignment, or integration. 

Strengthen and Maintain the U.S. Space-Related Science, Technology, and 

Industrial Base. A robust science, technology, and industrial base is critical for 

U.S. space capabilities. Departments and agencies shall: encourage new 

discoveries in space science and new applications of technology; and enable 

future space systems to achieve new and improved capabilities, including 

incentives for high-risk/high-payoff and transformational space capabilities. 

Additionally, departments and agencies shall: conduct the basic and applied 

research that increases capability and decreases cost; encourage an innovative 

commercial space sector, including the use of prize competitions; and ensure the 


257

availability of space related industrial capabilities in support of critical 

government functions. 

5. National Security Space Guidelines 

United States national security is critically dependent upon space capabilities, and this 

dependence will grow. The Secretary of Defense and the Director of National 

Intelligence, after consulting, as appropriate, the Secretary of State and other heads of 

departments and agencies, and consistent with their respective responsibilities as set 

forth in the National Security Act of 1947, as amended, Title 10, U.S.C. and Title 50 

U.S.C., the National Security Intelligence Reform Act of 2004, and other applicable law, 

shall: 

Support the President and the Vice President in the performance of Executive 

functions, and senior Executive Branch national security, homeland security, and 

foreign policy decisionmakers; other Federal officials, as appropriate; and the 

enduring constitutional government operations and infrastructure; 

Support and enable defense and intelligence requirements and operations during 

times of peace, crisis, and through all levels of conflict; 

Develop and deploy space capabilities that sustain U.S. advantage and support 

defense and intelligence transformation; and 

Employ appropriate planning, programming, and budgeting activities, 

organizational arrangements, and strategies that result in an operational force 

structure and optimized space capabilities that support the national and homeland 

security. 

To achieve the goals of this policy, the Secretary of Defense shall: 

Maintain the capabilities to execute the space support, force enhancement, space 

control, and force application missions; 

Establish specific intelligence requirements that can be met by tactical, 

operational, or national-level intelligence gathering capabilities; 

Provide, as launch agent for both the defense and intelligence sectors, reliable, 

affordable, and timely space access for national security purposes; 


258

Provide space capabilities to support continuous, global strategic and tactical 

warning as well as multi-layered and integrated missile defenses; 

Develop capabilities, plans, and options to ensure freedom of action in space, 

and, if directed, deny such freedom of action to adversaries; 

Have responsibility for space situational awareness; in this capacity, the 

Secretary of Defense shall support the space situational awareness requirements 

of the Director of National Intelligence and conduct space situational awareness 

for: the United States Government; U.S. commercial space capabilities and 

services used for national and homeland security purposes; civil space 

capabilities and operations, particularly human space flight activities; and, as 

appropriate, commercial and foreign space entities; and 

Establish and implement policies and procedures to protect sensitive information 

regarding the control, dissemination, and declassification of defense activities 

related to space. 

To achieve the goals of this policy, the Director of National Intelligence shall: 

Establish objectives, intelligence requirements, priorities and guidance for the 

intelligence community to ensure timely and effective collection, processing, 

analysis and dissemination of national intelligence; 

Ensure that timely information and data support foreign, defense, and economic 

policies; diplomatic activities; indications and warning; crisis management; treaty 

compliance verification; appropriate civil, homeland security, and law 

enforcement users; and perform research and development related to these 

functions; 

Support military planning and satisfy operational requirements as a major 

intelligence mission; 

Provide intelligence collection and analysis of space related capabilities to 

support space situational awareness for: the United States Government; U.S. 

commercial space capabilities and services used for national and homeland 

security purposes; civil space capabilities and operations, particularly human 

space flight activities; and, as appropriate, commercial and foreign space entities; 


259

Provide a robust foreign space intelligence collection and analysis capability that 

provides timely information and data to support national and homeland security; 

Coordinate on any radio frequency surveys from space conducted by United 

States Government departments or agencies and review, as appropriate, and 

approve any radio frequency surveys from space conducted by the private sector, 

State, or local governments; and 

Establish and implement policies and procedures to: classify attributable 

collected information and operational details of intelligence activities related to 

space; protect sensitive activities; and declassify and release such information 

when the Director determines that protection is no longer needed. 

6. Civil Space Guidelines 

The United States shall increase the benefits of civil exploration, scientific discovery, 

and operational environmental monitoring activities. To that end, the Administrator, 

National Aeronautics and Space Administration shall: execute a sustained and affordable 

human and robotic program of space exploration and develop, acquire, and use civil 

space systems to advance fundamental scientific knowledge of our Earth system, solar 

system, and universe. 

The Secretary of Commerce, through the Administrator of the National Oceanic and 

Atmospheric Administration, shall in coordination with the Administrator, National 

Aeronautics and Space Administration, be responsible for operational civil 

environmental space-based remote sensing systems and management of the associated 

requirements and acquisition process as follows: 

The Secretary of Commerce, through the National Oceanic and Atmospheric 

Administration, in collaboration with the Secretary of Defense through the 

Secretary of the Air Force, and the Administrator, National Aeronautics and 

Space Administration will continue to consolidate civil and military polar- 

orbiting operational environmental sensing systems in accordance with current 

policy direction; 


Administration, shall continue a program of civil geostationary operational 


260

environmental satellites with support from the National Aeronautics and Space 

Administration; and 


Administration, and the Administrator, National Aeronautics and Space 

Administration shall ensure to the maximum extent possible that civil space 

acquisition processes and capabilities are not duplicated. 

The Secretary of the Interior, through the Director of the U.S. Geological Survey, shall 

collect, archive, process, and distribute land surface data to the United States 

Government and other users and determine operational requirements for land surface 

data. 

The United States will study the Earth system from space and develop new space-based 

and related capabilities to advance scientific understanding and enhance civil space- 

based Earth observation. In particular: 

The Administrator, National Aeronautics and Space Administration shall conduct 

a program of research to advance scientific knowledge of the Earth through 

space-based observation and development and deployment of enabling 

technologies; and 

The Secretary of Commerce and the Administrator, National Aeronautics and 

Space Administration, and other departments and agencies as appropriate, in 

support of longterm operational requirements, shall transition mature research 

and development capabilities to long-term operations, as appropriate. 

The United States will utilize government and commercial space-based and related 

capabilities wherever feasible to enhance disaster warning, monitoring, and response 

activities; and take a leadership role in international fora to establish a long-term plan 

for coordination of an integrated global Earth observation system and promote the 

adoption of policies internationally that facilitate full and open access to government 

environmental data on equitable terms. 


261

7. Commercial Space Guidelines 

It is in the interest of the United States to foster the use of U.S. commercial space 

capabilities around the globe and to enable a dynamic, domestic commercial space 

sector. To this end, departments and agencies shall: 

Use U.S. commercial space capabilities and services to the maximum practical 

extent; purchase commercial capabilities and services when they are available in 

the commercial marketplace and meet United States Government requirements; 

and modify commercially available capabilities and services to meet those United 

States Government requirements when the modification is cost effective; 

Develop systems when it is in the national interest and there is no suitable, cost 

effective U.S. commercial or, as appropriate, foreign commercial service or 

system that is or will be available when required; 

Continue to include and increase U.S. private sector participation in the design 

and development of United States Government space systems and infrastructures; 

Refrain from conducting activities that preclude, deter, or compete with U.S. 

commercial space activities, unless required by national security or public safety; 

Ensure that United States Government space activities, technology, and 

infrastructure are made available for private use on a reimbursable, non- 

interference basis to the maximum practical extent, consistent with national 

security; and 

Maintain a timely and responsive regulatory environment for licensing 

commercial space activities and pursue commercial space objectives without the 

use of direct Federal subsidies, consistent with the regulatory and other 

authorities of the Secretaries of Commerce and Transportation and the Chairman 

of the Federal Communications Commission. 

8. International Space Cooperation 

The United States Government will pursue, as appropriate, and consistent with U.S. 

national security interests, international cooperation with foreign nations and/or 

consortia on space activities that are of mutual benefit and that further the peaceful 


262

exploration and use of space, as well as to advance national security, homeland security, 

and foreign policy objectives. Areas for potential international cooperation include, but 

are not limited to: 

Space exploration; providing space surveillance information consistent with 

security requirements and U.S. national security and foreign policy interests; 

developing and operating Earth-observation-systems. 

The Secretary of State, after consultation with the heads of appropriate Departments and 

Agencies, shall carry out diplomatic and public diplomacy efforts, as appropriate, to 

build an understanding of and support for U.S. national space policies and programs and 

to encourage the use of U.S. space capabilities and systems by friends and allies. 

9. Space Nuclear Power 

Where space nuclear power systems safely enable or significantly enhance space 

exploration or operational capabilities, the United States shall develop and use these 

systems. The use of space nuclear power systems shall be consistent with U.S. national 

and homeland security, and foreign policy interests, and take into account the potential 

risks. In that regard: 

Approval by the President or his designee shall be required to launch and use 

United States Government and non-government spacecraft utilizing nuclear 

power sources with a potential for criticality or above a minimum threshold of 

radioactivity, in accordance with the existing interagency review process; 

To that end, the Secretary of Energy shall: conduct a nuclear safety analysis for 

evaluation by an ad hoc Interagency Nuclear Safety Review Panel which will 

evaluate the risks associated with launch and in-space operations; assist the 

Secretary of Transportation in the licensing of space transportation; provide 

nuclear safety monitoring to ensure that operations in space are consistent with 

the safety evaluation performed; and maintain the capability and infrastructure to 

develop and furnish nuclear power systems for use in United States Government 

space systems; and 


263

For government spacecraft, the head of the sponsoring Department or Agency 

shall request launch approval and be responsible for the safe operation of the 

spacecraft in space. 

For the launch and use of non-government spacecraft utilizing nuclear power 

sources, the operator will be responsible for the safe operation of the spacecraft 

in space, including nuclear power sources. To that end: 

o The United States Government shall designate a point of entry and 

develop procedures for reviewing non-governmental missions that use 

space nuclear power systems; 

o The Secretary of Transportation shall be the licensing authority for U.S. 

commercial launch activities involving nuclear materials, including a 

payload determination, subject to the requirements described above; 

o The Nuclear Regulatory Commission will license activities prior to launch 

that involve utilization facilities and nuclear materials not owned by the 

Department of Energy; 

o The United States Government will conduct safety analysis, evaluation, 

and nuclear safety monitoring on a fee-for-service basis, to the extent 

allowed by law, where the operator will fully reimburse the United States 

Government entity for services provided; and 

o The Secretary of Energy shall establish and implement policies and 

procedures to protect sensitive information regarding the control, 

dissemination, and declassification of space-related nuclear activities. 

10. Radio Frequency Spectrum And Orbit Management And Interference 

Protection 

The use of space for national and homeland security, civil, scientific, and commercial 

purposes depends on the reliable access to and use of radio frequency spectrum and 

orbital assignments. To ensure the continued use of space for these purposes, the United 

States Government shall: 


264

Seek to obtain and protect U.S. global access to the radio frequency spectrum and 

orbital assignments required to support the use of space by the United States 

Government and commercial users; 

Explicitly address requirements for radio frequency spectrum and orbit 

assignments prior to approving acquisition of new space capabilities; 

Consistent with current approaches, assure, to the maximum practical extent, that 

U.S. national security, homeland security, civil, and commercial space 

capabilities and services and foreign space capabilities and services of interest to 

the United States Government are not affected by harmful interference; and 

Seek spectrum regulatory status under U.S. domestic regulations for United 

States Government owned and operated earth stations operating through 

commercial satellites, consistent with the regulatory status afforded commercial 

operations and with the allocation status of the satellite service. 

11. Orbital Debris 

Orbital debris poses a risk to continued reliable use of space-based services and 

operations and to the safety of persons and property in space and on Earth. The United 

States shall seek to minimize the creation of orbital debris by government and non- 

government operations in space in order to preserve the space environment for future 

generations. Toward that end: 

Departments and agencies shall continue to follow the United States Government 

Orbital Debris Mitigation Standard Practices, consistent with mission 

requirements and cost effectiveness, in the procurement and operation of 

spacecraft, launch services, and the operation of tests and experiments in space; 

The Secretaries of Commerce and Transportation, in coordination with the 

Chairman of the Federal Communications Commission, shall continue to address 

orbital debris issues through their respective licensing procedures; and 

The United States shall take a leadership role in international fora to encourage 

foreign nations and international organizations to adopt policies and practices 

aimed at debris minimization and shall cooperate in the exchange of information 

on debris research and the identification of improved debris mitigation practices. 


265

12. Effective Export Policies 

As a guideline, space-related exports that are currently available or are planned to be 

available in the global marketplace shall be considered favorably. 

Exports of sensitive or advanced technical data, systems, technologies, and components, 

shall be approved only rarely, on a case-by-case basis. These items include systems 

engineering and systems integration capabilities and techniques or enabling components 

or technologies with capabilities significantly better than those achievable by current or 

near-term foreign systems. 

13. Space-Related Security Classification 

The design, development, acquisition, operations, and products of intelligence and 

defenserelated space activities shall be classified as necessary to protect sensitive 

technologies, sources and methods, and operations, consistent with E.O. 12958, E.O. 

12951, and applicable law and regulation as amended. 

The Secretary of Defense and the Director of National Intelligence shall establish 

and implement policies and procedures to protect, disseminate, and appropriately 

classify and declassify activities and information related to their respective 

responsibilities outlined in this policy. Where appropriate, they shall coordinate 

their respective classification guidance. 

The following facts are unclassified: 

The United States Government conducts: satellite photoreconnaissance that 

includes a near real-time capability; overhead signals intelligence collection; and 

overhead measurement and signature intelligence collection; and 

United States Government photoreconnaissance is used to: 

o Collect intelligence; monitor compliance with arms control agreements; 

collect mapping, charting, and geodetic data that is used to support 

defense and other mapping-related activities; collect scientific and 

environmental data and data on natural or man-made disasters; and the 

foregoing categories of information can be provided to authorized federal 

agencies; 


266

o Provide information for indications and warning and the planning and 

conduct of military operations; and 

o Image the United States and its territories and possessions, consistent with 

applicable laws, for purposes including, but not limited to, homeland 

security. 


UNCLASSIFIED 

267

Annexe 14 : Obama et le nouveau 

programme spatial, la fin d’un cycle ? 

La National Space Policy de Barack Obama, publiée le 28 juin 2010, vient 

remplacer la politique de l‘administration Bush datant de 2006 202 . Le document présenté 

par l‘administration Obama semble se concentrer sur le changement d‘orientation donné 

à la NASA et au programme américain d‘exploration habitée en février dernier 203 , plutôt 

que sur les thèmes auxquels les NSP précédentes nous ont habitués. En outre, le 

document présenté est beaucoup plus long et détaillé que les précédents (18 pages). 

Aussi, il est logique de voir le mot leadership être associé à l‘exploration spatiale et 

surtout aux enjeux commerciaux et économiques liés à l‘essor du privé. 

Sur la « space dominance », la rupture est annoncée. Les perceptions de l‘équipe 

Obama quant à la possibilité de maintenir la suprématie américaine sur le monde n‘ont 

certainement pas changé. Pour autant, cette NSP annonce une politique plus nuancée, 

moins agressive à l‘égard des autres pays et surtout manifestement moins hostile face à 

la Chine 204 . L‘ASAT de 2007 a rappelé aux Américains que le contrôle de l‘Espace 

pouvait s‘avérer plus difficile à maintenir que prévu. Il s‘agit, néanmoins, d‘une menace 

asymétrique que les Chinois font peser sur les Etats-Unis. Ces derniers gardent toujours 

la « maîtrise des espaces communs. » 

Nous pouvons reprendre les éléments avec lesquels nous avons comparé les 

politiques de Clinton et de Bush (voir Annexe précédente). C‘est nous qui soulignons. 


Sur les principes généraux 

L‘idée reste généralement la même. Peu de changements ont été apportés depuis les 

années 1970 et l‘ère Carter. 

Clinton (1996) 

« The United States is committed to the exploration and use of outer space by all nations 

for peaceful purposes and for the benefit of all humanity. "Peaceful purposes" allow 

202 The White House, « National Space Policy of the United States of America », 28 juin 2010 [en ligne] 

http://www.whitehouse.gov/sites/default/files/national_space_policy_6-28-10.pdf 

203 NASA, FY 2011 Budget Overview, février 2010 

204 Les Etats-Unis espèrent pouvoir coopérer avec la Chine dans l‘Espace, car « [t]he two sides believed 

that the two countries have common interests in promoting the peaceful use of outer space and agree to 

take steps to enhance security in outer space ». Il en est de même du programme d‘exploration. The 

White House, « U.S.-China Joint Statement », 17 novembre 2009 [en ligne] 

http://www.whitehouse.gov/the-press-office/us-china-joint-statement 

268

defense and intelligence-related activities in pursuit of national security and other 

goals.» 

Bush (2006) 

« The United States is committed to the exploration and use of outer space by all nations 

for peaceful purposes, and for the benefit of all humanity. Consistent with this principle, 

‗peaceful purposes‘ allow U.S. defense and intelligence-related activities in pursuit of 

national interests. » 

Obama (2010) 

« All nations have the right to explore and use space for peaceful purposes, and for the 

benefit of all humanity, in accordance with international law. Consistent with this 

principle, "peaceful purposes" allows for space to be used for national and homeland 

security activities » (p. 3). 


Sur les objectifs prioritaires 

Les priorités relatives données vis-à-vis des usages scientifiques, commerciaux et 

militaires de l‘Espace varient d‘une administration à l‘autre. Durant la guerre froide, 

l‘accent était mis sur la sécurité nationale, venaient ensuite les utilisations scientifiques 

et commerciales. Clinton avait inversé ces enjeux, en ne plaçant les questions militaires 

qu‘en deuxième position derrière la science (« Enhance knowledge of the Earth, the 

solar system and the universe through human and robotic exploration »), mais devant le 

commerce (« Enhance the economic competitiveness, and scientific and technical 

capabilities of the United States »). Enfin, il en appelait à un « balanced national space 

program » incluant toutes les utilisations possibles. Bush avait, quant à lui, opéré un 

retour en arrière en plaçant à nouveau les enjeux de sécurité nationale en première 

position : « [s]trengthen the nation‘s space leadership and ensure that space capabilities 

are available in time to further U.S. national security, homeland security, and foreign 

policy objectives » et « [e]nable unhindered U.S. operations in and through space to 

defend our interests there ». Ce faisant, Bush exprimait une logique bien moins 

équilibrée que celle revendiquée par l‘administration Clinton. Les implications sont 

importantes : il n‘y a qu‘à rappeler la question sur les exportations de technologies 

269

sensibles pour l‘illustrer 205 , ou encore l‘exemple de la coopération civile 

internationale 206 . 

De ce point de vue, l‘administration Obama apporte une petite révolution. Dans 

la continuité du nouveau programme spatial américain de janvier, la priorité est donnée 

à l‘Espace commercial 207 . L‘objectif est de « promote a robust domestic commercial 

space industry » (p. 10). Dès lors, nous devrions nous attendre à ce que les règles de 

régulation et de contrôle des exportations soient amoindries dans les années à venir. Par 

conséquent, en favorisant la libéralisation de leur industrie et l‘essor du privé, les Etats - 

Unis espèrent garder leur suprématie technologique. L‘enjeu suivant est lié à l‘Espace 

civil. Là encore, nous retrouvons la nouvelle politique adoptée par la NASA et qui doit 

permettre aux Etats-Unis d‘envoyer à nouveau des hommes sur la Lune d‘ici 2025 et sur 

Mars d‘ici 2035. L‘accent mis sur la coopération internationale (l‘utilisation de l‘ISS est 

étendue jusqu‘en 2020 et au-delà) et l‘essor du secteur privé doivent aussi être 

remarqués. La surprise vient de la place donnée à la sécurité nationale dans l‘ordre des 

priorités relatives. 

Dès lors, les enjeux liés à la « space dominance » suivent aussi cette logique. 

Mais, bien que mise au rebut des priorités des Etats-Unis pour la durée de 

l‘administration Obama, nous retrouvons les contours de cette politique de la suprématie 

présente chez Clinton et Bush et déclinée selon deux dimensions, positive et négative. 

Les Etats-Unis doivent « [d]evelop capabilities, plans, and options to deter, defend 

against, and, if necessary, defeat efforts to interfere with or attack U.S. or allied space 

systems » (p. 14). En outre, les Etats-Unis doivent « [m]aintain the capabilities to 

execute the space support, force enhancement, space control, and force application 

missions » (ibid.). Cette nouvelle hiérarchisation des priorités au sein de la nouvelle 

administration peut amener à poser l‘hypothèse suivante : les années Obama vont-elles 

constituer la fin d‘un cycle commencé avec Clinton ? Obama est-il hamiltonien et 

wilsonien comme l‘était Clinton, en opposition avec une présidence Bush beaucoup plus 

jeffersonienne et surtout jacksonienne ? Nous ne répondrons pas directement à cette 

205 La préférence de l‘ère Bush semble être allée à la sécurité plutôt qu‘au commerce, illustrant en cela 

l‘impact des scandales de l‘ère clintonienne, de même que le retour du « péril jaune » avec l‘émergence 

rapide de la Chine. 

206 Une nouvelle fois, la Chine s‘est retrouvée exclue malgré le succès de son programme de vol habité. 

207 Le mot « market » est utilisé plus de neuf fois. A l‘opposé, nous ne trouvons aucune occurrence du 

mot « deny » utilisé pourtant à deux reprises en 2006 (pour deux utilisations du mot « market ») et à une 

seule en 1996 (avec une seule occurrence au mot « market). A la place, Obama préfère employer le mot 

« defeat. » 


270

question, pour autant, nous pouvons toujours nous intéresser aux autres enjeux relevés 

par les NSP. 


Sur le contrôle des armements 

L‘époque Bush s‘était distancée de la NSP de Clinton. Bush avait introduit de très 

importantes limites au contrôle spatial des armements, allant parfois jusqu‘à impliquer 

la fin des négociations. Obama semble donc revenir aux fondements wilsoniens de la 

politique étrangère américaine. 

Clinton 

« The United States will consider and, as appropriate, formulate policy positions on 

arms control and related measures governing activities in space, and will conclude 

agreements on such measures only if they are equitable, effectively verifiable, and 

enhance the security of the United States and our allies. » 

Bush 

« The United States will oppose the development of new legal regimes or other 

restrictions that seek to prohibit or limit U.S. access to or use of space. Proposed 

arms control agreements or restrictions must not impair the rights of the United States to 

conduct research, development, testing, and operations or other activities in space for 

U.S. national interests. » 

Obama 

« The United States will consider proposals and concepts for arms control measures if 

they are equitable, effectively verifiable, and enhance the national security of the United 

States and its allies » (p. 7). 

Sur la libre utilisation de l’Espace 

Même commentaire ici. L‘attitude prônée par Bush a été très mal perçue à 

l‘étranger : en spécifiant uniquement les droits des Etats-Unis, la NSP de 2006 a paru 

sous-entendre que les Etats-Unis ne reconnaissaient pas le droit des autres nations à aller 

dans l‘Espace, un principe pourtant au cœur du droit spatial depuis 1967. Obama rétablit 

donc l‘équilibre. 

271

Clinton 

« The United States rejects any claims to sovereignty by any nation over outer space or 

celestial bodies, or any portion thereof, and rejects any limitations on the fundamental 

right of sovereign nations to acquire data from space. » 

« Purposeful interference with space systems shall be viewed as infringement upon 

sovereign rights. » 

Bush 

« The United States rejects any claims to sovereignty by any nation over outer space or 

celestial bodies, or any portion thereof, and rejects any limitations on the fundamental 

right of the United States to operate in and acquire data from space. » 

« …the United States will view purposeful interference with its space systems as an 

infringement on its rights. » 

Obama 

« As established in international law, there shall be no national claims of 

sovereignty over outer space or any celestial bodies » (p. 3). 

« Purposeful interference with space systems, including supporting infrastructure, 

will be considered an infringement of a nation’s rights » (ibid.). 


272

Table des matières 

SOMMAIRE ............................................................................................................... 2 

REMERCIEMENTS ................................................................................................... 4 

RESUME – MOTS CLES ........................................................................................... 5 

ABREVIATIONS ........................................................................................................ 6 

INTRODUCTION ....................................................................................................... 9 

1 ERE PARTIE – COMMENT APPREHENDER L’ESPACE EN RI : DE LA 

COMPETITION THEORIQUE… ............................................................................ 17 

1. LA TRADITION REALISTE : L‘ESPACE COMME CHAMP DE BATAILLE ...................... 21 

1.1. La tragédie des grandes puissances et l’Espace ......................................... 22 

1.1.1. De la théorie réaliste offensive… ....................................................... 23 

1.1.2. … à la poursuite de l‘hégémonie dans l‘Espace ................................. 25 

1.2. Le Réalisme Complexe : de l’Homme, des Etats et de l’Espace .................. 26 

1.2.1. Un réalisme complexe… .................................................................... 27 

1.2.2. … pour un Espace lié à la recherche du prestige ? .............................. 29 

1.3. Le néoréalisme et l’intérêt de la (des) puissance(s) dominante(s)............... 31 

1.3.1. La théorie de la politique internationale et la préférence pour la 

bipolarité ......................................................................................................... 31 

1.3.2. La naissance du régime de l‘Espace durant la Guerre froide ............... 33 

2. LA TRADITION RATIONALISTE : L‘ESPACE COOPERATIF ....................................... 36 

2.1. Les néolibéraux et la question de la coopération ....................................... 37 

2.1.1. Coopération et discorde dans un monde soumis au « dilemme du 

prisonnier » ..................................................................................................... 37 

2.1.2. Le cas de l‘ISS : une vision optimiste pour l‘Espace ? ........................ 40 

2.2. La théorie libérale de la politique internationale ....................................... 41 

2.2.1. Un libéralisme non idéologique… ...................................................... 42 

2.2.2. … pour une vision pluraliste de l‘Espace............................................ 44 

2.3. L’Ecole anglaise et « la société internationale » ....................................... 46 

2.3.1. Entre pluralisme et solidarisme… ...................................................... 46 

PENENT Guilhem Prénom | PI | Mémoire de recherche | 2009-2010

2.3.2. … et entre res communis et res nullius ............................................... 48 

3. LA TRADITION REVOLUTIONNAIRE : L‘ESPACE TRANSFORME ............................... 51 

3.1. Evolutionnisme et constructivisme stato-centré ......................................... 52 

3.1.1. La théorie sociale de la politique internationale .................................. 53 

3.1.2. Vers l‘Etat mondial dans l‘Espace ? ................................................... 54 

3.2. Le transnationalisme et la politique mondiale ........................................... 56 

3.2.1. Vers la « world society » ? ................................................................. 57 

3.2.2. L‘Espace, néo-médiévalisme et/ou cosmopolitisme ? .......................... 59 

3.3. Les théories marxistes en orbite ? ............................................................. 61 

3.3.1. Le marxisme et son avatar gramscien ................................................. 62 

3.3.2. Le néogramscisme appliqué à l‘Espace .............................................. 64 

2 EME PARTIE – … A LA REALPOLITIK AMERICAINE DANS L’ESPACE : LA 

PREUVE PAR LA POLITIQUE SPATIALE AMERICAINE ................................. 67 

1. LES DEUX VISIONS SPATIALES AMERICAINES ....................................................... 72 

1.1. Les Grotiens en orbite ............................................................................... 74 

1.1.1. L‘Espace comme « sanctuaire » ......................................................... 74 

1.1.2. L‘Espace comme « survivabilité » ...................................................... 76 

1.2. Les Machiavéliens dans l’Espace .............................................................. 77 

1.2.1. L‘Espace comme « point-haut » ......................................................... 78 

1.2.2. Le contrôle de l‘Espace ...................................................................... 79 

1.3. « Totem et tabou » : le débat sur l’arsenalisation de l’Espace ................... 81 

1.3.1. Espace-sanctuaire : Les partisans d‘une sanctuarisation de l‘Espace ... 81 

1.3.2. Espace-bataille : Les partisans d‘une arsenalisation de l‘Espace ......... 84 

2. DE LA BIPOLARITE A L‘UNIPOLARITE : LA POLITIQUE SPATIALE AMERICAINE DEPUIS 

1957 ....................................................................................................................... 87 

2.1. Les Etats-Unis, l’Espace et la Guerre froide ............................................. 88 

2.1.1. L‘origine du programme spatial américain : l‘héritage Eisenhower ..... 88 

2.1.2. De Kennedy à la fin de la Guerre froide ............................................. 90 

2.2. Les Etats-Unis à l’heure du « moment unipolaire » ................................... 93 

2.2.1. L‘Espace et la deuxième guerre du Golfe ........................................... 93 

2.2.2. Unipolarité, « maîtrise des espaces communs » et « command of space » 

95 

2.3. Espace et politique hégémonique .............................................................. 97 


274

2.3.1. L‘Espace, dominance ou domination ? ............................................... 98 

2.3.2. Astropolitik : une idéologie américaine ............................................ 100 

3. POUR UNE REALPOLITIK SPATIAL : LES ETATS-UNIS ET L‘ESPACE APRES LA GUERRE 

FROIDE .................................................................................................................. 102 

3.1. Le réalisme néoclassique ........................................................................ 103 

3.1.1. Du réalisme classique au réalisme néo-classique .............................. 104 

3.1.2. Une lecture réaliste néoclassique de la politique étrangère américaine 

105 

3.2. L’administration Clinton ......................................................................... 107 

3.2.1. La présidence Clinton : un wilsonien dans l‘Espace ? ....................... 107 

3.2.2. « Selective Primacy » et « space dominance » défensive ? ................ 109 

3.3. L’administration Bush ............................................................................ 112 

3.3.1. La présidence Bush : un néoconservateur en orbite ? ........................ 112 

3.3.2. « Primacy » et « space dominance » offensive ? ............................... 114 

CONCLUSION ....................................................................................................... 119 

BIBLIOGRAPHIE .................................................................................................. 120 

TABLE DES ANNEXES ......................................................................................... 143 

TABLE DES MATIERES ....................................................................................... 273 


275

Téléchargez le mémoire de monsieur Guilhem Penent - CESA

You also want an ePaper? Increase the reach of your titles

Delete template?

Save as template?