Un cheminement de guérison : Le rétablissement du mieux-être

Un cheminement de guérison : Le rétablissement du mieux-être Un cheminement de guérison : Le rétablissement du mieux-être

28.08.2013 Views

chapitre deux Histoire de Flora Merrick. 14 [traduction] Je m’appelle Flora Merrick, je suis la fille de feu Flora McKinney et Archie Myron. Je suis aussi la veuve de l’ancien chef de la Première Nation de Long Plain au Manitoba, Angus Merrick que le gouverneur général a fait membre de l’Ordre du Canada pour avoir passé sa vie à travailler pour les peuples autochtones du Canada. Je suis née le 11 novembre 1916, maintenant le jour du Souvenir, et j’ai passé ma vie entière dans la réserve de la Première Nation Long Plain, à environ 120 kilomètres à l’ouest de Winnipeg, au Manitoba. J’ai été pensionnaire au pensionnat de Portage la Prairie de 1921 à 1932 et, à 88 ans, j’ai encore un souvenir très vivace de la douleur et de la souffrance que j’ai ressenties pendant que j’y étais. Le fait d’avoir été arrachée à l’âge de cinq ans à mes parents et à ma famille qui m’aimaient beaucoup et d’avoir ensuite subi pendant des années des violences physiques, émotives, psychologiques et verbales constantes me hante toujours. On me punissait quand je parlais ma langue maternelle et je vivais dans la crainte constante de ce que les professeurs et les directeurs me feraient. C’était comme être en prison. Pendant mes années au pensionnat de Portage la Prairie, j’ai été témoin des injustices, des raclées et des violences de toutes sortes infligées aux autres enfants, dont certains étaient mes frères et sœurs. Nous étions traités plus mal que des animaux et nous vivions dans une peur continuelle. Je ressentirai toujours le choc de ce que j’ai vécu et de ce que j’ai vu les autres enfants subir. Un de ces souvenirs m’est particulièrement pénible. Cela s’est passé en 1932. J’avais alors 15 ans. Mon père était venu au pensionnat pour nous dire, à ma petite sœur et à moi, que notre mère venait de mourir et pour nous emmener à ses funérailles, mais le directeur ne nous a pas permis d’y aller. Ma sœur et moi avons tellement pleuré qu’on nous a enfermées dans une pièce noire pendant environ deux semaines. Quand on m’a laissée sortir et rejoindre les autres enfants, j’ai essayé de m’enfuir pour retrouver mon père et ma famille. Les professeurs m’ont rattrapée dans les buissons et m’ont battue si fort à coups de ceinture que mes bras ont été couverts de bleus pendant plusieurs semaines. À la fin de l’année scolaire, lorsque mon père a vu ce qu’ils m’avaient fait, il n’a plus voulu que je retourne au pensionnat. Avant d’être emmenée au pensionnat, j’avais vécu dans une famille unie et pleine d’amour et à mes yeux, il est barbare de battre une enfant à coups de ceinture au point qu’elle soit couverte d’ecchymoses pendant des semaines et de l’enfermer deux semaines dans une pièce noire.... Je ne sais quoi ajouter, mais j’y pense souvent. À la maison je vis seule. Je n’oublierai jamais ce qu’on nous a fait dans cette école, aussi longtemps que je vivrai. volume i : un cheminement de guérison : le rétablissement du mieux-être

0 chapitre deux Refaçonner l’identité et le sentiment de soi chez les élèves exigeait plus que la fréquentation obligatoire du pensionnat. Pour faire disparaître la vision du monde originale des enfants et interrompre la transmission de l’héritage culturel, le gouvernement et les Églises ont prioritairement décidé d’éradiquer les langues autochtones des pensionnats et de les extirper des enfants : [traduction] Il relevait des directeurs des pensionnats de faire exécuter cette directive, de faire apprendre les langues de la « civilisation »... et d’empêcher que la langue des « sauvages » soit utilisée au pensionnat. Certains ont instauré des mécanismes inventifs de renforcement positif au moyen de récompenses, de prix ou de privilèges pour favoriser l’usage exclusif de l’anglais (ou du français). Cependant, plus souvent qu’autrement, les punitions ont été la méthode habituelle. Pendant tout ce temps qu’ont duré les pensionnats, les enfants ont été battus pour avoir parlé leur langue. 15 Le troisième volet de la stratégie liée aux pensionnats, consistant à trouver de l’emploi aux finissants dans un lieu de travail éloigné de leur communauté, n’a pas obtenu de succès, en grande partie parce que le niveau et la qualité de la formation dispensée aux élèves étaient insuffisants pour leur permettre une fois les études terminées d’être aptes à l’emploi. La plupart du temps, les anciens élèves retournaient dans leur communauté n’ayant pas acquis les compétences nécessaires ou étant incapables d’occuper un emploi productif à cet endroit ou ailleurs. John Tootoosis, un ancien élève qui a réussi à devenir un éminent dirigeant Cri, a porté le jugement suivant sur les incidences de l’expérience des pensionnats qui a été rapporté dans sa biographie : [traduction] quand un Indien sort de ces endroits, c’est comme s’il était placé entre deux murs et laissé suspendu au beau milieu d’une pièce. D’un côté, il y a tout ce qu’il a appris de son peuple et leur façon de vivre qui ont été complètement effacés; de l’autre côté, il y a les coutumes des Blancs qu’il n’a jamais vraiment comprises étant donné qu’il n’a jamais eu le niveau d’études suffisant pour le faire et donc qu’il ne pouvait pas faire partie de leur monde. Le voilà, suspendu au milieu de deux cultures, il n’est pas un Blanc et il n’est pas un Indien. 16 Les conséquences à long terme de la fréquentation des pensionnats continuent de se manifester dans les collectivités, les familles autochtones et dans la vie personnelle des gens. La société canadienne est plus disposée que jamais auparavant à reconnaître qu’il y a eu rupture des liens entre des générations d’enfants et de parents pour satisfaire des exigences de l’État, qu’il y a eu interruption de la transmission de l’héritage culturel en raison de l’interdiction de parler la langue autochtone. Ces offensives ont eu pour résultat de laisser des milliers d’anciens élèves mal outillés, suspendus entre deux mondes, incapables de fonctionner ni dans l’un ni dans l’autre, ce qui constitue, comme nous en sommes venus à le comprendre, une violation des droits de la personne. 2.3 rompre le silence Les Canadiens prennent peu à peu conscience et commencent à reconnaître que les pensionnats ont causé aux enfants autochtones des préjudices graves et persistants. Les Autochtones eux-mêmes, dans volume i : un cheminement de guérison : le rétablissement du mieux-être

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Refaçonner l’i<strong>de</strong>ntité et le sentiment <strong>de</strong> soi chez les élèves exigeait plus que la fréquentation obligatoire<br />

<strong>du</strong> pensionnat. Pour faire disparaître la vision <strong>du</strong> mon<strong>de</strong> originale <strong>de</strong>s enfants et interrompre la<br />

transmission <strong>de</strong> l’héritage culturel, le gouvernement et les Églises ont prioritairement décidé d’éradiquer<br />

les langues autochtones <strong>de</strong>s pensionnats et <strong>de</strong> les extirper <strong>de</strong>s enfants :<br />

[tra<strong>du</strong>ction] Il relevait <strong>de</strong>s directeurs <strong>de</strong>s pensionnats <strong>de</strong> faire exécuter cette directive, <strong>de</strong> faire<br />

apprendre les langues <strong>de</strong> la « civilisation »... et d’empêcher que la langue <strong>de</strong>s « sauvages » soit<br />

utilisée au pensionnat. Certains ont instauré <strong>de</strong>s mécanismes inventifs <strong>de</strong> renforcement positif<br />

au moyen <strong>de</strong> récompenses, <strong>de</strong> prix ou <strong>de</strong> privilèges pour favoriser l’usage exclusif <strong>de</strong> l’anglais (ou<br />

<strong>du</strong> français). Cependant, plus souvent qu’autrement, les punitions ont été la métho<strong>de</strong> habituelle.<br />

Pendant tout ce temps qu’ont <strong>du</strong>ré les pensionnats, les enfants ont été battus pour avoir parlé<br />

leur langue. 15<br />

<strong>Le</strong> troisième volet <strong>de</strong> la stratégie liée aux pensionnats, consistant à trouver <strong>de</strong> l’emploi aux finissants<br />

dans un lieu <strong>de</strong> travail éloigné <strong>de</strong> leur communauté, n’a pas obtenu <strong>de</strong> succès, en gran<strong>de</strong> partie parce<br />

que le niveau et la qualité <strong>de</strong> la formation dispensée aux élèves étaient insuffisants pour leur permettre<br />

une fois les étu<strong>de</strong>s terminées d’<strong>être</strong> aptes à l’emploi. La plupart <strong>du</strong> temps, les anciens élèves retournaient<br />

dans leur communauté n’ayant pas acquis les compétences nécessaires ou étant incapables d’occuper<br />

un emploi pro<strong>du</strong>ctif à cet endroit ou ailleurs.<br />

John Tootoosis, un ancien élève qui a réussi à <strong>de</strong>venir un éminent dirigeant Cri, a porté le jugement<br />

suivant sur les inci<strong>de</strong>nces <strong>de</strong> l’expérience <strong>de</strong>s pensionnats qui a été rapporté dans sa biographie :<br />

[tra<strong>du</strong>ction] quand un Indien sort <strong>de</strong> ces endroits, c’est comme s’il était placé entre <strong>de</strong>ux<br />

murs et laissé suspen<strong>du</strong> au beau milieu d’une pièce. D’un côté, il y a tout ce qu’il a appris <strong>de</strong><br />

son peuple et leur façon <strong>de</strong> vivre qui ont été complètement effacés; <strong>de</strong> l’autre côté, il y a les<br />

coutumes <strong>de</strong>s Blancs qu’il n’a jamais vraiment comprises étant donné qu’il n’a jamais eu le<br />

niveau d’étu<strong>de</strong>s suffisant pour le faire et donc qu’il ne pouvait pas faire partie <strong>de</strong> leur mon<strong>de</strong>. <strong>Le</strong><br />

voilà, suspen<strong>du</strong> au milieu <strong>de</strong> <strong>de</strong>ux cultures, il n’est pas un Blanc et il n’est pas un Indien. 16<br />

<strong>Le</strong>s conséquences à long terme <strong>de</strong> la fréquentation <strong>de</strong>s pensionnats continuent <strong>de</strong> se manifester dans<br />

les collectivités, les familles autochtones et dans la vie personnelle <strong>de</strong>s gens. La société canadienne est<br />

plus disposée que jamais auparavant à reconnaître qu’il y a eu rupture <strong>de</strong>s liens entre <strong>de</strong>s générations<br />

d’enfants et <strong>de</strong> parents pour satisfaire <strong>de</strong>s exigences <strong>de</strong> l’État, qu’il y a eu interruption <strong>de</strong> la transmission<br />

<strong>de</strong> l’héritage culturel en raison <strong>de</strong> l’interdiction <strong>de</strong> parler la langue autochtone. Ces offensives ont<br />

eu pour résultat <strong>de</strong> laisser <strong>de</strong>s milliers d’anciens élèves mal outillés, suspen<strong>du</strong>s entre <strong>de</strong>ux mon<strong>de</strong>s,<br />

incapables <strong>de</strong> fonctionner ni dans l’un ni dans l’autre, ce qui constitue, comme nous en sommes venus<br />

à le comprendre, une violation <strong>de</strong>s droits <strong>de</strong> la personne.<br />

2.3 rompre le silence<br />

<strong>Le</strong>s Canadiens prennent peu à peu conscience et commencent à reconnaître que les pensionnats ont<br />

causé aux enfants autochtones <strong>de</strong>s préjudices graves et persistants. <strong>Le</strong>s Autochtones eux-mêmes, dans<br />

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