Les Imams font peau neuve SOCIÉTÉ - Maroc Hebdo International
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cahier34-58 13/05/09 21:11 Page 52<br />
© Ph.DR<br />
<strong>SOCIÉTÉ</strong><br />
Le ministre des Affaires islamiques,<br />
a annoncé le déblocage pour 200<br />
d’un budget pour la “mise à niveau”<br />
de 42.000 imams.<br />
•PROGRAMME DE MISE À NIVEAU DES PRÊCHEURS<br />
<strong>Les</strong> <strong>Imams</strong> <strong>font</strong> <strong>peau</strong> <strong>neuve</strong><br />
La belle saison sonnera-t-elle une nouvelle<br />
ère pour les imams marocains?<br />
Après un automne mitigé et un hiver<br />
polémique, entre l’envoi d’imams à l’étranger<br />
durant le mois de Ramadan (167 hommes et<br />
9 femmes) et le rappel de cinquante autres<br />
des Pays-Bas en octobre 2008, le personnel<br />
religieux fait de nouveau l’actualité. Et cette<br />
fois-ci, de manière plutôt sonnante et trébuchante.<br />
Le 29 avril 2009 en effet, lors d’une<br />
réunion du Conseil supérieur national des<br />
Ouléma, Ahmed Toufiq, le ministre des<br />
Habous et des Affaires islamiques, a<br />
annoncé le déblocage pour 2009 d’une<br />
enveloppe budgétaire de 145 millions de dirhams<br />
pour la “mise à niveau” de 42.000<br />
imams. En sus d’une somme de 250 millions<br />
de dirhams destinée à la révision à la<br />
hausse des salaires de ces hommes de religion.<br />
Cette opération de relifting, si l’on peut<br />
dire, destinée à promouvoir un “islam tolérant”<br />
par l’ancrage notamment de la société<br />
52 ❘ MAROC HEBDO INTERNATIONAL ❘ N° 839 Du 15 au 21 mai 2009<br />
marocaine dans son rite sunnite malékite,<br />
sera cha<strong>peau</strong>tée par 1.530 théologiens. C’est<br />
dire si ces derniers ont du pain sur la planche,<br />
avec les 50.000 mosquées, dont 35.000<br />
en milieu rural, que compte le <strong>Maroc</strong> pour<br />
30 millions d’habitants.<br />
Vigilance<br />
Mais le programme de mise à niveau des<br />
imams n’est ainsi qu’une partie d’un vaste<br />
chantier de restructuration du champ religieux<br />
entamé voilà maintenant six ans. <strong>Les</strong><br />
sanglants attentats kamikazes du 16 mai<br />
2003 à Casablanca, perpétrés par les bombes<br />
humaines de la salafya jihadya, ont en effet<br />
marqué un tournant dans le rapport des<br />
pouvoirs publics avec la question religieuse.<br />
Sur fond de lutte anti-terroriste, que certaines<br />
ONG de défense des droits de l’Homme<br />
n’ont pas hésité à qualifier de chasse aux sorcières,<br />
les autorités ont accru au plus haut<br />
degré possible leur vigilance: rafles massi-<br />
ves d’islamistes, procès à la chaîne d’intégristes<br />
présumés ou encore démantèlement<br />
de réseaux terroristes, dont le plus récent,<br />
celui du Belgo-<strong>Maroc</strong>ain Abdelkader Belliraj,<br />
n’a pas encore connu son dénouement<br />
judiciaire. Pas mieux lotis, évangélistes chrétiens<br />
et prosélytes chiites et autres adeptes<br />
soupçonnés de Mehdi Al Mountadar, <strong>font</strong><br />
quant eux régulièrement l’objet d’expulsions<br />
pour les premiers et de campagnes policières<br />
pour les seconds. Mais si six ans après le<br />
16 mai 2003 et plus de deux ans après le<br />
printemps 2007, théâtre d’autres attentats<br />
qui n’ont heureusement pas fait de victime<br />
en dehors d’un policier et des kamikazes<br />
eux-mêmes, le climat semble plus apaisé,<br />
ce n’est qu’une apparence. Car pour les<br />
observateurs, le message des autorités marocaines<br />
est de plus en plus limpide: point d’indulgence<br />
envers tous ceux qui, tenteraient<br />
par leurs paroles ou leurs actions, “d’ébranler<br />
la foi des <strong>Maroc</strong>ains”, sunnites malékites
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par essence dans leur majorité écrasante. Et<br />
par là même, de porter atteinte à la cohésion<br />
sociale, l’ordre public et la stabilité politique<br />
du pays. Aujourd’hui en effet, le<br />
gouvernement, qui se fait le relais des plus<br />
hautes sphères du pouvoir, admet la menace<br />
que fait peser sur le <strong>Maroc</strong> un discours et<br />
une pratique confessionnels peu ou pas<br />
contrôlés.<br />
Influence<br />
Il reconnaît dans le même sens le poids indéniable<br />
de l’imamat, qui se veut le vecteur de<br />
la parole divine et prophétique, au sein d’une<br />
société marocaine de plus en plus tournée<br />
vers l’islam. Une société en quête identitaire<br />
qui, pour la frange la plus malléable, se laisse<br />
séduire par les sirènes des prêcheurs radicaux,<br />
inquisiteurs des temps modernes. La<br />
lutte contre ces prédicateurs extrémistes,<br />
ouverte avec l’épisode du “Cheikh” de Tanger,<br />
le prêcheur Mohamed Fizazi, ou encore<br />
Hassan Kettani, auteur des sermons enflammés<br />
de la mosquée La Mecque de Salé,<br />
condamnés respectivement à 30 ans et 20<br />
ans de prison pour leur influence idéologique<br />
sur les kamikazes du 16 mai, se poursuit.<br />
Même en dehors de son territoire, où,<br />
n’en déplaise aux détracteurs du «bras long<br />
de leur ancienne patrie», le royaume, et après<br />
avoir découvert que les tentacules de l’hydre<br />
fanatique s’étendaient au-delà de ses frontières,<br />
s’octroie depuis un droit de regard sur<br />
l’encadrement religieux de ses sujets résidant<br />
à l’étranger. Via la désignation et l’envoi<br />
de théologiens depuis le <strong>Maroc</strong> par le ministère<br />
des Habous (comme au ramadan 2008,<br />
avec l’affectation de 100 imams en France, 31<br />
en Belgique, 10 en Italie et en Allemagne, 7<br />
en Espagne et en Hollande) pour «répondre<br />
aux besoins des MRE dans leur vie religieuse»,<br />
«les mettre à l’abri de tout fanatisme» et les<br />
«rattacher à leur racines marocaines et leurs<br />
rites malékites». Via également le rappel «pour<br />
consultation» de prêcheurs officiant en<br />
Europe (comme les 50 de Hollande, convoqués<br />
en octobre 2008), l’acceptation de l’extradition<br />
de prédicateurs dérangeants, mais<br />
aussi l’infiltration d’agents des services secrets<br />
(DGED) dans les mosquées et parmi la communauté<br />
de fidèles MRE. Au <strong>Maroc</strong>, il est de<br />
plus en plus rare de voir fleurir dans les soussol<br />
des immeubles des banlieues populaires<br />
des lieux de prière clandestins, comme<br />
cela relève du parcours du combattant pour<br />
un particulier d’obtenir l’autorisation de<br />
construire une mosquée.<br />
Prêche<br />
L’accès à cette dernière, en apparence libre,<br />
est plus surveillé que par le passé. Dans les<br />
lieux de culte les plus fréquentés, des agents<br />
de la DST et autres policiers en civil, veillent<br />
au grain, enregistrant les conversations des<br />
fidèles. Et les prêches, en particulier ceux du<br />
jour sacré du vendredi, prononcés par les<br />
imams.<br />
Des plus célèbres, à l’instar d’un Omar Kzabri,<br />
qui de sa voix mélodieuse, attire<br />
200.000 fidèles à l’esplanade de la mosquée<br />
Hassan II à chaque mois sacré de Ramadan,<br />
aux moins connus, comme un certain<br />
Abdelkébir El Hadidi et jusqu’au petit fqih de<br />
quartier. Quoiqu’il en soit, n’importe quel<br />
déclamateur est tenu désormais d’avoir l’aval<br />
des autorités pour exercer sa fonction. Une<br />
fonction qui n’est plus accessible au premier<br />
venu et que le département d’Ahmed Toufiq<br />
entend professionnaliser, moderniser et redéfinir<br />
afin d’en faire un métier à part entière.<br />
En commençant d’abord, et conformément<br />
aux orientations du roi Mohammed VI, par<br />
l’amélioration des conditions matérielles et<br />
sociales du personnel religieux du pays. Un<br />
imam au <strong>Maroc</strong> perçoit un salaire mensuel<br />
allant de 1 100 à 2.000 dirhams, et bénéficie<br />
d’avantages telle la gratuité du logement et<br />
des soins médicaux.<br />
Cette rémunération sera, d’après le ministère<br />
des Affaires islamiques, prochainement<br />
revue à la hausse. Même si d’aucuns doutent<br />
que cette petite augmentation suffise à faire<br />
repousser les offrandes, en nature comme<br />
en espèce, que les dirigeants de mosquée<br />
reçoivent de “pieux et généreux donateurs”.<br />
Parallèlement mais dans la même optique,<br />
ces mêmes autorités veulent promouvoir à<br />
la direction des lieux de culte des théologiens<br />
“new age”, propres sur eux, jeunes, instruits<br />
et éduqués aux valeurs de “citoyenneté” et de<br />
“tolérance”, reflets d’un Islam adapté à l’air<br />
du temps. C’est ainsi que 50 “mourchidate”,<br />
version féminine de l’imam, ont reçu leur<br />
diplôme en avril 2006, du ministère des<br />
Habous et des Affaires islamiques, après 12<br />
mois de formation intensive. Agées de<br />
moins de 45 ans, “de bonne moralité”, toutes<br />
marocaines et titulaires d’une licence ou<br />
de tout autre diplôme équivalent avec mention,<br />
sélectionnées suite à un sévère examen<br />
oral, ces jeunes femmes de religion ont<br />
bénéficié de la même formation intensive<br />
de 12 mois que 150 de leurs collègues masculins.<br />
Message<br />
Un cursus qui va des “Sciences islamiques”,<br />
au “Fondement de l’unité nationale” en passant<br />
par “l’Environnement national et international”.<br />
Pas autorisées à diriger la prière<br />
dans les mosquées, ces “guides” en jupons,<br />
<strong>Les</strong> nouveaux imams sont interdits<br />
de toute instrumentalisation de la<br />
religion à des desseins politiques.<br />
dotées d’un statut équivalent à l’échelle 10, ne<br />
manquent pas de missions pour autant.<br />
Affectées dans les mosquées mais aussi<br />
dans les prisons, les usines et même sur<br />
Internet, entre l’enseignement du Coran, les<br />
cours d’alphabétisation et les conseils sur la<br />
pratique au quotidien de l’Islam, ces morchidate<br />
sont appelées à remplir un rôle «d’encadrement,<br />
d’orientation, d’information et de<br />
sensibilisation religieuse». Essentiellement<br />
auprès des femmes et des jeunes, des cibles<br />
considérées comme vulnérables à l’islamisme<br />
radical. Quoiqu’il en soit, femmes<br />
ou hommes, les nouveaux imams, bien que<br />
réhabilités et même revalorisés dans leur<br />
fonction de guides communautaires, sont<br />
interdits de toute instrumentalisation de la<br />
religion à des desseins politiques ou des fins<br />
politiciennes. Le message est sans équivoque:<br />
la mosquée n’est pas une arène idéologique.<br />
Mais libre à chacun d’abandonner<br />
son minbar pour aller prêcher les causes<br />
qui lui semblent justes depuis un siège à<br />
l’hémicycle, décroché en bonne et due forme<br />
démocratique. Mouna Izddine<br />
N° 839 Du 15 au 21 mai 2009 ❘ MAROC HEBDO INTERNATIONAL ❘ 53