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« Ce roman «n'est pas de la Reonde Table». - Université Rennes 2

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ACTES DU 22 e CONGRÈS DE LA SOCIÉTÉ INTERNATIONALE ARTHURIENNE, RENNES, 2008<br />

PROCEEDINGS OF THE 22 nd CONGRESS OF THE INTERNATIONAL ARTHURIAN SOCIETY, 2008<br />

S’accusant lui-même d’être fols, musars, durs, rubestes, sos et pervers 5, le<br />

Perceval mis en scène par Gerbert <strong>de</strong> Montreuil n’a d’ailleurs rien <strong>de</strong> l’élu<br />

<strong>«</strong> canonique » et souffre sinon d’amnésie du moins d’étour<strong>de</strong>rie : s’il oublie<br />

<strong>de</strong> prendre avec lui les barillets contenant le baume magique <strong>de</strong> <strong>la</strong> <strong>«</strong> <strong>la</strong>i<strong>de</strong><br />

creature » (v. 5529), il omet aussi <strong>de</strong> poser une série <strong>de</strong> questions (D’où vient<br />

cet écu ? Qui me l’envoie ? Pourquoi ces chevaliers sont-ils calcinés ?) 6, dont <strong>la</strong><br />

multiplication tend à suggérer une reprise parodique <strong>de</strong> son silence initial au<br />

Château du Roi Pêcheur. Il arrive aussi que cette écriture du détournement<br />

touche au merveilleux : là où, comme l’a montré Sébastien Douchet 7, les<br />

vaissel contenant l’onguent aux trois Maries se posent comme <strong>de</strong>s avatars<br />

parodiques du Graal, <strong>la</strong> présence <strong>de</strong> Perceval ne procure aucun<br />

sou<strong>la</strong>gement à Mordrain, dont l’incessante hémorragie <strong>de</strong>vait pourtant être<br />

stoppée par <strong>la</strong> venue <strong>de</strong> l’élu du Graal (v. 10536-10556).<br />

<strong>Ce</strong> relevé <strong>de</strong>s effets <strong>de</strong> distanciation comique invite au réexamen <strong>de</strong><br />

ce <strong>roman</strong> à propos duquel on a conclu trop vite à un moralisme austère 8. Il<br />

s’agira donc <strong>de</strong> réhabiliter <strong>la</strong> part ludique <strong>de</strong> <strong>la</strong> Continuation du Conte du Graal<br />

<strong>de</strong> Gerbert <strong>de</strong> Montreuil en exploitant <strong>la</strong> valeur heuristique <strong>de</strong> <strong>la</strong> figure du<br />

contrait (à <strong>la</strong> fois le paralytique et le difforme ou le contrefait), dont<br />

l’étymologie livre à elle seule l’art poétique <strong>de</strong> l’anti<strong>roman</strong>cier. L’analyse<br />

d’un <strong>la</strong>psus révé<strong>la</strong>teur du sénéchal Keu <strong>de</strong>vrait ensuite permettre <strong>de</strong> voir<br />

comment, à travers une série <strong>de</strong> renvois intertextuels au Bel Inconnu, l’auteur<br />

parvient à revendiquer son affiliation au courant parodique qui traverse <strong>la</strong><br />

5 <strong>«</strong> Lors s’apense et dist : “Par saint Pierre / Or sui je fols […]” » ; <strong>«</strong> Dont dist : “<strong>Ce</strong>rtes je sui<br />

musars” […] / Mais je sui si durs et rubestes » ; <strong>«</strong> Et j’estoie sos et pervers » (Gerbert <strong>de</strong> Montreuil,<br />

Continuation <strong>de</strong> Perceval, éd. Mary Williams [t. I et II] et Marguerite Oswald [t. III], Paris, Honoré<br />

Champion, coll. <strong>«</strong> C<strong>la</strong>ssiques français du Moyen Âge », 1922, 1925 et 1975, v. 8867, 8890, 8894 et<br />

11028).<br />

6 <strong>«</strong> Or sui je fols, que n’ai enquis / Ou li escus que j’ai conquis / fu pris, et qui le m’envoia », v. 8867-<br />

8869 ; <strong>«</strong> <strong>Ce</strong>rtes je sui musars, / Quant je nel di al Roi Hermite : / Bien m’en eüst <strong>la</strong> verté dite », v. 8890-<br />

8892 ; <strong>«</strong> Onques, fait il, ne me sovint / Du <strong>de</strong>man<strong>de</strong>r ne <strong>de</strong>l enquerre », v. 9038-903.<br />

7 Sébastien Douchet, <strong>«</strong> “Romancier” et “recomencier”. Motifs merveilleux et poétique <strong>de</strong> <strong>la</strong> continuation »,<br />

dans Francis Gingras (dir.), Motifs merveilleux et poétique <strong>de</strong>s genres au Moyen Âge et<br />

L’Écriture <strong>de</strong> l’espace au Moyen Âge. Étu<strong>de</strong> <strong>de</strong>s Continuations du Conte du Graal (1190-1240), Paris, Honoré<br />

Champion, à paraître en 2009.<br />

8 Keith Busby en qualifie le ton <strong>de</strong> <strong>«</strong> strongly moralizing », <strong>«</strong> solemn and sermonizing » (<strong>«</strong> Perceval and<br />

the Grail », dans Glyn S. Burgess et Karent Pratt [dir.], The Arthur of the French. The Arturian Legend in<br />

Medieval French and Occitan Literature, Cardiff, University of Wales Press, 2006, p. 229 et 240), alors que<br />

C<strong>la</strong>u<strong>de</strong> Lachet qualifie Gerbert d’écrivain <strong>«</strong> assurément plus moraliste que mystique » (<strong>«</strong> Les Continuations<br />

<strong>de</strong> Perceval », dans Annie Rivara et Guy Lavorel [dir.], L’Œuvre inachevée, Lyon, CEDIC, <strong>Université</strong> Jean-<br />

Moulin, 1999, p. 26).<br />

18 JUILLET, SESSION 2-L3 VARIA<br />

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