Réconciliation - Fondation autochtone de guérison

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28.08.2013 Views

douloureux, exigeant un haut degré d’engagement, d’investissement dans notre relation, ce qui est rarement le cas en amitié. En 2003, Victoria et moi avons été invitées à une conférence en Suisse où nous nous sommes adressées à un auditoire de 700 personnes de diverses cultures à travers le monde. Nous avons parlé de notre relation de colonisée-colonisatrice au Canada. Dans le cadre de mon exposé, j’ai évoqué le fait que le processus de colonisation est brutal, que les deux parties du fossé social creusé par le colonialisme devraient s’engager dans un processus de guérison. Toutefois, avant d’amorcer une démarche de guérison, la réalité des faits doit être reconnue. [traduction] En faisant référence à ma relation avec les colonisateurs de mon territoire, à maintes reprises, j’ai eu recours à la métaphore d’une relation de violence; à savoir que je me perçois comme la victime et l’État colonisateur, incluant les immigrants, comme l’agresseur. Dans cette optique de la maltraitance, le bourreau est maître de la situation et, sous sa coupe, il y a la crainte constante de la violence, ce qui suscite une situation où les deux parties « marchent sur des oeufs », ayant toujours peur qu’à un moment donné la violence éclate. Dans cette relation dysfonctionnelle entre les Autochtones et les pionniers-immigrants de l’Amérique du Nord, il y a toujours cette peur non définie de dire un mot de travers (marcher sur des oeufs) qui couve entre nous, un silence ‘lourd de sens’ ou un silence très éloquent.8 Je vois les trois conflits armés au Canada pendant les années 1990 comme la décision des Autochtones de « rompre le silence » et de dénoncer ce comportement offensant des gouvernements des pionniers-immigrants colonisateurs au Canada. Si une victime se décide de rompre le silence dans une relation de violence, c’est qu’elle lance clairement un appel pour que la situation change parce que le statut quo ou maintien de ce qui existait auparavant comme relation n’est plus acceptable. Si les deux parties acceptent la responsabilité de leurs actes et/ou de leur inaction, alors la guérison peut commencer. Dans notre relation d’autrefois avec les pionniers, nous considérions normal que les peuples conquérants soient européens de race blanche; par contre, en cette époque de mondialisation, l’immigrant a changé de visage et maintenant il englobe un très grand nombre de gens d’horizons divers, de cultures très diversifiées qui immigrent de leur mère-patrie à la recherche d’un nouveau pays. De nos jours, le nouveau visage de l’immigré(e) fait partie de tous les pays du continent africain, de la Chine, Taiwan, Hong Kong, le Japon, les Indes, le Pakistan, l’Europe de l’Est, les pays du Moyen- Orient, les pays de l’Asie du Sud-Est, comme la Malaysie, l’Indonésie et la Thaïlande, de même que les habitants du Royaume-Uni, de l’Australie et de la Nouvelle-Zélande, qui continuent d’immigrer sur ce territoire. En 2002, alors que l’écrivaine Lee Maracle était professeure-résidente à l’University of Western Washington à Bellingham, elle a organisé une conférence pour traiter des relations Autochtones-Chinois qui a été pour moi un événement déclencheur de toute une série d’engagements. En 2004, j’ai entrepris un travail de documentation pour un film sur les relations Autochtones-Chinois dans mon territoire, ce qui a 74 | Dorothy Christian

débuté par l’exploration de la relation avec l’une des communautés d’immigrants de couleur les plus anciennes au Canada. J’ai retrouvé des récits en investiguant notre histoire orale commune qui m’ont permis de découvrir que les Autochtones ont des liens familiaux avec les Chinois qui ont commencé dès la fin des années 1800 à s’entrecroiser. 9 J’ai aussi découvert que des partenariats économiques entre eux ont été constitués au milieu des années 1950 à l’intérieur de la C.-B. au moment où des fermiers chinois ont conclu un bail pour la jouissance des terres dans des réserves et ont embauché des Autochtones. En août 2004, j’ai été invitée à prendre la parole à un atelier-conférence Walk with Women Warriors à Chinatown 10 où j’ai souligné à la fois que nous avions subi des oppressions chacun de notre côté et j’ai présenté certaines de nos histoires communes que j’avais découvertes. 11 À la fin de mon exposé, j’ai demandé qui de la communauté chinoise se tiendrait près de moi la prochaine fois qu’un char de l’armée se dirigerait vers moi? Depuis, mes entretiens avec les immigrants au Canada se sont élargis et ils ont évolué. En septembre 2007, j’ai été invité à participer à un panel, Women, Resistance, and Cultural/Community Activism—Catalyzing Agents: The Ethics of Doing ‘Asian Canadian’, 12 où j’ai eu la possibilité d’étendre le débat au-dedes communautés chinoises canadiennes pour englober les participants japonais canadiens et indiens canadiens. Je leur ai expliqué que je ne me sentais pas très à l’aise de traiter du sujet étant la seule Autochtone dans la salle; cela dit, il ne peut s’opérer de changement, ni y avoir d’évolution, qu’en s’attaquant à des questions épineuses. À la fin de ma présentation, je leur ai demandé quand ils commenceraient à donner en retour à la terre d’accueil qu’ils avaient choisie pour nouvelle patrie et, aussi, qu’est-ce qu’ils donneraient en retour. En février 2009, j’ai été invitée à prononcer le discours-programme à la conférence de University of Victoria sur la diversité, Critical Conversation Continue, où tout l’éventail des communautés d’immigrants était représenté dans l’assemblée réunissant des chercheurs, des étudiants, des professeurs et autres membres oeuvrant pour la communauté. Mon exposé a duré une heure, ce qui m’a permis de faire le lien entre bon nombre de questions centrales; sauf que l’optique principal s’articulant autour du débat était la représentation médiatique erronée des Autochtones dans la programmation canadienne. J’ai commencé par des images de temps de guerre, d’images de temps de paix et ensuite le développement d’alliances. En faisant l’analyse de la façon dont la culture du cinéma canadien exploitait les événements présentés visuellement sur les Autochtones, j’ai fait part de mes commentaires critiques de la programmation télévisuelle au Canada. Dans mon exposé, j’ai émis l’avis suivant : [traduction] Combien parmi vous regarde la télévision au Canada? Y en a-t-il parmi vous qui ont vu The Border? C’est une série tout à fait passionnante et très dynamique produite par Peter Raymont à CBC. Elle a été très bien accueillie. Je m’assure de ne pas manquer de la suivre, non seulement parce que j’aime les histoires, mais de temps à autre, elle intègre des Autochtones dans le scénario. Les auteurs de cette série ne nous ont pas supprimés. Ils traitent des questions raciales contemporaines au Canada dans le cadre fictif d’un bureau d’immigration. Cultiver le Canada | 75

débuté par l’exploration <strong>de</strong> la relation avec l’une <strong>de</strong>s communautés d’immigrants <strong>de</strong><br />

couleur les plus anciennes au Canada. J’ai retrouvé <strong>de</strong>s récits en investiguant notre<br />

histoire orale commune qui m’ont permis <strong>de</strong> découvrir que les Autochtones ont<br />

<strong>de</strong>s liens familiaux avec les Chinois qui ont commencé dès la fin <strong>de</strong>s années 1800 à<br />

s’entrecroiser. 9 J’ai aussi découvert que <strong>de</strong>s partenariats économiques entre eux ont<br />

été constitués au milieu <strong>de</strong>s années 1950 à l’intérieur <strong>de</strong> la C.-B. au moment où <strong>de</strong>s<br />

fermiers chinois ont conclu un bail pour la jouissance <strong>de</strong>s terres dans <strong>de</strong>s réserves<br />

et ont embauché <strong>de</strong>s Autochtones. En août 2004, j’ai été invitée à prendre la parole<br />

à un atelier-conférence Walk with Women Warriors à Chinatown 10 où j’ai souligné<br />

à la fois que nous avions subi <strong>de</strong>s oppressions chacun <strong>de</strong> notre côté et j’ai présenté<br />

certaines <strong>de</strong> nos histoires communes que j’avais découvertes. 11 À la fin <strong>de</strong> mon exposé,<br />

j’ai <strong>de</strong>mandé qui <strong>de</strong> la communauté chinoise se tiendrait près <strong>de</strong> moi la prochaine<br />

fois qu’un char <strong>de</strong> l’armée se dirigerait vers moi? Depuis, mes entretiens avec les<br />

immigrants au Canada se sont élargis et ils ont évolué.<br />

En septembre 2007, j’ai été invité à participer à un panel, Women, Resistance, and<br />

Cultural/Community Activism—Catalyzing Agents: The Ethics of Doing ‘Asian<br />

Canadian’, 12 où j’ai eu la possibilité d’étendre le débat au-<strong>de</strong>là <strong>de</strong>s communautés<br />

chinoises canadiennes pour englober les participants japonais canadiens et indiens<br />

canadiens. Je leur ai expliqué que je ne me sentais pas très à l’aise <strong>de</strong> traiter du sujet<br />

étant la seule Autochtone dans la salle; cela dit, il ne peut s’opérer <strong>de</strong> changement,<br />

ni y avoir d’évolution, qu’en s’attaquant à <strong>de</strong>s questions épineuses. À la fin <strong>de</strong> ma<br />

présentation, je leur ai <strong>de</strong>mandé quand ils commenceraient à donner en retour à<br />

la terre d’accueil qu’ils avaient choisie pour nouvelle patrie et, aussi, qu’est-ce qu’ils<br />

donneraient en retour.<br />

En février 2009, j’ai été invitée à prononcer le discours-programme à la conférence <strong>de</strong><br />

University of Victoria sur la diversité, Critical Conversation Continue, où tout l’éventail<br />

<strong>de</strong>s communautés d’immigrants était représenté dans l’assemblée réunissant<br />

<strong>de</strong>s chercheurs, <strong>de</strong>s étudiants, <strong>de</strong>s professeurs et autres membres oeuvrant pour<br />

la communauté. Mon exposé a duré une heure, ce qui m’a permis <strong>de</strong> faire le lien<br />

entre bon nombre <strong>de</strong> questions centrales; sauf que l’optique principal s’articulant<br />

autour du débat était la représentation médiatique erronée <strong>de</strong>s Autochtones dans<br />

la programmation canadienne. J’ai commencé par <strong>de</strong>s images <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> guerre,<br />

d’images <strong>de</strong> temps <strong>de</strong> paix et ensuite le développement d’alliances. En faisant l’analyse<br />

<strong>de</strong> la façon dont la culture du cinéma canadien exploitait les événements présentés<br />

visuellement sur les Autochtones, j’ai fait part <strong>de</strong> mes commentaires critiques <strong>de</strong> la<br />

programmation télévisuelle au Canada. Dans mon exposé, j’ai émis l’avis suivant :<br />

[traduction] Combien parmi vous regar<strong>de</strong> la télévision au Canada? Y en a-t-il parmi<br />

vous qui ont vu The Bor<strong>de</strong>r? C’est une série tout à fait passionnante et très dynamique<br />

produite par Peter Raymont à CBC. Elle a été très bien accueillie. Je m’assure <strong>de</strong> ne pas<br />

manquer <strong>de</strong> la suivre, non seulement parce que j’aime les histoires, mais <strong>de</strong> temps à<br />

autre, elle intègre <strong>de</strong>s Autochtones dans le scénario. Les auteurs <strong>de</strong> cette série ne nous<br />

ont pas supprimés. Ils traitent <strong>de</strong>s questions raciales contemporaines au Canada dans<br />

le cadre fictif d’un bureau d’immigration.<br />

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